La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2017 | FRANCE | N°16-11113;16-11540

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 02 mars 2017, 16-11113 et suivant


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° K 16-11.113 et Z 16-11.540 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2015, RG n° 14/00689), qu'au cours de l'année 2006, la société Marc Le Nezet consultants (la société MLNC) a commercialisé un programme relevant d'un dispositif légal de défiscalisation, portant sur quatre-vingt-sept logements dépendant de deux résidences de tourisme, dénommé « [Adresse 8] », implanté en zone de revitalisation rurale et réalisé par la société Les Jardins du mouli

n, promoteur vendeur ; que M. et Mme [D] (les acquéreurs) ont acquis de cette sociét...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° K 16-11.113 et Z 16-11.540 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2015, RG n° 14/00689), qu'au cours de l'année 2006, la société Marc Le Nezet consultants (la société MLNC) a commercialisé un programme relevant d'un dispositif légal de défiscalisation, portant sur quatre-vingt-sept logements dépendant de deux résidences de tourisme, dénommé « [Adresse 8] », implanté en zone de revitalisation rurale et réalisé par la société Les Jardins du moulin, promoteur vendeur ; que M. et Mme [D] (les acquéreurs) ont acquis de cette société, par acte du 12 décembre 2006, un bien dépendant de ce programme au prix de 118 194 euros, financé à l'aide d'un emprunt, puis ont donné ce bien à bail commercial, moyennant un loyer annuel de 3 840 euros, à la société Financière sport et loisir (la société FSL) qui avait conclu le 20 décembre 2006 une convention commerciale en vue de l'exploitation des résidences en cause avec la société Les Jardins du moulin ; qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte au profit de la société FSL par jugement du 5 novembre 2008 et que l'administrateur a résilié les baux commerciaux conclus avec tous les copropriétaires à compter du 15 décembre 2008 ; que les acquéreurs ont transigé avec la société chargée de l'exploitation des résidences, suivant acte du 24 mars 2009, et choisi de se faire régler comptant, pour solde de tous comptes, une somme de 2 278,80 euros au titre de l'arriéré de loyers ; que le nouveau bail signé avec la société Trebas exploitation garantissait un loyer fixe de 60 000 euros minimum pour l'ensemble de la résidence à compter du 25 avril 2010 et un loyer variable correspondant à 50 % du chiffre d'affaires net réalisé et encaissé pour l'activité « hébergement » ; que se plaignant de n'avoir jamais perçu l'intégralité des loyers initialement prévus et de l'absence de compte séquestre destiné à garantir ceux-ci, les acquéreurs ont assigné, notamment, la société MLNC, qui a ultérieurement fait l'objet d'une procédure collective, son assureur, la société Assurances générales de France, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz IARD (l'assureur), M. [L], mandataire de la société MLNC, et la société Les Jardins du moulin ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 16-11.540 de l'assureur :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de mise hors de cause, de dire qu'il ne pouvait opposer aucune exclusion de garantie et de le condamner, in solidum avec la société Les Jardins du moulin et M. [L], à verser aux acquéreurs la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'une perte de chance et celle de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite « Hoguet » et du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 s'appliquent exclusivement aux personnes se livrant ou prêtant leur concours, de manière habituelle, à une opération prévue par l'article 1er de cette loi, et chargées d'un mandat écrit consistant en la recherche de clients et la négociation, ou en l'une de ces missions seulement ; qu'elles ne bénéficient pas à la personne à laquelle est confiée une mission de conception, d'assistance et de commercialisation d'un programme immobilier, par exemple dans le cadre d'une opération de défiscalisation immobilière ; que la seule participation du mandataire commercialisateur au processus de conclusion de la vente ne suffit pas à le qualifier d'intermédiaire au sens de la loi Hoguet ; qu'en l'espèce, l'assureur faisait valoir que le contrat d'assurance de responsabilité souscrit par la société MLNC ne couvrait que ses activités visées par la loi Hoguet et celles en rapport avec ces activités principales ; qu'il faisait également valoir que la société MLNC était uniquement intervenue en tant qu'audit et conseil en optimisation fiscale financière et patrimoniale dans le cadre d'une mission de commercialisation, et qu'aucun mandat écrit, tel qu'exigé par la loi Hoguet, ne lui avait été confié ; que la cour d'appel a pourtant considéré par motifs propres et adoptés que la société MLNC avait exercé « l'activité principale garantie, concrétisée par la conclusion de ventes immobilières, fût-ce par l'intermédiaire de mandataires indépendants, dont l'intervention habituelle en la matière n'est pas prohibée par la police ni de nature à modifier la garantie due par l'assureur, quelles qu'aient été les modalités effectives par lesquelles s'est exercée cette activité » et peu important « les moyens tirés de l'irrégularité du mandat donné à l'agent immobilier par le promoteur vendeur » ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la société MLNC avait exercé l'activité d'agent immobilier, tandis qu'elle avait retenu qu'elle était intervenue en tant que « mandataire commercialisateur », et sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société MLNC n'avait en réalité exercé qu'une mission de commercialisation du programme immobilier réalisé par la société Les Jardins du moulin, à l'exclusion de toute activité d'intermédiation immobilière au sens de la loi Hoguet, en l'absence de preuve d'un mandat écrit conforme à cette loi d'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 124-3 du code des assurances ;

