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12/05/2016 | FRANCE | N°15-13929

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 mai 2016, 15-13929


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 24 mai 2012 et 30 octobre 2014), que la SCI La Gariotte, propriétaire d'un local donné à bail à usage de bar, restaurant et glacier à la société La Mandibule, lui a délivré congé avec offre de renouvellement à compter du 31 août 2005, moyennant un loyer déplafonné ; que, la locataire ayant refusé le prix proposé, la bailleresse l'a assignée en fixation du prix ;
Attendu que la société La Mandibule fait gri

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 24 mai 2012 et 30 octobre 2014), que la SCI La Gariotte, propriétaire d'un local donné à bail à usage de bar, restaurant et glacier à la société La Mandibule, lui a délivré congé avec offre de renouvellement à compter du 31 août 2005, moyennant un loyer déplafonné ; que, la locataire ayant refusé le prix proposé, la bailleresse l'a assignée en fixation du prix ;
Attendu que la société La Mandibule fait grief au second arrêt de dire y avoir lieu à déplafonnement et de fixer le loyer renouvelé au 1er septembre 2005 à une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ que l'appréciation de l'évolution des facteurs locaux de commercialité et de son caractère notable, justifiant un déplafonnement du loyer du bail commercial, doit se faire in concreto en fonction de l'intérêt que présente cette évolution pour le commerce considéré ; qu'en l'espèce, pour retenir qu'il y avait eu modification notable des facteurs locaux de commercialité, la cour d'appel s'est fondée sur la seule circonstance tirée de la construction de nouveaux logements à proximité du restaurant exploité par la société la Mandibule et a considéré que, nonobstant la disparition d'hôtels et d'entreprises touristiques dans ce même secteur géographique, ladite activité commerciale de restauration connaîtrait nécessairement un impact favorable du fait de la présence de ces résidences secondaires appartenant à de riches ressortissants étrangers plus enclins à fréquenter les restaurants ; qu'en se fondant sur de telles considérations, abstraites, voire spéculatives, pour accueillir la demande de déplafonnement du loyer formée par la société la Gariotte, sans apprécier in concreto l'évolution des facteurs locaux de commercialité et leur importance en fonction de l'intérêt réel, établi et positivement constaté qu'elle avait présenté pour le commerce de la société la Mandibule, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
2°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en homologuant les conclusions de l'expert et en entérinant ses bases de calcul sans répondre au moyen péremptoire, de la société la Mandibule selon lequel la non-production, par l'expert, des documents justificatifs de ses références locatives était contraire aux règles déontologiques s'imposant à ce professionnel et ne mettait pas les parties en mesure de discuter utilement de ses termes de comparaison, de sorte que ceux-ci ne pouvaient être retenus et homologués, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, malgré la disparition d'hôtels transformés en résidences ou en copropriété, la construction de six cent quarante-deux logements, au cours du bail expiré, à proximité du commerce considéré, avait constitué une modification notable des facteurs locaux de commercialité de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur dès lors que cette modification avait généré une nouvelle clientèle de touristes étrangers financièrement aisés, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est dirigé contre le premier arrêt ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Mandibule aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société SERH La Mandibule et la condamne à payer à la société La Gariotte la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société SERH La Mandibule.
Il est reproché à l'arrêt du 30 octobre 2014 d'avoir ordonné le déplafonnement du loyer sur renouvellement du bail commercial au 1er septembre 2005 et d'avoir fixé le loyer sur renouvellement à cette date à la valeur locative de 37.900,00 € par an, hors taxes et hors charges ;
Aux motifs propres que : « Le premier juge a retenu, au visa de l'article L 145-34 du code de commerce, qu'une modification notable des facteurs locaux de commercialité susceptible d'avoir une incidence favorable sur l'activité considérée de restaurant bar glacier de la SA SERH LA MANDIBULE justifiait le déplafonnement du loyer sur renouvellement au 1er septembre 2005.
Il a écarté à ce titre l'ouverture du parking Saint-Roch, l'installation de grandes enseignes et l'ouverture de parkings publics ainsi que l'agrandissement de la plage par des motifs précisément développés que la cour s'approprie.
Il a en revanche considéré que la construction de logements même quelque peu contrebalancée par la disparition de certains hôtels transformés en résidence ou copropriété, dans le secteur proche du local litigieux, était de nature à avoir eu une incidence favorable sur le commerce considéré de restaurant, en générant nécessairement un afflux de population susceptible de constituer une nouvelle clientèle notamment étrangère qui investit sur la Côte d'Azur et généralement plutôt aisée et encline à la fréquentation de ce type d'établissement.
