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08/03/2017 | FRANCE | N°15-20236

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 mars 2017, 15-20236


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 28 février 2006, la société Bred banque populaire (la banque) a consenti à la société D2A un prêt dont l'objet était le financement de l'acquisition des parts de la société Avenel créations ; qu'en garantie du prêt, la société D2A a affecté en nantissement les parts lui appartenant dans le capital de la société Avenel créations et M. [Q] s'est rendu caution solidaire des engagements de la société D2A ; que cette dernière s'étant montrée défa

illante, la banque l'a assignée, ainsi que la caution, en paiement ; que la soci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 28 février 2006, la société Bred banque populaire (la banque) a consenti à la société D2A un prêt dont l'objet était le financement de l'acquisition des parts de la société Avenel créations ; qu'en garantie du prêt, la société D2A a affecté en nantissement les parts lui appartenant dans le capital de la société Avenel créations et M. [Q] s'est rendu caution solidaire des engagements de la société D2A ; que cette dernière s'étant montrée défaillante, la banque l'a assignée, ainsi que la caution, en paiement ; que la société D2A a été mise en liquidation judiciaire le 26 mars 2013 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour fixer la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de la société D2A à la somme en principal de 163 849,97 euros à titre chirographaire, l'arrêt retient que seules les dispositions relatives au cautionnement donné par M. [Q] sont contestées par la banque ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la banque contestait la disposition du jugement ayant fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société D2A à titre chirographaire, en faisant valoir que le nantissement des parts sociales dont elle disposait constituait un privilège, et demandait l'admission de sa créance à titre privilégié, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu que pour dire l'engagement de caution de M. [Q] manifestement disproportionné et juger que la banque ne pouvait s'en prévaloir, l'arrêt retient, par motifs propres, que la fiche de renseignements remplie manuscritement le 9 janvier 2006 par M. et Mme [Q] mentionne des revenus de 49 673 euros avec des charges de 14 856 euros pour le couple et que le tribunal a justement considéré que l'engagement de caution conclu par M. [Q], d'un montant de 540 000 euros, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion, ce que ne remet pas en cause la non-déclaration du prêt de 33 000 euros ; qu'il retient encore, par motifs adoptés, qu'il appartenait à la banque de procéder aux vérifications requises et que celle-ci ne verse pas aux débats de documents prouvant sa recherche de la situation patrimoniale ou des revenus de M. [Q] au moment de la conclusion de l'engagement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus tels qu'ils sont indiqués dans la déclaration de la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. [Q] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Bred banque populaire la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Bred banque populaire

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et fixé la créance de la société BRED au passif de la liquidation judiciaire de la société D2A à la somme de 163 849,97 euros à titre chirographaire, outre les intérêts au taux de 6,55 % à compter du 26 mars 2013 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « seules les dispositions relatives au cautionnement donné par M. [C] [Q] sont contestées par la banque » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « vu la notification de la BRED banque populaire du 23 avril 2012, exigeant de la société D2A qu'elle procède au règlement de la somme de 153 043,02 euros, conformément au tableau d'amortissement du prêt n° 00880247 consenti le 28 février 2006 et aux intérêts sur échéances impayées ; vu la déclaration de créance au passif de la société D2A en date du 2 avril 2013 ; attendu que ces sommes ne sont pas contestées et qu'elles ont été régulièrement déclarées ; attendu que le nantissement des parts sociales de la société Avenel Créations constitue une garantie mais non un privilège ; il convient de fixer la créance de la BRED banque populaire au passif de la liquidation judiciaire de la société D2A à la somme de 163 849,97 euros à titre chirographaire, outre les intérêts au taux de 6,55 % à compter du 26 mars 2013, au titre du prêt consenti le 28 février 2006 » ;