2°/ que l'étendue de la garantie d'assurance résulte de la définition du risque garanti par le contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, en énonçant que l'assureur n'établissait pas que la société MLNC aurait exercé l'une des activités exclues par le contrat, pour écarter le moyen tiré de l'absence de garantie de l'activité de cette société à l'origine du fait dommageable, tandis que l'absence d'exclusion expresse de l'activité de mandataire commercialisateur n'impliquait pas la garantie de cette activité, laquelle, comme le faisait valoir l'assureur, était distincte de celle d'agent immobilier au sens de la loi Hoguet et n'était donc pas couverte par le contrat d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 124-3 du code des assurances ;

3°/ que l'étendue de la garantie d'assurance ne saurait excéder les termes par lesquels le risque couvert est défini par le contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, l'assureur faisait valoir que la garantie souscrite par la société MLNC ne couvrait que son activité d'agent immobilier au sens de la loi Hoguet, et les activités s'y rapportant ; qu'en décidant, par motifs adoptés, que la police souscrite garantissait « l'activité également de « conseil… dans toutes les opérations immobilières » et n'excluait pas expressément l'activité d'audit et de conseil en optimisation fiscale financière et patrimoniale », sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette activité de conseil était l'accessoire d'une activité principale d'agent immobilier, seule garantie, ce qui n'était pas le cas, de sorte qu'aucune garantie ne pouvait être due au titre d'un manquement à cette activité principale de conseil en défiscalisation immobilière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 124-3 du code des assurances ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle des administrateurs de biens et agents immobiliers souscrit par la société MLNC prévoit que les activités de l'assuré susceptibles de bénéficier de la garantie sont celles qui sont visées par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 et notamment les transactions sur immeubles et fonds de commerce, la gestion immobilière et de syndic de copropriété ainsi que les activités en rapport avec ces activités principales, à l'exclusion cependant de celles de promoteur, constructeur, réalisateur, fabricant, marchand de biens, avocat, expert-comptable, notaire, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que la société MLNC a été en l'espèce rémunérée par le seul promoteur pour rechercher et présenter des acquéreurs et qu'il y a bien eu transaction immobilière par son entremise, et, par motifs propres, que l'assureur n'établit pas que la société MLNC aurait exercé en l'espèce l'une des activités exclues par le contrat et que cette société, qui n'était pas rémunérée par l'acquéreur dont elle n'était pas le conseil en gestion de patrimoine, a exercé, pour la commercialisation du programme immobilier, l'activité principale garantie, concrétisée par la conclusion de ventes immobilières, fût-ce par l'intermédiaire de mandataires indépendants dont l'intervention habituelle en la matière n'est pas prohibée par la police ni de nature à modifier la garantie due par l'assureur du mandant, de sorte que les moyens tirés de l'irrégularité du mandat donné à l'agent immobilier par le promoteur vendeur sont inopérants ; que, par ces seuls motifs desquels il résulte que la garantie de l'assureur était recherchée au titre d'une activité couverte par le contrat conclu par la société MLNC, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° K 16-11.113 de M. [L], pris en ses première et troisième branches, et le second moyen du pourvoi n° Z 16-11.540 de l'assureur, pris en ses deux dernières branches, qui sont similaires, réunis, tels que reproduits en annexe :

