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26/09/2018 | FRANCE | N°17-25747

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 septembre 2018, 17-25747


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte du 10 janvier 2002 reçu par M. X... (le notaire), la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la banque) a accordé à M. A... (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition de parts sociales d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) et soumis à plusieurs garanties, dont l'une était elle-même stipulée sous la condition suspensive de la signature de nouveaux baux pour dix-huit ans, avant ou concomitamment à la cession des parts du

GAEC ; que, selon acte du 18 janvier 2002, Mme Y... a déclaré se cons...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte du 10 janvier 2002 reçu par M. X... (le notaire), la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la banque) a accordé à M. A... (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition de parts sociales d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) et soumis à plusieurs garanties, dont l'une était elle-même stipulée sous la condition suspensive de la signature de nouveaux baux pour dix-huit ans, avant ou concomitamment à la cession des parts du GAEC ; que, selon acte du 18 janvier 2002, Mme Y... a déclaré se constituer caution hypothécaire de l'emprunteur ; que, celui-ci n'ayant pu faire face à ses obligations, la banque a engagé des poursuites à l'encontre de la caution hypothécaire qui a assigné le notaire en garantie des sommes réclamées par la banque ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner le notaire à garantir la caution à hauteur de 90 % des sommes pouvant lui être réclamées par la banque, l'arrêt retient qu'en sa qualité de notaire rédacteur des actes du 18 janvier 2002, il avait pleinement conscience qu'en l'absence de cession des baux, l'emprunteur ne pouvait plus bénéficier d'une des garanties et qu'il était tenu d'appeler l'attention de la caution de manière complète et circonstanciée sur la portée et les effets, ainsi que sur les risques accrus d'un cautionnement hypothécaire sur un bien immobilier, constituant du surcroît son logement principal, ce qu'il ne prétend nullement avoir fait ;

Qu'en se déterminant ainsi, par un moyen relevé d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour statuer comme il a été dit, l'arrêt énonce que la faute imputée au notaire a privé la caution d'une chance de ne pas s'engager si elle avait été informée de l'existence d'un risque d'absence de garantie de la Saccef ;

Qu'en se déterminant ainsi, par un moyen relevé d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à garantir Mme Y... dans la limite de 90 % des sommes pouvant lui être réclamées par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie en vertu de l'acte du 18 janvier 2002, l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, confirmant partiellement le jugement rendu le 5 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Saint-Quentin, condamné M. X... à garantir Mme Y... dans la limite de 90 % des sommes pouvant lui être réclamées par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie au titre de l'acte du 18 janvier 2002, en principal, intérêts et frais ;

AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article 1382 du code civil que le notaire est tenu d'une obligation de conseil et d'information à l'égard des parties à un acte authentique ;
qu'il doit notamment attirer l'attention des parties sur la portée juridique de leurs engagements ou, en tout cas, leur donner toutes informations utiles sur le caractère aléatoire d'une opération envisagée ; que le notaire a enfin pour obligation de vérifier les informations qu'il donne ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de prêt sous seing privé en date du 13 novembre 2001 que l'octroi du prêt était soumis à plusieurs garanties et notamment la garantie de la SACCEF à hauteur de 35 %, cette garantie étant elle-même sous condition suspensive de « signature des nouveaux baux pour 18 ans avant ou concomitamment à la cession des parts du GAEC ; que Mme Y... produit aux débats une première attestation du notaire en date du 31 mai 2000 selon laquelle « M. A... bénéficiera des baux attachés au GAEC, 87 hectares environ, et à titre personnel des baux suivants :
M. B... 20 ha
Cts D... 52 ha » ;
qu'elle produit aux débats une seconde attestation du notaire le 16 mai 2001 selon laquelle :
« M. A... sera titulaire, sous condition suspensive, des baux suivants :
- Baux D... 52 hectares environ
- Baux B... 19 hectares environ
- Baux E... 11 hectares environ
- Baux F... 20 hectares environ
Soit au total 102 hectares environ » ;
qu'elle produit la même attestation que la précédente datée du 4 septembre 2001 ; que ces attestations inexactes tendaient à démontrer que la condition suspensive nécessaire à la garantie de la SACCEF était remplie et que cette garantie était acquise, le prêt pouvant être accordé à M. A... ; que ces attestations ont donc eu un rôle déterminant pour la remise des fonds par la banque ; que, comme le notent les premiers juges, la cession d'un bail rural à un nouveau preneur nécessite l'accord du bailleur ; que le notaire ne conteste pas avoir établi ces attestations ; qu'en établissant sans s'assurer d'un accord des bailleurs, il a commis une faute professionnelle ; qu'il résulte d'ailleurs du rapport établi par M. C..., expert judiciaire, désigné dans le cadre du litige engagé par le liquidateur de M. A... à l'encontre du notaire, que les baux B... et D... (72 ha) visés dans l'attestation du 31 mai 2000 n'ont jamais été régularisés et que seuls les baux E... et F... (31 ha) ont été régularisés ; que Mme Y... produit enfin aux débats l'acte authentique de cautionnement hypothécaire établi par le notaire le 18 janvier 2002 ; que l'absence de cession préalable ou concomitante des baux à M. A... faisait perdre ipso facto à Mme Y... la garantie de l'intervention de la SACCEF en qualité de caution en cas de difficultés de l'emprunteur pour respecter ses engagements à l'égard de la banque ; que Mme Y..., qui n'est pas intervenue à l'acte de prêt, ne disposait pas personnellement des informations nécessaires pour prendre pleinement conscience qu'en l'absence de réalisation de cette condition prévue pour obtenir la garantie de la SACCEF, elle devenait seule garante des engagements de M. A... à l'égard de la Caisse d'épargne ; qu'en sa qualité de notaire rédacteur des actes en la forme authentique du 18 janvier 2002, Maître X..., qui avait pleinement conscience qu'en l'absence de cession des baux, M. A... ne pouvait plus bénéficier de la garantie de la SACEFF, était tenu d'éclairer Mme Y... et d'attirer son attention de manière complète et circonstanciée sur la portée et les effets, ainsi que sur les risques accrus d'un cautionnement hypothécaire sur un bien immobilier, constituant de surcroît son logement principal, ce qu'il ne prétend nullement et, à plus forte raison, n'établit pas avoir fait ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté que Maître X... a commis des fautes engageant sa responsabilité professionnelle à l'égard de Mme Y... ; que, comme le notent Mme Y... et la Caisse d'épargne dans leurs conclusions, le préjudice de Mme Y... consiste en une perte de chance de ne pas s'engager comme caution hypothécaire sur un bien immobilier qui constitue son logement principal dans ces conditions et de ne pas être poursuivi si Maître X... n'avait pas manqué à son obligation de conseil ; que cette perte de chance est particulièrement importante puisqu'il est très fortement probable que Mme Y... n'aurait pas souscrit cet engagement de caution si elle avait eu connaissance de l'absence de garantie de la SACCEF et de l'absence de régularisation des baux qui signifiait une baisse importante de la surface de l'exploitation de M. A... ; que cette perte de chance peut être évaluée à 90 % ;

1° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour retenir la responsabilité de M. X..., sur le moyen relevé d'office selon lequel celui-ci aurait manqué à son devoir d'information et de conseil en n'informant pas Mme Y... de l'existence d'un risque d'absence de garantie de la Saccef, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour retenir la responsabilité du notaire, sur le moyen relevé d'office selon lequel la faute imputée au notaire aurait privé Mme Y... d'une chance de ne pas s'engager en qualité de caution si elle avait été informée de l'existence d'un risque d'absence de garantie de la Saccef, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en condamnant M. X... « à garantir Mme Y... des sommes pouvant lui être réclamées par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie au titre de l'acte du 18 janvier 2002, en principal, intérêts et frais, dans la limite de 90 % » (arrêt, p. 6, antépénultième al.), quand il lui appartenait de déterminer le préjudice subi par Mme Y... de manière inconditionnelle, la cour d'appel, qui a mis à la charge du notaire une condamnation indéterminée, a violé les articles 4 et 12 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-25747
Date de la décision : 26/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 sep. 2018, pourvoi n°17-25747


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.25747
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