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07/11/2018 | FRANCE | N°17-26853

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 novembre 2018, 17-26853


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Z... ;

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que, pour condamner M. X... à verser à Mme Z... une certaine somme au titre de la prestation compensatoire, l'arrêt retie

nt qu'il perçoit un revenu mensuel moyen de 2 400 euros et que le salaire de Mme Z... s'élève à 1 ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Z... ;

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que, pour condamner M. X... à verser à Mme Z... une certaine somme au titre de la prestation compensatoire, l'arrêt retient qu'il perçoit un revenu mensuel moyen de 2 400 euros et que le salaire de Mme Z... s'élève à 1 600 euros ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sommes versées par M. X... au titre des frais de scolarité exposés pour les enfants nés de sa seconde union, ne constituaient pas des charges devant venir en déduction de ses ressources, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à Mme Z... une prestation compensatoire de 120 000 euros, l'arrêt rendu le 6 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

ll est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement en ses dispositions relatives aux quantum des dommages et intérêts fondés sur l'article 1240 du code civil et statuant à nouveau de ce chef, condamné M. François X... à payer à Mme Y... Z... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 1240 du code civil peul être invoqué par l'époux qui justifie d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal qui peut résider notamment dans les circonstances de la rupture ; qu'en l'espèce le comportement fautif de l'époux est caractérisé par le fait qu'il a entretenu au Sénégal une relation extra-conjugale, de laquelle est issue deux enfants en 2012 et 2015 ; que si le premier juge a bien pris en considération l'existence d'un préjudice moral en lien avec ce comportement fautif. il n'a cependant pas suffisamment réparé ce préjudice; que la somme de 5000 euros sera allouée à ce titre » ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE« il ressort du dossier de Madame Y... Z... et ce n'est pas contesté par Monsieur François X..., que celui-ci a une relation extra-conjugale depuis plusieurs années au Sénégal où il réside et est père d'un enfant issu de cette relation ( ... ) ; que l'article 1382 du Code Civil permet aux époux d'obtenir la réparation du préjudice causé par la rupture du lien matrimonial mais distinct du divorce proprement dit, qu'en l'espèce, les conditions de la rupture du lien matrimonial constituent une faute et il est établi que Madame Z... a subi un préjudice moral en lien avec celle-ci (état de santé) justifiant l'octroi de dommages et intérêts(...) » ;

ALORS QUE la faute permettant à un époux d'obtenir, dans les conditions du droit commun, la réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du mariage, s'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances de fait invoquées par les parties ; qu'en l'espèce, en retenant que la relation extra-conjugale entretenue par M. François X... au Sénégal, dont sont issus deux enfants nés [...] , constituait une faute de nature à engager sa responsabilité, sans rechercher, comme el le y était invitée, si un tel fait ne perdait pas son caractère fautif au regard des circonstances tenant à ce que Mme Y... X... s'était refusée à suivre son époux, contraint de s'installer au Sénégal par nécessité professionnelle, pour subvenir aux besoins de la famille, après avoir perdu son emploi à la suite d'un licenciement économique injustifié, de sorte que le couple vivait séparé depuis 1997, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATlON

ll est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts fondés sur l'article 266 du code civil et statuant à nouveau de ce chef, condamné M. François X... à payer à Mme Y... R+oux la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 266 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE « l'article 266 du code civil dispose que lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci peul être condamné à des dommages le intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral d'une particulière gravité que la dissolution du mariage fait subir à son conjoint : que cette particulière gravité s'entend des conséquences excédant celles habituelles affectant toute personne se trouvant dans la même situation ; qu'en l'espèce, le droit à réparation de Y... Z..., se trouve justifié par le fait qu'elle a pris connaissance de la volonté de l'époux de divorcer par la transmission de messages électroniques - ce que l'époux ne dément pas - en même temps qu'elle a appris l'existence de la double vie menée par François X... au Sénégal, alors que la durée de l'union (37 ans), la fondait à croire en la solidité du lien conjugal et la pérénisation du soutien financier ; que son préjudice sera réparé à hauteur de 5 000 euros » ;

1) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, Mme Y... Z... se bornait à invoquer, au soutien de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article 266 du code civil, un préjudice né de ce qu'elle avait pu croire que son mariage durerait jusqu'à son terme et qu'elle pourrait bénéficier du soutien moral et financier de M. François X... durant ses années de retraite ; qu'en se fondant, pour faire droit à cette demande, sur la circonstance que Mme Y... Z... avait pris connaissance de la volonté de M. François X... de divorcer par transmission de messages électroniques en même temps qu'elle avait appris l'existence de la double vie qu'il menait au Sénégal, la cour d'appel, qui a relevé d'office ce moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les dommages et intérêts accordés à un époux sur le fondement de l'article 266 du code civil, ne peuvent l'être qu'en réparation des conséquences d'une particulière gravité subies du fait de la dissolution du mariage ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour condamner M. François X..., sur le fondement de ce texte, à verser à Mme Y... Z... une somme de 5 000 euros, que cette dernière avait pris connaissance de la volonté de M. François X... de divorcer par transmission de messages électroniques en même temps qu'elle avait appris l'existence de la double vie qu'il menait au Sénégal, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser les conséquences d'une particulière gravité subies par Mme Y... Z... du fait de la dissolution du mariage, en violation de l'article 266 du code civil ;

3) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les dommages et intérêts accordés à un époux sur le fondement de l'article 266 du code civil, ne peuvent l'être qu'en réparation des conséquences d'une particulière gravité subies du fait de la dissolution du mariage ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour condamner M. François X..., sur le fondement de ce texte, à verser à Mme Y... Z... une somme de 5 000 euros, que la durée de l'union (37 ans), la fondait à croire en la solidité du lien conjugal et la pérénisation du soutien financier, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants à caractériser les conséquences d'une particulière gravité subies par Mme Y... Z... du fait de la dissolution du mariage, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 266 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt anaqué d'AVOIR, infirmant Je jugement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire et statuant de nouveau de ce chef, condamné M. François X... à payer à Mme Y... Z... la somme de 120 000 euros en capital à titre de prestation compensatoire ;

AUX MOTIFS QUE « la disparité que la rupture du mariage crée au détriment de Y... Z... n'est pas contestée par l'époux ; qu'il résulte en effet des pièces communiquées par les parties, que l'époux bénéficie du versement d'une pension de retraite d 'un montant mensuel de 1485 euros, et qu'il perçoit un salaire mensuel de 1363 euros, en sa qualité de salarié de la société COTRAMER à Dakar ; que ses revenus sont donc de l'ordre de 2400 euros par mois, alors que salaire actuel de Y... Z... est de 1660 euros par mois ; qu 'encore faut-il préciser, ce que François X... ne conteste pas, que les droits prévisibles à retraite de cette dernière, sont de l'ordre de 1014 euros par mois ; (. .. ) que François X... est âgé de 70 ans, Y... Z... est âgée de 64 ans ; que l'union a duré 42 ans, la vie commune 37 ans, jusqu 'à l'ordonnance de non conciliation intervenue le 01 Décembre 2011 ; que trois enfants. majeurs, sont issus de cette union ; que les époux sont mariés sous le régime légal ; qu 'ils ont donc vocation à recueillir par moitié la valeur du patrimoine immobilier commun, composé de deux biens immobiliers communs sis sur la commune de [...], évalués au mois d'Août 2012 de la seule initiative de l'épouse à la somme respective de 140 000 à 145 000 euros et à 170 000 à 180 000 euros ; qu'il n 'est pas contesté qu'Y... Z... qui exerçait une activité professionnelle depuis 1970, a cessé cette activité en 1977, date de l'union et jusqu'en 1997 ; que l'interruption du cursus professionnel de l'épouse correspond à la période de la naissance des trois enfants, nés respectivement [...] ; qu'elle coïncide également, comme l'a d'ailleurs rappelé l'appelant, pour en faire paradoxalement reproche à l'épouse, à une période où il devait assumer lui-même une grande mobilité professionnelle (notamment mutation à Saint Etienne, Strasbourg, Marseille, Toulon .. ) ; que par conséquent. la cessation par l'épouse de son activité professionnelle ne peut procéder que d'un choix du couple ; qu'il est d'ailleurs significatif que la reprise d'activité en 1997, corresponde à la période où François X... a connu une situation de chômage, à la suite de laquelle, il a saisi l'opportunité d'un travail à l'étranger ; qu'ainsi, l'interruption par l'épouse de son cursus professionnel pendant une durée de 20 ans, au cours desquels elle a privilégié les intérêts de la famille, la pénalise-t-elle au regard de ses droits à la retraite, évalués la somme mensuelle de 1014 euros ; que même si l'époux, âgé de 70 ans peut prétendre à faire valoir ses droits à la retraite en ce qui concerne l'activité exercée actuellement au Sénégal, le cumul des deux pensions de retraite le place en toute hypothèse en bien meilleure situation que l'épouse, puisque contrairement à cette dernière, son cursus professionnel ne comporte pas d'interruption significative ; que compte tenu de ces éléments, la disparité que la rupture du lien conjugal crée au détriment de Y... Z... sera réparé par le versement de la somme de 120 000 euros en capital » ;

1) ALORS QUE la durée de vie commune que peut prendre en considération le juge, est celle écoulée entre le mariage et la séparation de fait des époux ; qu'en l'espèce, M. François X... faisait valoir que la vie commune des époux avait pris fin en 1997, avec son départ pour le Sénégal, de sorte qu'elle n'avait duré que 23 ans ; qu'en prenant en compte, au titre de la durée de la vie commune, celle écoulée entre le mariage et l'ordonnance de nonconciliation, soit une durée de 37 ans, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;

2) ALORS QUE le montant de la prestation compensatoire est déterminée au regard des ressources et des charges respectives des époux ; qu'en l'espèce, M. François X... faisait valoir que ses charges, qui comprenaient notamment les frais de scolarité de ses deux jeunes enfants, Morgane, née le [...] , et Thomas, né le [...] , s'élevaient à la somme [...] de 922 euros ; qu'en fixant le montant de la prestation compensatoire due par M. François X... à la somme de 120 000 euros sans se prononcer sur ces charges, et notamment celles résultant de l'éducation et de l'entretien de ses deux jeunes enfants, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;

3) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, en retenant que M. François X... toucherait, une fois qu'il aurait cessé son activité professionnelle au Sénégal, une pension de retraite qui viendrait se cumuler avec elle qu'il perçoit actuellement en plus du salaire versé au titre de cette activité professionnelle, la cour d'appel, qui a relevé d'office ce moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge doit préciser et analyser, au moins succinctement, les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en retenant que M. François X... toucherait, une fois qu'il aurait cessé son activité professionnelle au Sénégal, une pension de retraite qui viendrait se cumuler avec elle qu'il perçoit actuellement en plus du salaire versé au titre de cette activité professionnelle, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour statuer ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-26853
Date de la décision : 07/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 nov. 2018, pourvoi n°17-26853


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.26853
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