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15/05/2019 | FRANCE | N°17-17863

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2019, 17-17863


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Saint-Denis, 31 mars 2017), statuant en la forme des référés, que le 10 mars 2017, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (le CHSCT), ont voté le recours à une expertise sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 4614-12 du code du travail ; que le 13 mars 2017, l

a caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la CGSS) a assigné le CHS...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Saint-Denis, 31 mars 2017), statuant en la forme des référés, que le 10 mars 2017, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (le CHSCT), ont voté le recours à une expertise sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 4614-12 du code du travail ; que le 13 mars 2017, la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la CGSS) a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance pour obtenir l'annulation de cette délibération ;

Attendu que le CHSCT fait grief à l'ordonnance de constater que sa demande d'expertise formulée dans sa délibération du 10 mars 2017 n'était pas fondée et d'annuler cette délibération alors, selon le moyen, que le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, et avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; que le recours à l'expertise peut également être décidé lorsqu'il est constaté l'existence d'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel dans l'établissement ; qu'en écartant également le recours à l'expertise dès lors que la preuve d'un risque grave n'était pas rapportée, tout en constatant que le CHSCT évoquait l'existence d'une tentative de suicide sur le lieu de travail et trois autres problèmes de santé, que les déclarations du médecin conseil traduisaient une inquiétude des salariés face à l'importance du projet de restructuration en cours et qu'un membre de la direction avait évoqué un climat délétère, le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas, ici encore, tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'existence d'un risque grave, a violé les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que l'existence d'une tentative de suicide sur le lieu de travail d'une personne qui avait indiqué que cette tentative était liée à des problèmes personnels et aucunement à ses conditions de travail et que les trois autres problèmes de santé qui avaient eu lieu le même jour étaient indépendants des conditions de travail, d'autre part, que les déclarations de l'ingénieur-conseil ne pouvaient constituer en elles-mêmes la démonstration de l'existence d'un risque grave et que les déclarations du médecin-conseil, même si elles traduisaient une inquiétude des salariés face à l'importance du projet de restructuration en cours, n'étaient étayées par aucun chiffre, enfin, que le CHSCT ne versait aux débats aucune pièce de nature à démontrer l'existence d'un risque grave pour la santé tant physique que psychologique des salariés, le président du tribunal de grande instance a pu en déduire l'absence d'un risque grave au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen ci-après annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion à payer à la SCP Caston la somme de 2 500 euros TTC ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion.

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR constaté que la demande d'expertise formulée par le CHSCT de la CGSS dans sa délibération du 10 mars 2017 n'était pas fondée et annulé cette délibération ;

