La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2016 | FRANCE | N°15-22340

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 novembre 2016, 15-22340


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu par M. X..., notaire exerçant au sein de la SCP Joël B...- Gabriel C...- Amaury C... (le notaire), la S

CI Les Chênes (l'acquéreur) a acquis, des consorts Y... (le vendeur), un app...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu par M. X..., notaire exerçant au sein de la SCP Joël B...- Gabriel C...- Amaury C... (le notaire), la SCI Les Chênes (l'acquéreur) a acquis, des consorts Y... (le vendeur), un appartement situé dans un ensemble immobilier ; que cet acte comportait une clause excluant la garantie du vendeur en cas d'éviction de l'acquéreur et faisait mention, au paragraphe " servitudes ", d'une convention de voisinage conclue par le vendeur et un tiers, laquelle était annexée à l'acte ; qu'après le rejet de sa demande formée contre le vendeur au titre de la garantie d'éviction et fondée sur le trouble subi du fait du tiers, l'acquéreur a assigné le notaire en responsabilité civile professionnelle et indemnisation ;
Attendu que, pour exclure la faute du notaire, l'arrêt retient que toute l'information a été donnée à l'acquéreur par la mention intégrale, dans l'acte de vente, de la convention de voisinage et par la lettre à lui adressée, avant la signature du compromis de vente, par un notaire tiers ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le notaire rédacteur de l'acte, à qui incombait la charge de la preuve de l'exécution de son devoir de conseil et qui ne pouvait se décharger de cette obligation, nonobstant les connaissances personnelles de son client ou l'intervention d'un autre professionnel, avait personnellement informé l'acquéreur sur l'exacte portée de l'acte conclu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la SCP Joël B...- Gabriel C...- Amaury C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCI Les Chênes la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Les Chênes
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Les Chênes de sa demande de condamnation de la société B...- C...- C... à réparer ses préjudices ;
Aux motifs que « la société Les Chênes reproche au notaire un manquement à son obligation de conseil, et d'efficacité juridique de son acte, premièrement en ce qu'il ne ressort aucunement des clauses de l'acte de vente qu'elle a été informée de ce qu'elle ne pouvait utilement être garantie par son vendeur de l'éviction résultant du trouble de droit du fait d'un tiers voisin, le notaire ayant prévu à l'inverse une clause dérogeant à la garantie de l'article 1627 du code civil ; En second lieu, et au regard de la rédaction même de la clause litigieuse, la société Les Chênes a été persuadée selon elle qu'elle pouvait ne pas tenir compte de la fameuse convention de voisinage, le notaire indiquant à cet effet " ne pas retenir cette convention ", son erreur étant caractérisée par un courrier postérieur à l'acte authentique adressé à son confrère Mugarra le 11 janvier 2008 ; Cette analyse ne résiste pas à l'examen de l'arrêt de la cour d'appel en date du 29 novembre 2011 ayant statué dans le litige opposant la société Les Chênes aux consorts Y..., ses vendeurs, à l'occasion de l'acte de vente authentique du 27 novembre 2007 aujourd'hui querellé dans son efficacité ; Statuant sur la garantie d'éviction réclamée aux vendeurs, la cour a reconnu un trouble de jouissance subi par l'acheteur, trouble de droit résultant de l'action d'un tiers se fondant sur une convention de voisinage signée le 22 octobre 2004, antérieurement à la vente, par M. Jean-Yves Y... ; Néanmoins, la cour a considéré qu'en application des dispositions des articles 1627 et suivants du code civil, les parties peuvent, par des conventions contraires, exclure la garantie du vendeur, et que la clause de non garantie n'est opposable à l'acquéreur que si le trouble ne résulte pas d'un fait personnel du vendeur et s'il est démontré que l'acquéreur avait connaissance du risque d'éviction ; La cour a ensuite rappelé la clause de non garantie stipulée à l'acte de vente, et la mention intégrale dans cet acte de la convention de voisinage précisément à l'origine du trouble généré par les revendications de la voisine Madame Z..., qui est un tiers par rapport à l'acte de vente passé par le notaire ; La cour a en substance rappelé que l'acquéreur les Chênes a déclaré : " l'acquéreur déclare avoir parfaite connaissance de cette convention tant par le compromis en date du 26 août et 8 septembre 2005 qu'en vertu d'un courrier du 7 février 2006 adressé par Me A... et reconnaît que celle-ci n'est pas opposable aux tiers faute d'avoir été publiée à la Conservation des hypothèques et déclare ne pas retenir cette convention " ; La cour a donc considéré que l'acte de vente comportait une clause de non garantie et que l'acquéreur avait connaissance du risque d'éviction résultant de la convention du 22 octobre 2004, même s'il déclarait " ne pas retenir cette convention ", l'essentiel étant que la convention conclue par son auteur M. Y... était de nature à lui être opposée par Mme Z..., nonobstant son défaut de publicité foncière ; La situation n'a nullement évolué à l'occasion du présent litige en responsabilité contre le notaire, car il est suffisamment démontré que depuis le compromis et à l'occasion de l'acte de vente, la société Les Chênes a eu parfaitement connaissance de la convention de voisinage et de la possibilité d'immixtion, à tout le moins de fait, qu'elle conférait à la voisine sur le lot acheté, tel que décrit à l'état descriptif de division, mais surtout a accepté