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23/02/2017 | FRANCE | N°16-13791

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 février 2017, 16-13791


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2016), que le syndicat mixte de l'Île Saint-Germain (le SMISG), se prévalant d'une donation faite à son profit par M. et Mme X... d'un ensemble d'oeuvres d'art contemporain et d'un litige potentiel portant sur la responsabilité de ces derniers en leur qualité de séquestre de ces oeuvres, a fait assigner M. et Mme X..., la société Liseclaire et la société Total lubrifiants devant un juge des référés pour obtenir, s

ur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2016), que le syndicat mixte de l'Île Saint-Germain (le SMISG), se prévalant d'une donation faite à son profit par M. et Mme X... d'un ensemble d'oeuvres d'art contemporain et d'un litige potentiel portant sur la responsabilité de ces derniers en leur qualité de séquestre de ces oeuvres, a fait assigner M. et Mme X..., la société Liseclaire et la société Total lubrifiants devant un juge des référés pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice afin de procéder au récolement des oeuvres d'art objet de cette donation ; que le SMISG a interjeté appel de l'ordonnance l'ayant débouté de sa demande ;

Attendu que le SMISG fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant rejeté sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction in futurum qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet de conserver ou d'établir ; que pour débouter le SMISG de sa demande tendant à voir désigner un huissier de justice aux fins de procéder au récolement des oeuvres objet de la donation du 30 janvier 2001 stockées dans la propriété des époux donateurs, chargés d'une mission de séquestre, la cour d'appel a affirmé que les allégations de l'appelante n'étaient étayées « par aucune pièce récente laissant penser que la responsabilité du séquestre pourrait utilement être recherchée sur le fondement des articles 1961 et suivants du code civil » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la mesure de récolement sollicitée visait précisément à établir l'éventuelle déperdition des oeuvres que les époux X... avaient la charge de conserver en leur qualité de séquestre et partant, l'existence d'une éventuelle faute de nature à engager leur responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ que le SMISG faisait valoir dans ses conclusions, ainsi que cela a été relevé par la cour d'appel elle-même, qu'il y avait fort à craindre que les oeuvres n'aient pas été conservées dans des conditions optimales de stockage, voire que certaines oeuvres aient pu être endommagées en méconnaissance, par les époux X..., de l'obligation à laquelle ils étaient tenus, en qualité de séquestre, de conserver les oeuvres « en bon père de famille » ; que pour retenir que la demande du SMISG ne reposait sur aucun motif légitime, la cour d'appel a affirmé que l'exposant « n'expliqu [ait] pas en quoi la circonstance que des mesures conservatoires ou d'exécution seraient engagées par des tiers sur les biens séquestrés pourraient en l'espèce permettre d'engager la responsabilité de M. et Mme X... en qualité de séquestre judiciaire » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si l'endommagement des oeuvres lié à leurs conditions de stockage – fait qui était susceptible d'engager la responsabilité des époux X... en leur qualité de séquestre – ne suffisait pas à caractériser l'existence d'un motif légitime justifiant le prononcé de la mesure de récolement sollicitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ que le SMISG faisait encore valoir, dans ses écritures, que la mesure de récolement sollicitée devait lui permettre d'envisager une action future sur le fond visant à engager la responsabilité « de tout créancier des époux X... », dont la société Total Lubrifiants, ayant pu faire procéder à des mesures de saisies au mépris du séquestre judiciaire ; que pour retenir que la demande du SMISG ne reposait sur aucun motif légitime, la cour d'appel a affirmé que l'exposant « n'expliqu [ait] pas en quoi la circonstance que des mesures conservatoires ou d'exécution seraient engagées par des tiers sur les biens séquestrés pourrait en l'espèce permettre d'engager la responsabilité de M. et Mme X... en qualité de séquestre judiciaire » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette circonstance ne permettait pas au SMISG d'envisager une action en responsabilité contre les tiers saisissants eux-mêmes et partant d'établir l'existence d'un motif légitime justifiant le prononcé de la mesure de récolement sollicitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

