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07/03/2018 | FRANCE | N°17-15227

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 mars 2018, 17-15227


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 janvier 2017), que M. Y... et Mme X... (les cautions) se sont portés cautions solidaires, à concurrence d'une certaine somme, du remboursement d'un prêt consenti par la Société générale (la banque) à la société civile immobilière Y... ; qu'à la suite de la défaillance de celle-ci, mise en liquidation judiciaire, les cautions ont été condamnées, par jugement du 14 janvier 2003, à payer une certaine somme Ã

  la banque ; que, par ordonnance du 23 avril 2009, le conseiller de la mise en état...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 janvier 2017), que M. Y... et Mme X... (les cautions) se sont portés cautions solidaires, à concurrence d'une certaine somme, du remboursement d'un prêt consenti par la Société générale (la banque) à la société civile immobilière Y... ; qu'à la suite de la défaillance de celle-ci, mise en liquidation judiciaire, les cautions ont été condamnées, par jugement du 14 janvier 2003, à payer une certaine somme à la banque ; que, par ordonnance du 23 avril 2009, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel formé par elles contre cette décision ; que, soutenant que le jugement de condamnation n'avait été porté à sa connaissance ni par l'avocat qu'elle avait chargé de la défense de ses intérêts, M. Z..., ni par l'avocat postulant, M. A..., et qu'elle n'en avait appris l'existence qu'à l'occasion de l'exécution forcée diligentée à son encontre quatre ans plus tard, Mme X... a assigné ses conseils en responsabilité professionnelle et indemnisation ; que M. Y..., également assigné, s'est joint aux demandes de Mme X... ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Attendu que, d'abord, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que M. A... a, en qualité de postulant, communiqué le jugement à son confrère plaidant, M. Z..., et que Mme X... ne justifie pas qu'elle avait avisé ce dernier de son changement d'adresse au moment où ce jugement a été rendu ; qu'ensuite, il constate que Mme X... ne prouve pas avoir subi une perte de chance d'obtenir une possible réformation du jugement en appel, dès lors qu'aucun moyen au fond ne permettait de discuter le principe de la créance de la banque à l'égard des cautions et que l'obligation de supporter les intérêts de cette créance n'est pas rattachable à la faute commise par un tiers, dans la mesure où il n'est pas démontré que les cautions se trouvaient dans la possibilité de payer le principal de la condamnation ; qu'enfin, il retient que l'allégation de Mme X... relative à une faute dans l'organisation de la défense contre l'action de la banque, qui aurait dû porter sur la violation par celle-ci de son obligation d'information annuelle des cautions, est contredite par les écrits versés aux débats ; que, dès lors, c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve à elle soumis que, sans statuer par un motif dubitatif ni hypothétique, la cour d'appel a estimé que la preuve d'une faute des avocats n'était pas établie ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me C..., avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes indemnitaires formées contre ses conseils, M. Z... et M. A..., à raison de leurs fautes professionnelles ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de son argumentation, Mme Monique X... excipe à l'encontre de Me Dominique Z... et de Me Yves A... d'un défaut d'information en ce qu'ils n'auraient pas tenu leurs clients informés de la procédure, des conclusions adverses, de la date d'audience et du jugement rendu, un défaut de conseil en l'absence d'élaboration d'une stratégie procédurale et un défaut d'organisation dans la défense en raison de l'absence d'argumentaire quant au défaut d'information de la caution et à l'absence d'imputation des règlements effectués résultant d'une vente sur saisie immobilière ; qu'ils ajoutent que n'ayant pas été informés de la teneur du jugement, ils ont perdu une chance d'obtenir un jugement plus favorable à travers l'exercice d'une voie de recours ; que Mme X... développe une argumentation commune pour la mise en oeuvre de la responsabilité civile de Me Z..., son conseil, et de Me A..., qui était le postulant de ce dernier ; qu'il doit cependant être tenu compte de leur mission spécifique pour apprécier les conditions d'engagement de leur responsabilité ; qu'il ressort des pièces produites par Me Z... que Me Z... a en premier lieu écrit plusieurs courriers à la Société générale afin de solliciter des explications sur le montant de la créance qui était réclamée aux époux Y... suite à l'assignation délivrée à leur encontre au mois de mars 2001 ; que l'examen de ces pièces démontre que dès que Me Z... a été mandaté par les époux Y..., il a effectué des diligences auprès de la Société générale et a pris des écritures dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Lyon, notamment les conclusions en réponse référencées dans la pièce n° 10 que Mme X... a exposé s'être vue remettre en mains propres au mois de novembre 2012 dans sa lettre de réclamation adressée au bâtonnier de l'ordre des avocats en date du 15 juin 2012 ; qu'il ressort de l'examen de ces écritures qu'une argumentation a effectivement été développée concernant la question de l'encaissement de certaines sommes par un huissier suite à la mise en oeuvre de trois dénonces de saisies-attributions, d'une saisie-arrêt et d'une saisie immobilière ; que s'agissant en revanche de l'argumentation relative à l'information annuelle de la caution, il a été noté dans les écritures « qu'il résulte de l'information annuelle faite aux cautions par la Société générale dans un courrier du 27 mars 2000 » de sorte que la stratégie procédurale tendant à invoquer une absence d‘information annuelle semblait inadaptée en l'espèce compte tenu des propres informations fournies par les plaideurs ; que Me Z... a cependant développé une argumentation concernant les modalités de décompte des sommes susceptibles d'être réclamées aux cautions ; que Me Z... rapporte ainsi la preuve qu'il n'a pas failli à sa mission d'assistance et de conseil ; que s'agissant de l'obligation d'information, dès lors que le jugement contradictoire rendu le 14 janvier 2003 a fait l'objet d'une signification en mairie le 31 janvier 2003 à l'adresse mentionnée dans le jugement, XP/19.134 signification qui a été considérée comme étant parfaitement régulière par ordonnance du 23 avril 2009 de la cour d'appel de Lyon ayant déclaré l'appel formé par les époux Y... irrecevable, il ne peut être reproché à Me Z... de ne pas justifier d'une notification effectuée par ses soins auprès de ses clients puisqu'en application de l'article 2276, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les personnes qui ont représenté ou assisté les parties sont déchargées des pièces cinq ans après le jugement ou la cessation de leur concours ; que s'agissant plus particulièrement de Me A..., intervenu en sa seule qualité d'avocat postulant, il justifie avoir communiqué le jugement rendu le 14 janvier 2003 à son confrère Me Z... par la production d'un courrier en date du 30 janvier 2003 en suite de la notification de cette décision qui lui avait été faite en date du 21 janvier 2003 ; qu'aucun manquement à ses obligations ne peut ainsi lui être reproché ; que Mme X... sollicite l'indemnisation de la perte de chance d'obtenir une meilleure décision ou une réformation de la décision et soutient que le montant du principal et des intérêts est en relation directe avec les manquements contractuels des conseils en raison du laps de temps qui s'est écoulé depuis le 14 janvier 2003 ; que son argumentation est à cet égard inopérante car le montant des sommes dues au titre des intérêts est exclusivement lié à l'absence de paiement du principal et ne saurait aucunement être imputable à la faute des conseils qui n'a d'ailleurs nullement été démontrée ; que s'agissant du montant de la créance retenu dans la décision du 14 janvier 2003, Mme X... ne rapporte nullement la preuve d'une perte de chance d'obtenir une possible réformation du jugement en appel dès lors qu'aucun moyen sérieux au fond ne permettait de discuter le principe de la créance de la banque à l'égard des cautions ;

