La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2018 | FRANCE | N°17-22303

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juillet 2018, 17-22303


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 14 mars 2017), que la société Magadoux, qui a donné à bail à la société RDA Restauration des locaux à usage de restauration rapide, a agréé la cession du droit au bail à la société Concemtre Sud Ouest et l'a autorisée, moyennant une indemnité de déspécialisation, à exercer une activité nouvelle et à réaliser dans les lieux loués des travaux d'aménagement ; que, reprochant à la société locataire d

'avoir modifié la distribution des lieux, la bailleresse l'a assignée en réparation du préj...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 14 mars 2017), que la société Magadoux, qui a donné à bail à la société RDA Restauration des locaux à usage de restauration rapide, a agréé la cession du droit au bail à la société Concemtre Sud Ouest et l'a autorisée, moyennant une indemnité de déspécialisation, à exercer une activité nouvelle et à réaliser dans les lieux loués des travaux d'aménagement ; que, reprochant à la société locataire d'avoir modifié la distribution des lieux, la bailleresse l'a assignée en réparation du préjudice en résultant ;

Attendu que la société Concemtre Sud Ouest fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Magadoux une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le bail interdisait au preneur tout changement de distribution dans les lieux loués sans autorisation préalable et écrite de la bailleresse, et que, lors de la cession du droit au bail, celle-ci avait expressément autorisé le changement de destination du bail et la réalisation par le preneur des travaux d'aménagement intérieurs et extérieurs nécessaires à l'exploitation de l'activité commerciale, la cour d'appel a souverainement retenu que la suppression de l'escalier et de l'ascenseur, privant l'étage de tout accès, constituait une modification de la distribution des lieux loués réalisée sans l'accord du bailleur et que le préjudice en résultant devait être réparé sans que l'indemnité qui lui avait été versée lors de la cession en contrepartie de la seule despécialisation ne puisse lui être opposée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Concemtre Sud-Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Concemtre Sud-Ouest et la condamne à payer à la société Magadoux la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Comcentre Sud-Ouest.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt d'AVOIR confirmé le jugement rendu le 14 janvier 2016 par le tribunal de grande instance de Limoges, sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 4.855,46 euros le montant des dommages-intérêts dus par la société Comcentre Sud-Ouest à la société Magadoux en réparation de son préjudice consécutif à la modification des lieux loués et, statuant à nouveau de ce chef, d'AVOIR condamné la société Comcentre Sud-Ouest à payer à la société Magadoux la somme de 34.439,34 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la modification des lieux loués, ainsi que la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QU' « attendu qu'en cause d'appel le litige se limite à la demande de la bailleresse en indemnisation de son préjudice consécutif à la modification des lieux loués par la locataire. Attendu que la bailleresse reproche à sa locataire d'avoir, sans son autorisation modifié en cours de bail la distribution des locaux loués en supprimant notamment l'escalier et l'ascenseur permettant l'accès depuis le rez-de-chaussée à l'étage, que cette modification est reconnue par le locataire qui soutient qu'il s'agit seulement d'un réaménagement des locaux imposés par son franchiseur, réaménagement qui a été autorisé par la bailleresse au terme d'un acte du 11 mai 2012 contenant l'accord de celle-ci sur une modification de la destination des lieux loués moyennant une indemnité de déspécialisation de 100.000 euros. Attendu que les relations entre les parties sont régies par le bail commercial du 12 mai 2011, alors conclu pour l'exercice de l'activité de restauration du locataire (la société Dca Restauration), qui stipule notamment que le locataire ne pourra faire dans les locaux loués aucun changement de distribution sans le consentement préalable et écrit du bailleur ; qu'à l'occasion de la cession du droit au bail de la société Dca Restauration à la locataire, la bailleresse a signé le 11 mai 2012 un document intitulé « Accord du bailleur pour la cession de droit au bail » dans lequel il est notamment précisé : - qu'un avenant au bail commercial sera régularisé pour modifier la destination des lieux compte tenu de l'activité exercée par le nouveau locataire, à savoir la téléphonie et la vente de matériel de télécommunication et accessoires, moyennant une indemnité de déspécialisation de 100.000 euros, - que la bailleresse autorise le nouveau locataire à faire réaliser, aux frais exclusifs et sous l'entière responsabilité de celui-ci, dans les locaux loués « tous les travaux d'aménagements intérieurs et extérieurs nécessaires à la bonne exploitation de son activité » lesquels ne devront nuire ni à l'esthétique, ni à la solidité de l'immeuble. Attendu que la suppression par la locataire de l'escalier et de l'ascenseur assurant la liaison entre le rez-de-chaussée et l'étage des locaux loués ne peut être, en l'occurrence, considérée comme un simple réaménagement puisque cette modification revient à priver l'étage de tout accès et de réduire, de fait, de moitié la surface commerciale existante ; que, contrairement à ce qui est soutenu par la locataire, l'accès à l'étage ne eut se faire par le couloir de la propriété qui est expressément exclu du bail et dont la porte d'accès est réservé à l'usage exclusif de sortie de secours (contrait de bail p.17 « conditions particulières » article 2) ; qu'en outre, il est constant que l'escalier tout comme l'ascenseur ont été emportés par la locataire, privant ainsi la bailleresse de deux biens d'équipement dont elle était propriétaire. Attendu que la suppression de l'escalier et de l'ascenseur constitue une modification de la distribution des lieux loués qui ne pouvait être réalisée par la locataire sans le consentement préalable et écrit de la bailleresse, tel qu'exigé par le contrat de bail : que la locataire ne justifie pas de ce consentement qui ne saurait être constitué par le silence de la bailleresse à réception de plans des lieux modifiés ou à une éventuelle visite des locaux ;: que la bailleresse est fondée à obtenir la réparation de son préjudice consécutif à la suppression de ces biens d'équipement sans que la locataire ne puisse lui opposer l'indemnité de déspécialisation versée par celle-ci dont la finalité est distincte puisqu'il s'agit d'une contrepartie à la seule déspécialisation. Attendu qu'au soutien de sa demande d'indemnisation, la bailleresse produit : - un devis de la société Germaneau d'un montant de 4.855,46 euros TTC pour le remplacement de l'escalier ; - un devis de la société Schindler d'un montant de 44.343,60 euros TTC pour le remplacement de l'ascenseur. Attendu que, contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal de grande instance, le rétablissement de l'escalier ne fait pas double emploi avec celui de l'ascenseur puisque ces deux biens équipaient les locaux loués avant d'être démontés et emportés par la locataire qui ne propose par leur restitution ; que la circonstance que ces équipements aient pu être installés en 2002 par le précédent locataire, la Caisse d'Epargne selon les allégations non contredites du locataire, ne saurait priver la bailleresse, qui en était la propriétaire, de son droit à indemnisation du fait de leur disparition. Attendu que le principe de la réparation intégrale du dommage ne saurait conduire à retenir une indemnisation selon la valeur à neuf des appareils puisque cette solution conduirait à faire bénéficier la bailleresse d'un enrichissement contraire au principe de l'indemnisation, que, compte tenu de la nature des biens d'équipement en cause et de la date de leur installation (2002 ), il convient d'appliquer un abattement pour vétusté de 30% à l'indemnisation TTC qui sera allouée à la bailleresse sur la base des deux devis produits par elle, soit 49.199,06 euros TTC – 30% = 34.439,34 euros TTC ; que la locataire sera condamnée à payer ces dernière somme à la bailleresse. »

