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10/01/2018 | FRANCE | N°16-20416

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 janvier 2018, 16-20416


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 mai 2016), que M. Alexandre H..., non comparant en première instance dans l'action intentée en partage de la succession de son père, a présenté en appel une demande d'exequatur d'une ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 par le tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud, district de Floride, qui l'a libéré de ses dettes, notamment à l'égard de la société Gibsonia Invest (Gibsonia), cessionnaire d'une

créance de dommages-intérêts détenue par la société Air Affaire Afrique ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 mai 2016), que M. Alexandre H..., non comparant en première instance dans l'action intentée en partage de la succession de son père, a présenté en appel une demande d'exequatur d'une ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 par le tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud, district de Floride, qui l'a libéré de ses dettes, notamment à l'égard de la société Gibsonia Invest (Gibsonia), cessionnaire d'une créance de dommages-intérêts détenue par la société Air Affaire Afrique en vertu d'une condamnation prononcée sur l'action civile par le tribunal correctionnel de Montpellier ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Gibsonia fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande d'exequatur présentée par M. Alexandre H..., alors, selon le moyen :

1°/ que l'exequatur d'une décision étrangère prononçant une faillite personnelle ne peut être demandé en France aux fins de suspendre les poursuites individuelles qu'à titre principal, et non à titre incident par la voie de conclusions dans une instance déjà engagée ; qu'en déclarant recevable la demande en exequatur formulée par M. Alexandre H... du jugement étranger de faillite motif pris qu'aucun texte, ni principe n'interdisent que l'exequatur puisse être sollicité de manière incidente et par voie de conclusions à l'occasion d'un litige pendant au fond, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

2°/ qu'est irrecevable comme nouvelle la demande en exequatur présentée pour la première fois en appel dans une instance portant sur un autre objet, quand bien même le demandeur en exequatur n'a pas constitué avocat en première instance ; qu'en déclarant recevable la demande en exequatur formulée pour la première fois en appel par M. Alexandre H... motif pris que M. Alexandre H... n'ayant pas constitué avocat en première instance, sa demande en exequatur n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civil, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 564 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'exequatur aux fins de reconnaissance ou d'exécution d'un jugement étranger peut être demandé par voie incidente dans une instance qui n'a pas pour objet principal ce jugement, y compris pour la première fois en appel lorsque la partie défenderesse n'a pas été constituée en première instance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Gibsonia fait grief à l'arrêt de conférer force exécutoire à l'ordonnance de « discharge of debtor », de constater que sa créance a été annulée par cette ordonnance et de rejeter ses prétentions dans le partage de la succession, alors, selon le moyen :

1°/ que le cessionnaire d'une créance de dommages-intérêts résultant d'une condamnation pénale au bénéfice de la partie civile acquiert de plein droit les droits et actions appartenant au cédant et, partant, la qualité de victime reconnue à ce dernier ; qu'en retenant que l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-199969-RAM prononcée par le tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride et annulant la créance de la société Gibsonia n'était pas contraire à l'ordre public international français motif pris que la cession de créance du 20 novembre 1997 n'avait pas eu pour effet de conférer à la société Gibsonia la qualité de victime, la cour d'appel a violé les articles 1615 et 1692 du code civil dans leur version applicable au litige en cause ;

2°/ qu'une décision étrangère qui efface une créance de dommages-intérêts résultant d'une décision pénale française devenue définitive au bénéfice de la partie civile est contraire à l'ordre public international ; qu'en retenant que l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-199969-RAM prononcée par le tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride annulait la créance de la société Gibsonia, la cour d'appel a violé les principes du droit international privé ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la cession, par la société Air Affaire Afrique, de la créance de dommages-intérêts civils alloués par le juge pénal n'avait pas eu pour effet de conférer à la société Gibsonia la qualité de victime, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune violation de la conception française de l'ordre public international n'était caractérisée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gibsonia Invest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à MM. Alexandre et Guy H... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Gibsonia Invest.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la demande d'exequatur présentée par M. Alexandre H... de l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-19969-RAM prononcée par tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride le 17 février 2000 était recevable ;