4°/ que l'éventualité que la partie sollicitant une mesure d'instruction in futurum puisse, par la suite, perdre son intérêt à exercer au fond l'action qu'elle serait susceptible d'engager sur la base du résultat de la mesure sollicitée, ne fait pas obstacle au bien-fondé de la demande d'instruction in futurum ; que pour rejeter la demande du SMISG, la cour d'appel a retenu que cette demande aurait été « prématurée, en l'état de procédures portant sur la propriété des oeuvres, dont l'issue conditionne [rait] l'intérêt à agir du SMISG » dans le cadre de l'action qu'il serait, par la suite, susceptible de diligenter au fond contre les époux X... et les tiers créanciers de ces derniers ; qu'en statuant ainsi, cependant que la perte ultérieure éventuelle de l'intérêt à agir du SMISG à cette action au fond – pouvant résulter de l'éventuelle remise en cause de sa qualité de propriétaire des oeuvres litigieuses à l'issue des procédures pendantes portant sur la propriété desdites oeuvres – était sans impact sur la détermination du bien-fondé de sa demande tendant à voir ordonner la mesure de récolement sollicitée, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette circonstance ne permettait pas au SMISG d'envisager une action en responsabilité contre les tiers saisissants eux-mêmes et partant d'établir l'existence d'un motif légitime justifiant le prononcé de la mesure de récolement sollicitée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 45 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les allégations du SMISG étaient vagues et imprécises, qu'elles n'étaient étayées par aucune pièce récente laissant penser que la responsabilité du séquestre pourrait utilement être recherchée et qu'il n'était pas expliqué en quoi la circonstance que des mesures conservatoires ou d'exécution seraient engagées par des tiers sur les biens séquestrés pouvaient en l'espèce permettre d'engager la responsabilité de M. et Mme X... en qualité de séquestre judiciaire, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui a répondu aux recherches prétendûment omises et n'a pas exigé la preuve de faits que la mesure d'instruction in futurum avait pour objet d'établir, a retenu, abstraction faite du motif surabondant relatif au caractère prématuré de la demande, que le SMISG ne justifiait pas d'un motif légitime à l'obtention de la mesure sollicitée ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses trois premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Syndicat mixte de l'Île Saint-Germain aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour le Syndicat mixte de l'Île Saint-Germain

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 19 décembre 2014 ayant rejeté la demande du Syndicat Mixte de l'Ile Saint-Germain (SMISG) aux fins d'obtenir la désignation d'un huissier de justice pour procéder au récolement des oeuvres d'art ayant fait l'objet de la donation du 30 janvier 2001 ;

AUX MOTIFS QU'« il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure sollicitée est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur ; que le SMISG explique qu'il y a fort à craindre que les oeuvres ne soient plus conservées dans des conditions optimales de stockage, voire que certaines oeuvres aient pu être endommagées et que ses craintes sont confortées par le fait que les loyers ne sont plus payés ; qu'il ajoute qu'il avait été constaté en 2007 que les bâtiments où étaient entreposés les oeuvres étaient alors mal entretenus et que des saisies aurait été pratiquées par des créanciers de M. et Mme X... en particulier par Total ; que le SMISG envisage d'engager un procès qui, selon ses propres termes, portera très probablement sur la responsabilité délictuelle de M. et Mme X... en qualité de séquestre ; que les allégations de l'appelant sont vagues et imprécises ; qu'elles ne sont étayées par aucune pièce récente laissant penser que la responsabilité du séquestre pourrait utilement être recherchée sur le fondement des articles 1961 et suivants du code civil ; qu'en outre, le SMISG n'explique pas en quoi la circonstance que des mesures conservatoires ou d'exécution seraient engagées par des tiers sur les biens séquestrés pourraient en l'espèce permettre d'engager la responsabilité de M. et Mme X... en qualité de séquestre judiciaire ; qu'enfin la demande apparaît prématurée, en l'état de procédures portant sur la propriété des oeuvres dont l'issue conditionne l'intérêt à agir du SMISG ; que la demande du SMISG, qui ne repose sur aucun motif légitime, sera rejetée » ;

