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30/11/2017 | FRANCE | N°16-19833;16-19988

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2017, 16-19833 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° H 16-19. 988 et P 16-19. 833 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 3 mai 2016), que M. X...a été engagé le 8 novembre 2007 par la société Voyages Voute en qualité de chauffeur de car de tourisme ; qu'il a été licencié pour faute grave le 12 juin 2013 ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° H 16-19. 988 en ce qu'il est formé par la SCP Thouin-Palat et Boucard, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :



Attendu qu'une même personne, agissant en la même qualité, ne peut former qu'un seu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° H 16-19. 988 et P 16-19. 833 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 3 mai 2016), que M. X...a été engagé le 8 novembre 2007 par la société Voyages Voute en qualité de chauffeur de car de tourisme ; qu'il a été licencié pour faute grave le 12 juin 2013 ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° H 16-19. 988 en ce qu'il est formé par la SCP Thouin-Palat et Boucard, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu qu'une même personne, agissant en la même qualité, ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision ;

Attendu que la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano a, le 1er juillet 2016, formé au nom de la société Voyages Voute contre un arrêt rendu le 3 mai 2016 par la cour d'appel de Riom, un pourvoi enregistré sous le n° P 16-19. 833 ; que la SCP Thouin-Palat et Boucard ayant en cette même qualité, formé le 4 juillet 2016 contre la même décision, un pourvoi enregistré sous le n° H 16-19. 988, n'est pas recevable à former un nouveau pourvoi en cassation ;

Sur le pourvoi n° P 16-19. 833 :

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter des débats la pièce n° 22 communiquée par lui le 21 mars 2016, de même que les conclusions n° 3 communiquées le même jour en ce qu'elles comportent un argumentaire fondé sur la pièce n° 22 et, en conséquence, de juger que le licenciement du salarié est abusif car il ne reposait pas sur une faute grave ou sur une cause réelle et sérieuse, de juger que la mise à pied conservatoire du salarié est injustifiée, de le condamner en conséquence à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, à titre d'indemnité de licenciement, au titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, à titre de rémunération de la mise à pied conservatoire, et à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la mise à pied conservatoire alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en l'espèce, pour écarter des débats la pièce n° 22 de la société Voyages Voute, et ses conclusions n° 3 en ses développements s'appuyant sur cette pièce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que cette pièce ayant été communiquée à l'audience, M. X...n'a pu en « faire un examen utile afin de présenter une réponse à l'audience dans les conditions normales du débat contradictoire » (arrêt, p. 4, antépénultième alinéa) ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser la moindre circonstance particulière qui aurait pu empêcher M. X..., représenté, de discuter la pièce litigieuse à l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en l'espèce, pour écarter des débats la pièce n° 22 de la société Voyages Voute, et ses conclusions n° 3 en ses développements s'appuyant sur cette pièce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que cette pièce ayant été communiquée à l'audience, M. X...n'a pu en « faire un examen utile afin de présenter une réponse à l'audience dans les conditions normales du débat contradictoire » (arrêt, p. 4, antépénultième alinéa) ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser la moindre circonstance particulière justifiant d'écarter des débats les conclusions de l'exposante lesquelles ne faisaient que répondre aux conclusions que M. X...lui-même n'avait communiquées que quatre jours avant l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations souveraines de l'arrêt que la pièce et les conclusions écartées des débats n'avaient pas été communiquées en temps utile au sens des articles 15 et 135 du code de procédure civile et que la tardiveté de cette communication portait atteinte aux droits de la défense ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement du salarié est abusif car il ne reposait pas sur une faute grave ou sur une cause réelle et sérieuse, de juger que la mise à pied conservatoire du salarié est injustifiée, de le condamner en conséquence à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, à titre d'indemnité de licenciement, au titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, à titre de rémunération de la mise à pied conservatoire, et à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la mise à pied conservatoire alors, selon le moyen :

