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06/04/2016 | FRANCE | N°14-24561

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 avril 2016, 14-24561


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 juillet 2014), que Mme X..., engagée le 1er octobre 2006 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est en qualité d'assistante commerciale, a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 27 décembre 2010 ; qu'elle a saisi le 10 octobre 2011 la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement et paiement de différentes sommes ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciemen

t dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser des dommag...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 juillet 2014), que Mme X..., engagée le 1er octobre 2006 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est en qualité d'assistante commerciale, a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 27 décembre 2010 ; qu'elle a saisi le 10 octobre 2011 la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement et paiement de différentes sommes ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser des dommages et intérêts à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en matière prud'homale la preuve est libre et le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire ; que rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal retienne une attestation établie par un tiers en vue de sa production à l'une des parties et non de sa production en justice ; que pour écarter l'attestation de M. Y..., dont elle a pourtant constaté qu'elle établissait le chantage reproché à la salariée, la cour d'appel a retenu qu'elle ne constituait pas une attestation au sens de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi quand il lui appartenant d'apprécier librement la force de cette attestation, peu important qu'il s'agisse ou non d'une attestation destinée à être produite en justice, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 1315 du code civil, 202 du code de procédure civile et L. 1235-1 du code du travail ensemble le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale ;
2°/ que les parties s'accordaient à reconnaître que l'attestation de M. Y... avait été établie hors procédure judiciaire et avant même le licenciement de Mme Laurence X..., en vue de sa production au seul employeur de cette dernière, ce dont il résultait que cette attestation n'était pas une attestation établie pour sa production en justice au sens de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'en retenant que cette attestation ne satisfait pas aux conditions édictées par l'article 202 du code de procédure civile pour l'écarter, la cour d'appel a encore violé l'article 202 du code de procédure civile par fausse application ;
3°/ subsidiairement que les dispositions de l'article 202 ne sont pas sanctionnées par la nullité ; qu'en retenant, pour écarter l'attestation de M. Y..., qu'elle n'aurait pas été établie conformément aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, sans préciser en quoi l'irrégularité constatée aurait constitué l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'aurait invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 202 du code de procédure civile ;
4°/ en toute hypothèse que constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait pour une salariée tenue au secret professionnel et au secret bancaire de consulter à de très nombreuses reprises, certains jours quatre fois, les comptes de deux clients ne relevant pas de son périmètre et d'utiliser à des fins personnelles ces données professionnelles illicitement consultées ; qu'en écartant la cause réelle et sérieuse de licenciement aux motifs pris de l'ancienneté de la salariée et de l'absence de procédure disciplinaire antérieure à son encontre, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure la cause réelle et sérieuse du licenciement a violé les articles L. 1235-1 et suivants du code du travail et 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'appréciant souverainement la valeur probante des attestations, leur date d'établissement étant indifférente, la cour d'appel a estimé que le grief de chantage n'était pas caractérisé ;
Attendu, ensuite, qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a estimé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la CRCAM NE au paiement au profit de Madame Laurence X... de la somme de 17.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la somme de 1.400 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois.
AUX MOTIFS QUE les termes de la lettre de licenciement fixent le cadre du litige soumis à l'appréciation du juge du fond auquel il appartient de s'assurer du caractère objectif, précis et vérifiable du ou des griefs invoqués et d'en apprécier la gravité ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée à Laurence X... le 27 décembre 2010 fait grief à la salariée, avis pris du Conseil de Discipline, d'avoir consulté les comptes bancaires de deux clients de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord-Est, qui ne faisaient pas partie de son périmètre professionnel d'activité, pour utiliser ces informations professionnelles à des fins personnelles, et notamment pour exercer un chantage en vue d'obtenir de l'argent, manquant ainsi à la règle du secret professionnel édictée par le règlement intérieur et la charte de déontologie de l'entreprise ; qu'à l'appui de ce grief, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord-Est verse aux débats le courrier que lui a adressé Ibrahim Z... dénonçant la consultation par Laurence X... du compte bancaire de son fils, y joignant l'attestation d'un autre client, par ailleurs entraîneur dudit fils, boxeur professionnel ; que cette attestation de Monsieur Y... ne satisfait pas aux conditions édictées par l'article 202 du code de procédure civile et ne peut donc être retenue comme ayant valeur d'attestation ; que de plus ce document fait état de 3 SMS que lui aurait adressés la salariée dont l'un constitue un chantage de sa part ; que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord-Est