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15/06/2017 | FRANCE | N°16-13648

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 juin 2017, 16-13648


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2016) que M. X..., engagé le 12 mars 1973 par la compagnie d'assurance La Concorde, devenue Generali assurance IARD, a pris sa retraite le 1er février 2010 ; que le 19 janvier 1993, la société Generali IARD avait informé les membres de la direction de la mise en place par décision unilatérale de l'employeur d'un régime de retraite chapeau intitulé « régime de retraite maison » et que par lettre du 22 janvier 2006, elle a informÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2016) que M. X..., engagé le 12 mars 1973 par la compagnie d'assurance La Concorde, devenue Generali assurance IARD, a pris sa retraite le 1er février 2010 ; que le 19 janvier 1993, la société Generali IARD avait informé les membres de la direction de la mise en place par décision unilatérale de l'employeur d'un régime de retraite chapeau intitulé « régime de retraite maison » et que par lettre du 22 janvier 2006, elle a informé les cadres de direction d'une modification des règles de ce régime ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour voir notamment constater l'inopposabilité de la modification intervenue ;

Attendu que la société Generali IARD fait grief à l'arrêt de lui ordonner de délivrer à M. X... les titres de rente conformes à l'engagement de janvier 1993, dans le respect des règles de revalorisation et de réversion, sur la base d'un montant initial de 91 107, 93 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que les articles L. 911-1 et L. 911-5 du code de la sécurité sociale ne privent nullement l'employeur ayant, par un engagement unilatéral, instauré un régime additif de retraite, de la faculté de le modifier ou de le dénoncer unilatéralement ni n'imposent de procéder à sa substitution par la seule voie d'un accord collectif ou ratifié ; que dès lors, en estimant au contraire qu'il résulte de ces textes que l'engagement unilatéral instaurant un régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié, pour en déduire que la modification litigieuse, intervenue par décision unilatérale de l'employeur, ne serait pas opposable au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'ayant expressément constaté que courant 2005, l'employeur avait simplement « modifié » le règlement du régime de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, financé exclusivement par la société, afin notamment d'uniformiser les différents régimes en vigueur au sein des sociétés du Groupe, sans aucunement dénoncer ledit régime à l'égard de M. X... qui conservait « le bénéfice potentiel du régime supplémentaire à prestations définies établi initialement en 1993 et désormais régi par un nouveau règlement », la cour d'appel qui, pour retenir que la modification intervenue par simple décision unilatérale n'est pas opposable au salarié, relève que l'engagement unilatéral instaurant le régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié et qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas été procédé à une information des instances représentatives du personnel dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations, a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble, et par fausse application, les règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux ;

3°/ qu'en cas de modification d'un régime de retraite supplémentaire résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur, le salarié qui n'a pas mis en cause la régularité de cette modification avant la liquidation de ses droits à pension de retraite ne saurait s'opposer à sa mise en oeuvre ni prétendre au maintien du régime antérieur à la modification ; en l'espèce, il est constant qu'informé, par courrier du 23 janvier 2006, de la modification du règlement relatif au régime supplémentaire à prestations définies établi initialement en janvier 1993, et de la mise en oeuvre, à compter de cette date, du nouveau régime, le salarié, qui a pris sa retraite le 1er février 2010, n'a contesté l'application de ce nouveau régime qu'après son départ en retraite et après la liquidation de ses droits à pension de retraite, à réception, le 1er avril 2010, du premier versement de sa retraite supplémentaire ; en estimant toutefois que faute d'avoir informé les instances représentatives du personnel pour aboutir à un accord négocié et d'avoir respecté un délai suffisant pour permettre l'engagement d'éventuelles négociations, l'employeur ne pouvait imposer à M. X... la modification litigieuse intervenue par décision unilatérale, quoique l'intéressé n'ait aucunement mis en cause la régularité de la modification avant la liquidation de ses droits à pension de retraite, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant retenu que la société devait respecter un délai suffisant pour permettre l'engagement d'éventuelles négociations avant de modifier le règlement intérieur du régime de retraite et constaté qu'elle n'avait pas informé les représentants du personnel ni chaque salarié individuellement, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, que la modification intervenue par décision unilatérale de l'employeur n'était pas opposable à M. X... ;

