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12/04/2018 | FRANCE | N°17-15298

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 avril 2018, 17-15298


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 211-3 et R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que lorsqu'il n'est tenu à aucune obligation envers le débiteur, le tiers saisi ne peut être condamné aux causes de la saisie pour manquement à son obligation de renseignement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse régionale de Crédit agricole Alsace Vosges (la banque) a fait pratiquer une saisie-attribution au préjudice de M. et M

me Z..., entre les mains de la société Docteur Jacques Z... (la société) ; que la banq...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 211-3 et R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que lorsqu'il n'est tenu à aucune obligation envers le débiteur, le tiers saisi ne peut être condamné aux causes de la saisie pour manquement à son obligation de renseignement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse régionale de Crédit agricole Alsace Vosges (la banque) a fait pratiquer une saisie-attribution au préjudice de M. et Mme Z..., entre les mains de la société Docteur Jacques Z... (la société) ; que la banque a assigné la société devant un juge de l'exécution, en paiement des causes de la saisie, faute pour le tiers saisi d'avoir fourni les renseignements sollicités par l'huissier de justice ;

Attendu que pour condamner la société au paiement des causes de la saisie, l'arrêt retient qu'il appartenait à cette société, en sa qualité de tiers saisi, de fournir le renseignement demandé, ne serait-ce que pour faire part de la nécessité d'un délai supplémentaire pour faire procéder à une première évaluation de ses obligations envers le docteur Z... par son expert comptable ou indiquer s'il possédait un compte courant d'associé ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société était tenue à une obligation à l'égard de M. et Mme Z..., alors que les dividendes en cause ne pouvaient avoir une existence juridique avant la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la Selarl Docteur Jacques Z... redevable des causes de la saisie-attribution du 23 janvier 2015 diligentée par la caisse régionale de Crédit agricole Alsace Vosges et condamné de ce chef la Selarl Docteur Jacques Z... à payer à la caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges la somme de 2 775 239,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2015, l'arrêt rendu le 23 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alsace Vosges aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Docteur Jacques Z... .

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré condamné la SELARL Docteur Jacques Z... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges la somme de 2.775.239,89 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2015 ;

AUX MOTIFS QUE l'appelante invoque au premier chef la nullité de l'acte de saisie au motif que la personne qui a reçu l'acte serait salariée de la SCM et non de la SELARL, argument qu'elle n'avait pas évoqué en première instance, parlant de cette personne comme étant bien la secrétaire de la SELARL, et que donc il ne serait pas justifié qu'elle était habilitée à recevoir l'acte, que l'acte ne préciserait pas que la secrétaire s'est déclarée habilitée et qu'il a seulement été indiqué « requis de signer l'original, a obtempéré » ; mais qu'il résulte clairement de la quatrième et dernière page du procès-verbal de saisie-attribution établi par Maître A... le 23 janvier 2015 concernant les « modalités de remise » que cet huissier a remis l'acte au destinataire en la personne de Mme B... Mélanie, qui a la qualité de secrétaire et a déclaré être habilitée à recevoir l'acte ; que cette mention de l'huissier signée par lui, fait foi et cette même Mme B... a, selon la troisième page de ce procès- verbal, répondu à Maître A..., toujours en sa qualité de secrétaire, « je vais en reférer au Dr Z... », puis a signé l'original comme elle en était requise ; que selon la jurisprudence constante afférente à l'article 654 du code de procédure civile, constitue une signification à personne régulière la signification délivrée à une secrétaire s'étant déclarée apte à recevoir l'acte ou -une copie et dont le nom est indiqué ; que l'exception de nullité soulevée par l'appelante ne peut donc prospérer, rappel étant fait ait surplus que dès lors que la secrétaire se déclare habilitée, il n'appartient pas au créancier de prouver qu'elle l'était effectivement ; qu'il est en effet également de jurisprudence constante que l'huissier de justice n'a pas à vérifier la qualité déclarée de la personne à qui est remis Pacte ; qu'en l'espèce, il est en outre observé que bien que l'appelante prétende à présent que Mme B... n'était pas la secrétaire de la SELARL, elle n'en justifie pas pour autant ; que la SELARL Docteur Jacques Z... invoque subsidiairement le fait qu'elle n'aurait commis aucune faute au motif que le montant qu'elle pourrait devoir au Docteur Z... en sa qualité d'associé à 75 % de la société n'est qu'un dividende qui ne peut être déterminé que le 31 mars de chaque année et n'était pas encore connu au jour de la saisie, de sorte qu'elle ne pouvait apporter de réponse l'huissier ; que le premier juge, qui a rappelé utilement les dispositions des articles L. 211-3 et R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, a fort justement relevé que si Mme B... avait indiqué en référer au Docteur  Z..., ne pouvant elle-même donner immédiatement de réponse à l'huissier, il appartenait par contre à la SELARL en sa qualité de tiers saisi de fournir le renseignement demandé, ne serait-ce que pour faire part de la nécessité d'un délai supplémentaire pour faire procéder à une première évaluation de ses obligations envers le Docteur Z... par son expert comptable ou indiquer s'il possédait un compte courant d'associé ; qu'en l'espèce, l'appelante n'a apporté aucune réponse à l'huissier, contrairement à l'obligation que lui faisait l'article L. 211-3 du code précité, dont les dispositions étaient rappelées par le procès-verbal de saisie, et elle ne peut prétendre qu'elle aurait eu un motif légitime à ce silence alors qu'elle n'était pas dans l'impossibilité de faire une déclaration quelconque à l'huissier, ne serait-ce que l'informer du fait allégué, mais à nouveau non étayé par le moindre élément ; que le dividende ne sera connu qu'à la clôture de l'exercice en cours et qu'ainsi une réponse plus précise ne pourra lui être apportée qu'après le 31 mars 2015 ; qu'il appartenait impérativement à la Selarl Docteur Jacques Z... de tout entreprendre et de faire diligence pour satisfaire dans les meilleurs délais à son obligation de tiers saisi de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations envers le débiteur (l'acte de saisie rappelait qu'elle y était tenue «SUR LE CHAMP ») et non de justifier son abstention a posteriori lorsqu'elle se trouvait poursuivie par ce créancier pour ne pas avoir respecté cette obligation ; que Le Crédit Agricole Alsace Vosges a ainsi légitimement demandé et obtenu la condamnation de l'appelante à lui payer la cause de la saisie, à savoir les sommes que lui devaient le docteur Z... au jour de cette saisie, telles que précisées dans l'acte (sous cette réserve rappelée par le premier juge de la seule application des intérêts au taux légal à la créance ainsi arrêtée), qui est la sanction prévue par la loi en ce cas, quitte pour elle à se retourner ensuite contre ce débiteur ; que le jugement entrepris sera dès lors confirmé ;

