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02/03/2017 | FRANCE | N°15-15405

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2017, 15-15405


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [N] a été engagée le 14 septembre 2005 par la société MTCA Rouen (la société) en qualité de technico-commercial ; que le contrat de travail stipulait une clause de non-concurrence dont l'employeur pouvait se libérer, par lettre recommandée, au plus tard dans les trente jours suivant le départ effectif de la salariée de l'entreprise ; que par lettre du 6 février 2012, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour m

otif économique, au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [N] a été engagée le 14 septembre 2005 par la société MTCA Rouen (la société) en qualité de technico-commercial ; que le contrat de travail stipulait une clause de non-concurrence dont l'employeur pouvait se libérer, par lettre recommandée, au plus tard dans les trente jours suivant le départ effectif de la salariée de l'entreprise ; que par lettre du 6 février 2012, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique, au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé qu'elle a accepté le 15 février suivant ; que par lettre notifiée le 22 février 2012, la société a informé la salariée des motifs économiques de la rupture ; que par lettre expédiée le 28 mars 2012, elle a délié la salariée de son obligation de non-concurrence ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1221-1 et L. 1233-67 du code du travail et l'article 5 de la convention UNEDIC agréée par arrêté du 6 octobre 2011 ;

Attendu qu'en cas de rupture du contrat de travail sans exécution d'un préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise ; que selon les troisième et quatrième de ces textes, lorsqu'un salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité de préavis, intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti ; qu'il en résulte qu'en cas de rupture du contrat de travail résultant de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que la rupture du contrat de travail a pris effet le 6 mars 2012, à la date d'expiration du délai de réflexion imparti au salarié pour accepter ou non le contrat de sécurisation professionnelle et que par une lettre envoyée le 28 mars 2012, avant l'expiration du délai de trente jours stipulé à l'article 10 du contrat de travail, l'employeur a notifié la levée de la clause de non-concurrence ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [N] en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 28 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société MTCA Rouen aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MTCA Rouen à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme [N]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame [T] [N] de sa demande de condamnation de la Société MCTA Rouen au paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ;

AUX MOTIFS propres QUE "…l'article 10 du contrat prévoit une clause de non concurrence, la salariée s'engageant à ne pas travailler dans un secteur d'activité concurrente à celle de la MTCA, selon une zone géographique délimitée, "cette interdiction s'appliquera pendant une durée de deux années à compter de la rupture effective du contrat de travail. En contrepartie de cette interdiction de concurrence, Madame [T] [N] percevra mensuellement et pendant toute sa durée une contrepartie financière (....). La société MTCA pourra délier Madame [T] [N] de son obligation de non concurrence, partiellement ou totalement à la condition expresse de lui signifier par lettre recommandée, au plus tard dans les 30 jours qui suivent le départ effectif de Madame [T] [N] de l'entreprise (notamment fin de préavis s'il est effectué)" ;

QU'il est constant que l'employeur a notifié le 28 mars 2012 à la salariée la levée de la clause de non concurrence ;

QU'en premier lieu … le libellé même de la clause lie la contrepartie financière prévue à l'obligation de non concurrence mise à la charge de la salariée, dès lors que cette interdiction a été levée comme c'est la cas en l'espèce, la salariée ne peut prétendre à la contrepartie financière prévue par l'article 10 de son contrat de travail ;

QU'en second lieu, la levée de cette obligation le 28 mars 2012 l'a été dans le délai prévu par l'article 10 précité ; qu'en effet, comme l'ont très justement souligné les premiers juges, c'est à la date d'expiration du délai de réflexion de 21 jours imparti au salarié pour accepter ou non le CSP, soit le 6 mars 2012, que la rupture du contrat de travail prend effet ; qu'ainsi, l'employeur a notifié la levée de la clause de non concurrence dans le délai stipulé à l'article 10 du contrat de travail, cette lettre ayant été envoyée le 28 mars 2012, soit avant l'expiration du délai de 30 jours" (arrêt p.6, p.7 alinéas 1 et 2) ;

ET AUX MOTIFS supposés adoptés QUE "s'il ressort de l'article L.1233-67 du Code du travail que l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail, l'article L.1233-68 prévoit qu'un accord conclu et agréé dans les conditions prévues à la section 5 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie définit les modalités de mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle ;

QU'en l'espèce, conformément à la Convention du 19 juillet 2011, agréée par arrêté du 6 octobre 2011, un délai de réflexion de 21 jours a été prévu au profit du salarié ; que, s'agissant d'une règle protectrice, le salarié doit pouvoir revenir sur son acceptation durant ce délai ; que dès lors, et conformément à ce qui a été précisé dans cette convention, c'est, en cas d'acceptation du salarié, à l'expiration du délai de réflexion que le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord des parties ;