ALORS 1/ QUE : la société BRED contestait expressément devant les juges d'appel la disposition du jugement entrepris ayant fixé sa créance sur la société D2A à titre chirographaire, faisant notamment valoir devant les juges du second degré que « le nantissement des parts sociales constit[uait] bien un privilège » (conclusions d'appel, p. 3, dernier §) et leur demandant de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société D2A « à titre privilégié » (conclusions d'appel, dispositif, p. 12) ; qu'ainsi, en énonçant que « seules les dispositions relatives au cautionnement donné par M. [C] [Q] [étaient] contestées par la banque » (arrêt, p. 5, § 13), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société BRED et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS 2/ QUE, A SUPPOSER ADOPTES LES MOTIFS DES PREMIERS JUGES : doit être admise à titre privilégié au passif d'une procédure collective toute créance assortie d'une garantie conférant au créancier un droit de préférence sur le bien qui en est l'objet ; qu'en l'espèce, la créance de remboursement issue du prêt octroyé le 28 février 2006 était assortie du nantissement au profit de la société BRED des parts sociales de la société Avenel Créations ; qu'il en résultait que la société BRED, disposant ainsi d'un droit de préférence sur ces parts sociales, avait le statut de créancier privilégié ; qu'en fixant pourtant sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société D2A à titre chirographaire, les juges du fond ont violé les articles L. 641-3 et L. 622-25 du code de commerce, ensemble les articles 2284 et 2285 du code civil ;

ALORS 3/ QUE, A SUPPOSER ADOPTES LES MOTIFS DES PREMIERS JUGES : ne peut être admise à titre chirographaire une créance assortie d'une sûreté réelle et déclarée comme telle à la procédure collective ; que dès lors, en fixant la créance de la société BRED au passif de la liquidation judiciaire de la société D2A à titre chirographaire quand elle avait pourtant déclaré l'existence du gage qui l'assortissait, les juges du fond ont violé les articles L. 641-3 et L. 622-25 du code de commerce, ensemble les articles 2284 et 2285 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dit que l'engagement de caution de monsieur [Q] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et jugé en conséquence que la société BRED ne pouvait s'en prévaloir ;