AUX MOTIFS QUE sur la créance de la société Gibsonia, la société de droit panaméen Gibsonia Invest est cessionnaire d'une créance à l'encontre de M. Alexandre H... en vertu d'un acte de cession du 20 novembre 1997 dont l'appelant ne discute ni la validité ni l'opposabilité ; que l'appelant a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 3 novembre 1992 l'ayant reconnu coupable du délit d'abus de confiance, confirmé par arrêts du 12 octobre 1994 et du 10 janvier 1996 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à verser des dommages et intérêts civils à la société Air Afrique en réparation de ses préjudices ; que la créance cédée par la victime à la société Gibsonia se décompose ainsi, dans sa contre valeur en euros : -1 697 031, 30 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 5 juin 1981, -381 261, 45 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 24 août 1981, - 16 873,46 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 24 février 1982, -1 890 912, 07 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 23 février 1983, -541 000 francs suisses avec intérêts au taux de 9,5 % l'an à compter du 9 septembre 1983, - 100 000 francs en application de l'article 475 1 du code de procédure pénale ; que l'appelant ne discute pas le montant de la créance mais il conteste le principe en soutenant que par l'effet d'un jugement du tribunal de faillite de Floride du 17 février 2000 dont il demande l'exequatur à la cour, cette créance est désormais éteinte ; que les décisions étrangères rendues en matière de faillite doivent avoir obtenu l'exequatur en France pour pouvoir suspendre valablement les poursuites individuelles ; que la demande d'exequatur doit en principe être formée devant le tribunal de grande instance par assignation et être dirigée contre celui auquel on veut opposer la décision ; que cependant aucun texte ni principe n'interdisent qu'elle puisse être sollicitée de manière incidente et par voie de conclusions à l'occasion d'un litige au fond ; que M. Alexandre H... n'ayant pas constitué avocat en première instance, cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que la demande d'exequatur formée par l'appelant de manière incidente et au contradictoire de la société Gibsonia Invest à laquelle il veut opposer la décision américaine de faillite est par conséquent recevable ;

1°) ALORS QUE l'exequatur d'une décision étrangère prononçant une faillite personnelle ne peut être demandé en France aux fins de suspendre les poursuites individuelles qu'à titre principal, et non à titre incident par la voie de conclusions dans une instance déjà engagée ; qu'en déclarant recevable la demande en exequatur formulée par M. Alexandre H... du jugement étranger de faillite motif pris qu'aucun texte, ni principe n'interdisent que l'exequatur puisse être sollicité de manière incidente et par voie de conclusions à l'occasion d'un litige pendant au fond, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

2°) ALORS subsidiairement QU'est irrecevable comme nouvelle la demande en exequatur présentée pour la première fois en appel dans une instance portant sur un autre objet, quand bien même le demandeur en exequatur n'a pas constitué avocat en première instance ; qu'en déclarant recevable la demande en exequatur formulée pour la première fois en appel par M. Alexandre H... motif pris que M. Alexandre H... n'ayant pas constitué avocat en première instance, sa demande en exequatur n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civil, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 564 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir conféré force exécutoire à l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 au bénéfice de M. Alexandre H... et au contradictoire de la société Gibsonia Invest par le juge de la faillite dépendant du tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride, d'avoir constaté que la créance de la société Gibsonia a été annulée par cette ordonnance et de l'avoir débouté de ses prétentions dans le partage de la succession ;