Le preneur invoque l'insuffisante démonstration que la destruction massive des nuitées d'hôtel et la diminution sensible de population sur la période de référence puissent être contrebalancées par la simple hypothèse d'une solvabilité potentielle de clientèle plus aisée acquéreur de résidences secondaires et par la disparition d'un établissement dont l'activité n'a jamais été en concurrence directe avec la sienne.
L'expert judiciaire a cependant précisément répondu sur dire du preneur que la création de nouvelles résidences avec un nombre important de logements à proximité devaient être nécessairement considérée comme favorable au commerce de l'espèce dès lors que le phénomène génère un afflux de population d'autant plus susceptible de fréquenter les restaurants que la commune se positionne de plus en plus sur un tourisme étranger qui investit dans l'immobilier et qui est en général financièrement aisé.
Il a précisé que l'hôtel qui se situait au-dessus du restaurant et qui comportait une activité restaurait avait supprimé celle-ci pour transformer l'immeuble en appartement de vacances, que cette suppression, qui entraînait la disparition d'un concurrent direct de la SA SERH LA MANDIBULE, quel que soit son chiffre d'affaires, devait nécessairement être considérée comme favorable étant observé que cette disparition n'amenait aucune perte de commercialité sur cet emplacement de bord de mer et de plages.
La SA SERH LA MANDIBULE critique encore la surface pondérée retenue par l'expert qui a rappelé que les mesures avaient été effectuées en présence des avocats des parties sans qu'aucune réserve ne soit formulée pendant ou après l'accédit.
S'agissant du coefficient appliqué à la terrasse couverte, il a maintenu la minoration du coefficient à 0,80 rappelant que les coefficients situés entre 0,35 et 0,65 s'utilisent pour une terrasse simplement couverte et saisonnière alors que la terrasse couverte de la SA SERH LA MANDIBULE est utilisable toute l'année.
S'il a maintenu ses éléments de comparaison, affirmant qu'il s'agissait de baux renouvelés et donc existant déjà en 2005 et proposé par ailleurs d'autres références dégageant un prix moyen annuel de 239 € par mètre carré, l'expert judiciaire n'a pas utilement répondu au preneur lui faisant reproche de n'avoir pas pris en compte les valeurs locatives sensiblement inférieures de ses deux voisins immédiats qui sont également des restaurant, bar, glacier.
Le premier juge a en outre très justement rappelé que le rapport d'évaluation du cabinet Bompard missionné par la bailleresse proposait une valeur locative de 200 € du mètre carré, que la SCI LA GARIOTTE se prévalait dans son mémoire du 2 mai 2006 et son assignation initiale de cette valeur, que l'estimation de l'expert immobilier Vialonga missionné par le preneur s'établissait quant à elle à 175,24 euros du mètre carré.
La valeur locative de 200 € su mètre carré a dès lors été justement retenue au regard des trois estimations et analyses précitées ainsi que de la revendication initiale de la bailleresse.
La valeur locative totale de 37 900 € par an au 1er septembre 2005 sur la base d'une valeur unitaire mètre carré de 200 € pour une surface pondérée de 189,56 m² sera par conséquent confirmée » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « en vertu de l'article L 145-34 du code de commerce, la règle du plafonnement des loyers commerciaux sur renouvellement, en fonction de la variation indiciaire du coût de la construction, est écartée en cas de modification notable de certains éléments déterminant la valeur locative, et notamment les facteurs locaux de commercialité.
Pour entraîner le déplafonnement du loyer, la modification des éléments susvisés doit :
- d'une part, affecter l'un ou moins des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L 145-33 du code de commerce, et définis par les articles R 145-3 à R 145-6 et R 145-8 du code de commerce,
- d'autre part, être notable et avoir une incidence sur le commerce considéré,
- et enfin, être survenue pendant la période du bail expiré.
Le déplafonnement peut être fondé sur une modification notable d'un seul élément ou résulter de la jonction de plusieurs éléments.
En l'espèce, l'expert a conclu à une modification des facteurs locaux de commercialité du fait de la construction de plusieurs ensembles immobiliers de 498 logements et 8 commerces dans un périmètre proche du local litigieux et de l'agrandissement de la plage située sous la terrasse concédée par la Mairie à l'exploitant dudit local à usage de restaurant, et estimé la valeur locative au 1er septembre 2005 à la somme de 44 546 € par an.
La bailleresse sollicite l'homologation de ce rapport alors que la locataire, contestant la modification notable des facteurs locaux de commercialité, sollicite la fixation du loyer à la somme plafonnée résultant de la variation indiciaire, soit 18 688,84 €.
