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07/03/2019 | FRANCE | N°17-26620

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 mars 2019, 17-26620


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile de construction vente Les Terrasses du Château (la SCCV) a confié à la Société de réalisations immobilières (la société SRI), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), une mission « d'architecte contractant général » portant sur la transformation d'une ancienne école en un ensemble immobilier comprenant dix-huit appartements destinés à être vendus en l'état futur d'achèvement, et, pour cette opération, a concl

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile de construction vente Les Terrasses du Château (la SCCV) a confié à la Société de réalisations immobilières (la société SRI), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), une mission « d'architecte contractant général » portant sur la transformation d'une ancienne école en un ensemble immobilier comprenant dix-huit appartements destinés à être vendus en l'état futur d'achèvement, et, pour cette opération, a conclu un contrat d'architecte avec la société O... X..., également assurée auprès de la MAF ; que des difficultés ayant provoqué l'arrêt du chantier, la SCCV a assigné la société SRI, représentée par son liquidateur amiable, et la MAF, prise en qualité d'assureur des sociétés O... X..., en liquidation judiciaire, et SRI, afin d'obtenir leur condamnation à lui verser diverses sommes au titre des travaux de reprise, outre des dommages-intérêts ; que la liquidation judiciaire de la société SRI ayant été prononcée, la MAF a mis en cause la SELARL C..., prise en qualité de mandataire liquidateur de cette société ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1351 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de la MAF tendant à sa mise hors de cause et condamner celle-ci à payer à la SCCV certaines sommes au titre des travaux de reprise et du coût d'achèvement de l'ouvrage, l'arrêt retient que, par un jugement irrévocable du 16 décembre 2013, la MAF, qui avait admis assurer la société O... X... dans le cadre du contrat d'assurance de la société SRI, a été, d'une part, condamnée, in solidum avec cette dernière, à payer à la SCCV le montant des sommes versées à un acquéreur, M. P..., et à son prêteur immobilier, dans la limite de 80 %, et, d'autre part, condamnée à garantir le mandataire liquidateur de la société O... X... du paiement de la créance de la SCCV fixée à ce titre au passif de la liquidation judiciaire, à hauteur de 80 % ; qu'il y a identité de parties, de cause et d'objet entre les deux instances et qu'en conséquence, la disposition de ce jugement ayant retenu la réduction proportionnelle à hauteur de 80 % ne peut plus être critiquée par la MAF dont la demande de mise hors de cause est irrecevable, étant précisé qu'elle ne concernait que la société SRI ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'instance ayant abouti au jugement du 16 décembre 2013 portait sur la demande de la SCCV tendant à être garantie par la MAF des condamnations mises à sa charge au profit de l'acquéreur d'un appartement, tandis que celle dont elle était saisie avait trait à l'indemnisation des préjudices invoqués par la SCCV au titre des travaux de reprise et du coût d'achèvement de l'ouvrage, de sorte qu'à défaut d'identité d'objet, l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 16 décembre 2013 ne pouvait être opposée à la MAF, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la Mutuelle des architectes français tendant à être mise hors de cause et condamne celle-ci à payer à la SCCV Les Terrasses du Château, sous réserve de l'application de la franchise et du plafond contractuels, les sommes de 610 267,13 euros HT au titre des travaux de reprise, dans la limite de 305 133,56 euros HT en qualité d'assureur de la Société de réalisations immobilières, 128 673,36 euros HT au titre du coût d'achèvement des travaux, dans la limite de 64 336,68 euros HT en qualité d'assureur de la Société de réalisations immobilières, et 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, l'arrêt rendu le 15 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la SCCV Les Terrasses du Château aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à la Mutuelle des architectes français la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle des architectes français.

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Mutuelle des Architectes Français, en sa qualité d'assureur de la société X..., à payer à la SCCV Les Terrasses du Château la somme de 128 673,36 € HT au titre du coût d'achèvement des travaux,

Aux motifs que « le contrat de maîtrise d'oeuvre ayant été signé entre la société SRI et la société O... X..., cette dernière engage sa responsabilité envers le maître de l'ouvrage sur le fondement de l'article 1382 du code civil devenu l'article 1240.

