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01/12/2016 | FRANCE | N°15-21266

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 décembre 2016, 15-21266


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2221-2, L. 2251-1 et L. 3141-22 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le syndicat Force ouvrière du casino d'Enghien et l'Union départementale CGT-FO du Val-d'Oise ainsi que la Fédération des employés et cadres Force ouvrière ont fait assigner la Société d'exploitation des eaux et thermes d'Enghien-les-Bains (la société) devant un tribunal de grande instance en contestant notamment les conditions de paiement de l'indemnité de congés payÃ

©s correspondant aux deux jours de fractionnement ;
Attendu que pour enjo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2221-2, L. 2251-1 et L. 3141-22 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le syndicat Force ouvrière du casino d'Enghien et l'Union départementale CGT-FO du Val-d'Oise ainsi que la Fédération des employés et cadres Force ouvrière ont fait assigner la Société d'exploitation des eaux et thermes d'Enghien-les-Bains (la société) devant un tribunal de grande instance en contestant notamment les conditions de paiement de l'indemnité de congés payés correspondant aux deux jours de fractionnement ;
Attendu que pour enjoindre à la société d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire, dû à raison de deux jours de fractionnement, au 1/10e des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés, l'arrêt retient que la société, sans contester véritablement le raisonnement de ses adversaires, fait valoir qu'elle s'acquitte d'une garantie de salaire qu'elle inclut dans l'assiette de congés payés, de même que « l'ensemble des rémunérations qu'elle verse au salarié toute l'année », qu'elle soutient ainsi qu'en tout état de cause, elle verse à son personnel une somme plus favorable que celle résultant de l'application des dispositions conventionnelles, comme l'ont retenu les premiers juges, les dispositions d'ordre public de l'article L. 3141-22 du code du travail, auxquelles le tribunal se réfère, prévoient que « lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3 » (30 jours ouvrables ou 25 jours ouvrés), « l'indemnité est calculée selon les règles ci-dessus et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû », qu'il s'ensuit que la règle du 10e n'est fondée que sur la base d'un congé annuel de 30 jours ouvrables (ou 25 jours ouvrés) et que tout congé pris au-delà du 30e jour doit donner lieu à une indemnité supplémentaire, calculée au prorata - selon le nombre de jours supplémentaires - du montant de l'indemnité légale du 1/10e, que pas plus devant la cour d'appel qu'en première instance, la société n'établit avoir réglé les congés payés de fractionnement selon ces dispositions - peu important, par ailleurs, qu'elle assure spontanément aux salariés une situation plus favorable en matière salariale, ces considérations demeurant étrangères au respect par la société de ses obligations en matière de congés payés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions, tant de la convention collective nationale des casinos que de l'accord d'entreprise du 6 décembre 1996, avaient, comme l'article L. 3141-22 du code du travail, pour objet la détermination de l'indemnité de congés payés, la cour d'appel, à qui il appartenait de rechercher, par une appréciation globale, quelle était la norme la plus favorable au regard de ce même avantage, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il enjoint à la Société d'exploitation des eaux et thermes d'Enghien-les-Bains d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire dû à raison de deux jours de fractionnement, au 1/10e des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés, et la condamne à payer aux syndicats la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 12 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne le syndicat Force ouvrière du casino d'Enghien, l'Union départementale CGT-FO du Val-d'Oise et la Fédération des employés et cadres Force ouvrière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la Société d'exploitation des eaux et thermes d'Enghien-les-Bains (SEETE)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR "enjoint à la Société SEETE d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire, dû à raison de deux jours de fractionnement, au 1/10ème des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés" et de l'AVOIR condamnée à verser au Syndicat Force Ouvrière du Casino d'Enghien, à l'Union Départementale CGT FO du Val d'Oise et à la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS propres QUE "Sur la demande relative au nombre de jours de congés payés : l'article L. 3141-22 du code du travail dispose que le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale à 10 % de la rémunération brute perçue par le salarié au cours de la période de référence ;