AUX MOTIFS QUE sur la créance de la société Gibsonia, la société de droit panaméen Gibsonia Invest est cessionnaire d'une créance à l'encontre de M. Alexandre H... en vertu d'un acte de cession du 20 novembre 1997 dont l'appelant ne discute ni la validité ni l'opposabilité ; que l'appelant a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 3 novembre 1992 l'ayant reconnu coupable du délit d'abus de confiance, confirmé par arrêts du 12 octobre 1994 et du 10 janvier 1996 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à verser des dommages et intérêts civils à la société Air Afrique en réparation de ses préjudices ; que la créance cédée par la victime à la société Gibsonia se décompose ainsi, dans sa contre valeur en euros : -1 697 031, 30 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 5 juin 1981, -381 261, 45 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 24 août 1981, - 16 873,46 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 24 février 1982, -1 890 912, 07 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 23 février 1983, -541 000 francs suisses avec intérêts au taux de 9,5 % l'an à compter du 9 septembre 1983, - 100 000 francs en application de l'article 475 1 du code de procédure pénale ; que l'appelant ne discute pas le montant de la créance mais il conteste le principe en soutenant que par l'effet d'un jugement du tribunal de faillite de Floride du 17 février 2000 dont il demande l'exequatur à la cour, cette créance est désormais éteinte ; que les décisions étrangères rendues en matière de faillite doivent avoir obtenu l'exequatur en France pour pouvoir suspendre valablement les poursuites individuelles ; que la demande d'exequatur doit en principe être formée devant le tribunal de grande instance par assignation et être dirigée contre celui auquel on veut opposer la décision ; que cependant aucun texte ni principe n'interdisent qu'elle puisse être sollicitée de manière incidente et par voie de conclusions à l'occasion d'un litige au fond ; que M. Alexandre H... n'ayant pas constitué avocat en première instance, cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que la demande d'exequatur formée par l'appelant de manière incidente et au contradictoire de la société Gibsonia Invest à laquelle il veut opposer la décision américaine de faillite est par conséquent recevable ; que la cour, pour accorder l'exequatur à l'ordonnance de décharge du juge américain (Miami) de la faillite, doit vérifier la compétence indirecte du tribunal étranger, la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international et l'absence de fraude ; qu'il n'est pas discuté qu'Alexandre H... a vécu de nombreuses années aux Etats-Unis et dans l'Etat de Floride où il a tissé de nombreuses relations d'affaires ayant généré des dettes et où il possédait un immeuble acquis au moyen d'un prêt immobilier consenti par une banque américaine ; que la compétence indirecte du juge américain est donc établie ; que c'est au moment où le juge de l'exequatur se prononce sur la régularité du jugement étranger, et non au jour où celui-ci a été rendu, que la consistance des valeurs fondamentales de la société française doit être appréciée : cette règle, dite de l' « actualité » de l'ordre public international, oblige donc la cour à confronter la décision américaine au nouvel ordre public ; que le 19 octobre 1999, Alexandre H... qui bénéficiait d'un plan de continuation relevant du chapitre 13 du code de la faillite américain a sollicité le bénéfice de la liquidation prévue au chapitre 7 du titre 11 du code de la faillite américain ainsi que cela ressort de l'ordonnance de conversion du 22 octobre 1999 ; qu'il n'est pas discuté et cela ressort des pièces produites que la société Gibsonia a été régulièrement informée de la procédure et invitée à y participer ; que l'ordonnance prononcée par le juge de la faillite américain le 17 février 2000 a eu pour effet d'annuler toutes les dettes déclarées par Alexandre H... sur le fondement de l'article 727 du titre 11 du code de la faillite des Etats-Unis ; que la société Gibsonia, pour s'opposer aux prétentions de l'appelant, soutient que sa créance fait partie des dettes non annulables prévues au chapitre 7 du code de la faillite américain comme relevant d'une obligation de dédommagement pénal ; que le chapitre 7 précité énumère la liste des dettes non annulables parmi lesquelles figurent les obligations de dédommagement pénal ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis Kelly vs Robinson 479 U.S 36 (1986) que les obligations de dédommagement pénal s'entendent des obligations pécuniaires ordonnées au profit d'une entité gouvernementale qui, par leur nature, sont assimilables à une peine et que son exclus de cette catégorie, les dommages et intérêts civils accordés aux victimes en réparation de leur préjudice personnel ; que contrairement à ce que soutient à tort Alexandre H..., aucune des pièces produites ne démontre que la société Gibsonia a saisi le juge de la faillite d'une demande visant à exclure sa créance de l'annulation encourue ni qu'une telle requête a été rejetée ; que l'ordonnance américaine a donc pour effet d'annuler la créance de la société Gibsonia ; qu'une telle annulation contreviendrait à la conception française de l'ordre public international, en ce qu'elle interdit à la victime d'une infraction pénale de recouvrer son droit de poursuite individuelle à l'encontre du débiteur redevenu in bonis, si la société Gibsonia était la victime de l'infraction ; qu'or, la cession de créance du 20 novembre 1997 n'a pas eu pour effet de conférer à la société Gibsonia la qualité de victime ; qu'il s'ensuit qu'aucune violation à la conception française de l'ordre public international n'est caractérisée en l'espèce ; qu'enfin, la société Gibsonia ne démontre pas en quoi le fait pour Alexandre H... d'avoir sollicité et obtenu la protection du droit de la faillite américain après que la décision pénale française l'ayant condamné à plusieurs millions d'euros de dommages-intérêts ait reçu l'exequatur aux Etats-Unis constituerait une fraude dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats que le débiteur a régulièrement déclaré à la procédure l'existence de la créance de la société Gibsonia et que celle-ci a pu faire valoir ses observations et ses droits dans le cadre de cette instance et s'est abstenue de solliciter, comme elle en avait le droit, une mesure visant à exclure sa créance de l'annulation encourue ; que la cour décide par conséquent de conférer force exécutoire à l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 au bénéfice d'Alexandre H... et au contradictoire de Gibsonia invest Sa par le juge de la faillite dépendant du tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de la Floride ; que l'annulation de la créance de la société Gibsonia la prive du droit de revendiquer des droits dans présente instance en partage et elle doit être déboutée de ses prétentions de ce chef ; que le jugement sera infirmée sur ce point ;