Il a été vu plus haut que la sous-évaluation du budget n'était pas le fait de la société O... X... mais de la SCCV.

Il résulte des constatations de M. T... mais également de celles de M. J..., désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes le 22 juin 2006 à la demande de la société AFC qui, ayant été évincée du chantier parce qu'elle dénonçait une mauvaise coordination des travaux, souhaitait préserver ses droits, que les fautes de l'architecte sont multiples : l'absence d'études techniques préalables, la non prise en compte du rapport de l'APAVE du 29 octobre 2004 qui signalait la présence d'insectes xylophages dans les bois, le caractère irréaliste du délai de onze mois auquel se sont ajoutés des problèmes liés à des abandons de chantiers par les entrepreneurs, une coordination de chantier désordonnée et incohérente ayant conduit, par exemple, à la réalisation des peintures avant l'achèvement des autres travaux, des manquements flagrants aux règles de l'art par les artisans dénotant une absence de surveillance des travaux. M. T... conclut à l'incompétence technique et financière de l'architecte.

Ces manquements graves ayant un lien de causalité avec les préjudices allégués par la SCCV, sa responsabilité sera retenue » (arrêt p. 7 in fine et p. 8) ;

Le tribunal sera donc approuvé pour avoir fixé à 160 841,71 € HT la somme revenant à la SCCV au titre du coût d'achèvement » (arrêt p.9 alinéa 5 in fine) ;

La MAF assureur de la société O... X... sera condamnée à payer 80 % de ces sommes soit respectivement 610 267,13 €HT et 128 673,36 € HT, sous réserve de l'application de la franchise et du plafond contractuels » (arrêt p.9 alinéa 8) ;

Alors que l'assureur ne saurait être tenu au-delà de la responsabilité de son assuré ; que la cour d'appel a jugé que la sous-évaluation du budget n'était pas le fait de la société O... X... mais de la SCCV ; qu'en condamnant cependant la MAF en sa qualité d'assureur de la société O... X... à payer la somme de 128 673,36 € HT au titre du coût d'achèvement des travaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L 124-1 du code des assurances et 1382 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Mutuelle des Architectes Français de sa demande tendant à être mise hors de cause et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à la SCCV, sous réserve de l'application de la franchise et du plafond contractuels, les sommes de 670 267,13 € HT, dans la limite de 305.133,56 € HT en qualité d'assureur de la société SRI, de 128 673,36 € HT, dans la limite de 64 336,68 € HT en qualité d'assureur de la société SRI, et de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Aux motifs que « le tribunal a écarté l'absence d'aléa et fait application de la règle proportionnelle sur le fondement de l'article L.113-8 du code des assurances et de l'article 5.222 des conditions générales du contrat en retenant une sous-évaluation de 192 366,69 € pour un montant total de travaux de 976 380,69 € TTC et il a condamné la MAF à payer à la SCCV 80 % du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société SRI.

Par un second jugement en date du 16 décembre 2013, le tribunal, dans une affaire opposant la SCCV à la société O... X... prise en la personne de son mandataire liquidateur, à la société SRI prise en la personne de son liquidateur amiable et à leur assureur MAF, a notamment :

- condamné la MAF, in solidum avec la société SRI, à payer à la SCCV le montant des sommes payées à un acquéreur monsieur P... et à son prêteur immobilier dans la limite de 80 % et sous réserve de l'application de la franchise et du plafond contractuels,

- condamné la MAF à garantir le mandataire liquidateur de la société O... X... du paiement de la créance fixée au passif de la société à hauteur de 80 % et sous réserve de l'application de la franchise et du plafond contractuels

La MAF admettant assurer la société O... X... dans le cadre du contrat d'assurance de la société SRI, le premier juge a statué par une motivation unique pour les deux sociétés et retenu la réduction proportionnelle selon le même raisonnement que dans le jugement déféré La SCCV oppose à l'appelante l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement qui, en l'absence d'appel, est devenu irrévocable.

Il est exact qu'il y a identité de parties, nonobstant l'absence du mandataire liquidateur de la société O... X... puisque la SCCV exerce l'action directe, identité de cause (les moyens soulevés par la MAF sont pour partie les mêmes que ceux soulevés à l'occasion de cette instance et il lui incombait de les soulever tous en même temps en vertu du principe de concentration des moyens) et identité d'objet (la demande de garantie à l'encontre de la MAF en qualité d'assureur de la société SRI et de la société O... X...).