de se porter acquéreur en dépit de la situation de droit et de fait ainsi portée à sa connaissance ; Le courrier du notaire des vendeurs Me A..., en date du 11 août 2005 avant la signature du compromis, ne fait que corroborer la parfaite information sur le risque qui découlait de la passation de l'acte dans ces conditions, ainsi : " je prends connaissance de votre dernière correspondance aux termes de laquelle vous m'informez vouloir régulariser le compromis de vente de cet appartement portant indication de la désignation telle qu'elle résulte des titres de propriété et d'une convention de voisinage passée avec l'autre copropriétaire … Toutefois, cette convention ne peut servir de base à la désignation des parties privatives vendues, ne s'agissant pas d'un état descriptif de division régulièrement établi, ainsi que j'ai pu vous en faire part lors de notre entrevue. Seul le rappel de cette convention, non opposable aux tiers, peut être effectué, à titre d'information à votre égard. Vous aurez dans un tel cas à faire votre affaire personnelle de cette situation sans recours contre les vendeurs " ; Par courrier en date du 26 octobre 2007, le conseil des acheteurs indiquait au notaire A... que " compte tenu des exigences non seulement récurrentes mais croissantes de Mme Z... qui fait échec à la régularisation de l'état de division, ma cliente ne peut attendre plus longtemps la réitération de l'acte de vente " La présente cour estime donc que toute l'information nécessaire a été donnée à l'acheteur, qui résulte des mentions mêmes de l'acte de vente, et qu'en toute hypothèse, et à admettre comme hypothèse (non démontrée) que la portée des rappels effectués ait été insuffisante, malgré les termes ci-dessus précisés du courrier du notaire A..., avant la vente, il n'existe pas de lien direct avec la décision de passer l'acte qui a été prise en parfaite connaissance de l'effectivité de l'occupation par la voisine d'une partie du lot vendu ; qu'en effet, la cour d'appel dans son arrêt antérieur rappelle qu'après la signature du compromis, la société Les Chênes s'est vu remettre les plans du géomètre ; La clause de non garantie stipulée à l'acte de vente doit par conséquent avoir son plein effet, ce qui motive l'infirmation du jugement de premier ressort » (arrêt p 3 § 11 à 5) ;
Alors, d'une part, que le notaire, tenu à un devoir de conseil, commet une faute lorsqu'il n'éclaire pas son client sur les risques d'éviction ; qu'en l'espèce, pour exclure tout manquement à l'obligation de conseil de la SCP B...
C..., notaire rédacteur de l'acte de vente, concernant le risque d'éviction provenant de l'existence de la convention de voisinage, la cour d'appel a retenu qu'il était indiqué dans l'acte de vente que « l'acquéreur déclare avoir parfaite connaissance de cette convention tant par le compromis en date du 26 août et 8 septembre 2005 qu'en vertu d'un courrier du 7 février 2006 adressé par Me A... et reconnaît que celle-ci n'est pas opposable aux tiers faute d'avoir été publiée à la Conservation des hypothèques et déclare ne pas retenir cette convention " ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel, qui a omis de constater que l'information avait été donnée par le notaire sur l'existence d'un risque d'éviction, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Alors, d'autre part, que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il rédige et d'éclairer les parties sur l'étendue de leurs droits ; que pour exclure l'existence d'une faute du notaire rédacteur de l'acte de vente, la cour d'appel a affirmé que toute l'information nécessaire avait été donnée à l'acheteur qui avait déclaré dans l'acte de vente " ne pas retenir cette convention " ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si cette clause ambiguë pouvait engager la responsabilité du notaire, tenu de rédiger un acte clair, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Alors également que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il rédige et d'éclairer les parties sur l'étendue de leurs droits ; que pour exclure toute faute du notaire rédacteur de l'acte de vente, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que toute l'information nécessaire avait été donnée à l'acheteur, sans rechercher si la SCP B...
C..., rédacteur de l'acte de vente, avait informé la SCI Les Chênes de l'incidence de la clause de non-garantie stipulée à l'acte de vente sur les droits de l'acquéreur vis-à-vis de son vendeur en cas de trouble de droit du fait d'un tiers voisin ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Alors enfin que le lien de causalité entre le manquement à un devoir d'information du notaire et le préjudice est caractérisé dès lors que si les parties avaient été informées, elles n'auraient pas contracté aux mêmes conditions ; que la cour d'appel a affirmé qu'il n'existait pas de lien direct entre le défaut d'information sur le risque d'éviction avec la décision de passer l'acte qui a été prise en parfaite connaissance de l'effectivité de l'occupation par la voisine d'une partie du lot vendu ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si en indiquant dans l'acte de vente que la convention d'occupation ne lui était pas opposable, la SCI les Chênes avait fait de cette inopposabilité une condition déterminante de la vente sans laquelle elle n'aurait pas signé le contrat, la cour d'appel a privé de base légale l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-22340
Date de la décision : 16/11/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 nov. 2016, pourvoi n°15-22340


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.22340
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award