1°) ALORS QU'il résulte de l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis Kelly vs Robinson 479 U.S 36 (1986) que les obligations de dédommagement pénal visées par le chapitre 7 du code de la faillite américain énumérant les dettes non annulables par un tribunal de la faillite incluent les obligations de restitution à la victime, lesquelles permettent d'assurer la protection des intérêts de l'Etat ; qu'en énonçant, pour conférer force exécutoire à l'ordonnance de « discharge of debtor » n°99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 au bénéfice de M. Alexandre H... par le juge de la faillite dépendant du tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride, qu'il résulte de l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis Kelly vs Robinson 479 U.S 36 (1986) que les obligations de dédommagement pénal s'entendent des obligations pécuniaires ordonnées au profit d'une entité gouvernementale qui, par leur nature, sont assimilables à une peine et que sont exclus de cette catégorie, les dommages-intérêts civils accordés aux victimes en réparation de leur préjudice personnel, la cour a dénaturé les termes clairs et précis de cet arrêt, en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer le droit étranger ;

2°) ALORS subsidiairement QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des pièces dont il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni des conclusions des parties ni des bordereaux de communication de pièces qu'elles aient été versées contradictoirement aux débats ; qu'en l'espèce, si la société Gibsonia Invest faisait allusion, dans ses conclusions d'appel à l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis Kelly vs Robinson 479 U.S 36 (1986), il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni des conclusions des parties, ni des bordereaux de communication de pièces que cet arrêt ait été versé contradictoirement aux débats ; qu'en se fondant sur cet arrêt pour conférer force exécutoire à l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 au bénéfice de M. Alexandre H... par le juge de la faillite dépendant du tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir conféré force exécutoire à l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 au bénéfice de M. Alexandre H... et au contradictoire de la société Gibsonia Invest par le juge de la faillite dépendant du tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride, d'avoir constaté que la créance de la société Gibsonia a été annulée par cette ordonnance et de l'avoir débouté de ses prétentions dans le partage de la succession ;