Attendu que M. [L] fait grief à l'arrêt de juger que les acquéreurs pouvaient se prévaloir d'une perte de chance de ne pas contracter et de le condamner, in solidum avec d'autres, à leur payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de cette perte de chance ; que l'assureur fait grief à l'arrêt de dire que la société MLNC a manqué à son obligation précontractuelle d'information des acquéreurs et de le condamner en conséquence, en tant qu'assureur de cette société, in solidum avec la société Les Jardins du moulin et M. [L], à verser aux acquéreurs la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'une perte de chance et celle de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

Attendu que le jugement a retenu que les acquéreurs ne pouvaient se prévaloir que d'une perte de chance de n'avoir pas contracté et qu'il ne résulte ni de leurs conclusions ni de l'arrêt que M. [L] et l'assureur aient fait valoir en appel qu'un tel préjudice n'était pas réparable dans les circonstances de l'espèce ; qu'il s'ensuit que le grief de la première branche du moyen du pourvoi de M. [L] et de la deuxième branche du second moyen du pourvoi de l'assureur est nouveau, mélangé de fait et de droit, partant irrecevable ; que, sous couvert d'un grief non fondé de violation de l'article 1382 du code civil, ces moyens ne tendent en leur troisième branche qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'évaluation souveraine du préjudice résultant de la perte de chance litigieuse faite par la cour d'appel qui s'est référée à la mesure de la probabilité de la chance perdue de ne pas conclure la vente après avoir constaté, par des motifs non critiqués, que le défaut d'information des acquéreurs avait été de nature à peser sur leur décision d'acquérir le bien au prix fixé ;

D'où il suit que le moyen du pourvoi de M. [L] ne peut être accueilli en ses première et dernière branches et que le second moyen du pourvoi de l'assureur ne peut être l'être en aucune de ses deux dernières branches ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du moyen unique du pourvoi de M. [L] et la première branche du second moyen du pourvoi de l'assureur, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. [L] et la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [D] la somme globale de 1 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° K 16-11.113 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. [L]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt, partiellement confirmatif, attaqué d'AVOIR jugé que les époux [D] pouvaient se prévaloir d'une perte de chance de ne pas contracter et d'AVOIR condamné M. [L], in solidum avec d'autres, à leur payer la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de cette perte de chance ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. [C] [L] a admis avoir agi en qualité de mandataire dont la mission consistait dans la présentation et l'explication des brochures et documents émis par ses mandants même s'il n'a pas participé à l'élaboration de la documentation publicitaire ; que s'il soutient que dans le cadre de ce mandat de présentation des produits, il n'a contracté aucune obligation au titre de la réalisation des engagements souscrits, le tribunal a justement relevé que la convention qu'il avait pu signer avec la société MLNC, qui le rémunérait, était inopposable aux acquéreurs et ne pouvait faire obstacle à son obligation de recueillir les informations essentielles sur le produit commercialisé en vue de s'assurer de l'effectivité de son caractère contractuel à l'égard de l'exploitant et au profit des acquéreurs, a fortiori s'agissant d'un concept nouveau constitué par le projet d'accompagnement médical à destination des futurs locataires de la résidence ; qu'il a ainsi manqué à l'obligation précontractuelle d'information des acquéreurs pesant sur les professionnels que sont le promoteur vendeur et son mandataire commercial ainsi que sur le mandataire de celui-ci et en conséquence engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de ces acquéreurs ; qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [C] [L] à ce titre » ;