produit également un relevé intitulé : détail des logs Alphée sur 3 mois ; qu'à défaut d'identification du salarié de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord-Est qui a ainsi consulté les comptes de Sofiane Z... et Monsieur Y..., la cour ne dispose d'aucun élément permettant de le rattacher à Laurence X..., sauf les aveux de la salariée, qui ne conteste pas avoir consulté ces comptes, pour y surveiller, selon elle un éventuel blanchiment d'argent ; que si cette explication de la salariée est difficilement plausible, puisqu'elle a pu certains jours consulter 4 fois le compte de Sofiane, elle confirme la réalité du grief invoqué à son encontre par l'employeur ; que de même, la salariée ne conteste pas avoir contacté Monsieur Y..., pour retrouver l'adresse de Sofiane, son ex-compagnon, mais conteste les termes rapportés par celui-ci ; qu'elle ne conteste toutefois pas avoir pu connaître les coordonnées de Monsieur Y..., en accédant à son compte ; que le grief d'utilisation d'informations professionnelles à des fins personnelles est donc établi ; qu'en revanche, le chantage dénoncé par Ibrahim Z... et Monsieur Y... n'est pas établi ; qu'il en résulte, en considération de l'ancienneté de la salariée qui n'avait jamais fait l'objet de procédures disciplinaire, que le licenciement, sanction la plus grave était disproportionnée, ce qui le prive de caractère sérieux ; que la décision déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a débouté la salariée en l'ensemble de ses demandes ; qu'au contraire, la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, formée par Laurence X... sera accueillie ; que s'agissant du licenciement d'une salariée, employée par une entreprise comptant plus de 11 salariés, depuis plus de 2 ans, l'indemnisation du préjudice ne peut être inférieure à 6 mois de salaire ; qu'en l'espèce, la salariée justifie qu'elle a dû déposer en 2011, un dossier auprès de la commission de surendettement des particuliers des Ardennes ; que compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, de son âge au jour de son licenciement, la somme de 17.000 euros indemnise l'intégralité du préjudice subi par Laurence X..., au paiement de laquelle se trouve condamnée la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord-Est ; qu'en revanche, à défaut pour la salariée de justifier d'un préjudice moral complémentaire au préjudice précédemment indemnisé, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté Laurence X... en sa demande en paiement de la somme de 5.000 euros ; qu'en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord-Est à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement servies à Laurence X... du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d'indemnités ; que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord-Est sera en outre condamnée à payer à sa salariée une indemnité de 1.400 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera déboutée en ce même chef de demande.
ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre et le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire ; que rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal retienne une attestation établie par un tiers en vue de sa production à l'une des parties et non de sa production en justice ; que pour écarter l'attestation de Monsieur Y..., dont elle a pourtant constaté qu'elle établissait le chantage reproché à la salariée, la Cour d'appel a retenu qu'elle ne constituait pas une attestation au sens de l'article 202 du Code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi quand il lui appartenant d'apprécier librement la force de cette attestation, peu important qu'il s'agisse ou non d'une attestation destinée à être produite en justice, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 1315 du Code civil, 202 du Code de procédure civile et L.1235-1 du Code du travail ensemble le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale.
ET ALORS QUE les parties s'accordaient à reconnaître que l'attestation de Monsieur Y... avait été établie hors procédure judiciaire et avant même le licenciement de Madame Laurence X..., en vue de sa production au seul employeur de cette dernière, ce dont il résultait que cette attestation n'était pas une attestation établie pour sa production en justice au sens de l'article 202 du Code de procédure civile ; qu'en retenant que cette attestation ne satisfait pas aux conditions édictées par l'article 202 du code de procédure civile pour l'écarter, la Cour d'appel a encore violé l'article 202 du Code de procédure civile par fausse application.
ALORS subsidiairement QUE les dispositions de l'article 202 ne sont pas sanctionnées par la nullité ; qu'en retenant, pour écarter l'attestation de Monsieur Y..., qu'elle n'aurait pas été établie conformément aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile, sans préciser en quoi l'irrégularité constatée aurait constitué l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'aurait invoquée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 202 du Code de procédure civile.
ET ALORS en toute hypothèse QUE constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait pour une salariée tenue au secret professionnel et au secret bancaire de consulter à de très nombreuses reprises, certains jours 4 fois, les comptes de deux clients ne relevant pas de son périmètre et d'utiliser à des fins personnelles ces données professionnelles illicitement consultées ; qu'en écartant la cause réelle et sérieuse de licenciement aux motifs pris de l'ancienneté de la salariée et de l'absence de procédure disciplinaire antérieure à son encontre, la Cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure la cause réelle et sérieuse du licenciement a violé les articles L.1235-1 et suivants du Code du travail et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-24561
Date de la décision : 06/04/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 09 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 avr. 2016, pourvoi n°14-24561


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.24561
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