AUX MOTIFS QUE sur la créance de la société Gibsonia, la société de droit panaméen Gibsonia Invest est cessionnaire d'une créance à l'encontre de M. Alexandre H... en vertu d'un acte de cession du 20 novembre 1997 dont l'appelant ne discute ni la validité ni l'opposabilité ; que l'appelant a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 3 novembre 1992 l'ayant reconnu coupable du délit d'abus de confiance, confirmé par arrêts du 12 octobre 1994 et du 10 janvier 1996 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à verser des dommages et intérêts civils à la société Air Afrique en réparation de ses préjudices ; que la créance cédée par la victime à la société Gibsonia se décompose ainsi, dans sa contre valeur en euros : -1 697 031, 30 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 5 juin 1981, -381 261, 45 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 24 août 1981, - 16 873,46 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 24 février 1982, -1 890 912, 07 dollars canadiens avec intérêts au taux de 9,5% l'an à compter du 23 février 1983, -541 000 francs suisses avec intérêts au taux de 9,5 % l'an à compter du 9 septembre 1983, - 100 000 francs en application de l'article 475 1 du code de procédure pénale ; que l'appelant ne discute pas le montant de la créance mais il conteste le principe en soutenant que par l'effet d'un jugement du tribunal de faillite de Floride du 17 février 2000 dont il demande l'exequatur à la cour, cette créance est désormais éteinte ; que les décisions étrangères rendues en matière de faillite doivent avoir obtenu l'exequatur en France pour pouvoir suspendre valablement les poursuites individuelles ; que la demande d'exequatur doit en principe être formée devant le tribunal de grande instance par assignation et être dirigée contre celui auquel on veut opposer la décision ; que cependant aucun texte ni principe n'interdisent qu'elle puisse être sollicitée de manière incidente et par voie de conclusions à l'occasion d'un litige au fond ; que M. Alexandre H... n'ayant pas constitué avocat en première instance, cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que la demande d'exequatur formée par l'appelant de manière incidente et au contradictoire de la société Gibsonia Invest à laquelle il veut opposer la décision américaine de faillite est par conséquent recevable ; que la cour, pour accorder l'exequatur à l'ordonnance de décharge du juge américain (Miami) de la faillite, doit vérifier la compétence indirecte du tribunal étranger, la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international et l'absence de fraude ; qu'il n'est pas discuté qu'Alexandre H... a vécu de nombreuses années aux Etats-Unis et dans l'Etat de Floride où il a tissé de nombreuses relations d'affaires ayant généré des dettes et où il possédait un immeuble acquis au moyen d'un prêt immobilier consenti par une banque américaine ; que la compétence indirecte du juge américain est donc établie ; que c'est au moment où le juge de l'exequatur se prononce sur la régularité du jugement étranger, et non au jour où celui-ci a été rendu, que la consistance des valeurs fondamentales de la société française doit être appréciée : cette règle, dite de l' « actualité » de l'ordre public international, oblige donc la cour à confronter la décision américaine au nouvel ordre public ; que le 19 octobre 1999, Alexandre H... qui bénéficiait d'un plan de continuation relevant du chapitre 13 du code de la faillite américain a sollicité le bénéfice de la liquidation prévue au chapitre 7 du titre 11 du code de la faillite américain ainsi que cela ressort de l'ordonnance de conversion du 22 octobre 1999 ; qu'il n'est pas discuté et cela ressort des pièces produites que la société Gibsonia a été régulièrement informée de la procédure et invitée à y participer ; que l'ordonnance prononcée par le juge de la faillite américain le 17 février 2000 a eu pour effet d'annuler toutes les dettes déclarées par Alexandre H... sur le fondement de l'article 727 du titre 11 du code de la faillite des Etats-Unis ; que la société Gibsonia, pour s'opposer aux prétentions de l'appelant, soutient que sa créance fait partie des dettes non annulables prévues au chapitre 7 du code de la faillite américain comme relevant d'une obligation de dédommagement pénal ; que le chapitre 7 précité énumère la liste des dettes non annulables parmi lesquelles figurent les obligations de dédommagement pénal ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis Kelly vs Robinson 479 U.S 36 (1986) que les obligations de dédommagement pénal s'entendent des obligations pécuniaires ordonnées au profit d'une entité gouvernementale qui, par leur nature, sont assimilables à une peine et que son exclus de cette catégorie, les dommages et intérêts civils accordés aux victimes en réparation de leur préjudice personnel ; que contrairement à ce que soutient à tort Alexandre H..., aucune des pièces produites ne démontre que la société Gibsonia a saisi le juge de la faillite d'une demande visant à exclure sa créance de l'annulation encourue ni qu'une telle requête a été rejetée ; que l'ordonnance américaine a donc pour effet d'annuler la créance de la société Gibsonia ; qu'une telle annulation contreviendrait à la conception française de l'ordre public international, en ce qu'elle interdit à la victime d'une infraction pénale de recouvrer son droit de poursuite individuelle à l'encontre du débiteur redevenu in bonis, si la société Gibsonia était la victime de l'infraction ; qu'or, la cession de créance du 20 novembre 1997 n'a pas eu pour effet de conférer à la société Gibsonia la qualité de victime ; qu'il s'ensuit qu'aucune violation à la conception française de l'ordre public international n'est caractérisée en l'espèce ; qu'enfin, la société Gibsonia ne démontre pas en quoi le fait pour Alexandre H... d'avoir sollicité et obtenu la protection du droit de la faillite américain après que la décision pénale française l'ayant condamné à plusieurs millions d'euros de dommages-intérêts ait reçu l'exequatur aux Etats-Unis constituerait une fraude dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats que le débiteur a régulièrement déclaré à la procédure l'existence de la créance de la société Gibsonia et que celle-ci a pu faire valoir ses observations et ses droits dans le cadre de cette instance et s'est abstenue de solliciter, comme elle en avait le droit, une mesure visant à exclure sa créance de l'annulation encourue ; que la cour décide par conséquent de conférer force exécutoire à l'ordonnance de « discharge of debtor » n°99-19969-RAM prononcée le 17 février 2000 au bénéfice d'Alexandre H... et au contradictoire de Gibsonia invest Sa par le juge de la faillite dépendant du tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de la Floride ; que l'annulation de la créance de la société Gibsonia la prive du droit de revendiquer des droits dans présente instance en partage et elle doit être déboutée de ses prétentions de ce chef ; que le jugement sera infirmée sur ce point ;