ET QUE « le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation des préjudices invoqués autres que le préjudice moral et celui résultant de la perte de chance qui doit être mesurée à la probabilité de la chance perdue par eux de ne pas conclure la vente litigieuse ; qu'au regard des éléments produits devant la cour, l'indemnisation de cette perte de chance sera ramenée à la somme de 8.000 euros »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« M. [L] ne conteste pas sa qualité de mandataire ni avoir présenté et expliqué les brochures mises à sa disposition par ses mandants ; qu'il n'a certes pas participé à l'élaboration de la plaquette d'information mais en tant que professionnel, il lui incombait de "s'informer pour informer". La convention qu'il a pu signer avec la société MLNC est inopposable au tiers acquéreur et ne saurait faire obstacle au recueil des informations essentielles sur le produit commercialisé, a fortiori quand il s'agit d'un concept nouveau comme l'était le projet d'accompagnement médical à destination des futurs locataires de la résidence ; que, rémunéré par MLNC, il a mis à disposition de ses partenaires des brochures commerciales dont l'insuffisance en terme d'information pré-contractuelle a été retenue et il a ainsi contribué à la réalisation du préjudice invoqué ; que le dol n'ayant pas été retenu à l'encontre de son mandant MLNC, en l'absence d'éléments autres concernant M. [L], il ne peut l'être non plus » ;

ET QUE « les demandeurs sollicitent cumulativement l'indemnisation d'une perte de revenus locatifs pour la période de gestion par FSL, d'une perte de rentabilité en raison de la différence entre les loyers promis et les loyers perçus ce jour d'une perte de valeur vénale, autant de demandes qui relèvent de l'inexécution contractuelle et non du fondement délictuel ; que le Tribunal observe que l'interruption des relations contractuelles avec FSL est la conséquence, non de l'absence de mise en oeuvre de l'accompagnement médical des locataires, mais de la procédure de sauvegarde au cours de laquelle les demandeurs ont renoncé à percevoir la totalité des loyers qui leur étaient dus ; que l'objectif de se prémunir contre une situation de dépendance au-delà de l'âge de 80 ans n'a jamais été exprimé par les acquéreurs au moment de l'achat et le préjudice qu'ils invoquent est doublement incertain s'agissant de l'âge à atteindre et de la dépendance évoquée ; que la perte de valeur vénale est insuffisamment prouvée par l'avis de valeur établi le 16 févier 2009 par l'agence Century 21, qui est succinct et fait abstraction du montant des loyers toujours générés par les appartements ; qu'enfin la rentabilité réelle du bien ne pourrait être évaluée définitivement qu'en fin de bail et la perte alléguée est, à ce jour, un préjudice éventuel ; que les demandeurs invoquent en réalité une perte de chance (p. 28 des écritures) ; que seule constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que tel est bien le cas en l'espèce, l'insuffisance des informations données les ayant empêchés de ne pas contracter, puisqu'ils étaient dans l'ignorance de ce que la réalisation de la coordination médicale ne faisait l'objet d'aucun engagement contractuel de l'exploitant à leur profit ; que l'objectif de défiscalisation n'est cependant pas remis en question, la destination locative des appartements étant maintenue » ;