1°/ que la société Y...Voyages soutenait dans ses conclusions, et offrait de prouver, que si l'EAD ne permettait pas le démarrage du véhicule en raison d'une défaillance de l'appareil ou d'embout pollué, « M. X...conformément aux indications orales de son employeur aurait dû tester un embout différent. En effet, tous les chauffeurs ont à leur disposition des embouts de rechange au bureau en cas de dysfonctionnements, ce qui apparaît dans le compte-rendu de M. Z... » ; que la cour d'appel a estimé que « la seule circonstance que le car n'a pas pu être démarré ne peut constituer la preuve d'une alcoolémie excessive dans la mesure où il ne peut être exclu que le démarrage soit dû à une autre cause » ; que pour ce faire, elle a relevé que M. Z... avait prétendu lors de l'entretien préalable que « la cause du non démarrage ne pouvait être exclusivement due à l'absorption d'alcool et des embouts pollués ou un appareil défaillant peuvent avoir les mêmes conséquences », et retenu que « ces explications n'ont pas fait l'objet de contestations de la part de l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, quand la société Voyages Y...contestait précisément que la cause du non-démarrage puisse être liée à un appareil défaillant ou un embout pollué, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les mesures permettant d'établir sur le lieu de travail l'état d'ébriété d'un salarié en recourant à un contrôle de son alcoolémie sont licites dès lors, d'une part, que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation, d'autre part, qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d'ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, de sorte qu'il peut constituer une faute grave ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont retenu qu'il ressortirait d'une délibération n° 2010-005 du 28 janvier 2010 de la CNIL « qu'aucune sanction disciplinaire ne peut être engagée sur le fondement des résultats issus de l'EAD » ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, quand sont licites les mesures de contrôle d'alcoolémie au travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

3°/ que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en l'espèce, pour écarter l'attestation de M. Y...dont il résultait que M. X...lui avait expliqué avoir bu des « canons » le soir la veille du départ et que l'EAD ne lui avait pas donné le feu vert, la cour d'appel a retenu qu'« outre que cette attestation ne peut avoir aucune valeur probante, l'employeur ne pouvant valablement se constituer une preuve à lui-même, les propos rapportés ne peuvent nullement apporter la preuve de la faute reprochée » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

4°/ que la société Voyages Y...soutenait et offrait de prouver qu'au cours d'un précédent voyage en date du 28 avril 2013, M. X...avait déjà forcé le système EAD en refusant d'arrêter son car, alors que l'alarme s'était enclenchée ; que si ces faits n'étaient pas directement invoqués comme cause de licenciement, ils étaient rappelés « à titre d'éléments de contexte » afin d'établir que lors du voyage du 20 mai 2013, invoqué par la lettre de licenciement, l'appareil EAD avait empêché le démarrage du car en raison de l'alcoolémie de M. X...; que la cour d'appel a pourtant retenu qu'« il s'agit d'incident antérieurs aux faits visés dans la lettre de licenciement qui ne peuvent être retenus à l'encontre du salarié puisque la lettre de licenciement n'en fait pas état et qui ne permettent aucunement d'apporter la preuve de la faute reprochée » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces circonstances ne pouvaient constituer un indice de l'existence d'un comportement récurent de conduite sous l'empire d'un état alcoolique par M. X..., de nature à rendre probable la faute invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

5°/ que commet une faute grave, cause réelle et sérieuse de licenciement, le salarié qui, par son comportement, méconnaît l'obligation de sécurité de résultat incombant à son employeur, et ce peu important que la nécessité de respecter les consignes de sécurité n'ait pas été expressément rappelée par l'employeur ; que pour retenir que l'employeur ne pouvait faire grief à son salarié de ne pas l'avoir prévenu de l'impossibilité de démarrer le car muni d'un EAD et de son intention d'utiliser un autre véhicule, la cour d'appel a estimé que « l'employeur ne justifie d'aucune instruction qui serait donnée aux salariés de prévenir l'entreprise dans une telle hypothèse » ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de consigne expresse de son employeur n'autorisait pas le salarié à faire obstacle aux mesures de son employeur prévenant la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