AUX MOTIFS QUE : « selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que le 10 janvier 2006, M. [C] [Q], gérant de la société D 2A, s'est porté caution solidaire des engagements de la société, envers la Bred Banque Populaire dans la limite de 540.000 € en principal, intérêts et pénalités, pour une durée de 108 mois ; que Mme [Q] a donné dans l'acte son accord à l'engagement de caution ; que de ce fait, il convient d'apprécier l'engagement de caution au regard des revenus et des biens communs du couple ; que sur la situation de la caution au moment de l'engagement de caution, la banque reproche un manque de loyauté aux époux [Q] lorsqu'ils ont rempli la fiche de renseignements avant le cautionnement ; qu'elle soutient qu'il faut retenir en outre dans le patrimoine des époux [Q], outre la valeur du pavillon, les actifs immobilisés des deux sociétés : le bilan de la société Avenel Créations indiquait un montant total d'actif immobilisé de 205.610 € et le bilan de la société D2A, un montant total d'actif immobilisé de 551.830 €, ainsi, le montant total cumulé des actifs immobilisés dans les sociétés détenues par les époux [Q] s'élevait en 2010 à près de 900.000 € ; que la Bred Banque Populaire affirme qu'il faut tenir compte des perspectives financières de développement de l'entreprise créée par le dirigeant caution, ce à quoi s'oppose M. [Q] ; que la fiche de renseignements remplie manuscritement le 09 janvier 2006 par les époux [Q], mentionne des revenus à hauteur de 49.073 € avec des charges de 14.856 € pour le couple, qui a deux enfants à charge ; qu'il résulte de l'avis d'imposition sur les revenus de 2005 des époux que M. [Q] a déclaré un revenu de euros et son épouse, un revenu de 14.407 euros, soit un total de 51.967 € ; que les revenus déclarés pour l'année 2006 seront de 48.988 € pour M. [Q] et de 14.832 € pour Mme [Q], soit un total de 63.820 € ; que le couple indique être propriétaire d'un pavillon d'une valeur de 230.000 € somme dont il convient de déduire l'emprunt encore dû de 65.000 €, soit une valeur nette de 165.000 € ; que le prêt de 450.000 € avait pour objet le financement partiel de l'acquisition des parts de la SARL Avenel Créations, les parts acquises par la société, au moyen du prêt cautionné par M. [Q] ne peuvent, contrairement à ce que soutient la banque, être considérées comme faisant partie de son patrimoine tant que le prêt consenti pour leur achat n'est pas remboursé ; qu'en outre, la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie et ce, même si, comme le soutient la banque l'opération avait été montée par M. [Q], qui disposait d'une solide expérience de plus de neuf années dans la vente et la conception de cuisines aménagées et exerçant les fonctions de gérant de la SARL D2A, avait une parfaite connaissance de la société cautionnée dans laquelle il avait travaillé comme salarié ; qu'au surplus, les revenus de M. [Q] qui ont été plus importants de 2007 à 2009, ont baissé nettement après 2010 ; que si l'actif net immobilisé de la société Avenel Création s'élevait à la somme de 205.310 € en 2009, il doit être précisé que l'exercice s'est soldé par une perte de plus de 50.000 € et que le total du passif était de 520.349 €, en 2010, l'actif net immobilisé de la SARL D2A s'élevait à la somme de 551.830 €, le résultat est également négatif de 118.500 € et le passif de 630.289 € ; que le patrimoine des époux [Q] n'était donc pas de 800.000 € comme l'affirme l'appelante mais composé uniquement du pavillon d'une valeur nette de 165.000 € ; que les époux [Q] supportaient : un emprunt UCB avec un capital restant dû de 65.000 €, avec des remboursements de 7.656 € par an, un emprunt BNP, sans indication de capital, avec des remboursements annuels de 7.200 € ; que la banque reproche aux époux [Q] de ne pas avoir déclaré un prêt de 33.000 € conclu avec CGI en 2005, prêt remboursable sur 121 mois par échéances mensuelles de 456,18 €, les époux [Q] indiquent qu'il s'agit de restructuration de crédits, incluse pour eux dans le prêt de trésorerie ; que le tribunal a justement considéré que l'engagement de cautionnement conclu par M. [C] [Q], d'un montant de 540.000 €, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion, ce qui ne remet pas en cause la non déclaration du prêt de 33.000 € ; que sur la situation de la caution au moment de son appel comme caution, la banque remarque que les époux [Q] ont vendu leur maison d'habitation et son propriétaires d'une maison contemporaine de 150 mètres habitables, dans un quartier résidentiel de [Localité 1], d'une valeur de 320.000 €, ils ont cessé de procéder au remboursement de leur prêt immobilier, la déchéance du terme a été prononcée au mois de février 2012, ils doivent une somme de 156.860,88 € ; que M. [Q] ne peut invoquer le prêt de 33.000 €, non déclaré dans la fiche en janvier 2006 ; que M. [Q] rappelle que sa résidence a été évaluée par la banque elle-même à 200.000 € en 2010, sa valeur actuelle est celle du marché, le solde de l'emprunt dû à la Bred Banque Populaire est de 156.000 €, il invoque d'autres emprunts souscrits auprès de la BRED mais aussi d'autres organismes prêteurs : en octobre 2005, un prêt personnel de 33.000 euros à 8,12 % sur 121 mois auprès de CGI, en mars 2007, ils ont souscrit un crédit à la consommation à hauteur de 45.000 euros auprès de la Bred Banque Populaire, en septembre 2009, un autre crédit à la consommation pour 8.000 euros, toujours auprès de la Bred Banque Populaire, outre les engagements de caution de chaque époux, toujours au profit du même organisme ; que M. [Q] ajoute que les revenus du couple ont diminué et ont été limités depuis 2011, les sociétés qu'ils dirigeaient ont été placées en liquidation judiciaire ; que les divers engagements de cautions de €, 37.027,92 € et 39.000 € ont été mis