Le local commercial litigieux à usage exclusif de « bar, restaurant, glacier », exploité sous l'enseigne « la mandibule » est situé 1014 Promenade du soleil à MENTON (06) c'est-à-dire sur l'artère longeant le bord de mer.
L'expert indique que cette voie est une artère principale de la commune puisqu'elle constitue, comme son nom l'indique, une Promenade mais aussi l'accès aux plages et dans son prolongement la vieille ville, le port de plaisance et la frontière avec l'Italie.
L'expert précise que de nombreux restaurants se succèdent tout au long de la Promenade du Soleil de part et d'autre du Casino, et que presque tous ces restaurants bénéficient, de l'autre côté de la voie, d'une terrasse concédée par la ville et surplombant les plages, ce qui est le cas du restaurant « La Mandibule » qui possède une autorisation de terrasse de 144,50 m².
Comme l'a indiqué l'expert, cette situation commerciale est excellente (important passage piétonnier tout au long de l'année et plus particulièrement l'été et en période de vacances).
Après avoir dans un premier temps (pré-rapport et pages 8 et 9 du rapport), retenu comme facteurs locaux de commercialité ayant connu une modification notable la construction de nouveaux ensembles immobiliers, l'implantation de grandes enseignes nationales et la création de parkings publics, l'expert n'a plus retenu dans sa conclusion (page 17) que la création de nouveaux logements et l'agrandissement de la plage située sous la terrasse, abandonnant implicitement l'installation des grandes enseignes et la création des parkings publics.
Bien que l'expert ne se soit pas explicitement expliqué sur les raisons de cette mise à l'écart finale de la création de parkings publics et de l'installation de 6 grandes enseignes, lesdites raisons de l'abandon de ces deux événements comme causes de déplafonnement s'induisent des réponses formulées par l'expert au dire du locataire du 2 avril 2008.
Afin de lever toute ambiguïté et nonobstant l'apparente contradiction de la position de l'expert entre les diverses pages de son rapport quant aux conséquences par lui tirées des observations de la locataire, il y a lieu de considérer qu'effectivement l'installation de grandes enseignes commerciales et la création du parking public St Roch peuvent être retenues comme motif du déplafonnement du loyer sur renouvellement, pour les raisons suivantes.
sur l'ouverture du parking ST Roch
Malgré les demandes formulées aux services de l'urbanisme de Menton, l'expert n'a pu obtenir de précisions sur les dates d'achèvement des travaux des parkings publics des alentours du restaurant litigieux, et plus particulièrement du parking St Roch de 210 places.
Compte tenu de la persistance d'une incertitude sur la date d'ouverture au public du parking St Roch de 210 places dont l'expert a considéré dans un premier temps qu'il avait été achevé au cours du bail expiré (1/9/1996 – 31/8/2005), la création de ce parking ne peut être retenue comme motif de déplafonnement, dans la mesure où le permis de construire étant du 13 janvier 1992, il est probable que l'ouverture du parking soit intervenue antérieurement au 1er septembre 1996.
Dès lors, à défaut de preuve que ce parking a été effectivement mis en service, au cours du bail expiré, sa création ne peut être retenue comme cause de déplafonnement.
Les autres parkings publics (Bastion et Hôtel de Ville) ne peuvent non plus être considérés comme motifs de déplafonnement, comptetenu non seulement de leur situation assez éloignée par rapport au restaurant litigieux mais aussi de l'absence de tout renseignement sur leur date de mise en service.
sur l'installation de grandes enseignes
Sur les 6 grandes enseignes initialement retenues par l'expert comme motifs de déplafonnement, il est apparu que deux d'entre elles (fastfood Mac Donald's et magasin Yves Rocher) s'étaient installés avant septembre 1996, et donc hors période de référence, ce qui exclut d'emblée leur prise en compte.
En ce qui concerne les quatre autres enseignes implantées, elles, au cours du bail expiré, c'est à juste titre que l'expert ne les a finalement pas retenues comme cause de déplafonnement dans la mesure où :
- d'une part, le remplacement de « la maison de Lucille » par « Effervescence » en décembre 2003 ne correspond qu'au changement d'enseigne d'une même société (cf extrait K bis de la société BOULANT du 27 mars 2008),
- et d'autre part, les trois autres enseignes (Camaïeu, Armand Thierry et France Télécom) sont situées dans la zone piétonnière de la vieille ville de Menton, c'est-à-dire, comme l'a fait valoir avec pertinence la locataire, dans un secteur commercial différent de celui de la Promenade du Soleil.