1°) ALORS QUE tout avocat est tenu, dans le cadre de son obligation générale, légale et contractuelle, d'information et de conseil de son client de l'informer de l'évolution et de l'issue d'une procédure en cours, en lui communiquant la décision rendue et en le renseignant quant aux voies de recours pouvant être exercées à son encontre ; que pour exonérer M. Z... et M. A... de toute responsabilité envers Mme X..., leur cliente, la cour d'appel a affirmé que le jugement rendu le 14 janvier 2003, l'ayant condamnée ainsi que son ex-époux à verser la somme de 217.239,84 euros à la Société générale, avait fait l'objet d'une signification en mairie, laquelle avait été jugée régulière par la cour d'appel de Lyon ayant en conséquence déclaré irrecevable leur appel comme tardif ; qu'en statuant par ce motif inopérant ou tout au moins insuffisant à dégager M. Z... et M. A... de leur responsabilité civile engagée à l'égard de Mme X..., uniquement destinataire d'une signification faite dans la mairie d'une commune où elle ne résidait plus et non à sa personne, ne permettant pas de s'assurer de sa connaissance effective de l'existence dudit jugement, pour ne pas l'avoir informée directement et personnellement du prononcé du jugement de condamnation et des voies de recours pour en interjeter appel en temps utile, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1217 et 1231-1 (ancien article 1147) et 1992 du code civil ;

2°) ALORS QUE tout avocat coupable d'une faute professionnelle est tenu d'indemniser son client à raison du dommage constitué par la perte d'une chance d'obtenir l'infirmation d'un jugement de condamnation ; que dans ses conclusions d'appel, Mme X... avait fait valoir que le dernier commandement qu'elle et son mari avaient reçu de la Société générale, s'étant élevé à la somme de 430.906,42 euros dont 235.425,12 euros d'intérêts, il était manifeste que tant le montant du principal, que celui des intérêts, était, compte tenu du laps de temps qui s'est écoulé depuis le jugement du 14 janvier 2003, en relation directe avec les manquements contractuels à leurs obligations d'information et de conseil de M. Z... et M. A..., notamment ; qu'en affirmant que l'argumentation développée par Mme X..., relative au cours des intérêts depuis 2003 était inopérante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations desquelles résultait au contraire le caractère éminemment opérant de son argumentation susceptible d'entraîner une diminution substantielle du montant des intérêts ayant couru sur près de cinq ans sur la somme de 217.239,84 euros, ce qui caractérisait son préjudice direct et certain né du manquement à leur obligation de l'informer des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 14 janvier 2003 au regard des articles 1217 et 1231-1 (ancien article 1147) et 1992 du code civil qu'elle a ainsi violés ;

3°) ALORS QUE tout jugement doit reposer sur des motifs dépourvus de tout caractère dubitatif ou hypothétique ; que pour rejeter la demande formée à l'encontre de M. Z... par Mme X... et tirée de ce que son manquement à ses obligations d'information et de conseil lui avait causé un préjudice né de son impossibilité d'obtenir l'infirmation du jugement de condamnation, la cour d'appel a affirmé que sa stratégie procédurale tendant à invoquer une absence d'information annuelle des cautions semblait inadaptée en l'espèce compte tenu des propres informations fournies par les plaideurs et en a déduit que s'agissant du montant de la créance retenu dans la décision du 14 janvier 2003, Mme X... ne rapportait nullement la preuve d'une perte de chance d'obtenir une possible réformation du jugement en appel dès lors qu'aucun moyen sérieux au fond ne permettait de discuter le principe de la créance de la banque à l'égard des cautions ; qu'en énonçant ainsi que cette stratégie de Mme X... semblait inadaptée pour en déduire que dans ces conditions la créance de la banque, constituée par le principal et les intérêts n'était pas discutable, la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif dubitatif et hypothétique a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-15227
Date de la décision : 07/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 05 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 mar. 2018, pourvoi n°17-15227


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15227
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