ET AUX MOTIFS QU'en l'espèce, la saisie-attribution a été reçue par la secrétaire habilitée à recevoir l'acte pour le compte de la personne morale ; que si celle-ci ne pouvait évidemment apporter aucun renseignement sur l'étendue des obligations pécuniaires de M. Jacques Z... à l'égard de la SELARL Dr Jacques Z...   , force est de constater qu'aucun renseignement n'a jamais été transmis par la suite, pas même pour indiquer que la SELARL Dr Jacques Z... faisait procéder à une première évaluation de ses obligations par son expert-comptable mais qu'elle rencontrait des difficultés et avait besoin d'un délai supplémentaire, ce qui serait admissible pour des droits d'associés, étant observé toutefois que la position d'un éventuel compte courant d'associé pouvait quant à elle être connue dans la journée ; qu'en réalité, la SELARL Dr Jacques Z... s'est totalement abstenue de répondre à son obligation légale de renseignement ; qu'en conséquence, elle doit être déclarée redevable des causes de la saisie ; que, sur le montant dont elle est redevable, qu'il échet de préciser qu'elle est redevable de la somme de 2 775 239, 89 €, avec intérêts au taux légal dont le point de départ est fixé au 24janvier 2015, mais sans qu'elle soit pour autant redevable des intérêts de retard et indemnités conventionnelles qui continuent à courir au titre de chaque prêt seulement à l'égard du débiteur, et non du redevable des causes de la saisie en application de l'article R211-5 précité ;

1° ALORS QUE le tiers saisi, lorsqu'il n'est tenu à aucune obligation envers le débiteur, ne peut être condamné aux causes de la saisie pour manquement à une obligation légale de renseignement ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, page 6), si à la date de la saisie, le 23 janvier 2015, la SELARL Docteur Jacques Z... n'était pas débitrice d'aucune somme à l'égard de M. Z..., dès lors qu'aucun dividende ne pouvait lui être versé tant que l'exercice n'était pas clôturé, cette clôture intervenant le 31 mars suivant, et que les formalités prévues par les statuts n'étaient pas accomplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 211-3 et R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

2° ALORS, au surplus, QUE le tiers saisi a un motif légitime à ne pas répondre ou à répondre avec un certain retard lorsque l'huissier de justice instrumentaire a remis l'acte de saisie attribution à une personne qu'il savait ne pas être en mesure de lui fournir les renseignements requis ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que l'acte a été remis à Mme B..., secrétaire, qui a déclaré « en référer à M. Z... » ; qu'en s'abstenant de rechercher si Mme B..., bien que se déclarant habilitée à recevoir l'acte, n'était pas incompétente pour répondre aux questions de l'huissier, de sorte que le défaut de réponse reproché à la SELARL Docteur Jacques Z...        pouvait être considéré comme justifié par un motif légitime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

3° ALORS, subsidiairement, QU‘aucun texte n'exige que le tiers saisi donne sur le champ à l'huissier de justice qui l'interpelle le motif légitime l'autorisant à différer sa réponse ou qu'il sollicite auprès de lui un délai pour fournir cette réponse ; que la SELARL Docteur Jacques Z... faisait valoir qu'elle n'était pas en mesure, à la date de la saisie, le 23 janvier 2015, de fournir des renseignements relatifs aux dividendes qui seraient dus à M. Z... au titre de l'exercice à clôturer le 31 mars 2015 ; qu'en retenant que la SELARL Docteur Jacques Z...         avait commis une faute pour n'avoir pas averti l'huissier de l'existence de ce motif légitime et du fait qu'elle ne communiquerait sa réponse détaillée qu'après le 31 mars 2015, et en la condamnant à ce titre au paiement des causes de la saisie, la cour d'appel a violé les articles L. 211-3 et R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-15298
Date de la décision : 12/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 23 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 avr. 2018, pourvoi n°17-15298


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15298
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