1°/ ALORS QUE le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction in futurum qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet de conserver ou d'établir ; que pour débouter le SMISG de sa demande tendant à voir désigner un huissier de justice aux fins de procéder au récolement des oeuvres objet de la donation du 30 janvier 2001 stockées dans la propriété des époux donateurs, chargés d'une mission de séquestre, la Cour d'appel a affirmé que les allégations de l'appelante n'étaient étayées « par aucune pièce récente laissant penser que la responsabilité du séquestre pourrait utilement être recherchée sur le fondement des articles 1961 et suivants du code civil » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la mesure de récolement sollicitée visait précisément à établir l'éventuelle déperdition des oeuvres que les époux X... avaient la charge de conserver en leur qualité de séquestre et partant, l'existence d'une éventuelle faute de nature à engager leur responsabilité, la Cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE le SMISG faisait valoir dans ses conclusions (p. 19 § 4), ainsi que cela a été relevé par la Cour d'appel elle-même (cf. arrêt p. 6 § 10), qu'il y avait fort à craindre que les oeuvres n'aient pas été conservées dans des conditions optimales de stockage, voire que certaines oeuvres aient pu être endommagées en méconnaissance, par les époux X..., de l'obligation à laquelle ils étaient tenus, en qualité de séquestre, de conserver les oeuvres « en bon père de famille » ; que pour retenir que la demande du SMISG ne reposait sur aucun motif légitime, la Cour d'appel a affirmé que l'exposant « n'expliqu [ait] pas en quoi la circonstance que des mesures conservatoires ou d'exécution seraient engagées par des tiers sur les biens séquestrés pourraient en l'espèce permettre d'engager la responsabilité de M. et Mme X... en qualité de séquestre judiciaire » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si l'endommagement des oeuvres lié à leurs conditions de stockage – fait qui était susceptible d'engager la responsabilité des époux X... en leur qualité de séquestre – ne suffisait pas à caractériser l'existence d'un motif légitime justifiant le prononcé de la mesure de récolement sollicitée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE le SMISG faisait encore valoir, dans ses écritures (p. 27 § 7), que la mesure de récolement sollicitée devait lui permettre d'envisager une action future sur le fond visant à engager la responsabilité « de tout créancier des époux X... », dont la société Total Lubrifiants, ayant pu faire procéder à des mesures de saisies au mépris du séquestre judiciaire ; que pour retenir que la demande du SMISG ne reposait sur aucun motif légitime, la Cour d'appel a affirmé que l'exposant « n'expliqu [ait] pas en quoi la circonstance que des mesures conservatoires ou d'exécution seraient engagées par des tiers sur les biens séquestrés pourrait en l'espèce permettre d'engager la responsabilité de M. et Mme X... en qualité de séquestre judiciaire » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette circonstance ne permettait pas au SMISG d'envisager une action en responsabilité contre les tiers saisissants eux-mêmes et partant d'établir l'existence d'un motif légitime justifiant le prononcé de la mesure de récolement sollicitée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE l'éventualité que la partie sollicitant une mesure d'instruction in futurum puisse, par la suite, perdre son intérêt à exercer au fond l'action qu'elle serait susceptible d'engager sur la base du résultat de la mesure sollicitée, ne fait pas obstacle au bien-fondé de la demande d'instruction in futurum ; que pour rejeter la demande du SMISG, la Cour d'appel a retenu que cette demande aurait été « prématurée, en l'état de procédures portant sur la propriété des oeuvres, dont l'issue conditionne [rait] l'intérêt à agir du SMISG » dans le cadre de l'action qu'il serait, par la suite, susceptible de diligenter au fond contre les époux X... et les tiers créanciers de ces derniers ; qu'en statuant ainsi, cependant que la perte ultérieure éventuelle de l'intérêt à agir du SMISG à cette action au fond – pouvant résulter de l'éventuelle remise en cause de sa qualité de propriétaire des oeuvres litigieuses à l'issue des procédures pendantes portant sur la propriété desdites oeuvres – était sans impact sur la détermination du bien-fondé de sa demande tendant à voir ordonner la mesure de récolement sollicitée, la Cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-13791
Date de la décision : 23/02/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 fév. 2017, pourvoi n°16-13791


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13791
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