6°/ que la société Voyages Y...soutenait dans ses conclusions, étayées par l'attestation de M. A..., que les voyageurs transportés le 20 mai 2013 dans un car qui n'était pas prévu à cet effet avaient regretté l'inconfort du transport ; qu'en retenant que « la défenderesse ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice vis-à-vis de son client par l'utilisation d'un véhicule moins confortable », à supposer ce motif adopté, sans analyser, serait-ce sommairement, la pièce n° 20 qui établissait au contraire le préjudice d'image subi par l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel a constaté que les faits reprochés au salarié n'étaient pas établis et ne pouvaient dés lors constituer une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare irrecevable le pourvoi n° H 16-19. 988 ;

Rejette le pourvoi n° P 16-19. 833 ;

Condamne la société Voyages Voute aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Voyages Voute et condamne celle-ci à payer à M. X...la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Voyages Voute (demanderesse au pourvoi n° P 16-19. 833).

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté des débats la pièce n° 22 communiquée par la société Voyages Voute le 21 mars 2016, de même que les conclusions n° 3 communiquées le même jour en ce qu'elles comportent un argumentaire fondé sur la pièce n° 22 et d'avoir, en conséquence, jugé que le licenciement de M. Gilles X...est abusif car il ne reposait pas sur une faute grave ou sur une cause réelle et sérieuse, d'avoir jugé que la mise à pied conservatoire de M. X...est injustifiée, d'avoir condamné en conséquence la société Voyages Voute à payer à M. X...les sommes de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 1 896, 64 € à titre d'indemnité de licenciement, 3 299, 04 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis, 329, 90 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 1 263, 28 € à titre de rémunération de la mise à pied conservatoire, et 126, 23 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la mise à pied conservatoire ;

AUX MOTIFS QUE : « sur la demande tendant à écarter des écritures et pièces des débats : que la société Voyages Voute demande d'écarter des débats les écritures communiquées par M. X...le 17 mars 2016 comme tardives mais, même si le caractère tardif de cette communication, effectuée 4 jours avant l'audience est certain, il convient néanmoins de relever que la procédure, en matière prud'homale, étant orale, les parties peuvent, jusqu'à l'audience, faire valoir des moyens et arguments nouveaux sauf à respecter le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, la société Voyages Y...a pu prendre connaissance utilement de ces écritures et pièces litigieuses et a même pu y répondre par écrit, au moyen de conclusions en réponse, et oralement à l'audience ; que quant aux pièces communiquées en même temps que ces écritures, il s'agit de pièces déjà communiquées en première instance et que l'employeur a pu discuter à l'exception des bulletins de salaire et du certificat de travail qui ne font l'objet d'aucun débat ; que la demande tendant à ce que ces conclusions et pièces soient écartées des débats sera donc rejetée ; qu'en revanche, la pièce communiquée le 21 mars 2016 par l'employeur sous le n° 22 ainsi que les conclusions n° 3 qui, selon l'employeur, ne comportent que de minimes modifications pour tenir compte de la nouvelle pièce n° 22, ayant été communiquée le jour même de l'audience à laquelle l'affaire a été évoquée, doivent être écartées des débats, la tardiveté de cette communication n'ayant pas permis à M. X...d'en faire un examen utile afin de présenter une réponse à l'audience dans les conditions normales du débat contradictoire » ;

ALORS 1/ QUE : en matière prud'homale, la procédure étant orale, le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en l'espèce, pour écarter des débats la pièce n° 22 de la société Voyages Voute, et ses conclusions n° 3 en ses développements s'appuyant sur cette pièce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que cette pièce ayant été communiquée à l'audience, M. X...n'a pu en « faire un examen utile afin de présenter une réponse à l'audience dans les conditions normales du débat contradictoire » (arrêt, p. 4, antépénultième alinéa) ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser la moindre circonstance particulière qui aurait pu empêcher M. X..., représenté, de discuter la pièce litigieuse à l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;

