La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2017 | FRANCE | N°16-13506

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2017, 16-13506


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Dijon, 14 janvier 2016), que M. X... a été engagé le 19 août 1978 par la société des Forges de Froncles en qualité d'opérateur régleur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de fixer la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an, ou à une compensation en rémunération équivalente et de le condamner à payer des dommages et intérêts, alors, selon le moyen :>
1°/ qu'il résulte de l'article L. 3121-3 du code du travail que le bénéfice des contrepart...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Dijon, 14 janvier 2016), que M. X... a été engagé le 19 août 1978 par la société des Forges de Froncles en qualité d'opérateur régleur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de fixer la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an, ou à une compensation en rémunération équivalente et de le condamner à payer des dommages et intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 3121-3 du code du travail que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, à savoir lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que la société des Forges de Froncles contestait, en l'espèce, que l'une ou l'autre de ces deux conditions cumulatives ait été remplie ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur X... n'était pas tenu au port obligatoire des tenues de travail que la société exposante avait mises à sa disposition ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande formée au titre de la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage au motif inopérant que les salariés étaient « encouragés » à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3121-3 du code du travail ;

2°/ qu'en fixant forfaitairement la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an ou à son équivalent en salaire, soit à un montant indépendant de la présence réelle du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-3 du code du travail et 1131 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le salarié était astreint au port de chaussures de sécurité qui devaient être chaussées à l'arrivée sur le lieu de travail puis retirées avant de le quitter, qu'en raison des règles d'hygiène en vigueur dans la société, il était conduit à revêtir et enlever ses vêtements de travail sur place, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le port d'une tenue de travail était obligatoire et que les opérations d'habillage et de déshabillage devaient se dérouler au sein de l'entreprise, en a déduit à bon droit que l'employeur était redevable d'une contrepartie à ce titre ;

Et attendu qu'en l'absence d'accord collectif ou de clause dans le contrat de travail, la cour d'appel a, sans procéder à une évaluation forfaitaire, souverainement apprécié le montant de la contrepartie due ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société des Forges de Froncles aux dépens;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société des Forges de Froncles à payer à M. X... la somme de 1 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Société des Forges de Froncles.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an, ou à une compensation en rémunération équivalente, d'AVOIR renvoyé les parties à faire leurs comptes sur ces bases et condamné la SAS des FORGES DE FRONCLES au paiement des sommes en résultant, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par elle de la convocation en conciliation et d'AVOIR confirmé le jugement qui avait condamné la Société des FORGES DE FRONCLES à payer à Monsieur X... la somme de 100 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les contreparties au temps d'habillage et de déshabillage Le salarié sollicite le paiement d'un rappel de salaires, calculé sur la base de six minutes par jour de travail, soit trois minutes pour l'habillage et trois minutes pour le déshabillage. Il rappelle les dispositions de l'article 4.1, 10.7 et 15.6 du règlement intérieur applicable au sein de la Société des Forges de Froncles, dont il résulterait qu'il était astreint à une obligation de port de vêtements de travail et que l'employeur ne pourrait, compte tenu du contexte de travail, exiger qu'il s'habille et se déshabille hors de l'entreprise. M. X... sollicite l'application de l'article L. 3121-3 du code du travail ainsi rédigé : « Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties, Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ».Il soutient que, l'employeur n'ayant pas mis en place d'accord collectif prévoyant ces contreparties, il serait bien fondé à solliciter, dans la limite de la prescription quinquennale, une somme de 1.351,13 euros, représentant la contrepartie en salaire de six minutes par jour. La SAS Les Forges de Froncles conteste cette demande, faisant valoir que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par l'article L. 3121-3 du code du travail, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Or, la