1°) ALORS QUE le préjudice réparable d'un contractant qui fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat correspond, non à la perte de chance de ne pas contracter, mais uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en condamnant M. [L], in solidum avec d'autres, à indemniser les époux [D] d'une perte de chance de n'avoir acquis l'immeuble litigieux, tout en relevant par motifs adoptés qu'ils avaient renoncé à demander la résiliation de ce contrat, ce dont s'inférait l'impossibilité de réparer la perte d'une chance de ne pas conclure, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les époux [D] ne demandaient pas la réparation d'une perte de chance de n'avoir pas acquis l'immeuble litigieux, mais tout au plus de la perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en confirmant néanmoins le jugement ayant condamné M. [L] à les indemniser d'une perte de chance de n'avoir pas conclu, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, seul est sujet à réparation le préjudice causé par la faute alléguée ; qu'en condamnant M. [L], in solidum avec d'autres, à indemniser les époux [D] de la perte d'une chance de ne pas avoir conclu, sans constater l'existence d'un quelconque préjudice, procédant de la conclusion du contrat et que l'absence de conclusion aurait permis d'éviter, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

Moyen produit au pourvoi n° Z 16-11.540 par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils pour la société Allianz IARD

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Allianz de sa demande de mise hors de cause, d'avoir dit qu'elle ne pouvait opposer aucune exclusion de garantie, et de l'avoir condamnée, in solidum avec la société Les Jardins du Moulin et M. [L], à verser aux époux [D] la somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance, et celle de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle des administrateurs de biens et agents immobiliers garantissant la société MLNC dispose que les activités de l'assuré susceptible de bénéficier de la garantie sont celles qui sont visées par la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972, et notamment les transactions sur immeubles et fonds de commerce, la gestion immobilière et de syndics de copropriété ainsi que les activités en rapport avec ces activités principales, à l'exclusion cependant des activités suivantes : promoteur, constructeur, réalisateur, fabricant, marchand de biens, avocat, expert-comptable, notaire ; que les dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 et du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 s'appliquent aux personnes se livrant ou prêtant leur concours, de manière habituelle, à une opération prévue par l'article 1er de cette loi, et chargées d'un mandat consistant en la recherche de clients et la négociation, ou en l'une de ces missions seulement ; que la société Allianz n'établit pas que la société MLNC aurait, en l'espèce, exercé l'une des activités exclues par le contrat ; que cette société, qui n'était pas rémunérée par l'acquéreur dont elle n'était pas le conseil en gestion de patrimoine, a bien exercé, en vue de la commercialisation du programme immobilier, l'activité principale garantie, concrétisée par la concussion de ventes immobilières, fût-ce par l'intermédiaire de mandataires indépendants dont l'intervention habituelle en la matière n'est pas prohibée par la police ni de nature à modifier la garantie due par l'assureur du mandant, ce quelles qu'aient été les modalités effectives par lesquelles s'est exercée cette activité en sorte que les moyens tirés de l'irrégularité du mandat donné à l'agent immobilier par le promoteur vendeur sont inopérants ; qu'enfin, la société Allianz ne saurait se prévaloir d'une faute intentionnelle ou dolosive commise par son assurée que la cour n'a pas retenue à la charge de celle-ci ; que c'est dès lors à bon droit que le premier juge a décidé que la société Allianz devait garantir à l'acquéreur des conséquences des manquements à ses obligations retenus à l'encontre de la société MLNC comme ayant été commis dans l'exercice de son activité professionnelle faisant l'objet du contrat d'assurance (arrêt, p. 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE selon police n°1536356 à effet du 1er octobre 2005, la société MLNC a adhéré à la formule « D » d'une responsabilité multirisques professionnelle « RC Polis » pour une activité de transactions immobilières et courtage d'assurance, les activités garanties étant celles visées par la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972 notamment les transactions sur immeubles et fonds de commerce, la gestion immobilière de syndics de copropriété ainsi que toutes autres activités en rapport avec les activités principales, telles que … conseil, expertise, arbitrage, notamment dans toutes les opérations immobilières ; que sont par ailleurs exclues de la garantie les activités suivantes : promoteur, constructeur, réalisateur, fabricant, marchand de biens, avocat, expertcomptable, notaire ; que MLNC était rémunérée par le seul promoteur pour rechercher et présenter des acquéreurs et non rémunérée par les acquéreurs comme leur propre conseiller en patrimoine ; qu'il y a bien eu, par l'entremise de MLNC au sens de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970, transaction immobilière ouvrant droit à des avantages fiscaux spécifiques et la compagnie Allianz ne peut se limiter à ce dernier aspect de l'opération pour dénier sa garantie alors même que la police garantit l'activité également de « conseil…dans toutes les opérations immobilières » et n'exclut pas expressément l'activité d'audit et de conseil en optimisation fiscale financière et patrimoniale (jugement, p. 15 § 1 et 2) ;