ALORS 2/ QUE : en matière prud'homale, la procédure étant orale, le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en l'espèce, pour écarter des débats la pièce n° 22 de la société Voyages Voute, et ses conclusions n° 3 en ses développements s'appuyant sur cette pièce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que cette pièce ayant été communiquée à l'audience, M. X...n'a pu en « faire un examen utile afin de présenter une réponse à l'audience dans les conditions normales du débat contradictoire » (arrêt, p. 4, antépénultième alinéa) ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser la moindre circonstance particulière justifiant d'écarter des débats les conclusions de l'exposante lesquelles ne faisaient que répondre aux conclusions que M. X...lui-même n'avait communiquées que quatre jours avant l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de M. Gilles X...est abusif car il ne reposait pas sur une faute grave ou sur une cause réelle et sérieuse, d'avoir jugé que la mise à pied conservatoire de M. X...est injustifiée, d'avoir condamné en conséquence la société Voyages Voute à payer à M. X...les sommes de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 1 896, 64 € à titre d'indemnité de licenciement, 3 299, 04 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis, 329, 90 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 1 263, 28 € à titre de rémunération de la mise à pied conservatoire, et 126, 23 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la mise à pied conservatoire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur le licenciement : qu'en droit, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire ; qu'il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque, l'absence de preuve d'une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que la lettre de licenciement est ainsi motivée : « (...) Le 20 mai 2013, vous avez mis en danger 49 personnes adultes lors d'un transport pour Quiberon. N'ayant pu démarrer un car muni d'un éthylotest anti démarrage, vous avez délibérément pris un autre autocar sans nous prévenir. Cet autocar n'était pas muni de ce système et n'était pas non plus un autocar grand tourisme. Nous vous rappelons que le système est conçu, selon la notice, pour bloquer le démarrage lorsqu'il détecte un taux d'alcoolémie positif. Vous avez mis en cause la responsabilité de l'entreprise et sa réputation. Lors de l'appel téléphonique de M. Y..., vous avez reconnu que vous n'aviez pas pu démarrer le véhicule à cause de l'éthylotest anti démarrage. Lors de l'entretien vous avez reconnu que vous aviez consommé de l'alcool la veille. Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 7 juin 2013 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur ce sujet. En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave (...) » ; que dans sa lettre du 4 juillet 2013, en réponse à la contestation du salarié, l'employeur a précisé que le reproche qui lui était fait ne consistait pas tant dans l'utilisation d'un véhicule non affecté au tourisme que dans le fait d'avoir pris le volant en sachant qu'un taux d'alcoolémie positif avait été détecté par l'éthylotest anti démarrage ; que M. X...ne conteste pas ne pas avoir pu démarrer le véhicule qui lui était normalement attribué, lequel est équipé d'un dispositif interdisant le démarrage lorsqu'il détecte un taux d'alcoolémie excessif ; que cependant, le seul fait que le véhicule n'a pas pu être démarré ne peut suffire à démontrer que le salarié se trouvait dans un état d'alcoolémie incompatible avec la conduite du véhicule ; que l'employeur s'appuie sur l'attestation de M. Y..., cogérant de la S. A. R. L., qui rapporte avoir appris le 20 mai 2015 vers 15h30 que M. X...avait utilisé un autre car que celui qui était prévu, qu'il lui avait alors téléphoné, que celui-ci lui aurait expliqué avoir bu des « canons » le soir avant le départ et que le système anti démarrage n'avait pas donné le feu vert ; qu'outre que cette attestation ne peut avoir aucune valeur probante, l'employeur ne pouvant valablement se constituer une preuve à lui-même, les propos rapportés ne peuvent nullement apporter la preuve de la faute reprochée ; que M. Z..., conseiller du salarié qui a assisté M. X...lors de l'entretien préalable, atteste que ce dernier a contesté les dires de l'employeur et a expliqué ne pas avoir consommé d'alcool de manière excessive lors du repas familial auquel il a reconnu avoir participé la veille ;
que rien ne permet de déterminer que l'impossibilité de démarrer le véhicule serait due à la détection par le système anti démarrage d'un taux d'alcoolémie positif. M. Z... a expliqué, lors de l'entretien préalable, que la cause du non démarrage ne pouvait être exclusivement due à l'absorption d'alcool et que des embouts pollués ou un appareil défaillant peuvent avoir les mêmes conséquences ; que ces explications n'ont pas fait l'objet de contestations de la part de l'employeur ; que ce dernier soutient que l'appareil fonctionnait normalement avant et après l'intervention de M. X...mais cette seule circonstance ne peut suffire à garantir le bon fonctionnement de l'appareil et du véhicule au moment des faits ; que la seule circonstance que le car n'a pas pu être démarré ne peut constituer la preuve d'une alcoolémie excessive ; que dans la mesure où il ne peut être exclu que le non démarrage soit dû à une autre cause, il n'est nullement démontré, en l'absence de contrôle d'alcoolémie, que M. X...se trouvait, le jour des faits, dans un état lui interdisant de prendre le volant ; que l'employeur ne peut non plus faire grief au salarié de ne pas l'avoir alerté de l'impossibilité de démarrer son véhicule et de ne pas l'avoir prévenu de ce qu'il comptait utiliser un autre véhicule ; qu'alors que M. X...explique qu'il était 5 heures du matin, qu'il était seul et qu'il n'était pas dans les usages de l'entreprise de téléphoner à cette heure, l'employeur ne justifie d'aucune instruction ou consigne qui serait donnée aux salariés de prévenir l'entreprise dans une telle hypothèse ; que M. B..., chauffeur au sein de la société, rapporte, certes, que les salariés ont à leur disposition un téléphone pour appeler l'employeur en cas de problèmes mais cette attestation ne fait pas état d'une obligation qui serait imposée aux chauffeurs de cars, une telle obligation n'étant établie par aucun des éléments versés aux débats ; que quant aux incidents rapportés par l'employeur au cours desquels M. X...aurait été confronté au déclenchement de l'alarme par l'éthylotest au cours de transports, il s'agit d'incidents antérieurs aux faits visés dans la lettre de licenciement qui ne peuvent être retenus à l'encontre du salarié puisque la lettre de licenciement n'en fait pas état et qui ne permettent aucunement d'apporter la preuve de la faute reprochée ; que l'employeur ne rapportant pas la preuve, qui lui incombe, de la faute grave reprochée au salarié, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « M. Gilles X...a été licencié pour avoir conduit un autocar non muni d'un éthylotest car le véhicule initialement prévu pour le voyage sur Quiberon et équipé de ce dispositif (EAD) avait refusé de démarrer ; que les attestations produites par la défenderesse ne concernent pas les faits reprochés dans la lettre de licenciement ; que la défenderesse ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice vis-à-vis de son client par l'utilisation d'un véhicule moins confortable ; qu'il n'est pas prouvé que si le véhicule n'a pas démarré cela était dû à l'état d'ébriété du demandeur ; que le fait que le demandeur ait consommé modérément de l'alcool la veille à midi ne permet pas de prouver qu'il n'était pas à même de respecter les normes en matière d'alcool le lendemain matin ; qu'il ressort de la délibération n° 2010-005 du 28 janvier 2010 de la CNIL qu'aucune sanction disciplinaire ne peut être engagée sur le fondement des résultats issus de l'EAD ; qu'en conséquence, le licenciement de M. Gilles X...sera déclaré abusif car il ne reposait pas sur faute grave ou sur une cause réelle et sérieuse » ;