En conséquence, comme l'a fait finalement l'expert dans ses conclusions, l'implantation de grandes enseignes, tout comme l'ouverture de parkings publics, ne seront pas retenus par la présente juridiction comme motifs de déplafonnement du loyer sur renouvellement au 1er septembre 2005.
sur l'agrandissement de la plage
L'expert a retenu comme modification notable des facteurs locaux de commercialité, « l'agrandissement de la plage située de l'autre côté de voie, en dessous de la terrasse concédée au restaurant litigieux par la Mairie, grâce à la création d'une digue sous-marine en 1995 dont les effets ont été ressentis à partir de 1996 ».
C'est de façon fondée que la locataire objecte que cet élargissement de la plage ne peut être retenu comme motif de déplafonnement du loyer, dans la mesure où il est survenu hors période de référence.
En effet, il résulte de la lettre de la Direction de l'urbanisme de la Ville de Menton, adressée le 31 juillet 2007 à l'expert, que « la digue sous-marine située au droit de la Promenade du Soleil a été construite entre févier 1995 et juin 1996 ».
En conséquence, comme le fait valoir à juste titre la locataire, l'agrandissement corrélatif de la plage est nécessairement intervenu à la fin de l'achèvement des travaux de la digue, c'est-à-dire à compter de juillet 1996, soit antérieurement à la conclusion le 1er septembre 1996 du bail aujourd'hui venu à expiration.
Dès lors, cet événement bien que favorable à l'activité commerciale du restaurant situé au-dessus ne peut être pris en considération comme motif de déplafonnement du loyer puisque n'étant pas survenu au cours du bail expiré mais antérieurement à celui-ci, et devant donc être considéré comme ayant déjà été pris en compte, lors de la fixation du loyer à bail du 1er septembre 1996.
sur la construction de logements
Il ressort du rapport d'expertise qu'au cours du bail expiré (1er septembre 1996 / 31 août 2005) il a été construit dans les alentours du restaurant litigieux 498 logements et 8 commerces (dans un rayon de 200 mètres) et 144 logements à 500 mètres de celui-ci, soit au total 642 logements nouveaux.
Les chiffres ainsi retenus par l'expert excluent, suite au dire formulé par la locataire, l'immeuble Victoria Palace de 250 logements dont les bâtiments ont tous été livrés antérieurement au bail expiré (soit avant le 1er septembre 1996) mais incluent, en revanche, les constructions de la Z.A.C. du PARC, située immédiatement derrière le local litigieux et constituée de 3 résidences totalisant 312 logements, livrés entre novembre 1996 et février 1997, soit au cours du bail expiré.
Bien que les constructions de la ZAC n'aient été mentionnées que dans le rapport définitif de l'expert, et non dans son pré-rapport, elles seront néanmoins retenues, sans que puisse être opposée par la locataire la violation du principe du contradictoire, dans la mesure où les parties ont eu toute latitude dans leurs mémoires après expertise pour faire valoir, devant la présente juridiction, toutes observations utiles sur cet élément de fait dont la matérialité est incontestable.
En conséquence, le chiffre total de 642 logements créés, au cours de la période de référence, doit être retenu.
Même si cet accroissement immobilier a été quelque peu contrebalancé par la disparition de certains hôtels, transformés en résidences ou copropriétés, contribuant à une réduction importante du parc hôtelier de MENTON qui a perdu 350 chambres d'hôtes en dix ans (cf : courrier du syndicat hôtelier de Menton, en date du 22 novembre 2005), il n'en demeure pas moins que pareille augmentation du nombre de logements dans le secteur proche du local litigieux est nécessairement de nature à avoir une incidence favorable sur le commerce considéré de restaurant, et ne saurait être écartée aux seuls motifs que les nouveaux appartements ont été essentiellement achetés à titre de résidences secondaires par des italiens, et que corrélativement plusieurs hôtels ont disparu.
En effet, l'édification d'ensembles immobiliers d'un tel volume (642 nouveaux logements), nonobstant la nationalité étrangère (italienne) de la majorité des propriétaires et l'éventuel caractère périodique de l'occupation des appartements, génère nécessairement un afflux de population susceptible de constituer une nouvelle clientèle potentielle pour le restaurant litigieux, cette clientèle étant d'autant plus intéressante commercialement que les étrangers qui investissent dans l'immobilier sur la Côte d'Azur sont, en général, plutôt financièrement aisés, et donc enclins à la fréquentation des restaurants.
