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15/11/2016 | FRANCE | N°15-16070

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 novembre 2016, 15-16070


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article 1993 du code civil et l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Attendu que l'action en reddition de comptes prévue par le premier de ces textes n'a pas le même objet que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif prévue par le second ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Applications a été mise en liquidation judiciaire le 11 juin 2009, M. X..., étant nommé liqui

dateur ; que ce dernier a, le 28 septembre 2012, sur le fondement de l'obligation de r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article 1993 du code civil et l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Attendu que l'action en reddition de comptes prévue par le premier de ces textes n'a pas le même objet que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif prévue par le second ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Applications a été mise en liquidation judiciaire le 11 juin 2009, M. X..., étant nommé liquidateur ; que ce dernier a, le 28 septembre 2012, sur le fondement de l'obligation de reddition des comptes du mandataire social, assigné son gérant, M. Y..., en paiement de la somme de 14 200 euros que celui-ci reconnaissait avoir détournée au préjudice de la société ;

Attendu que pour déclarer irrecevable cette demande, l'arrêt retient que le liquidateur fonde son action sur l'article 1993 du code civil, bien qu'il s'agisse de sanctionner une faute de gestion de M. Y...ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Applications, de sorte que seules les dispositions spéciales de l'article L. 651-2 du code de commerce s'appliquent ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le liquidateur, sans faire référence à une insuffisance d'actif, ne réclamait que le remboursement d'une somme payée par un client de la société, que le dirigeant de celle-ci avait conservée entre ses mains, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. Y...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X..., en sa qualité de liquidateur de la société Applications ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré irrecevable l'action de M. Jean Lin Z..., ès qualité de liquidateur de la société Applications, à l'encontre de M. Hervé Y...et, y ajoutant, d'AVOIR débouté M. Jean Lin Z... ès qualité de liquidateur de la société Applications de l'ensemble de ses demandes,

AUX MOTIFS PROPRES QUE par jugement du 11 juin 2009, le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a prononcé la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Applications ; que sauf exceptions, les organes de la procédure ne peuvent exercer que les actions attitrées prévues par le droit des procédures collectives, parmi lesquelles l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par l'article L. 651-2 du Code de commerce ; que, comme l'ont rappelé les premiers juges, s'agissant de la société Applications, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est prescrite depuis le 11 juin 2012 ; que, sur le fondement de l'article 1993 du code civil, M. Jean Lin Z..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Applications, demande la condamnation d'Hervé Y...à lui payer la somme de 14 200 euros, lui reprochant d'avoir gardé cette somme, versée en espèces, à titre personnel, lorsqu'il était gérant de la société Applications, alors qu'elle devait revenir à cette dernière, s'agissant d'un paiement fait par un client ; que les dispositions de l'article 1382 du Code civil, ne sont pas invoquées mais que Me Jean Lin Z... sollicite la mise en cause de la responsabilité civile d'Hervé Y..., sur le plan contractuel, le mandat étant invoqué, pour des faits commis au préjudice de la société Applications qu'il dirigeait, et in fine, des créanciers ; que M. Jean Lin Z... ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Applications fonde son action en paiement sur l'article 1993 du code civil, alors qu'il s'agit de sanctionner une faute de gestion commise par Hervé Y...ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Applications qu'il gérait, ce qui relève des dispositions spéciales de l'article L. 651-2 du Code de commerce applicables en matière de procédure collective ; que même s'il se garde bien d'invoquer l'insuffisance d'actif de la société Applications dans ses écritures, l'objectif de M. Jean Lin Z... ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Applications est d'obtenir, malgré la prescriptions de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la condamnation pécuniaire d'Hervé Y..., et ainsi une diminution de l'insuffisance d'actif de la société Applications ; que dans ces conditions et comme l'ont justement relevé les premiers juges, M. Jean Lin Z... ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Applications est irrecevable à exercer contre Hervé Y...en sa qualité de dirigeant de droit de la société Applications, une action fondée sur le droit commun, en l'espèce l'article 1993 du Code civil, pour obtenir la réparation d'une faute de gestion commise par le dirigeant de la société Applications au préjudice des créancier de la société ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions et M. Jean Lin Z... ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Applications, débouté de ses demandes,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître, comme en l'espèce, une insuffisance d'actif, les dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce prévoient : « que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion (…) L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation » ; que la liquidation judiciaire de la SARL Applications a été prononcée par le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing le 11 juin 2009 ; que l'action en comblement de passif fondée sur l'article L. 651-2 du code de commerce est donc prescrite depuis le 11 juin 2012 ; qu'or M. Jean Lin Z..., ès qualité de liquidateur judiciaire d'Applications, assignait le 28 septembre 2012 M. Hervé Y...en paiement de la somme de 14 200 € sur le fondement des dispositions du code civil applicables notamment au mandat, alléguant une faute de gestion commise par le gérant, mandataire social, au détriment d'Applications ; que M. Jean Lin Z..., ès qualité de liquidateur judiciaire d'Applications, avance notamment que le régime de l'action en comblement du passif de l'article L. 651-2 du code de commerce n'interdit pas au liquidateur de procéder au recouvrement des créances de la société en liquidation, y compris celles qui peuvent exister entre la société et son dirigeant ; mais que, selon une jurisprudence constante, les dispositions spéciales de l'article L. 651-2 du code de commerce applicables aux procédures collectives excluent toute action concurrente ou subsidiaire du liquidateur fondée sur les dispositions de droit commun du code civil ; qu'or, en l'espèce, il apparaît que l'action en paiement diligentée par M. Jean Lin Z..., ès qualité de liquidateur judiciaire d'Applications, et fondée sur les dispositions du code civil aurait pour effet un contournement de la prescription acquise au profit de M. Hervé Y...en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 651-2 du code de commerce ; que le tribunal considérant que les dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce applicables aux procédures collectives ne permettent pas une action concurrente ou subsidiaire fondée sur les dispositions de droit commun du code civil, déclarera l'action de M. Jean Lin Z..., ès qualité de liquidateur judiciaire d'Applications, irrecevable, 1- ALORS QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir confirmé le jugement qui lui était déféré en sa disposition ayant déclaré le liquidateur irrecevable en sa demande, a « débouté » ce liquidateur de « l'ensemble des demandes » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 122 du code de procédure civile.