société mettrait à la disposition des salariés une tenue vestimentaire composée d'un pantalon, d'une veste et/ou d'une blouse et elle rapporterait la preuve de ce que les salariés ne revêtent pas tous la tenue mise à leur disposition, certains salariés ne portant que le pantalon, d'autres la tenue complète, certains ne la portant jamais. Quant aux chaussures de sécurité, elles présenteraient la seule caractéristique d'être renforcées et aucune obligation ne serait faite aux salariés de se vêtir ni de se chausser sur le lieu de travail ; que l'article L. 3121-3 du code du travail soumet l'octroi de contreparties aux employés à la condition qu'ils soient soumis à la double exigence du port d'une tenue de travail exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles et de l'obligation de s'habiller sur le lieu de travail ou dans l'entreprise ; que l'article 15.6 du règlement intérieur fixe la durée de travail et définit ainsi le temps de travail effectif : « [...] afin que le personnel soit parfaitement informé des règles relatives à ses horaires de travail au poste et aux conditions d'exécution de son travail, il est rappelé que, conformément à la législation en vigueur, la durée du travail s'entend du travail effectif, c'est-à-dire du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur, se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Au sein de l'entreprise, les temps d'habillage, déshabillage, les soins de toilette et douche, les repas et collations, les pauses y compris la pause conventionnelle casse-croûte, ne constituent pas du temps de travail effectif. En conséquence, chaque salarié doit se trouver à son poste en tenue de travail, aux heures fixées pour le début et la fin du travail » ; que, selon l'article 4.1 consacré aux moyens de protection individuels ou collectifs : « tout membre du personnel est tenu d'utiliser tous les moyens de protection individuels ou collectifs mis à sa disposition et de respecter strictement les consignes particulières données à cet effet. Sont notamment considérés comme tels sans que cette liste soit exhaustive :- lunettes de protection adaptée au poste de travail, - gants adaptés aux types de travaux effectués, - chaussures de sécurité dans toutes les zones signalées. Protections auditives dans les zones identifiées, - vêtement de travail de sécurité spécifiques, - masques, etc. » ; que l'article 10.7 du règlement intérieur traite, au regard de la question de l'hygiène, des vêtements de travail, précisant : « le personnel bénéficiant de trois vêtements différents de travail, il rapportera chaque fin de semaine dans le casier prévu à cet effet à l'entreprise la tenue utilisée la semaine précédente pour qu'il soit nettoyé par l'entreprise. L'entreprise replacera ce vêtement dans le casier de chaque salarié. Il lui restera en conséquence deux tenues disponibles pendant le nettoyage » ; que, si le règlement intérieur n'impose pas aux salariés de s'habiller et de se déshabiller dans les vestiaires de l'entreprise, l'équipement d'un salarié de la SAS Les Forges de Froncles l'oblige à porter, au sein de l'entreprise, des chaussures de sécurité et, sur certains postes de travail, quelques équipements spécifiques (lunettes ou gants) ; qu'en revanche, le pantalon, la blouse ou le blouson ne constituent pas des « vêtements de sécurité » ; qu'il résulte des éléments produits au débat qu'ils ne sont pas portés par l'ensemble des salariés ; que certains d'entre eux, travaillant sur les mêmes machines que ceux qui portent les vêtements de protection mis à leur disposition - la blouse étant d'ailleurs le plus souvent laissée ouverte conservent leurs vêtements de ville ; que si, hormis les chaussures de sécurité — d'apparence confortables et d'un laçage souple — qui peuvent être ainsi facilement chaussées à l'arrivée du salarié dans l'entreprise et enlevées le soir, M, Montagne n'était pas tenu, à raison de ses fonctions, au port obligatoire d'autres vêtements, il lui appartenait néanmoins de respecter, à l'invitation de l'employeur, « quelques règles d'hygiène en milieu de travail» ; qu'au nombre de celles-ci, les salariés de la SAS Les Forges de Froncles avaient reçu les recommandations suivantes : - se changer avant de quitter le travail, - changer toutes les semaines vos vêtements de travail, éviter de remettre des vêtements imprégnés de produits chimiques ou biologiques (huile, lessives...), - ne pas rapporter à son domicile des vêtements souillés (qui peuvent contribuer à transférer des pollutions en milieu familial) ; qu'en favorisant ainsi l'hygiène des salariés au travail, la SAS Les Forges de Froncles — qui a au demeurant obtenu de multiples certifications de qualité par l'association AFNOR —a encouragé ses salariés à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise plutôt qu'à leur domicile où ils devaient éviter de rapporter les vêtements souillés, l'employeur assurant en outre lui-même le nettoyage des vêtements de protection ; que lors même que ce sont des raisons d'hygiène qui conduisent le salarié à revêtir et à enlever ses