La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2016 | FRANCE | N°14-50036

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 juillet 2016, 14-50036


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu l'article L. 3322-2 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte, anciennement l'article L. 442-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001, que les entreprises juridiquement distinctes constituant une unité économique et sociale d'au moins cinquante salariés reconnue par convention ou par décision de justice garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats des entreprises ;
r>Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs salariés ont saisi le 18 octobre 20...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu l'article L. 3322-2 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte, anciennement l'article L. 442-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001, que les entreprises juridiquement distinctes constituant une unité économique et sociale d'au moins cinquante salariés reconnue par convention ou par décision de justice garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats des entreprises ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs salariés ont saisi le 18 octobre 2010 un tribunal de grande instance d'une demande formée contre les sociétés Compagnie Optorg, Tractafric Equipment France et Société de distribution internationale (SDI) constituant selon eux une unité économique et sociale aux fins de mise en place d'une réserve de participation à compter de l'année 1997 et le versement de sommes à ce titre ; qu'à la requête des sociétés formée le 8 novembre 2010, l'existence d'une unité économique et sociale a été judiciairement reconnue à compter de cette date par jugement du 7 décembre 2010 d'un tribunal d'instance ;

Attendu que pour dire que l'unité économique et sociale entre la société Compagnie Optorg et la société Tractafric Equipment était établie à partir de 1997 et a été étendue à la société SDI à partir de 2007, l'arrêt retient qu'il est manifeste que des conventions sont intervenues aux fins de fixer l'existence de l'unité économique et sociale dans un premier temps entre les deux premières sociétés puis dans un second temps avec la troisième société, que l'existence de ces conventions se déduit de la référence à l'unité économique et sociale tant dans les protocoles préélectoraux que dans les plans d'intéressement, aucun recours n'étant intervenu contre les accords produits ou les décisions du comité d'entreprise ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qu'un accord collectif ou un protocole préélectoral unanimes, conclu avec tous les syndicats représentatifs au sein des sociétés concernées, avait reconnu l'existence d'une unité économique et sociale, et, pour la période postérieure, qu'un accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein de ces sociétés avait reconnu l'existence d'une telle unité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a écarté la demande formée par M. X...comme irrecevable, l'arrêt rendu le 21 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la compagnie Optorg, la Société de distribution internationale et la société Tractafric Equipment France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'UES entre la société COMPAGNIE OPTORG et la société TRACTAFRIC EQUIPMENT France était établie par convention à partir de 1997 et a été étendue à la société SDI à partir de 2007, dit que les demandes formées par les autres appelants ne sont pas prescrites et sont recevables en leur principe, sursis à statuer sur leur montant et ordonné la réouverture des débats à une audience fixée au vendredi 13 juin 2014 afin que les parties s'expliquent sur les points suivants :- quelles sont les modalités de calcul de la participation dans le régime d'autorité ouvert par les articles L 3323-5 et L 3323-2 2° en cas d'absence d'accord de participation, sur la période de 1997 à 2010 ;- le bénéfice fiscal dégagé par l'UES chaque année depuis 1997 jusqu'en 2010 permettait-il de prévoir la mise en place d'une réserve de participation ;- de nouvelles demandes et propositions chiffrées peuvent-elles être présentées en fonction des explications sur les points précédents ;