1) ALORS QUE les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en l'espèce, l'acte du 11 mai 2012 autorisait expressément la locataire exposante « à faire réaliser dans les locaux tous les travaux d'aménagements intérieurs et extérieurs nécessaires à la bonne exploitation de son activité conformément au cahier des charges définissant leur concept » moyennant le paiement par la société Comcentre Sud-Ouest à la société Magadoux d'une indemnité de déspécialisation d'un montant de 100.000 euros ; que l'exploitation de l'activité de commerce de téléphonie conformément au cahier des charges imposé par le franchiseur requérait la suppression de l'escalier et de l'ascenseur intérieurs qui obstruaient la surface de vente, de sorte que cette suppression était constitutive de travaux d'aménagements autorisés par l'acte du 11 mai 2012 ; qu'en considérant que la suppression de l'escalier et de l'ascenseur litigieux n'étaient pas autorisée par l'acte du 11 mai 2012 et nécessitait une autorisation écrite préalable du bailleur différente de celle expressément donnée dans l'acte du 11 mai 2012, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu l'article 1103 du code civil.

2) ALORS QU'une indemnité de déspécialisation vise à réparer le préjudice subi par le bailleur à l'occasion d'un changement d'activité du locataire dans le local donné à bail, notamment du fait des travaux y afférant ; qu'en l'espèce, la société Comcentre Sud-Ouest avait versé à la société Magadoux une indemnité de déspécialisation d'un montant de 100.000 euros afin de pouvoir transformer le local précédemment destiné à la restauration en un local destiné à la vente d'objets de téléphonie conformément au concept imposé par le franchiseur ; que les préjudices subis par le bailleur du fait des modifications apportées au local afin de le rendre conforme à sa nouvelle destination contractuelle avaient ainsi été indemnisés au titre de cette indemnité ; qu'en considérant toutefois que la finalité de l'indemnité de déspécialisation de 100.000 euros était distincte et ne visait pas à indemniser les travaux réalisés par le preneur pour rendre le local conforme à sa nouvelle destination commerciale, dont faisait partie la suppression de l'escalier et de l'ascenseur, la cour d'appel a violé l'article L145-50 du code de commerce et l'article 1134 du code civil devenu l'article 1103 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-22303
Date de la décision : 12/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 14 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jui. 2018, pourvoi n°17-22303


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22303
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award