vêtements de travail au sein de l'entreprise, et alors que la société indique que « des vestiaires sont désormais à la disposition des salariés qui souhaitent se vêtir et se dévêtir sur le lieu de travail », il appartient à l'employeur de prévoir des contreparties à ce temps d'habillage et de déshabillage ; que le processus de négociation initié au sein de la SAS Les Forges de Froncles n'a pu aboutir ; que l'employeur en a fait le constat le 28 janvier 2015 ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif ou de clauses dans le contrat de travail, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont doivent bénéficier les salariés qui le saisissent en fonction des prétentions des parties ; que la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage doit être accordée soit sous forme de repos, soit sous forme financière ; que le salarié sollicite une contrepartie financière, constituée par un rappel de salaires sur la base d'une durée quotidienne évaluée à six minutes ; que la SAS Les Forges de Froncles rejette légitimement l'idée d'un rappel de salaire calculé sur la base d'une assimilation à un temps de travail effectif ; qu'en effet, le législateur a veillé à ce que le temps du travail effectif corresponde à un temps de travail productif, préférant la technique de la contrepartie financière ou de la compensation horaire à celle de la rémunération de ce temps passé à l'entreprise ; qu'au regard de la pratique existant dans des secteurs d'activité voisins en matière de contreparties à défaut d'accord collectif applicable, la cour fixe la contrepartie due au salarié à un jour de repos par an ou à une compensation en rémunération équivalente ; que le jugement est infirmé sur ce point ; qu'il y a lieu de renvoyer les parties à calculer, sur cette base, le montant des sommes dues au salarié au titre de la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, à compter de mai 2008 ; M. X... réclame une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et en application du préjudice résultant de la nonapplication des dispositions légales réglementaires et conventionnelles ; qu'en l'absence d'élément nouveau la cour confirme, par motifs adoptés, la décision selon laquelle il y a lieu d'allouer 150 € à ce titre à M. X... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « malgré les interpellations des élus du personnel ayant la volonté de négocier la mise en oeuvre des contreparties, pour le temps d'habillage et de déshabillage, la SAS FORGES DE FRONCLES refuse cette négociation. Alors que plusieurs éléments de fait et de droit confirment les obligations et conditions cumulatives pour répondre aux demandes du personnel de la société. Qu'en conséquence, le Conseil octroie la somme de 100 € de dommages et intérêts à M. Thierry X... sur le fondement de l'article L. 3121-3 du Code du travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article L. 3121-3 du Code du travail que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, à savoir lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que la société des FORGES DE FRONCLES contestait, en l'espèce, que l'une ou l'autre de ces deux conditions cumulatives ait été remplie ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur X... n'était pas tenu au port obligatoire des tenues de travail que la société exposante avait mises à sa disposition ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande formée au titre de la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage au motif inopérant que les salariés étaient « encouragés » à s'habiller et à se déshabiller au sein de l'entreprise, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3121-3 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en fixant forfaitairement la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage à un jour de repos par an ou à son équivalent en salaire, soit à un montant indépendant de la présence réelle du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-3 du Code du travail et 1131 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit et jugé que le temps de douche conformément à la convention collective, à l'article R. 3121-2 du Code du travail et à l'arrêté du 23 juillet 1947 fixant les conditions dans lesquelles les douches doivent être mises à la disposition du personnel effectuant des travaux insalubres ou salissants, doit être respecté et appliqué ; d'AVOIR dit que Monsieur X... est bien fondé à réclamer le paiement d'un temps de douche, sans avoir à rapporter la preuve d'une prise effective de douche, sur la base de quinze minutes par jour de travail, et d'AVOIR renvoyé les parties à calculer sur la base du tarif des heures normales de travail le temps de douche de Monsieur X... correspondant à quinze minutes par jour ouvré, et ce à compter de mai 2008 ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la rémunération du temps de douche M. X... soutient que, du fait de ses activités de régleur sur plusieurs machines, il serait affecté à des travaux insalubres et salissants au sens de l'arrêté du 23 juillet 1947 qui fixe les conditions