La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2017 | FRANCE | N°16-16628

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 mai 2017, 16-16628


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 mars 2016), que la société Otor papeterie de Rouen, aujourd'hui dénommée Europac papeterie de Rouen (la société Europac) a confié la réalisation de travaux dans l'un de ses ateliers à la société Situb, devenue la société Agintis, qui a sous-traité l'échafaudage du chantier à la société Siemo, laquelle a eu recours aux services d'un échafaudeur mis à sa disposition par la société ENM intérim ; que celui-ci a été vic

time d'une chute mortelle provoquée par la rupture d'une poutrelle métallique de l'ateli...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 mars 2016), que la société Otor papeterie de Rouen, aujourd'hui dénommée Europac papeterie de Rouen (la société Europac) a confié la réalisation de travaux dans l'un de ses ateliers à la société Situb, devenue la société Agintis, qui a sous-traité l'échafaudage du chantier à la société Siemo, laquelle a eu recours aux services d'un échafaudeur mis à sa disposition par la société ENM intérim ; que celui-ci a été victime d'une chute mortelle provoquée par la rupture d'une poutrelle métallique de l'atelier à laquelle était arrimé son harnais de sécurité ; qu'un tribunal des affaires de sécurité sociale a jugé que l'accident mortel était dû à la faute inexcusable de la société Siemo, tenue de garantir la société ENM intérim des condamnations indemnitaires prononcées en faveur des ayants droit de la victime ; que la société Generali IARD (la société Generali), assureur de la société Siemo, s'étant acquittée du règlement de ces indemnités, a assigné en partage de responsabilité la société Europac, laquelle a appelé en garantie son assureur, la société Axa France IARD ;

Attendu que la société Generali fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en partage de responsabilité dans la survenance de l'accident mortel et de sa demande en paiement de la somme de 112 841, 80 euros, alors, selon le moyen, que le propriétaire de la chose, bien que la confiant à un tiers, ne cesse d'en être responsable que s'il est établi que ce dernier a reçu corrélativement toute possibilité d'en prévenir lui-même le préjudice qu'elle peut causer ; qu'en affirmant, pour juger que la garde de la poutre appartenant à la société Europac avait été transférée à la société Siemo, que le fait qu'elle soit rouillée, et partant potentiellement dangereuse, était indifférent dans la mesure où la poutre métallique n'était pas en elle-même dangereuse, mais avait été rendue telle par l'usage que les salariés en avaient fait de sorte qu'aucun risque particulier n'avait à être signalé à la société Siemo, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1, du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la poutrelle métallique, bien que rouillée, n'avait pas pour vocation de servir de moyen de levage et n'était pas en elle-même dangereuse, et que c'était son utilisation pour y installer une poulie aux fins de mise en place de l'échafaudage qui l'avait rendue dangereuse, laquelle relevait de la seule initiative de deux salariés mis à la disposition de la société Siemo prise après leur examen des lieux et sans concertation avec la société Situb et la société Europac, la cour d'appel a pu décider qu'aucun risque n'avait à être signalé par cette dernière et que ces employés qui avaient fait seuls le choix de l'usage de cette poutrelle en avaient la maîtrise au moment de la survenance du dommage, qu'ils étaient seuls en mesure de prévenir, de sorte que sa garde en avait été transférée à celle-ci ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Generali IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Europac papeterie de Rouen la somme de 3 000 euros et à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Generali IARD

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Generali Iard de sa demande en partage de responsabilité dans la survenance de l'accident mortel dont a été victime M. Y... et de sa demande en paiement de la somme de 112. 841, 80 € ;