AUX MOTIFS QU'« il ressort tant du jugement que des écritures des parties que le droit à une réserve de participation n'est ouvert qu'aux salariés d'une entreprise ayant au moins 50 salariés ; qu'il y a lieu de vérifier si, comme le soutiennent les appelants, le tribunal de grande instance de Nanterre pouvait constater l'existence d'une unité économique et sociale, valablement avant la décision du tribunal d'instance de Puteaux ; que l'article 3 322-2 du code du travail prévoit que « les entreprises employant habituellement 50 salariés et plus garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise » ; qu'il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale de 50 salariés ou plus reconnue dans les conditions prévues à l'article 2 322-4 ; aux termes des dispositions de l'article L 2 322-4, l'existence d'une unité économique et sociale est reconnue par une convention ou par un jugement ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance de Puteaux a rendu une décision confirmant son existence à compter du 8 novembre 2010 par un jugement en date du 7 décembre 2010. Cependant cette décision n'a été prise que sur la seule demande des sociétés du groupe et ne peut donc être opposable aux salariés de l'entreprise ; que sur l'existence d'une convention créant l'unité économique et sociale, les salariés soutiennent qu'un accord est intervenu au mois de mai 1993, a consacré l'existence d'une unité économique et sociale entre la société Optorg et la société Tractafric ; que par la suite, une convention aurait été conclue également entre ces deux sociétés et la société SDI ; que sont effectivement versés aux débats :- un procès verbal de protocole préélectoral en date du mois de mai 1996 consacrant des élections dans le cadre d'une UES Compagnie Optorg et Tractafric ;- un autre procès verbal de protocole du même type en date du 15 mai 1997,- un procès verbal du comité d'entreprise en date du 4 janvier 2007 qui dit que « l'UES constitué entre les sociétés Tractafric et Optorg doit être étendue à la société SDI. En conséquence, les collaborateurs de la SDI bénéficieront de la même représentation que ceux de Tractafric et d'Optorg ;- une note interne établissant en mai 2008 que les effectifs pour les élections professionnelles devaient se calculer au niveau de la compagnie Optorg, Tractafric et SDI,- un protocole d'accord préélectoral passé entre l'UES et la déléguée syndicale CFTC, le 20 mai 2008,- un document sur un plan d'épargne entreprise au nom de l'UEST entre Optorg et la société Tractafric en date du 24 avril 1997,- un accord d'intéressement entre l'UES et le comité d'entreprise en date du 20 mai 1999,- un accord du même type en date du mois de mai 2002,- un autre accord du même type en date du mois de mai 2005,- un accord du même type en date du mois de mai 2008, dont il est expressément mentionné qu'il est conclu entre l'UES composée des sociétés SDI, Optorg et Tractafric et le comité d'entreprise ; qu'il est manifeste que des conventions sont intervenues aux fins de fixer l'existence et les contours de l'unité économique et sociale, dans un premier temps entre la compagnie Optorg et Tractafric puis dans un deuxième temps avec la société SDI ; que l'existence de ces conventions se déduit de la référence à l'UES tant dans les protocoles préélectoraux que dans les plans d'investissement, aucun recours n'étant intervenu contre les accords produits ou les décisions du comité d'entreprise ; que ces conventions étant intervenues dans des domaines électoraux mais aussi dans d'autres domaines, il ne peut être fait référence à une compétence exclusive du tribunal d'instance, le tribunal de grande instance pouvant être compétent ; que le jugement qui n'a pas constaté l'existence de conventions ayant créé une unité économique et sociale entre la société Tractafric et la compagnie Optorg dans un premier temps puis entre la compagnie Optorg, la société Tractafric et la société SDI dans un deuxième temps, sera réformé, les salariés étant donc en droit de réclamer des sommes au titre de la participation » ;

1. ALORS QU'avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, la reconnaissance conventionnelle d'une unité économique et sociale devait prendre la forme d'un protocole d'accord préélectoral conclu par tous les syndicats représentatifs ; que ni un « procès-verbal de protocole préélectoral » établi unilatéralement par la direction, ni une note interne, ni un accord d'intéressement conclu avec le comité d'entreprise, ni une délibération du comité d'entreprise ne peuvent emporter reconnaissance conventionnelle de l'existence d'une unité économique et sociale ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soutenaient que, bien qu'elles ne répondaient pas aux conditions de constitution d'une unité économique et sociale en l'absence de toute complémentarité de leurs activités et de direction commune, les sociétés OPTORG et TRACTAFRIC EQUIPMENT FRANCE ont mis en place un comité d'entreprise commun à compter de l'année 1995 et ont conclu un accord d'intéressement commun à compter de l'année 2002, le bénéfice de ces dispositifs communs étant ensuite étendu à la société SDI à compter de 2007, sans qu'aucun accord collectif, ni protocole d'accord préélectoral signé par l'ensemble des syndicats représentatifs ne soit conclu pour reconnaître l'existence d'une unité économique et sociale ; que pour affirmer néanmoins que l'existence d'une unité économique et sociale a été établie par « des conventions » à compter de l'année 1997 entre les sociétés OPTORG et TRACTAFRIC puis étendue à la société SDI à compter de l'année 2007, la cour d'appel s'est bornée à relever que des « procès-verbal de protocole préélectoral », note interne et décision du comité d'entreprise organisaient des élections communes à compter de 1996 et que des accords d'intéressement ont été conclus par les trois sociétés, désignées comme constituant une unité économique et sociale, avec leur comité d'entreprise commun ; qu'en se prononçant de la sorte, sans constater l'existence d'aucun protocole d'accord préélectoral conclu avec tous les syndicats représentatifs reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale en 1997 puis son extension en 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2322-4 et L. 3322-2 du Code du travail ;

2. ALORS QUE la reconnaissance conventionnelle d'une unité économique et sociale ne pouvait résulter, avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, que d'un protocole d'accord préélectoral conclu par tous les syndicats représentatifs ; qu'au surplus, le protocole d'accord préélectoral reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale n'a pas d'effet rétroactif ; que le seul protocole d'accord préélectoral conclu avec le seul syndicat CFTC, le 20 mai 2008, ne peut donc emporter reconnaissance d'une unité économique et sociale à compter de l'année 1997, ni reconnaissance de son extension à la société SDI en 2007 ; qu'en se fondant sur un tel motif, radicalement insuffisant à caractériser une reconnaissance conventionnelle d'une unité économique et sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2322-4 et L. 3322-2 du Code du travail ;