dans lesquelles les douches doivent être mises à disposition du personnel. Il estime pouvoir, dans ces conditions, bénéficier des dispositions du règlement intérieur de 1983 applicables et de la rémunération de ce temps de douche, au tarif des heures supplémentaires. A ce titre, il réclame une somme de 2 702,25 € pour la période de cinq ans antérieurs à sa saisine du conseil de prud'hommes, outre les sommes dues, sur les mêmes bases, pour la période postérieure à cette saisine, l'employeur devant se voir enjoindre de régulariser le règlement des sommes en fonction de l'évolution de ses salaires pendant cette période. La SAS Les Forges de Froncles soutient que les activités exercées par M. X... n'entrent pas dans la liste des travaux salissants et insalubres de l'arrêté de 1947 et qu'en toute hypothèse, il ne se trouve pas en « contact permanent » avec quelque fluide/lubrifiant que ce soit ; qu'en vertu de l'article R. 4228-8 du code du travail, dans les établissements où sont réalisés certains travaux insalubres et salissants, des douches sont mises à la disposition des travailleurs. La liste de ces travaux ainsi que les conditions de mises à disposition des douches sont fixées par arrêté des ministres chargés du travail ou de l'agriculture et, en tant que de besoin, par le ministre chargé de la santé ; que, selon l'article R. 3121-2 du code du travail, les temps passés à la douche, en cas de travaux insalubres ou salissants, doivent être rémunérés au tarif des heures normales de travail ; que, sauf dispositions conventionnelles contraires, non invoquées en l'espèce, ils n'ont pas à être décomptés comme du temps de travail effectif ; que le montant de la rémunération afférente au temps de douche doit apparaître distinctement sur le bulletin de salaire ; que M. X... invoque les dispositions de l'article 9.2 du règlement intérieur applicable à l'entreprise selon lesquelles, pour certains travaux insalubres et salissants définis par le code du travail, des douches chaudes sont mises à disposition du personnel. Le temps passé sera compté pour 1/4 d'heure au minimum sur le temps de travail ; que cependant, depuis la promulgation de la loi n° 82-689 du 4 août 1982, les dispositions de l'article 6 de l'arrêté ministériel du 23 juillet 1947 sont devenues obsolètes en ce qu'elles prévoient que la rémunération du temps passé à la douche est fixée par le règlement intérieur ; qu'il résulte en effet des dispositions des articles L. 122-34 et L. 122-35 du code du travail — devenus les articles L. 1321-1, L. 1321-3 et L. 1321-5 — que le règlement intérieur ne doit fixer que les mesures et règles ayant le caractère de prescriptions générales et permanentes ; que tel n'est pas le cas des mesures qui doivent être prises en vue de préciser, pour chacun des salariés concernés, l'ordre de passage à la douche et le temps de rémunération compté à ce titre ; qu'il y a lieu d'examiner les dispositions toujours en vigueur de l'arrêté du 23 juillet 1947 fixant les conditions dans lesquelles les douches doivent être mises à la disposition du personnel effectuant des travaux insalubres ou salissants, l'article ler faisant obligation aux chefs d'établissements de mettre des douches journalières à la disposition du personnel qui effectue les travaux énumérés aux tableaux I et II annexés au présent arrêté ; qu'en l'état des textes applicables, seuls peuvent être considérés comme « salissants et insalubres » les travaux listés dans les deux tableaux I et II annexés à cet arrêté de 1947 ; que les parties conviennent dans leurs écritures et à l'audience qu'au regard du secteur industriel dans lequel intervient la SAS Les Forges de Froncles, seuls peuvent être en cause dans la liste du tableau I: - les « travaux comportant un contact permanent avec les lubrifiants de décolletage, notamment les travaux de réglage », - les « travaux d'usinage comportant un contact permanent avec des fluides de coupe » ; qu'il résulte des pièces produites et des débats, que M. X... exerce exclusivement sur des machines de frappe à froid (FM 450 et FM 500) ; que le processus de frappe à froid consiste en une « déformation du métal à froid, par passes successives dans les outillages de la presse », qui n'implique aucun enlèvement de matière, à la différence des travaux de coupe et de décolletage qui constituent deux procédés distincts d'usinage, ce processus industriel consistant en un enlèvement de matière pour obtenir la fabrication d'une pièce ; que le salarié travaillant sur des machines de frappe à froid ne se trouve en contact ni avec des « lubrifiants de décolletage », ni avec des « fluides de coupe » ; qu'en outre, la SAS Les Forges de Froncles conteste utilement l'allégation de M. X... selon laquelle il serait en « contact permanent » avec les lubrifiants de décolletage et les fluides de coupe en démontrant que le temps passé aux changements de séries et aux réglages, susceptibles de mettre M. X... en contact avec des huiles, représentait une très faible part de son temps de travail ; cependant que l'arrêté du 23 juillet 1947 fait explicitement