QUE par ailleurs, en cas de licenciement notifié antérieurement à l'expiration du délai de réflexion, ce n'est qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle que la lettre de licenciement constituera le motif de la rupture ;

QU'il résulte enfin de l'article 10 du contrat de travail de Madame [N] que "… La Société MTCA pourra délier Madame [T] [N] de son obligation de non concurrence, partiellement ou totalement, à la condition expresse de [le] lui signifier par lettre recommandée au plus tard dans les 30 jours qui suivent le départ effectif de Madame [T] [N] de l'entreprise (notamment fin de préavis s'il est effectué)" ; qu'aussi en l'espèce, et au-delà de la dispense d'activité notifiée à Madame [N] dès la convocation à entretien préalable, laquelle ne valait pas rupture du contrat de travail et ne pouvait dès lors être considérée comme constituant le départ effectif de Madame [N] de la Société, c'est bien à la date de la rupture qu'il convient d'apprécier si le délai de 30 jours a été respecté ;

QU'en l'espèce, l'expiration du délai de réflexion constituant la date de la rupture étant fixée au 6 mars, force est de constater que l'employeur a notifié la levée de la clause de non concurrence dans le délai prévu par le contrat de travail, ce courrier ayant été envoyé le 28 mars 2012, soit avant le délai de 30 jours" (jugement p.7 in fine, p.8) ;

ALORS QU'en cas de rupture du contrat de travail sans que le salarié exécute un préavis, la date à partir de laquelle ce salarié est tenu de respecter l'obligation de non concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles de son départ effectif de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires ; que lorsque le salarié, inclus dans un projet de licenciement pour motif économique, accepte le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail est rompu sans préavis 21 jours après son adhésion ; que cette date constitue celle de son départ effectif, après laquelle l'employeur ne peut plus lever l'obligation de non concurrence ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la rupture du contrat de travail de Madame [N] a pris effet le 6 mars 2012, date d'expiration du délai de réflexion suivant son adhésion, en date du 15 février précédent, au contrat de sécurisation professionnelle ; que cette date du 6 mars 2012 constituait la date de son départ effectif de l'entreprise après laquelle l'employeur ne pouvait plus renoncer à la clause de non concurrence, nonobstant toutes stipulations contraires ; qu'en retenant cependant que la levée de la clause de non concurrence, notifiée le 28 mars 2012, n'était pas tardive la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble les articles 1134 du Code civil L.1121-1, L.1233-67 et L.1233-68 du Code du travail.Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société MTCA Rouen

Le pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société MTCA à payer à Mme [N] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, elle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. Aussi, l'employeur doit énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement, soit lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation de la proposition de convention, dans tout autre document écrit remis ou adressé au salarié au plus tard au moment de son acceptation ; qu'en l'espèce, il est constant que Madame [N] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 15 février 2012 et qu'aucun document écrit explicitant les motifs économiques justifiant la nécessité d'un licenciement économique ne lui a été remis antérieurement ou concomitamment, la lettre de convocation à entretien préalable faisant simplement état d'un licenciement envisagé pour motif économique ; que ce n'est donc qu'en recevant la lettre de licenciement du 22 février, soit postérieurement à son acceptation, que Madame [N] a eu connaissance des motifs précis du licenciement ; que, dès lors, il doit être considéré que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE ce sont par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, constatant que Mme [N] avait accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 15 février 2012 et qu'aucun document écrit explicitant les motifs justifiant un licenciement économique ne lui avait été remis antérieurement ou concomitamment, ont considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, le motif économique de la rupture du contrat de travail n'ayant été porté à la connaissance de la salariée que par la lettre de licenciement en date du 22 février 2012, soit postérieurement à l'acceptation par celle-ci du contrat de sécurisation professionnelle, le 15 février 2012 ;

ALORS QUE lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique, soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié, en application du premier des textes susvisés, lorsque le délai dont dispose le salarié pour faire connaître sa réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L 1233-15 et L 1233-39 du Code du travail ; que lorsqu'un salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti ; qu'en décidant que le licenciement économique de Mme [N] était privé de cause réelle et sérieuse, dès lors qu'elle avait eu connaissance des motifs justifiant son licenciement économique postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, en date du 15 février 2012, et ce à réception de la lettre de licenciement du 22 février 2012, bien que le délai de réflexion de 21 jours dont dispose le salarié pour accepter ou refuser le CSP ne soit pas encore expiré, la Cour d'appel a violé l'article 5 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011 agréée par arrêté du 6 octobre 2011 et les articles L 1233-65, L 1233-66 et L 1233-67 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-15405
Date de la décision : 02/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 28 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2017, pourvoi n°15-15405


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.15405
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