3. ALORS, AU SURPLUS, QU'une unité économique et sociale entre plusieurs entités juridiquement distinctes se caractérise, en premier lieu, par la concentration des pouvoirs de direction à l'intérieur du périmètre considéré ainsi que par la similarité ou la complémentarité des activités déployées par ces différentes entités, en second lieu, par une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine permutabilité des salariés ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les sociétés exposantes, si l'absence de direction opérationnelle commune et l'absence de complémentarité de leurs activités avant l'année 2009 n'interdisait pas la reconnaissance de toute unité économique et sociale, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2322-4 et L. 3322-2 du Code du travail ;

4. ALORS, ENFIN, QUE le jugement qui reconnaît l'existence d'une unité économique et sociale est opposable à tous, peu important la ou les parties qui ont formé la demande de reconnaissance de cette unité économique et sociale ; qu'en affirmant encore que le jugement du tribunal d'instance de Puteaux ayant reconnu l'existence d'une unité économique et sociale à compter du 8 novembre 2010 n'était pas opposable aux salariés, au motif inopérant que ce jugement a été rendu sur la seule demande des sociétés composant cette unité économique et sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 2322-4 et L. 3322-2 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les demandes formées par les défendeurs au pourvoi ne sont pas prescrites et sont recevables en leur principe ; sursis à statuer sur leur montant et ordonné la réouverture des débats à une audience fixée au vendredi 13 juin 2014 afin que les parties s'expliquent sur les points suivants :- quelles sont les modalités de calcul de la participation dans le régime d'autorité ouvert par les articles L 3323-5 et L 3323-2 2° en cas d'absence d'accord de participation, sur la période de 1997 à 2010 ;- le bénéfice fiscal dégagé par l'UES chaque année depuis 1997 jusqu'en 2010 permettait-il de prévoir la mise en place d'une réserve de participation ;- de nouvelles demandes et propositions chiffrées peuvent-elles être présentées en fonction des explications sur les points précédents ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur la prescription : La prescription en matière de participation n'est pas la prescription applicable en matière de salaires et jusqu'à la loi réformant les délais de prescription civile du 17 juin 2008 était de 30 ans ; que les dispositions transitoires prévoient que « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. » ; que dès lors les demandes des salariés dont les plus anciennes remontent à 1997 ne sont pas prescrites ; Sur le statut de M. Y... : M. Y... forme des demandes au titre de la participation sur la période de 1997 à 2009. Il est manifeste que sur l'ensemble de la période, M. Y...était en droit de percevoir les produits de la participation de l'entreprise principale à laquelle il est resté lié contractuellement ; Sur le montant des sommes réclamées : Les salariés forment des demandes chiffrées, qu'ils ont calculées sur 8 % de la moyenne des rémunérations des salariés en contrat à durée indéterminée toutes catégories confondues ; que si effectivement, comme le font remarquer les sociétés intimées, les demandes chiffrées des salariés ne peuvent être admises, les éléments donnés par les parties ne permettent pas à la cour d'organiser utilement une mission d'expertise en l'état ; qu'en effet, aux termes des dispositions de l'article L 3 323-5 du code du travail et de l'article L 3323-2 2°, doit se mettre en place un régime d'autorité sur les termes duquel, les parties ne se sont pas explicitement prononcées, l'absence de constat de l'inspecteur du travail étant sans incidence sur les droits des salariés ; que de même, l'UES constituée entre la société Compagnie Optorg et la société Tractafric puis étendue à la société SDI n'apporte aucun élément sur le point de savoir si depuis 1997, chaque année, elle a dégagé un bénéfice fiscal susceptible de permettre la mise en oeuvre d'une réserve spéciale de participation » ;

ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; que l'article L. 3322-2 du Code du travail, qui impose aux entreprises constituant une unité économique et sociale d'au moins cinquante salariés de mettre en place un régime de participation, est issu de la Loi n° 2001-152 du 19 février 2001 entrée en vigueur le 20 février 2001 ; qu'en retenant néanmoins que les salariés étaient fondés à réclamer la mise en oeuvre d'une réserve spéciale de participation depuis l'année 1997, pour tous les exercices au cours desquels l'unité économique et sociale constituée par les sociétés COMPAGNIE OPTORG, TRACTAFRIC EQUIPMENT FRANCE et SDI a dégagé un bénéfice fiscal, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le principe de non-rétroactivité des lois nouvelles posé par l'article 2 du Code civil et l'article L. 3322-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-50036
Date de la décision : 11/07/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 21 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jui. 2016, pourvoi n°14-50036


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.50036
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award