référence aux « travaux salissants visés par les tableaux des maladies professionnelles annexés au décret 2959 du 31 décembre 1946 » ; qu'or, le tableau du régime général n° 36 définit les critères à prendre en compte pour qu'une affection provoquée par les huiles minérales soit prise en charge au titre de la maladie professionnelle ; qu'il résulte de ce tableau que des lésions eczématiformes récidivant en cas de nouvelle exposition au risque ou confirmées par un test épicutané peuvent résulter de « travaux d'entretien, de réparation et de mise au point mécanique comportant l'emploi d'huiles de moteurs, d'huiles utilisées comme composants de fluides hydrauliques, de fluides hydrauliques et autres lubrifiants », sans prévoir de durée d'exposition minimale pour la reconnaissance éventuelle d'une maladie professionnelle ; que l'employeur reconnaît que lors des « changements de série », c'est-à-dire lorsque l'on passe de la production d'une pièce à la production d'une autre, deux types d'opérations doivent être mises en oeuvre ; que c'est à l'occasion de la première, à savoir le changement de l'outillage permettant la fabrication de la pièce en cause, que l'opérateur se trouve en contact, non pas avec un fluide, mais avec un matériel huileux ; qu'à l'occasion de la réalisation des opérations de réglages, le contact de l'opérateur avec l'outillage huileux se trouve beaucoup plus limité ; qu'il importe peu que ces opérations ne représentent qu'une partie résiduelle du temps de travail de M. X..., le salarié se trouvant protégé contre les projections d'huile lorsque les machines sont en fonctionnement, dès lors que toute exposition aux lubrifiants utilisés par la SAS Les Forges de Froncles est susceptible de provoquer une maladie professionnelle, ce que confirme au demeurant dans son rapport d'audit des risques professionnels rédigé le 10 octobre 2014 le bureau Veritas mandaté par la SAS Les Forges de Froncles ; que M. X... est bien fondé à réclamer le paiement d'un temps de douche, sans avoir à rapporter la preuve d'une prise effective de douche, sur la base de quinze minutes par jour de travail, cette durée étant conforme aux usages applicables dans l'entreprise ; qu'en revanche, il ne peut solliciter le paiement de ce temps de douche en heures supplémentaires ; que le calcul qu'il dit avoir opéré sur ce fondement ne peut être retenu ; que le jugement sera infirmé sur le quantum de la somme allouée ; que les parties n'ayant versé au débat aucun bulletin de paie permettant à la cour de procéder au calcul des sommes dues au salarié à ce titre, il y a lieu de les renvoyer à les calculer sur la base du tarif des heures normales de travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article R. 4228-8 du Code du travail que dans les établissements où sont réalisés certains travaux insalubres et salissants dont la liste est fixée par l'arrêté du 23 juillet 1947, des douches sont mises à la disposition des travailleurs ; que le temps passé à la douche est, lorsque les conditions fixées par l'arrêté sont remplies, considéré comme une période de travail effectif ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur X... ne se trouvait pas, dans le cadre de ses fonctions, en contact avec des lubrifiants de décollage ou avec des fluides de coupe, et que par ailleurs le temps passé aux changements de séries et aux réglages, seul moment où il se trouvait de façon limitée en contact avec des produits lubrifiants, représentait une partie résiduelle de son temps de travail ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le salarié était fondé à réclamer un rappel de salaire sur la base de quinze minutes de temps de douche par jour, que les produits précités étaient « susceptibles de provoquer une maladie professionnelle », sans constater le caractère insalubre des travaux exécutés par le salarié, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la société des FORGES DE FRONCLES faisait valoir que les tâches au cours desquelles Monsieur X... pouvait être exposé à des fluides lubrifiants ne représentaient qu'environ 1 % de son temps de travail et qu'il pouvait tout au plus, dans ces hypothèses marginales, avoir les mains souillées de sorte qu'une douche n'était pas nécessaire et qu'un simple lavage des mains au lavabo était suffisant ; qu'en se bornant à relever la possibilité d'une exposition du salarié à des fluides lubrifiants, sans vérifier si cette exposition n'était pas tellement limitée qu'elle ne répondait pas à la définition réglementaire des travaux insalubres ou salissants et ne rendait pas nécessaire la prise d'une douche, la cour d'appel a, pour cette raison supplémentaire, privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 4228-8 du Code du travail et de l'arrêté du 23 juillet 1947.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-13506
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 14 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2017, pourvoi n°16-13506


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13506
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award