Dès lors, la disposition du jugement ayant retenu la réduction proportionnelle à hauteur de 80 % ne peut plus être critiquée par la compagnie d'assurance dont la demande tendant à être mise hors de cause est dès lors irrecevable, étant précisé qu'elle ne concernait que la société SRI, le dispositif des conclusions ne contenant aucune disposition au titre de la société O... X....

Compte tenu de ce qui précède, la demande de la SCCV tendant à voir dire qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la réduction proportionnelle ne sera pas examinée » (arrêt p. 8) ;

1/Alors que l'autorité de la chose jugée suppose une identité de parties, de cause et d'objet ; qu'il n'y a pas d'identité d'objet entre l'action intentée par une partie tendant à obtenir la réparation de son préjudice et l'action en garantie formée par cette partie assignée par un tiers tendant à la réparation du préjudice de ce dernier ; qu'en l'espèce, la SCCV a agi contre la Mutuelle des Architectes Français (MAF) pour obtenir réparation de ses préjudices ;

que la SCCV a également été assignée par des acquéreurs en réparation de leurs préjudices et a appelé la MAF en garantie ; que sur l'action en réparation du préjudice de la SCCV, la cour d'appel a opposé l'autorité de chose jugée de la décision ayant statué sur l'action intentée par les acquéreurs ; qu'en décidant que cette décision interdisait à la MAF de rediscuter les conditions de sa garantie dans le cadre de l'action intentée par la SCCV en réparation de son propre préjudice, la cour d'appel a retenu une identité d'objet qui n'existait pas, violant ainsi l'article 1351 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) ;

2/ Alors que l'autorité de la chose jugée suppose qu'aient été définitivement tranchés les points objet du litige ; que tel n'est pas le cas lorsqu'une partie interjette appel d'une décision sans former de recours contre un autre jugement rendu le même jour, dans une autre instance, ayant statué dans le même sens ; qu'en l'espèce, la MAF a interjeté appel du jugement ayant déclaré sa garantie acquise aux sociétés SRI et O... X... et l'ayant condamnée à ce titre à payer diverses sommes à la société SCCV en réparation de ses préjudices ; qu'en opposant cependant à la MAF l'autorité de la chose jugée par un autre jugement ayant déclaré sa garantie acquise aux sociétés SRI et O... X... et l'ayant condamnée à garantir la SCCV de condamnations prononcées au profit d'acquéreurs, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) ;

3/ Alors qu'en toute circonstance, le juge doit respecter le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, pour opposer à la MAF l'autorité de la chose jugée d'une précédente décision ayant statué sur sa garantie tant en qualité d'assureur de la société SRI qu'en qualité d'assureur de la société O... X..., la cour d'appel a retenu que la demande de mise hors de cause de la MAF était irrecevable, étant précisé qu'elle ne concernait que la société SRI, le dispositif des conclusions ne contenant aucune disposition au titre de la société O... X... ; qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

4/ Alors qu'en toute hypothèse, la partie qui sollicite l'infirmation du jugement sur les points lui faisant grief sollicite ainsi la confirmation du jugement qui a rejeté les autres demandes de l'adversaire ; qu'en l'espèce, le tribunal avait considéré qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les reproches adressés par la SCCV à la société O... X... qui n'était pas dans la cause et avait statué uniquement sur la responsabilité de la société SRI ainsi que la garantie de la MAF à ce titre, les autres demandes de la société SCCV étant écartées ; que la MAF a soutenu dans ses conclusions d'appel qu'elle ne pouvait être sollicitée en tant qu'assureur de la société O... X... qui n'avait pas déclaré ce chantier et avait demandé dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement en ce qu'il la condamnait en qualité d'assureur de la société SRI ; qu'en retenant que la demande de mise hors de cause de la MAF en appel ne concernait que la société SRI, le dispositif des conclusions ne contenant aucune disposition au titre de la société O... X..., la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-26620
Date de la décision : 07/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 15 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 mar. 2019, pourvoi n°17-26620


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26620
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