en jeu ; que la valeur actuelle de la résidence des époux [Q] n'est pas connue ; qu'elle pourrait être de 320.000 € selon la banque, mais doit être diminuée du solde du prêt soit plus de 156.000 € ; que la valeur de l'immeuble, qui est grevé de diverses inscriptions d'hypothèque ne peut pas suffire à assumer le paiement des engagements de cautions donnés ; que les revenus se sont élevés à : - pour M. [Q] en 2011 à 19.500 €, en 2012 à 5.500 €, en 2013 à 10.907 €, - pour Mme [Q], pour les mêmes années respectivement à 11.145 €, 17.040 €, 15.941 € ; que M. [Q] a retrouvé un emploi en juin 2013 avec un salaire brut de 1.900 € outre un pourcentage sur le chiffre d'affaires, salaire imposable de juillet 2014 : 1.999,27 €, Mme [Q] occupe des emplois sous contrats à durée déterminée, donc sans certitude d'emploi sur la durée, moyenne des salaires à août 2014 : 1.296,60 € (7.131,30 €/5,5) ; que les sociétés qu'ils dirigeaient ayant été placées en liquidation judiciaire, la valeur des parts sociales dont M. et Mme [Q] sont chacun titulaires dans leur entreprise, est nulle ; que les deux enfants sont toujours à charge (justificatifs de scolarité) ; que le tribunal a justement considéré que l'engagement de cautionnement de M. [Q] était toujours manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de son appel comme caution et que, par application des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, la sanction du caractère manifestement disproportionné de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement, la société Bred Banque Populaire étant déboutée de ses demandes à l'encontre de M. [C] [Q] » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « sur la demande de paiement à l'encontre de la caution : vu les articles L. 341-4 et suivants du code de la consommation, vu les pièces versées au dossier, la BRED BANQUE POPULAIRE demande au tribunal la condamnation de Monsieur [C] [Q] au versement des sommes dues cautionnées ; que la société D2A a été placée en liquidation judiciaire le 26 mars 2013 ; que l'acte d'engagement de cautionnement souscrit en janvier 2006 s'élève à 540.000 € ; que, selon la déclaration de revenus 2010 fournie, les revenus déclarés du couple [Q] s'élevaient à 88.590 € ; qu'au moment de la souscription de caution de Monsieur [C] [Q], les engagements du couple [Q] auprès de la BRED BANQUE POPULAIRE s'élevaient à près de 790.000 €, pour un montant de remboursement annuel de 30.900 € ; qu'aucun de ces éléments n'est contesté ; qu'au sens des articles L. 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel s'entend de celui dont la créance st née dans l'exercice de sa profession, que la BRED BANQUE POPULAIRE correspond à cette définition ; qu'en conséquence, ces textes sont applicables à la présente instance ; que cependant la question posée consiste à examiner la proportion entre l'engagement de caution et la situation financière de Monsieur [C] [Q] : a) à la date de la conclusion de l'engagement de cautionnement, b) à la date à laquelle la BRED BANQUE POPULAIRE appelle la caution ; a) sur la situation de Monsieur [C] [Q] lors de l'engagement de cautionnement : que les revenus du couple [Q], mentionnés dans la déclaration de revenus 2010, s'élevaient à 88.590 € ; que, sur la fiche de renseignement de la BRED BANQUE POPULAIRE régulièrement signée, le 9 janvier 2006, par Monsieur [C] [Q], il est fait mention d'un revenu global du couple d'un montant de 49.673 € ; que la BRED BANQUE POPULAIRE a accordé de 2005 à 2009 près de 800.000 € de prêts ou engagements de caution pour un remboursement annuel de 30.900 € ; qu'il ressort des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, « manifestement disproportionné à ses biens et revenus » ; que la BRED BANQUE POPULAIRE ne pouvait pas méconnaître cette disposition d'ordre public ; qu'il lui appartenait de procéder aux vérifications requises ; qu'elle ne verse pas aux débats de documents prouvant sa recherche de la situation patrimoniale ou des revenus de Monsieur [C] [Q] au moment de la conclusion de l'engagement ; qu'il convient donc de constater que l'engagement de cautionnement conclu par Monsieur [C] [Q], d'un montant de 540.000 €, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion ; b) sur la situation de Monsieur [C] [Q] au moment de son appel comme caution : au moment de l'appel de Monsieur [C] [Q] comme caution, il n'a pas retrouvé d'emploi et se trouve en fin de droit Pôle Emploi ; qu'au moment de l'appel comme caution, l'ensemble des sociétés détenues par le couple [Q] a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire ; que les revenus déclarés de 2012 de Monsieur [C] [Q] sont de 19.500 € ; que le couple [Q] doit faire face à un remboursement du capital restant dû, fin novembre 2012, de plus de 120.000 € pour sa résidence principale ; que la situation financière de Monsieur [C] [Q] reste délicate et que ses perspectives de revenus dans un futur immédiat sont manifestement obérées, Monsieur [C] [Q] étant en fin de droits ; qu'il convient donc de constater que l'engagement de cautionnement conclu par Monsieur [C] [Q] est toujours manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de son appel comme caution ; que, selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, la mention du caractère manifestement disproportionné de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement ; qu'il en résulte que cette sanction, qui n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice, ne s'apprécie pas à la mesure de la disproportion ; qu'il convient de dire et juger que l'engagement de cautionnement de Monsieur [C] [Q] est manifestement disproportionné et qu'en conséquence, la BRED BANQUE POPULAIRE ne peut pas s'en prévaloir ; que par suite, il convient de débouter la BRED BANQUE POPULAIRE de sa demande » ;

