La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2017 | FRANCE | N°16-11094

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 octobre 2017, 16-11094


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1235 et 1376, devenus 1302 et 1302-1 du code civil et l'article 2224 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 30 juillet 2009, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (la caisse) a appris que Mme X..., à qui elle servait depuis le 1er mars 2001 une pension de réversion à la suite du décès de son mari, et qui avait attesté, à plusieurs reprises, être toujours veuve, s'était remariée

le 10 août 2002 ; que, faisant valoir que Mme X... était privée, à compter de cett...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1235 et 1376, devenus 1302 et 1302-1 du code civil et l'article 2224 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 30 juillet 2009, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (la caisse) a appris que Mme X..., à qui elle servait depuis le 1er mars 2001 une pension de réversion à la suite du décès de son mari, et qui avait attesté, à plusieurs reprises, être toujours veuve, s'était remariée le 10 août 2002 ; que, faisant valoir que Mme X... était privée, à compter de cette date, du droit de percevoir ladite pension, en application de l'article 25 de l'annexe 3 du statut du personnel des Industries électriques et gazières et qu'elle avait été condamnée par un jugement du tribunal correctionnel à lui payer une indemnité égale aux arrérages frauduleusement reçus du 30 septembre 2006 au 30 septembre 2009, la caisse l'a assignée, le 3 mai 2010, en remboursement des arrérages perçus entre le 1er octobre 2002 et juillet 2006, sur le fondement de la répétition de l'indu ;

Attendu que, pour dire prescrite la demande en restitution des arrérages de la caisse relatifs à la période antérieure au 9 février 2005, et condamner Mme X... à payer à celle-ci la somme de 10 272,99 euros correspondant à ceux versés entre les mois d'avril 2005 et juillet 2006, l'arrêt retient que la mise en demeure du 9 février 2010 ayant interrompu le délai de prescription de cinq ans, applicable en cas de fraude, l'action en répétition exercée le 3 mai 2010 est recevable ; qu'il énonce que la caisse est fondée à réclamer les sommes versées depuis le 9 février 2005, mais que les sommes réglées avant cette date sont prescrites, la caisse ne pouvant se prévaloir des dispositions de l'article 2232 du code civil, qui ne sauraient avoir pour effet de créer un délai de prescription de vingt ans, alors que le délai est unique et qu'il est de cinq ans, et que les sommes correspondant à la période postérieure ont déjà été remboursées à la suite de la condamnation pénale de Mme X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription de l'action de la caisse tendant au remboursement de l'indu portant sur les années 2002 à 2006 était initialement soumise au délai de prescription trentenaire de droit commun applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et que son action avait été exercée avant l'expiration du délai de prescription quinquennal résultant de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que la demande de la Caisse nationale des industries électriques et gazières est prescrite pour la période antérieure au 9 février 2005, l'arrêt rendu le 25 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la Caisse nationale des industries électriques et gazières la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale des industries électriques et gazières