1°) ALORS QUE les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite «Hoguet » et du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 s'appliquent exclusivement aux personnes se livrant ou prêtant leur concours, de manière habituelle, à une opération prévue par l'article 1er de cette loi, et chargées d'un mandat écrit consistant en la recherche de clients et la négociation, ou en l'une de ces missions seulement ; qu'elles ne bénéficient pas à la personne à laquelle est confiée une mission de conception, d'assistance et de commercialisation d'un programme immobilier, par exemple dans le cadre d'une opération de défiscalisation immobilière ; que la seule participation du mandataire commercialisateur au processus de conclusion de la vente ne suffit pas à le qualifier d'intermédiaire au sens de la loi Hoguet ; qu'en l'espèce, la société Allianz faisait valoir que le contrat d'assurance de responsabilité souscrit par la société MLNC ne couvrait que ses activités visées par la loi Hoguet et celles en rapport avec ces activités principales (concl., p. 3 § 2) ; qu'elle faisait également valoir que la société MLNC était uniquement intervenue en tant qu'audit et conseil en optimisation fiscale financière et patrimoniale dans le cadre d'une mission de commercialisation, et qu'aucun mandat écrit, tel qu'exigé par la loi Hoguet, ne lui avait été confié (concl., p. 3 et 4) ; que la cour d'appel a pourtant considéré par motifs propres (arrêt, p. 6 § 8) et adoptés (jugement, p. 15 § 2) que la société MLNC avait exercé « l'activité principale garantie, concrétisée par la conclusion de ventes immobilières, fût-ce par l'intermédiaire de mandataires indépendants, dont l'intervention habituelle en la matière n'est pas prohibée par la police ni de nature à modifier la garantie due par l'assureur, quelles qu'aient été les modalités effectives par lesquelles s'est exercée cette activité» et peu important « les moyens tirés de l'irrégularité du mandat donné à l'agent immobilier par le promoteur vendeur » ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la société MLNC avait exercé l'activité d'agent immobilier, tandis qu'elle avait retenu qu'elle était intervenue en tant que « mandataire commercialisateur » (arrêt, p. 5 § 4), et sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société MLNC n'avait en réalité exercé qu'une mission de commercialisation du programme immobilier réalisé par la société Les Jardins du Moulin, à l'exclusion de toute activité d'intermédiation immobilière au sens de la loi Hoguet, en l'absence de preuve d'un mandat écrit conforme à cette loi d'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 124-3 du code des assurances ;

2°) ALORS QUE l'étendue de la garantie d'assurance résulte de la définition du risque garanti par le contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, en énonçant que la société Allianz IARD n'établissait pas que la société MLNC aurait exercé l'une des activités exclues par le contrat, pour écarter le moyen tiré de l'absence de garantie de l'activité de cette société à l'origine du fait dommageable, tandis que l'absence d'exclusion expresse de l'activité de mandataire commercialisateur n'impliquait pas la garantie de cette activité, laquelle, comme le faisait valoir la société Allianz IARD, était distincte de celle d'agent immobilier au sens de la loi Hoguet et n'était donc pas couverte par le contrat d'assurance (concl., p. 3 et 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 124-3 du code des assurances ;