ALORS 1/ QUE : le créancier n'est pas tenu de vérifier, en l'absence d'anomalie apparente, l'exactitude des informations que lui fournit la caution quant à ses biens et revenus ; que, pour dire l'engagement de monsieur [Q] manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges, a retenu qu'il appartenait à la société BRED « de procéder aux vérifications requises » et qu'elle « ne vers[ait] pas aux débats de documents prouvant sa recherche de la situation patrimoniale ou des revenus de monsieur [C] [Q] au moment de la conclusion de l'engagement » (jugement, p. 5, avant-dernier §) ; qu'en statuant ainsi, quand il incombait au contraire à monsieur [Q] de fournir à la société BRED des informations exactes sur ses capacités financières et patrimoniales que cette dernière n'était pas tenue de vérifier, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

ALORS 2/ QUE : n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation la caution qui a fait preuve de déloyauté vis-à-vis de l'établissement de crédit en lui fournissant de fausses informations sur sa situation financière et patrimoniale au moment de la conclusion du contrat de cautionnement ; qu'en l'espèce, la société BRED soutenait, sur la base des pièces versées aux débats, que monsieur [Q] l'avait trompée sur la consistance de son patrimoine lors de la souscription du cautionnement litigieux (conclusions d'appel, pp. 4-5) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire duquel il ressortait que monsieur [Q] ne pouvait invoquer la disproportion de son engagement à l'encontre de la société BRED, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 3/ QUE : pour dire l'engagement de monsieur [Q] manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la cour d'appel, par motifs propres, a retenu que les parts de la société Avenel Créations acquises par la société D2A au moyen du prêt cautionné par monsieur [Q] « ne [pouvaient], contrairement à ce que [soutenait] la banque, être considérées comme faisant partie de son patrimoine tant que le prêt consenti pour leur achat [n'était] pas remboursé » (arrêt, p. 6, § 6) ; qu'en se déterminant ainsi, par un motif radicalement impropre à exclure les actifs immobilisés des sociétés Avenel Créations et D2A des biens et revenus de monsieur [Q] et donc tout aussi impropres à établir la disproportion de son engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

ALORS 4/ QUE : les juges du fond doivent tenir compte des perspectives de développement de l'entreprise pour apprécier la proportionnalité de l'engagement du dirigeant caution ; que, pour dire le cautionnement litigieux disproportionné aux biens et revenus de monsieur [Q], la cour d'appel a énoncé que « la proportionnalité de l'engagement de caution ne [pouvait] être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie et ce, même si, comme le [soutenait] la banque, l'opération avait été montée par monsieur [Q] qui disposait d'une solide expérience de plus de neuf années dans la vente et la conception de cuisines aménagées et exerçant les fonctions de gérant de la SARL D2A avait une parfaite connaissance de la société cautionnée dans laquelle il avait travaillé comme salarié » (arrêt, p. 6, § 6) ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-20236
Date de la décision : 08/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 18 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 mar. 2017, pourvoi n°15-20236


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.20236
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