ALORS 1/ QUE : la société Y...Voyages soutenait dans ses conclusions, et offrait de prouver, que si l'EAD ne permettait pas le démarrage du véhicule en raison d'une défaillance de l'appareil ou d'embout pollué, « M. X...conformément aux indications orales de son employeur aurait dû tester un embout différent. En effet, tous les chauffeurs ont à leur disposition des embouts de rechange au bureau en cas de dysfonctionnements, ce qui apparaît dans le compte-rendu de M. Z... » (conclusions, p. 9, trois derniers alinéas) ; que la cour d'appel a estimé que « la seule circonstance que le car n'a pas pu être démarré ne peut constituer la preuve d'une alcoolémie excessive dans la mesure où il ne peut être exclu que le démarrage soit dû à une autre cause » (arrêt, p. 6, alinéa 3) ; que pour ce faire, elle a relevé que M. Z... avait prétendu lors de l'entretien préalable que « la cause du non démarrage ne pouvait être exclusivement due à l'absorption d'alcool et des embouts pollués ou un appareil défaillant peuvent avoir les mêmes conséquences », et retenu que « ces explications n'ont pas fait l'objet de contestations de la part de l'employeur » (arrêt, p. 6, alinéa 2) ; qu'en statuant ainsi, quand la société Voyages Y...contestait précisément que la cause du non-démarrage puisse être liée à un appareil défaillant ou un embout pollué, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS 2/ QUE : les mesures permettant d'établir sur le lieu de travail l'état d'ébriété d'un salarié en recourant à un contrôle de son alcoolémie sont licites dès lors, d'une part, que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation, d'autre part, qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d'ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, de sorte qu'il peut constituer une faute grave ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont retenu qu'il ressortirait d'une délibération n° 2010-005 du 28 janvier 2010 de la CNIL « qu'aucune sanction disciplinaire ne peut être engagée sur le fondement des résultats issus de l'EAD » (jugement, p. 4, alinéa 6) ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, quand sont licites les mesures de contrôle d'alcoolémie au travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