AUX MOTIFS QUE Sur le fondement de l'article 1384 du code civil. Aux termes de l'article 1384 du code civil, « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». En vue d'un partage de responsabilité, la société Generali se prévaut à titre principal de l'article des dispositions de l'article 1384 du code civil. En l'espèce, le tribunal de commerce a retenu la responsabilité de la société Europac Papeterie de Rouen sur ce fondement. Il résulte de la relation des circonstances de l'accident contenue dans le jugement rendu par le TASS du 24 janvier 2011, non contredite par les parties, que l'entreprise Siémo s'est vu confier, par contrat de sous-traitance, la mise en place d'un échafaudage dans les locaux de l'entreprise Otor Papeterie de Rouen et ce, dans le cadre de travaux confiés par cette dernière à la société Situb consistant dans l'ouverture d'un mur en briques aux fins de ventilation des locaux ; que le 3 août 2000, M. Z..., chef de chantier de l'entreprise Siémo, accompagné de M. Y..., salarié intérimaire mis à disposition auprès de cette dernière par Enm Interim, ont accédé sur le toit terrasse du bâtiment pour décider des moyens à mettre en oeuvre pour amener sur cette toiture-terrasse les montant de l'échafaudage ; qu'il été décidé d'installer une poulie au bout d'une poutre métallique soudée à une partie du bâtiment ; que c'est en se penchant pour fixer la poulie à l'autre extrémité de la poutre qu'une soudure de la poutre a cédé, faisant basculer dans le vide M. Y.... Cette juridiction a retenu la faute inexcusable de l'employeur qui ne rapportait pas la preuve de ce qu'il avait fait bénéficier M. Y... d'une formation à la sécurité renforcée au sens des dispositions du code du travail contenant des informations complètes sur les risques du poste de travail sur le site de l'entreprise Otor où est intervenu M. Y.... Il est établi à la lecture du jugement du 19 février 1997 rendu par le tribunal correctionnel que la culpabilité de M. A..., PDG de la société Otor, entreprise utilisatrice, de M. B..., PDG de la société Situb et M. C..., gérant de la société Siémo, du chef de l'infraction d'homicide involontaire, a été retenue pour manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en omettant de procéder préalablement à l'exécution de l'opération à une inspection commune des lieux et en omettant d'arrêter et d'établir, par écrit, un plan de prévention avant le commencement des travaux, alors que les travaux à effectuer pour réaliser l'opération (travaux en hauteur) étaient au nombre des travaux dangereux figurant sur une liste fixée par arrêté du 19 mars 1993, et en sus pour le dirigeant de la société Siémo d'avoir omis de faire connaître à l'entreprise utilisatrice (la société Europac), les noms et références de ses sous-traitants. Il ressort de la chronologie des évènements relatée dans le compte-rendu de la réunion extraordinaire du CHSCT du 03 juin 2000, le jour de l'accident mortel : * que la veille du chantier, une visite des lieux a eu lieu entre un responsable de la société Europac Papeterie et un responsable de la société Situb, il est noté la présence d'un monte-charge et d'un palan électrique à l'intérieur du bâtiment à côté de la zone de travaux. Il est précisé que la descente des gravats a été demandée par ces moyens, la société Europac rédigeant le « permis de travail » précisant par écrit les risques encourus sur ce chantier. * qu'une seconde visite des lieux a eu lieu ensuite par le responsable de la société Situb et M. Z..., chef de chantier de la société Siemo. Il n'est certes pas justifié qu'au cours de la première visite, Europac a monté à Situb le parcours à suivre pour monter le matériel nécessaire à la réalisation du chantier et la mise en place des échafaudages, et plus particulièrement la recommandation de l'utilisation d'un monte-charge et d'un palan électrique situé à l'intérieur du bâtiment comme étant le parcours le plus simple et le plus court. De plus, une faute pénale a certes été retenue à l'encontre du dirigeant pour ne pas avoir prévu préalablement une visite commune à toutes les entreprises concernées des lieux et dressé un plan de prévention spécifique à cette opération en application des dispositions du code du travail. Il n'en demeure pas moins qu'au vu des déclarations de M. Z...le chef de chantier, au cours de l'instruction pénale, l'utilisation de la poutrelle comme moyen de levage, en y installant une poulie pour acheminer le matériel d'échafaudage, relève de la seule initiative des deux salariés, après leur examen des lieux, sans qu'il soit justifié d'une quelconque concertation avec la société Situb et la société Europac. Le fait qu'elle soit rouillée, et partant potentiellement dangereuse, de sorte que celui qui en fait l'usage n'a pas été mis en mesure de prévenir le risque, opposé par la société Generali pour contester l'existence d'un transfert de la garde de la chose à la suite de l'initiative des salariés, est indifférent, dans la mesure où la poutre métallique n'est pas en elle-même dangereuse, mais c'est l'usage qu'en ont fait les salariés qui l'ont rendue dangereuse, qu'au surplus aucun risque n'avait à être signalé, cette poutre n'ayant pas pour vocation de servir de moyen de levage. Ainsi, à l'examen des faits, les salariés de la société Siemo ont fait seuls le choix de faire usage de cette poutre pour y installer la poulie aux fins de mise en place de l'échafaudage, qu'ils en avait donc la maîtrise au moment de la survenance du dommage. La garde de la chose se trouvant ainsi transférée à la société Siemo, la responsabilité de la société Europac Papeterie de Rouen ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1384 du code civil ;