2- ALORS QUE si le liquidateur ne peut pas exercer, sur le fondement du droit commun, une action ayant le même objet que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, il peut intenter une action ayant un objet différent ; qu'en jugeant pourtant que le liquidateur pouvait uniquement exercer l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, laquelle était prescrite, et non une action contre le dirigeant sur le fondement de l'article 1993 du code civil, après avoir pourtant constaté que le liquidateur n'invoquait pas l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article 1993 du code civil, ensemble les articles L. 641-4 et L. 651-2 du code de commerce.

3- ALORS QUE si le liquidateur ne peut pas exercer, sur le fondement du droit commun, une action ayant le même objet que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, il peut intenter une action ayant un objet différent, visant à l'exécution forcée d'un contrat ayant lié la société au dirigeant ; qu'en jugeant pourtant, en l'espèce, que le liquidateur pouvait uniquement exercer l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, laquelle était prescrite, et était irrecevable à exercer une action contre le dirigeant sur le fondement de l'article 1993 du code civil, visant à l'exécution par ce dernier de son obligation de reddition des comptes, la cour d'appel a violé l'article 1993 du code civil, ensemble les articles L. 641-4 et L. 651-2 du code de commerce.

4- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l'objet du litige ; qu'en l'espèce, l'action exercée par le liquidateur était une action en exécution forcée de l'obligation contractuelle du mandataire de rendre des comptes, le liquidateur ayant même précisé dans ses conclusions qu'il « importait peu que M. Y...ait ou non commis une faute » et que l'action n'avait « pas pour objet de combler l'éventuelle insuffisance d'actif de la société Applications » ; qu'en jugeant pourtant que l'action exercée visait à « sanctionner une faute de gestion commise par M. Y...ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Applications », la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-16070
Date de la décision : 15/11/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Responsabilités et sanctions - Responsabilité pour insuffisance d'actif - Procédure - Articulation avec d'autres actions - Action en reddition de comptes - Compatibilité - Condition

L'action en reddition de comptes prévue par l'article 1993 du code civil n'a pas le même objet que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif prévue par l'article L. 651-2 du code de commerce


Références :

article 1993 du code civil

article L. 651-2 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 nov. 2016, pourvoi n°15-16070, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Rapporteur ?: M. Arbellot
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16070
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