En conséquence, comme l'a estimé à juste titre l'expert, et contrairement à ce que prétend la locataire, il échet de considérer qu'il y a eu, au cours du bail expiré du fait de la création de plusieurs résidences immobilières dans un périmètre proche du restaurant litigieux, modification notable des facteurs locaux de commercialité susceptible d'avoir une incidence favorable sur l'activité considérée de restaurant, bar, glacier et justifiant le déplafonnement du loyer sur renouvellement au 1er septembre 2005, et par suite, la fixation du loyer sur renouvellement à la valeur locative.
Sur la valeur locative
Il résulte du rapport d'expertise que le local litigieux, à usage de restaurant-bar-glacier, situé sur la Promenade du Soleil à Menton, et bénéficiant comme il l'a déjà été indiqué ci-dessus d'un excellent emplacement, est d'une surface utile de 287,86 m², se décomposant comme ainsi :
- une salle de restaurant – bar de 76,66 m²,
- une arrière salle de restaurant de 39,43 m²,
- d'un WC de 2,60 m²,
- d'un bloc sanitaire de 8,05 m²,
- d'un office restaurant de 13,18 m²,
- d'une cuisine de 39,92 m²,
- d'un office cuisine de 16,29 m²,
- d'un dégagement de 2,14 m²,
- d'une cave à vin / réserve de 35,49 m²,
- et d'une terrasse de 51,96 m².
Après application par l'expert des coefficients de pondération correspondant à ceux habituellement préconisés en la matière, et non critiqués par les parties, la surface pondérée ressort à 189,56 m².
L'expert a estimé la valeur locative de ces locaux à la somme de 44 546 € par an, en appliquant à cette surface pondérée de 189,56 m² la valeur moyenne de 235 € du mètre carré résultant de 5 éléments de comparaison (dont trois restaurants ou glaciers situés sur la Promenade du Soleil, une agence immobilière située également Promenade du Soleil, et un glacier situé Traverse Andrew).
La valeur locative de 235 € du mètre carré ainsi retenue par l'expert ne correspond ni à la valeur locative de 200 € du mètre carré ressortant du rapport d'évaluation officieux du Cabinet BOMPARD, missionné par la bailleresse, ni à celle de 175,24 € du mètre carré résultant de l'estimation faite par Mr Z..., expert immobilier, à la demande de la locataire.
Eu égard à ces divergences d'approche, il convient, après confrontation de ces trois estimations et analyse des renseignements y contenus, de fixer à la valeur moyenne de 200 € du mètre carré la valeur locative au 1er septembre 2005.
En conséquence, eu égard aux éléments ci-dessus énoncés, la valeur locative sera fixée sur la base d'une valeur unitaire mètre carré de 200 € pour une surface pondérée de 189,56 €, soit une valeur locative totale au 1er septembre 2005
de 200 € x 189,56 m² = 37 900 € par an » ;
1. Alors que, d'une part, l'appréciation de l'évolution des facteurs locaux de commercialité et de son caractère notable, justifiant un déplafonnement du loyer du bail commercial, doit se faire in concreto en fonction de l'intérêt que présente cette évolution pour le commerce considéré ; qu'en l'espèce, pour retenir qu'il y avait eu modification notable des facteurs locaux de commercialité, la Cour d'appel s'est fondée sur la seule circonstance tirée de la construction de nouveaux logements à proximité du restaurant exploité par la société LA MANDIBULE et a considéré que, nonobstant la disparition d'hôtels et d'entreprises touristiques dans ce même secteur géographique, ladite activité commerciale de restauration connaîtrait nécessairement un impact favorable du fait de la présence de ces résidences secondaires appartenant à de riches ressortissants étrangers plus enclins à fréquenter les restaurants ; qu'en se fondant sur de telles considérations, abstraites, voire spéculatives, pour accueillir la demande de déplafonnement du loyer formée par la société LA GARIOTTE, sans apprécier in concreto l'évolution des facteurs locaux de commercialité et leur importance en fonction de l'intérêt réel, établi et positivement constaté qu'elle avait présenté pour le commerce de la société LA MANDIBULE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du Code de Commerce ;
2. Alors que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en homologuant les conclusions de l'expert et en entérinant ses bases de calcul sans répondre au moyen, péremptoire, de la société LA MANDIBULE selon lequel la nonproduction, par l'expert, des documents justificatifs de ses références locatives était contraire aux règles déontologiques s'imposant à ce professionnel et ne mettait pas les parties en mesure de discuter utilement de ses termes de comparaison, de sorte que ceux-ci ne pouvaient être retenus et homologués (mémoire d'appel, p. 13 et 14), la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de Procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-13929
Date de la décision : 12/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 mai. 2016, pourvoi n°15-13929


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.13929
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