ALORS QUE le propriétaire de la chose, bien que la confiant à un tiers, ne cesse d'en être responsable que s'il est établi que ce dernier a reçu corrélativement toute possibilité d'en prévenir lui-même le préjudice qu'elle peut causer ; qu'en affirmant, pour juger que la garde de la poutre appartenant à la société Europac avait été transférée à la société Siemo, que le fait qu'elle soit rouillée, et partant potentiellement dangereuse, était indifférent dans la mesure où la poutre métallique n'était pas en elle-même dangereuse, mais avait été rendue telle par l'usage que les salariés en avaient fait de sorte qu'aucun risque particulier n'avait à être signalé à la société Siemo, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Generali Iard de sa demande en partage de responsabilité dans la survenance de l'accident mortel dont a été victime M. Y... et de sa demande en paiement de la somme de 112. 841, 80 € ;

AUX MOTIFS QUE Sur la responsabilité de la société Europac en qualité de civilement responsable. La société Generali se prévaut de la qualité de civilement responsable de la société Europac Papeterie de Rouen des fautes commises par son dirigeant dans l'exercice de ses fonctions, sans toutefois se fonder sur aucune disposition légale considérant que le tribunal de commerce de Rouen a statué sur le fondement de la responsabilité civile des sociétés du fait fautif de leurs représentants légaux tel que définitivement jugé par le tribunal correctionnel, et non sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil. Contrairement à ce que soutient la société Generali, la qualité de civilement responsable de la société Europac Papeterie de Rouen ne peut être recherchée que sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5 du code civil. Or, la qualité de PDG de la société Europac est exclusive de celle du préposé d'où découlerait la responsabilité mise à la charge des commettants en application de l'article 1384 alinéa 5 du code civil ;

1) ALORS QU'une société répond des fautes qu'elle commet par ses organes agissant dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'en jugeant, pour débouter la société Generali Iard de sa demande en partage de responsabilité dans la survenance de l'accident mortel dont a été victime M. Y..., que la société Europac n'était responsable que du fait de ses préposés sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5 du code civil, ce qui excluait qu'elle soit civilement responsable du fait de son dirigeant, M. A..., la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;

2) ALORS QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; que par un jugement définitif du 19 février 2007, le tribunal de grande instance de Rouen a déclaré M. A..., coupable d'homicide involontaire pour avoir, alors qu'il était président directeur général Otor Papeterie de Rouen devenue Europac, entreprise utilisatrice, omis de procéder à une inspection des lieux et d'établir un plan de prévention, causant ainsi involontairement la mort de M. Y... ; qu'en écartant toute responsabilité délictuelle de la société Europac dans la survenance de l'accident ayant causé la mort de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Generali Iard de sa demande en partage de responsabilité dans la survenance de l'accident mortel dont a été victime M. Y... et de sa demande en paiement de la somme de 112. 841, 80 € ;

AUX MOTIFS QUE Sur la responsabilité de la société Europac Papeterie de Rouen sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil. Enfin, n'étant nullement tenue d'informer la société Siemo du caractère dangereux de la poutre qui ne devait pas servir de potence et être utilisée comme telle, ni de prendre des mesures de prévention destinées à en limiter ou en interdire l'utilisation, l'absence d'établissement d'un plan de prévention n'ayant été retenu dans le cadre de la procédure pénale qu'en raison de la nature « des travaux à effectuer pour réaliser l'opération (travaux en hauteur) …/ … au nombre des travaux » qualifiés réglementairement de dangereux, aucune faute sur le fondement des articles 1382 et 1383 ne peut être reprochée à la société Europac Papeterie de Rouen. La responsabilité de la société Europac Papeterie de Rouen n'est donc pas engagée de ce chef. Dès lors, la société Generali doit être déboutée de sa demande de partage de responsabilité ;

ALORS QUE l'abstention d'une mesure de prudence utile engage la responsabilité de son auteur lorsque le fait omis a eu pour effet de causer un dommage à autrui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Europac avait laissé, sur les lieux du chantier, la poutre métallique rouillée dont M. Y... s'est servi comme moyen de levage, qu'elle avait omis d'informer la société Siemo, sous-traitante de la partie échafaudage, du caractère dangereux de cette poutre qui ne devait pas être utilisée comme potence et qu'elle n'avait pas non plus établi de plan de prévention dans le cadre « des travaux à effectuer pour réaliser l'opération (travaux en

hauteur) au nombre des travaux » qualifiés réglementairement de dangereux » ; qu'en écartant toute faute d'imprudence ou de négligence de la société Europac à l'origine de l'accident mortel dont M. Y... est décédé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1382 et 1383 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-16628
Date de la décision : 18/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 03 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 mai. 2017, pourvoi n°16-16628


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Odent et Poulet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.16628
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award