Attendu, ensuite, que la société Generali IARD n'a pas soutenu devant les juges du fond qu'en cas de modification d'un régime de retraite supplémentaire résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur, le salarié, qui n'a pas mis en cause la régularité de cette modification avant la liquidation de ses droits à pension de retraite, ne peut s'opposer à sa mise en oeuvre ni prétendre au maintien du régime antérieur à la modification ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Generali IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Generali IARD à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Generali IARD.

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR ordonné à la société exposante de délivrer à M. X... les titres de rente conformes à l'engagement de janvier 1993, dans le respect des règles de revalorisation et de réversion, sur la base d'un montant initial de 91 107, 93 €, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE le régime de retraite dont Dominique X... sollicite le bénéfice a été fixé par un règlement intitulé « Retraite maison des cadres de direction » a été signé le 2 janvier 1993 entre LA CONCORDE et GENERALI FRANCE aux termes duquel LA CONCORDE a souscrit un contrat d'assurances au bénéfice de tous les membres du personnel jusqu'à leur date de départ à la retraite et ayant à cette époque au moins 10 ans d'activité au sein du Groupe GENERALI en France comme cadres de direction (c'est à dire relevant de la convention collective de travail des cadres de direction des sociétés d'assurances, accords du 15 février 1998 puis accord du 3 mars 1993) et prévoyant une retraite annuelle égale au produit des années validables par 2 % du salaire de référence venant en complément au cumul de retraites de la sécurité sociale, l'AGIRC, l'UNIRS, la CRESPA et de tout régime organisé par les instances professionnelles, sans que le cumul puisse excéder à la date de liquidation de la retraite 95 % du salaire de référence ; que ce règlement a été diffusé aux salariés concernés par circulaire du 19 janvier 1993, le dispositif est institué par décision unilatérale de l'employeur, il n'est pas contesté qu'il s'appliquait à Dominique X... ; que par courrier du 22 juin 2005, GENERALI ASSURANCE IARD informe Dominique X... qu'il conserve à titre personnel la qualité de cadre de direction ainsi que le bénéfice des dispositions contractuelles qui lui étaient applicables sauf « si les dispositions analogues aux autres cadres de direction venaient à être modifiées »,... et de l'ensemble des dispositions conventionnelles et notamment des accords d'entreprise applicables aux cadres ; que par courrier du 31 juillet 2005, Dominique X... accuse réception de ce courrier, note qu'il est cadre de direction à titre personnel, qu'il est exclu des nouvelles mesures collectives au profit des cadres de direction mais conserve le bénéfice des anciennes mesures collectives ; qu'enfin, par courrier du 23 janvier 2006, GENERALI ASSURANCE IARD informait Dominique X... d'un nouveau règlement qui se substituait au règlement antérieur en précisant néanmoins que le salarié conservait « le bénéfice potentiel du régime supplémentaire à prestations définies établi initialement en 1993 et désormais régi par un nouveau règlement » ; que sur ce courrier figure la mention « document remis en main propre le 30 mars 2006, ne valant en aucun cas approbation de ma part » suivi de la signature de Dominique X... ; que la compagnie GENERALI ASSURANCE IARD soutient que les salariés n'ont aucun droit acquis au titre des régimes de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, qu'un régime de retraite mis en place par une décision unilatérale de l'employeur peut, selon le principe juridique du parallélisme des formes, être modifié selon la même source qui a procédé à son édiction ; que cependant, il résulte des articles L 911-1 et L 911-5 du code de la sécurité sociale que l'engagement unilatéral instaurant un régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié ; qu'il n'est pas contesté que GENERALI ASSURANCE IARD n'a pas procédé à une information des instances représentatives du personnel pour aboutir à un accord négocié avant de modifier le règlement intérieur alors que la société devait respecter un délai suffisant pour permettre l'engagement d'éventuelles négociations, informer les représentants du personnel et individuellement chaque salarié ; qu'en conséquence, la modification intervenue par décision unilatérale de l'employeur n'est pas opposable à Dominique X... ; qu'il convient de réformer le jugement du conseil de prud'hommes ; qu'au vu des calculs produits par Dominique X... qui ne sont pas contestés par GENERALI ASSURANCE IARD, le salarié sera accueilli en sa demande de 91. 107, 93 euros en titre de rente au 30 septembre 2015 ; qu'il convient donc d'ordonner à GENERALI ASSURANCE IARD de délivrer à Dominique X... les titres de rente conformes à l'engagement de janvier 1993, dans le respect des règles de revalorisation et de réversion, sur la base d'un montant initial de 91. 107, 93 euros, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1154 du code civil mais sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'astreinte (arrêt, pages 2 à 4) ;