QUE l'article 25-3 de la convention collective nationale des casinos stipule quant à lui, pour les employés rémunérés au pourboire : « Le salarié en congés payés cesse d'émarger à la répartition des pourboires ; dans ce cas, il perçoit pour la période de ses congés une indemnité à la charge de l'employeur correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé. Toutefois, un accord d'entreprise peut prévoir que le salarié continue d'émarger aux pourboires. Dans ce cas, il perçoit une indemnité de congés payés à la charge de l'employeur égale au 1/10ème des sommes qu'il a perçues au titre de la répartition des pourboires pour la période de référence déterminée suivant les règles en vigueur dans l'entreprise, complétée du 1/10ème des sommes qu'il a perçues au titre de l'indemnité de congés payés de l'année de référence précédente. En fin de période ou d'exercice, le montant perçu à ce titre est comparé au 1/10ème des salaires perçus sur la période de référence. Si cette dernière somme est plus favorable que celle découlant de la règle du maintien de la rémunération pendant l'absence pour congés payés, une régularisation est effectuée » ;
QU'au sein du casino d'Enghien, un accord a été signé le 6 décembre 1996 qui prévoit précisément en son article 10-3 : « le personnel reste sur la masse des pourboires. En juin il est versé 1/10ème des salaires perçus de juin à mai de l'année précédente » ;
QUE les organisations syndicales précitées ont saisi le tribunal de grande instance afin de faire juger que les deux jours de congés supplémentaires, alloués aux salariés au titre du fractionnement, doivent être payés aux intéressés, en sus de l'application de la règle du dixième, alors que la société SEETE ne règle au titre des congés payés que la seule somme équivalant au 10ème des salaires perçus pendant l'année de référence ; que dans le jugement entrepris le tribunal a fait droit à l'argumentation des demandeurs ; que la société SEETE, sans contester véritablement le raisonnement de ses adversaires, fait valoir qu'elle s'acquitte d'une garantie de salaire qu'elle inclut dans l'assiette de congés payés, de même que « l'ensemble des rémunérations qu'elle verse au salarié toute l'année » ; qu'elle soutient ainsi qu'en tout état de cause elle verse à son personnel une somme plus favorable que celle résultant de l'application des dispositions conventionnelles ;
QUE comme l'ont retenu les premiers juges, les dispositions d'ordre public de l'article L. 3141-22 du Code du travail auxquelles le tribunal se réfère, prévoient que « lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3 » (30 jours ouvrables ou 25 jours ouvrés) « l'indemnité est calculée selon les règles ci-dessus et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû » ; qu'il s'ensuit que la règle du 10ème n'est fondée que sur la base d'un congé annuel de 30 jours ouvrables (ou 25 jours ouvrés) et que tout congé pris au delà du 30ème jour doit donner lieu à une indemnité supplémentaire, calculée au prorata - selon le nombre de jours supplémentaires - du montant de l'indemnité légale du 1/10ème ;
QUE pas plus devant la cour, qu'en première instance, la société SEETE n'établit avoir réglé les congés payés de fractionnement selon ces dispositions - peu important, par ailleurs qu'elle assure spontanément aux salariés une situation plus favorable en matière salariale, ces considérations demeurant étrangères au respect par la société de ses obligations en matière de congés payés ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a enjoint la société SEETE d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire des deux jours de fractionnement au 1/10ème des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés (…)" ;
ET AUX MOTIFS QUE "sur la demande de dommages et intérêts : la méconnaissance par la société SEETE des dispositions litigieuses concernant les congés payés porte atteinte à l'intérêt collectif que les organisations demanderesses ont pour charge de défendre ; que la cour juge cependant excessif le montant de l'indemnité allouée de ce chef et qu'une indemnité de 5 000 euros apparaît suffisante pour réparer ce préjudice" ;
ET AUX MOTIFS adoptés QUE "l'indemnité de congés payés régie par les articles L. 3141-22 et suivants du Code du travail est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ; que la rémunération comprend le salaire et les éléments accessoires du salaire qui ne représentent pas un remboursement de frais professionnels ni la compensation d'un risque exceptionnel ;
QUE l'article 25-3 de la convention collective dispose que le salarié en congés cesse d'émarger à la répartition des pourboires ; dans ce cas, il perçoit pour la période de ses congés une indemnité à la charge de l'employeur correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé. Toutefois, un accord d'entreprise peut prévoir que le salarié continue d'émarger aux pourboires. Dans ce cas, il perçoit une indemnité de congés payés à la charge de l'employeur égale au 1/10ème des sommes qu'il a perçues au titre de la répartition des pourboires pour la période de référence déterminée suivant les règles en vigueur dans l'entreprise, complétée du 1/10ème des sommes qu'il a perçues au titre de l'indemnité de congés payés sur l'année ;
QUE l'article 10-3 de l'accord d'entreprise signé le 6 décembre 1996 dispose que "le personnel en congés payés reste sur la masse des pourboires. En juin, il est versé le 1/10ème des salaires perçus de juin à mai de l'année précédente" ;
QUE les demandeurs font valoir que les salariés ne perçoivent pas l'indemnité de congés payés portant sur les deux jours de fractionnement supplémentaires imposés par l'employeur, puisqu'ils perçoivent l'indemnité de congés payés au mois de juin 2010 ;