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné Mme X... épouse Y... à payer à la CNIEG la somme de 10 272,99 euros au titre des arrérages de pension de réversion pour la période d'avril 2005 à juillet 2006 et d'AVOIR constaté que la demande de la CNIEG est prescrite pour la période antérieure au 9 février 2005 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale dispose que « toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration. En l'espèce, Mme X... s'est remariée avec M. Y... le 10 août 2002, de sorte qu'à partir de cette date, conformément à l'article 25 de l'annexe III du statut du personnel des IEG, elle ne possédait plus de droit de percevoir une pension de réversion servie par la CNIEG. Mme X... a commis une fraude ainsi qu'il résulte du jugement définitif du tribunal correctionnel d'Ajaccio du 30 novembre 2012 portant condamnation du chef d'escroquerie. Il convient donc de retenir la prescription de droit commun de cinq ans. La CNIEG a eu connaissance du remariage de Mme X... le 30 juillet 2009 suite à la transmission de l'extrait d'acte de naissance de Mme X.... Informée du mariage de Mme X... en juillet 2009, elle devait exercer l'action en répétition de l'indu dans les 5 ans à compter de cette date, ce qu'elle a fait si ce n'est par la notification de l'indu du 23 septembre 2009 qui, bien qu'adressée par lettre recommandée avec accusé de réception réceptionnée par Mme X... ne comporte pas d'injonction suffisante pour valoir commandement de payer, mais par la lettre de mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception le 9 février 2010, réceptionnée par Mme X... le 11 février 2010. Cette lettre de mise en demeure a donc eu pour effet d'interrompre la prescription en cours. Ainsi que l'a à bon droit jugé le tribunal, la CNIEG est en droit de réclamer les sommes indûment versées depuis le 9 février 2005, les sommes réglées avant cette date étant couvertes par la prescription, la CNIEG ne pouvant utilement se prévaloir des dispositions de l'article 2232 du code civil qui ne sauraient avoir pour effet de créer un délai de prescription de 20 ans alors que le délai de prescription est unique et qu'en l'espèce, il est de 5 ans. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a condamné Mme X... au paiement de la somme de 10 272,99 euros au titre des arrérages trimestriels d'avril 2005 à juillet 2006, rappelant que la période postérieure a déjà été indemnisée par le jugement du tribunal correctionnel d'Ajaccio » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il résulte de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale que toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire. En cas de fraude ou de fausse déclaration, l'action est soumise à la prescription de droit commun de cinq ans. Mme X..., qui percevait une pension de réversion du régime des IEG depuis mars 2001 suite au décès de son époux, M. Z..., a contracté une nouvelle union le 10 août 2002 avec M. Y..., ce qui, en application des dispositions de l'article 25 de l'annexe 3 du statut du Personnel des IEG, lui faisait perdre ses droits à ladite pension de réversion. Le 20 septembre 2002, Mme X... a pourtant réclamé à la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières qu'elle était veuve, déclaration qu'elle a réitérée le 11 septembre 2003. Elle n'a donc jamais informé IEG Pensions, ni plus tard la CNIEG, de son changement de situation familiale, et a même, au contraire, comme il vient d'être indiqué, déclaré à deux reprises être veuve. Mme X... a été reconnue coupable du chef d'escroquerie pour ces faits par le tribunal correctionnel d'Ajaccio le 30 novembre 2012 et condamnée à payer à la CNIEG la somme de 28 457,80 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au montant indûment versé du 30 septembre 2006 au 30 septembre 2009. Compte tenu de ce qui précède, c'est bien la prescription de cinq ans qu'il convient d'appliquer. Il n'est pas contesté que la CNIEG n'a eu connaissance de la fraude commise par Mme X... que le 30 juillet 2009 suite à la transmission de l'extrait d'acte de naissance de l'intéressée. Le point de départ de la prescription de cinq ans était donc reporté au 30 juillet 2009. La CNIEG devait en conséquence exercer l'action en répétition de l'indu dans les cinq ans à compter de cette date, ce qu'elle a fait en toute hypothèse en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 3 mai 2010. Dès avant cette saisine, elle avait adressé à Mme X... une notification d'indu datée du 23 septembre 2009, réceptionnée par celle-ci à une date antérieure au 28 septembre 2009 (la date est illisible mais la CNIEG a eu le retour de la lettre le 28 septembre 2009). Cette notification, toutefois, ne peut pas s'analyser en une mise en demeure valant commandement de payer interruptif de prescription dès lors que, si Mme X... est avisée qu'elle est redevable d'arrérages indus, cette information ne s'accompagne d'aucune injonction, qu'il est indiqué à Mme X... qu'elle a la possibilité de rembourser intégralement la somme de 49 557,86 euros par « tout moyen à (sa) convenance », qu'elle peut présenter ses observations sur cette dette seule ou assistée dans un délai de quinze jours et qu'elle peut saisir la commission de recours amiable en cas de litige. En revanche, le courrier daté du 9 février 2010, intitulé du reste « mise en demeure », présente les caractères inhérents à ce type d'injonction puisqu'il y est expressément indiqué que la CNIEG met Mme X... en demeure de régler la somme de 49 577,86 euros avec intérêts au taux légal passé le délai de quinze jours, et que, faute de règlement dans ce délai, la CNIEG engagera une procédure contentieuse devant la juridiction compétente. Cette mise en demeure ayant interrompu le délai de prescription de cinq ans, la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières est en droit de réclamer les sommes indûment versées depuis le 9 février 2005, les sommes réglées avant cette date étant couvertes par la prescription. Il y a lieu en conséquence de condamner Mme X... à payer à la CNIEG la somme de 10 272,99 euros couvrant la période de versement des arrérages d'avril 2005 à juillet 2006, étant rappelé que la période postérieure a déjà été indemnisée par le tribunal correctionnel d'Ajaccio » ;
1°) ALORS QUE dès lors qu'elle est recevable, pour avoir été exercée par le solvens dans les cinq années suivant sa connaissance du caractère indu du paiement, ou avant le 19 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, lorsque le droit à répétition est né avant cette date, l'action en répétition permet la restitution de toutes les sommes indûment perçues dans les conditions prévues aux articles 1376 et suivants du code civil, aucune disposition légale ne permettant de limiter à une période donnée les effets de la condamnation à restituer les sommes indûment perçues ; qu'en l'espèce, exercée le 3 mai 2010, après une mise en demeure du 9 février 2010, l'action en répétition, portant sur la période 2002-2005 et sanctionnant ainsi un droit né avant le 19 juin 2013, était recevable ; qu'en retenant cependant que la CNIEG ne pouvait, du fait de la prescription quinquennale, réclamer les sommes indûment versées avant le 9 février 2005, et en limitant ainsi la répétition au cinq années précédant la mise en demeure du 9 février 2010, la cour d'appel a violé les articles 1235, 1376 et 2224 nouveau du code civil ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE le juge doit indiquer le fondement juridique de sa décision ; qu'en s'abstenant d'exposer le raisonnement juridique le conduisant à affirmer que la répétition devait être limitée à la période de cinq années précédant la mise en demeure, et qu'ainsi, à la prescription de l'action en répétition se surajoutait une prescription portant sur l'objet de la répétition admise en son principe, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-11094
Date de la décision : 04/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 25 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 oct. 2017, pourvoi n°16-11094


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11094
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award