ALORS D'UNE PART QUE les articles L 911-1 et L 911-5 du code de la sécurité sociale ne privent nullement l'employeur ayant, par un engagement unilatéral, instauré un régime additif de retraite, de la faculté de le modifier ou de le dénoncer unilatéralement ni n'imposent de procéder à sa substitution par la seule voie d'un accord collectif ou ratifié ; que, dès lors, en estimant au contraire qu'il résulte de ces textes que l'engagement unilatéral instaurant un régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié, pour en déduire que la modification litigieuse, intervenue par décision unilatérale de l'employeur, ne serait pas opposable au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1134 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QU'ayant expressément constaté que courant 2005, l'employeur avait simplement « modifié » le règlement du régime de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, financé exclusivement par la société, afin notamment d'uniformiser les différents régimes en vigueur au sein des sociétés du Groupe, sans aucunement dénoncer ledit régime à l'égard de Monsieur X... qui conservait « le bénéfice potentiel du régime supplémentaire à prestations définies établi initialement en 1993 et désormais régi par un nouveau règlement », la Cour d'appel qui, pour retenir que la modification intervenue par simple décision unilatérale n'est pas opposable au salarié, relève que l'engagement unilatéral instaurant le régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié et qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas été procédé à une information des instances représentatives du personnel dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations, a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble, et par fausse application, les règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux ;

ALORS ENFIN et SUBSIDIAIREMENT, QU'en cas de modification d'un régime de retraite supplémentaire résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur, le salarié qui n'a pas mis en cause la régularité de cette modification avant la liquidation de ses droits à pension de retraite ne saurait s'opposer à sa mise en oeuvre ni prétendre au maintien du régime antérieur à la modification ; qu'en l'espèce, il est constant qu'informé, par courrier du 23 janvier 2006, de la modification du règlement relatif au régime supplémentaire à prestations définies établi initialement en janvier 1993, et de la mise en oeuvre, à compter de cette date, du nouveau régime, le salarié, qui a pris sa retraite le 1er février 2010, n'a contesté l'application de ce nouveau régime qu'après son départ en retraite et après la liquidation de ses droits à pension de retraite, à réception, le 1er avril 2010, du premier versement de sa retraite supplémentaire ; qu'en estimant toutefois que faute d'avoir informé les instances représentatives du personnel pour aboutir à un accord négocié et d'avoir respecté un délai suffisant pour permettre l'engagement d'éventuelles négociations, l'employeur ne pouvait imposer à M. X... la modification litigieuse intervenue par décision unilatérale, quoique l'intéressé n'ait aucunement mis en cause la régularité de la modification avant la liquidation de ses droits à pension de retraite, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-13648
Date de la décision : 15/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jui. 2017, pourvoi n°16-13648


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13648
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