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20/06/2018 | FRANCE | N°17-13460

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 17-13460


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Vu l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article L. 1134-1 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par contrat à durée indéterminée le 1er janvier 2000, en qualité de télévendeur par la société Comareg, intervenant dans divers secteurs de la presse quotidienne régionale d'annonces gratuites ; que depuis 2006, il exerce des mandats syndicaux pour une pa

rtie significative de son temps de travail ; que la société Comareg, placée en redre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Vu l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article L. 1134-1 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par contrat à durée indéterminée le 1er janvier 2000, en qualité de télévendeur par la société Comareg, intervenant dans divers secteurs de la presse quotidienne régionale d'annonces gratuites ; que depuis 2006, il exerce des mandats syndicaux pour une partie significative de son temps de travail ; que la société Comareg, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon le 30 novembre 2010, après autorisation de l'inspecteur du travail pour procéder à son licenciement économique, lui a notifié le 3 novembre 2011 la rupture de son contrat de travail à la suite de son adhésion à la convention de reclassement personnalisé ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant en leur dernier état à la fixation de sa créance au passif de la société, dont notamment la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;

Attendu que pour débouter M. Y... de ses demandes relatives à la discrimination syndicale, l'arrêt retient que les objectifs du salarié avaient été individualisés pour tenir compte de ses mandats et qu'ils étaient parmi les plus faibles des différents membres de l'équipe à laquelle il appartenait ; que M. Y..., qui ne conteste par cette situation objective mais refuse de reconnaître qu'il s'agit de la prise en compte par son employeur du temps passé en délégation dans le cadre de ses mandats pour la détermination de ses objectifs, ne fournit aucune explication sur la raison de leur réduction par rapport à ceux des autres membres de son équipe ; que s'il fait encore observer qu'il a été privé d'entretien d'évaluation sans raison valable à compter de 2006, correspondant précisément à l'année de sa désignation en qualité de délégué syndical, il ne produit aucun élément qui viendrait établir l'existence d'un traitement différent entre lui-même et ses collègues, et plus encore du fait de l'exercice de mandats syndicaux ; qu'en effet, s'il verse aux débats les comptes-rendus d'entretiens annuels du 14 février 2005 et du 3 avril 2006, alors qu'il était titulaire d'un mandat de délégué syndical depuis le 26 janvier 2006, et que le mandataire judiciaire de la société Comareg ne conteste pas pour sa part l'absence d'entretien annuel les années suivantes, cette circonstance ne permet pas d'affirmer qu'il aurait été le seul à ne pas bénéficier d'entretien ; qu'en outre il ne justifie pas ni même ne prétend que l'organisation syndicale à laquelle il appartenait aurait écrit à son employeur pour faire état d'une difficulté tenant à l'existence d'une discrimination dont il aurait été victime ; qu'en conséquence, à défaut de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'absence d'entretien annuel d'évaluation après 2007, il doit être considéré défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe ;