3°) ALORS QUE l'étendue de la garantie d'assurance ne saurait excéder les termes par lesquels le risque couvert est défini par le contrat d'assurance ;
qu'en l'espèce, la société Allianz faisait valoir que la garantie souscrite par la société MLNC ne couvrait que son activité d'agent immobilier au sens de la loi Hoguet, et les activités s'y rapportant (concl., p. 3) ; qu'en décidant, par motifs adoptés (jugement, p. 15 § 2), que la police souscrite garantissait «l'activité également de « conseil… dans toutes les opérations immobilières»
et n'excluait pas expressément l'activité d'audit et de conseil en optimisation fiscale financière et patrimoniale », sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette activité de conseil était l'accessoire d'une activité principale d'agent immobilier, seule garantie (concl., p. 5), ce qui n'était pas le cas, de sorte qu'aucune garantie ne pouvait être due au titre d'un manquement à cette activité principale de conseil en défiscalisation immobilière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 124-3 du code des assurances.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif sur ce point, d'avoir dit que la société MLNC avait manqué à son obligation précontractuelle d'information des acquéreurs et d'avoir en conséquence condamné la société Allianz, assureur de la société MLNC, in solidum avec la société Les Jardins du Moulin et M. [L], à verser aux époux [D] la somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance, et celle de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation des préjudices invoqués autres que le préjudice moral et celui résultant de la perte de chance qui doit être mesurée à la probabilité de la chance perdue par eux de ne pas conclure la vente litigieuse ; qu'au regard des éléments produits devant la cour, l'indemnisation de cette perte de chance sera ramenée à la somme de 8.000 € (arrêt, p. 7 § 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE seule constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que tel est bien le cas en l'espèce, l'insuffisance des informations données les ayant empêchés de ne pas contracter, puisqu'ils étaient dans l'ignorance de ce que la réalisation de la coordination médicale ne faisait l'objet d'aucun engagement contractuel de l'exploitant à leur profit ; qu'eu égard au fait que l'objectif de défiscalisation n'est cependant pas remis en question, la destination locative des appartements étant maintenue, le tribunal estime que l'indemnisation de la perte de chance d'acquérir chacun des appartements sera […] indemnisée (jugement, p. 16) ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, il n'était pas soutenu par les époux [D] qu'ils avaient subi une perte de chance de ne pas contracter ; qu'en condamnant néanmoins la société Allianz IARD, in solidum avec la société Les Jardins du Moulin, à indemniser une perte de chance « de ne pas contracter » (jugement, p. 16 § 6), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, un acquéreur qui a fait le choix de ne pas solliciter l'anéantissement du contrat ne peut invoquer un préjudice consistant en une perte de chance de ne pas contracter ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la société Allianz IARD, in solidum avec la société Les Jardins du Moulin, à indemniser une perte de chance « de ne pas contracter » (jugement, p. 16 § 6) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté par motifs adoptés que les époux [D] avaient renoncé à sa demande de résiliation des contrats (jugement, p. 3 avant-dernier §), ce dont il résultait qu'ils ne pouvaient obtenir la réparation d'une perte de chance de ne pas conclure les ventes litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°) ALORS QUE, À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, la perte de chance n'est indemnisable qu'à la condition pour la victime d'établir la réalité de la perspective favorable dont elle allègue avoir perdu une chance d'en obtenir la réalisation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la société Allianz IARD, in solidum avec la société Les Jardins du Moulin et M. [L], à indemniser les acquéreurs sur le fondement de la perte de chance, «l'insuffisance des informations données les ayant empêchés de ne pas contracter puisqu'ils étaient dans l'ignorance de ce que la réalisation de la coordination médicale ne faisait l'objet d'aucun engagement contractuel de l'exploitant à leur profit » (jugement, p. 16 § 9) ; qu'en se prononçant ainsi, sans caractériser la perspective favorable dont les acquéreurs auraient perdu une chance d'obtenir la réalisation si le contrat n'avait pas été conclu, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-11113;16-11540
Date de la décision : 02/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 30 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 02 mar. 2017, pourvoi n°16-11113;16-11540


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11113
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award