1°) ALORS QUE le cessionnaire d'une créance de dommages et intérêts résultant d'une condamnation pénale au bénéfice de la partie civile acquiert de plein droit les droits et actions appartenant au cédant et, partant, la qualité de victime reconnue à ce dernier ; qu'en retenant que l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-199969-RAM prononcée par le tribunal de la faillite des Etats-Unis du Sud district de Floride et annulant la créance de la société Gibsonia Invest n'était pas contraire à l'ordre public international français motif pris que la cession de créance du 20 novembre 1997 n'avait pas eu pour effet de conférer à la société Gibsonia Invest la qualité de victime, la cour d'appel a violé les articles 1615 et 1692 du code civil dans leur version applicable au litige en cause ;

ALORS subsidiairement QU'une décision étrangère qui efface une créance de dommages et intérêts résultant d'une décision pénale française devenue définitive au bénéfice de la partie civile est contraire à l'ordre public international ; qu'en retenant que l'ordonnance de « discharge of debtor » n° 99-199969-RAM prononcée par le tribunal de la faillite de des Etats-Unis du Sud district de Floride annulait la créance de la société Gibsonia Invest, la cour d'appel a violé les principes du droit international privé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-20416
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Caractérisation - Cas - Annulation d'une créance de dommages-intérêts civils alloués par le juge pénal

Le cessionnaire d'une créance de dommages-intérêts civils alloués par le juge pénal n'acquiert pas la qualité de victime, de sorte que l'ordonnance du juge américain de la faillite, qui annule une telle créance, n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international


Références :

Sur le numéro 1 : article 564 du code de procédure civile.
Sur le numéro 2 : articles 1615 et 1692 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 12 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jan. 2018, pourvoi n°16-20416, Bull. civ.Bull. 2018, I, n° 1
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, I, n° 1

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20416
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