Qu'en statuant ainsi, en faisant peser sur le salarié la charge de la preuve de la discrimination syndicale, alors que les éléments de fait et de preuve invoqués selon lesquels, si ses objectifs avaient été individualisés pour tenir compte de la structure de son portefeuille de clients, ils n'avaient pas été "proratisés" pour tenir compte du temps passé à ses obligations syndicales, et il n'avait plus bénéficié d'entretiens annuels d'évaluation à compter de 2007, étaient de nature à laisser supposer une discrimination, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Y... de ses demandes fondées sur la discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 16 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. Z..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z..., ès qualités, à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes présentées au titre de la discrimination syndicale et d'un rappel de prime sur objectifs ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'absence de proratisation des objectifs, M. Y... soutient que les primes sur objectifs qui lui ont été versées ne tenaient pas compte de ses absences liées à l'exercice de ses mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise représentant chacun 20 heures de délégation par mois, hors temps de réunion; que ses objectifs auraient dû être proratisés sur la base du temps réel passé à son poste de travail après déduction du temps passé à ses mandats, mais que la société Comareg n'a jamais daigné appliquer ce mode de calcul de la prime variable aux représentants du personnel bien qu'il l'ait demandé à plusieurs reprises, et notamment le 27 avril 2007 lorsque, pour la régularisation de l'annexe « prime des objectifs » au titre de l'année 2007, il avait mentionné expressément conditionner son acceptation à l'absence de discrimination liée à l'exercice de ses mandats ; qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en matière de rémunération en raison de ses activités syndicales ; que, pour soumettre des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, M. Y... verse aux débats ses tableaux de suivi des objectifs de 2006 à 2010 ainsi que des tableaux de calcul des rappels de salaire qui lui seraient dus si les objectifs avaient été proratisés en fonction de ses heures d'absence pour l'exercice de ses mandats ; que cependant la société Comareg a nécessairement tenu compte de l'existence de ses heures d'absence pour exercer ses mandats syndicaux pour lui avoir régulièrement fixé depuis 2006 des objectifs très nettement inférieurs à ceux de ses collègues qui n'exerçaient pas une telle activité, le conseil de prud'hommes ayant justement constaté que ses objectifs avaient été individualisés pour tenir compte de l'exercice de ses mandats, et qu'ils étaient parmi les plus faibles des différents membres de l'équipe à laquelle il appartenait ; que M. Y..., qui ne conteste pas cette situation objective mais refuse de reconnaître qu'il s'agit de la prise en compte par son employeur du temps passé en délégation dans le cadre de ses mandats pour la détermination de ses objectifs, ne fournit aucune explication sur la raison de leur réduction par rapport à ceux des autres membres de son équipe ; que l'attestation de Mme C... qu'il verse également aux débats, indiquant que « son mandat de délégué syndical ainsi que son mandat de représentant au CE n'ont pas été pris en compte dans le calcul du montant de ses objectifs à atteindre », ne peut dès lors être retenue au vu des tableaux ainsi produits de ses objectifs minorés par rapport à ceux de ses collègues ; qu'il produit en outre lui-même un courrier électronique de Mme D... daté du 31 mars 2010 précisant que « des accords ont été pris pour proratiser l'objectif nouveaux clients pour les personnes qui sont en délégation » ; qu'enfin les objectifs assignés à M. Y... en termes de chiffre d'affaires étaient parfaitement réalisables par ce dernier nonobstant l'exercice de ses mandats, pour avoir été fréquemment dépassés, son taux de réussite se situant au demeurant dans la moyenne de celui de ses collègues au vu des tableaux précités ; que, sur l'absence d'évolution, M. Y... prétend ensuite avoir dû attendre 11 ans avant d'accéder au niveau 2 de la catégorie des téléconseillers, alors que l'ancienneté moyenne correspondant à ce niveau serait de 6 ans ; qu'en outre son évolution tardive ne serait due qu'à l'élévation de sa rémunération qui a atteint celle du niveau 2 du seul fait des augmentations générales successives de salaire et non du choix de la société Comareg ; que même après 18 ans d'ancienneté, il n'a jamais bénéficié du niveau 3, alors que l'ancienneté moyenne des salariés de ce niveau est de 8 ans ; que cette absence d'évolution serait directement liée à une discrimination syndicale et lui occasionnerait un préjudice moral mais également financier, dans la mesure où chaque changement de niveau entraîne une augmentation mensuelle de 60 € sur la partie fixe du salaire ; que, cependant, l'élévation des téléconseillers à un niveau supérieur n'est pas liée à l'ancienneté dans l'entreprise mais à la possession des qualités requises pour y accéder ; que si M. Y... prétend avoir toujours été bien noté par sa hiérarchie ainsi qu'il ressort de ses comptes rendus d'entretiens annuels professionnels 2005 et 2006 qu'il verse aux débats, et qu'il a bénéficié le 1er avril 2005 d'une augmentation individuelle de son salaire récompensant son investissement et la qualité de son travail, en sus de l'augmentation générale, le mandataire judiciaire représentant la société Comareg produit également une correspondance datée du 17 avril 2009 constatant un certain nombre de manquements de sa part aux consignes d'activité au sein du service de la télé vente, chaque téléconseiller devant passer au minimum 20,3 % de son temps de travail en conversation et réaliser au moins 7,02 appels de l'heure, alors que son activité était bien inférieure lorsqu'il n'exerçait pas ses mandats syndicaux ; que cette constatation objective de son insuffisance d'activité téléphonique est de nature à justifier l'évolution limitée de sa progression professionnelle ; que M. Y... ne peut dès lors évoquer l'existence d'une discrimination syndicale de ce fait ; que, sur l'absence d'entretien annuel professionnel, M. Y... fait encore observer qu'il a été privé d'entretien d'évaluation sans raison valable à compter de 2006, correspondant précisément à l'année de sa désignation en qualité de délégué syndical, de sorte que ce fait caractériserait encore l'existence d'une discrimination syndicale à son égard ; que, cependant, il ne produit aucun élément qui viendrait établir l'existence d'un traitement différent entre lui-même et ses collègues, et plus encore du fait de l'exercice de mandats syndicaux; qu'en effet, s'il verse aux débats les comptes-rendus d'entretiens annuels du 14 février 2005 et du 3 avril 2006, alors qu'il était titulaire d'un mandat de délégué syndical depuis le 26 janvier 2006, et que le mandataire judiciaire de la société Comareg ne conteste pas pour sa part l'absence d'entretien annuel les années suivantes, cette circonstance ne permet pas d'affirmer qu'il aurait été le seul à ne pas bénéficier d'entretien ; qu'en outre il ne justifie pas ni même ne prétend que l'organisation syndicale à laquelle il appartenait aurait écrit à son employeur pour faire état d'une difficulté tenant à l'existence d'une discrimination dont il aurait été victime ; qu'en conséquence, à défaut de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'absence d'entretien annuel d'évaluation après 2007, M. Y... doit être considéré défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe ;

ALORS, 1°), QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 25), M. Y... exposait que ses objectifs avaient été individualisés pour tenir compte de la structure de son portefeuille de clients mais pas proratisés pour tenir compte du temps passé à ses activités syndicales ; qu'en considérant que M. Y... ne fournissait « aucune explication » sur la raison de la réduction de ses objectifs par rapport aux autres membres de son équipe, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de M. Y... a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 25), M. Y... exposait que ses objectifs avaient été individualisés pour tenir compte de la structure de son portefeuille de clients mais pas proratisés pour tenir compte du temps passé à ses activités syndicales ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 3°), QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; qu'en considérant que l'absence non contestée d'entretiens annuels d'évaluation à compter de l'année 2007 ne laissait pas supposer l'existence d'une discrimination dès lors que M. Y... ne démontrait pas avoir subi un traitement différent de ses collègues quand il appartenait à l'employeur de justifier que l'absence d'entretiens annuels d'évaluation à compter de l'année 2007 avait été justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

ALORS, 4°), QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que l'existence d'une discrimination n'est pas subordonnée à sa contestation, préalable à la saisine du juge, par une organisation syndicale ; qu'en considérant que l'absence non contestée d'entretiens annuels d'évaluation à compter de l'année 2007 ne laissait pas supposer l'existence d'une discrimination dès lors que M. Y... ne démontrait pas que l'organisation syndicale à laquelle il appartenait ait appelé l'attention de l'employeur sur la difficulté née de l'absence d'organisation d'entretiens [...] d'évaluation, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-13460
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 16 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2018, pourvoi n°17-13460


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.13460
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