QUE la preuve du paiement de l'indemnité de congés payés incombe à l'employeur ; que tout congé supplémentaire, même d'origine conventionnelle, est indemnisé sur la base d'une indemnité journalière du congé principal ; que les dispositions légales qui déterminent le mode de calcul de l'indemnité de congés payés sont d'ordre public et s'appliquent également aux congés payés d'origine conventionnelle de sorte que l'employeur ne peut se prévaloir d'un usage pour imposer aux salariés des mesures moins favorables ; que l'indemnité de congés payés doit dès lors être calculée proportionnellement à la durée de congé effectivement dû ;
QU'en l'espèce, l'employeur se borne à affirmer qu'il respecte les dispositions conventionnelles sans rapporter la preuve du paiement de l'indemnité de congés payés due sur les deux jours de fractionnement ; qu'il convient, en conséquence, d'enjoindre à la Société SEETE d'intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire dû à raison de ces deux jours de fractionnement au 1/10ème des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés" ;
1°) ALORS QU'en cas de concours de dispositions légales et conventionnelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé ; que la comparaison doit être effectuée d'une manière globale, avantage par avantage ; qu'en l'espèce, la SEETE faisait valoir qu'un tel concours existait entre les dispositions de la loi et celles de l'accord d'entreprise du 6 décembre 1996 ayant pour objet l'indemnisation des congés payés des salariés de l'activité jeux de table, exclusivement rémunérés par répartition de la masse des pourboires ; que selon les dispositions de l'article L. 3141-22 du Code du travail, ces salariés devaient bénéficier, pendant leurs congés, d'une "indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue… au cours de l'année précédente", au moins égale à "la rémunération qu'ils auraient perçue pendant la période de congés s'ils avaient continué à travailler", la loi prévoyant par ailleurs, pour un congé d'une durée supérieure à la durée légale de 30 jours ouvrables, le calcul de l'indemnité "proportionnellement à la durée du congé effectivement dû" ; que, pour sa part, l'article 10-3 de l'accord d'entreprise du 6 décembre 1996 prévoyait au titre de l'indemnisation des congés payés, d'une part le versement en juin par l'employeur d'une indemnité égale à "1/10ème des salaires perçus de juin à mai de l'année précédente" et d'autre part, pendant le congé et quelle qu'en soit la durée, le maintien des salariés "sur la masse des pourboires", c'est à dire le maintien de leur rémunération d'activité ; que, pour tenir compte de l'indemnisation des deux journées de fractionnement, il appartenait à la Cour d'appel de rechercher, comme elle y était invitée, si l'indemnisation globale des congés payés par versement d'une indemnité, égale à 32/30ème du dixième de la rémunération brute totale perçue au cours de l'année précédente, due en application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, était ou non plus favorable que celle résultant de l'application de l'accord d'entreprise qui prévoyait au profit du salarié, en sus d'une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue au cours de l'année précédente, son maintien sur la masse des pourboires pendant la période de congés payés ; que seule la plus favorable de ces deux indemnisations était due ; qu'en se dispensant de cette recherche, et en condamnant la SEETE à "… intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire, dû à raison de deux jours de fractionnement, au 1/10ème des sommes perçues au titre de l'indemnité de congés payés pour chacun des salariés concernés", permettant ainsi aux salariés concernés de cumuler, pour l'indemnisation de leurs congés payés, les avantages issus de la loi avec ceux de l'accord d'entreprise, la Cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2°) ALORS QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits produits aux débats par les parties pour étayer leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la SEETE avait démontré, par la production aux débats des bulletins de salaire d'un salarié occupant des fonctions de croupier, que les salariés dépendant de l'activité "jeux de table" bénéficiaient, au titre de l'indemnisation de leurs congés payés, du maintien de l'émargement aux pourboires pendant les périodes de congés et d'une indemnité de congés payés servie en juin et figurant sur leurs bulletins de salaire sous la rubrique "chèque vacances", d'un montant égal au dixième de la rémunération totale brute de la période de référence ; qu'il incombait dès lors aux juges du fond de rechercher si l'indemnisation totale des congés payés ainsi versée était ou non plus favorable que celle due en application de la loi, incluant au prorata le congé de fractionnement ; qu'en condamnant la SEETE à "intégrer dans le versement de l'indemnité annuelle de congés payés le prorata supplémentaire dû à raison des deux jours de fractionnement", motif pris qu'elle ne rapportait pas "la preuve du paiement de l'indemnité de congés payés sur les deux jours de fractionnement", la Cour d'appel a dénaturé par omission cet élément dont ressortait une indemnisation totale des congés payés plus favorable que celle prévue par la loi, jours de fractionnement inclus, la Cour d'appel a méconnu le principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-21266
Date de la décision : 01/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 12 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 déc. 2016, pourvoi n°15-21266


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.21266
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