ALORS 3/ QUE : le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en l'espèce, pour écarter l'attestation de M. Y...dont il résultait que M. X...lui avait expliqué avoir bu des « canons » le soir la veille du départ et que l'EAD ne lui avait pas donné le feu vert, la cour d'appel a retenu qu'« outre que cette attestation ne peut avoir aucune valeur probante, l'employeur ne pouvant valablement se constituer une preuve à lui-même, les propos rapportés ne peuvent nullement apporter la preuve de la faute reprochée » (arrêt, p. 5, dernier alinéa) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

ALORS 4/ QUE : la société Voyages Y...soutenait et offrait de prouver qu'au cours d'un précédent voyage en date du 28 avril 2013, M. X...avait déjà forcé le système EAD en refusant d'arrêter son car, alors que l'alarme s'était enclenchée ; que si ces faits n'étaient pas directement invoqués comme cause de licenciement, ils étaient rappelés « à titre d'éléments de contexte » (conclusions, p. 12, alinéa 10) afin d'établir que lors du voyage du 20 mai 2013, invoqué par la lettre de licenciement, l'appareil EAD avait empêché le démarrage du car en raison de l'alcoolémie de M. X...; que la cour d'appel a pourtant retenu qu'« il s'agit d'incident antérieurs aux faits visés dans la lettre de licenciement qui ne peuvent être retenus à l'encontre du salarié puisque la lettre de licenciement n'en fait pas état et qui ne permettent aucunement d'apporter la preuve de la faute reprochée » (arrêt, p. 7, alinéa 2) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces circonstances ne pouvaient constituer un indice de l'existence d'un comportement récurent de conduite sous l'empire d'un état alcoolique par M. X..., de nature à rendre probable la faute invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE 5/ QUE commet une faute grave, cause réelle et sérieuse de licenciement, le salarié qui, par son comportement, méconnaît l'obligation de sécurité de résultat incombant à son employeur, et ce peu important que la nécessité de respecter les consignes de sécurité n'ait pas été expressément rappelée par l'employeur ; que pour retenir que l'employeur ne pouvait faire grief à son salarié de ne pas l'avoir prévenu de l'impossibilité de démarrer le car muni d'un EAD et de son intention d'utiliser un autre véhicule, la cour d'appel a estimé que « l'employeur ne justifie d'aucune instruction qui serait donnée aux salariés de prévenir l'entreprise dans une telle hypothèse » (arrêt, p. 6, pénultième alinéa, in fine) ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de consigne expresse de son employeur n'autorisait pas le salarié à faire obstacle aux mesures de son employeur prévenant la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE 6/ QUE la société Voyages Y...soutenait dans ses conclusions, étayées par l'attestation de M. A...(pièce n° 20), que les voyageurs transportés le 20 mai 2013 dans un car qui n'était pas prévu à cet effet avaient regretté l'inconfort du transport (conclusions, p. 11) ; qu'en retenant que « la défenderesse ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice vis-à-vis de son client par l'utilisation d'un véhicule moins confortable » (jugement, p. 4, alinéa 3), à supposer ce motif adopté, sans analyser, serait-ce sommairement, la pièce n° 20 qui établissait au contraire le préjudice d'image subi par l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-19833;16-19988
Date de la décision : 30/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 03 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 nov. 2017, pourvoi n°16-19833;16-19988


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19833
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