AUX MOTIFS QUE conformément aux dispositions de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; que conformément à l'article L. 4614-12 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu l'article L. 4612-8 du code du travail ; qu'en l'espèce, comme l'a relevé le président du tribunal de grande instance dans sa décision du 24 mars 2017, la direction de la CGSS a présenté lors d'une réunion commune CHSCT-CE le 28 février 2017 un « projet d'organigramme de direction de la CGSS de La Réunion » visant à transformer l'organisation de la caisse ; que ce projet de créer une nouvelle organisation a été engagé depuis plusieurs mois, en associant le personnel ainsi que les élus du CHSCT en créant des groupes de travail où ceux-ci siègent en vue de la réalisation d'un état des lieux et de l'étude des différentes pistes de réorganisation ; que cette méthode vise à parvenir à l'élaboration d'un projet concerté ; que s'agissant de propositions et aucun projet n'étant arrêté, il apparaît hasardeux de considérer que la réorganisation envisagée aura un impact sur les conditions de travail, de santé, hygiène ou de sécurité des agents concernés, cette réorganisation n'étant à cette date pas arrêtée ; que la mesure d'expertise doit permettre au CHSCT de rendre un avis éclairé sur la nouvelle organisation et d'avancer des propositions ; que dans sa délibération en date du 10 mars 2017, le CHSCT a désigné un expert sur le fondement de cet article ; que cependant force est de constater qu'aucune nouvelle organisation des services n'a encore été arrêtée par la CGSS qui, dans la présente phase de restructuration, soumet des projets aux salariés et aux élus du CHSCT comme il lui en est fait obligation ; que par ailleurs, il convient de rappeler que le recours à l'expertise prévue à l'article L. 4614-12 du code du travail ne peut être décidé que lorsqu'il est constaté l'existence d'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel dans l'établissement ; que le risque grave doit être défini comme un péril qui menace ou compromet la santé ou la sécurité des salariés et est susceptible de causer des dommages sérieux tant physiques que psychologiques ; que le péril doit être actuel et imminent ; qu'il appartient au CHSCT de démontrer l'existence de ce péril ; qu'en l'espèce, le CHSCT évoque l'existence d'une tentative de suicide sur le lieu de travail d'une personne qui a indiqué que cette tentative était liée à des problèmes personnels et aucunement à ses conditions de travail ; que les trois autres problèmes de santé qui ont eu lieu le même jour à savoir le 2 mars 2017 sont manifestement indépendants des conditions de travail, ce que ne conteste pas le CHSCT ; que les déclarations du médecin conseil même si elles traduisent une inquiétude des salariés face à l'importance du projet de restructuration en cours, ne sont étayées par aucun chiffre objectif étant précisé que ce médecin n'intervient au sein de la CGSS que depuis un mois et demi ; que le CHSCT ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer l'existence d'un risque grave pour la santé tant physique que psychologique des salariés se contentant d'affirmer que la tentative de suicide est de nature à provoquer des émotions chez les salariés, susceptibles de constituer un risque grave pour leur santé ; que le climat délétère invoqué par un membre de la direction et directement lié à la diffusion de tracts anonymes à la suite de cette tentative de suicide, ne saurait être interprété comme une reconnaissance de l'existence d'un risque grave, d'une situation anormale et particulière au regard de l'environnement spécifique de la CGSS ; qu'ainsi le recours à un expert à la date de sa désignation, soit le 10 mars 2017, apparaît en l'espèce prématuré, l'expertise constituant un moyen technique de vérification des conséquences de la réorganisation sur les conditions du travail à partir d'un projet définitivement élaboré et non d'un projet en cours d'élaboration et donc susceptible d'évolution ; qu'en effet, des enquêtes internes, des études d'impact ou d'autres mesures d'investigations préliminaires auxquelles peuvent être associés les représentants du personnel sont envisageables et sont généralement mises en oeuvre avant qu'une mesure d'expertise ne soit ordonnée ; qu'une mesure d'expertise avant que le bilan des concertations et des consultations menées par la direction ne soit établi ne présente pas l'utilité que doit en attendre le CHSCT qui l'ordonne afin de se prononcer de manière éclairée, l'expert ne disposant pas alors de tous les éléments pertinents pour procéder à une analyse fiable de la réorganisation proposée, alors même que des éléments nouveaux peuvent intervenir postérieurement à cette expertise ; qu'il convient en conséquence d'annuler la délibération du CHSCT en date du 10 mars 2017 (v. ordonnance, p. 4 et 5) ;

1°) ALORS QUE le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, et avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; qu'avant la mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, le CHSCT, qui doit être consulté, peut faire appel à un expert agréé ; qu'en retenant, pour annuler la délibération du CHSCT de la CGSS du 10 mars 2017, que si les déclarations du médecin conseil traduisaient une inquiétude des salariés face à l'importance du projet de restructuration en cours, ces déclarations n'étaient étayées par aucun chiffre objectif, outre que ce projet n'était pas définitivement élaboré, si bien que le recours à l'expert était pour le moins prématuré, le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que ledit projet était important, a violé les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail ;

2°) ALORS QU'au demeurant, en se déterminant de la sorte sans rechercher l'incidence collective et objective, chez les salariés concernés, des nouvelles conditions de travail subséquentes à la réorganisation prévue par le projet litigieux, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, et avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; que le recours à l'expertise peut également être décidé lorsqu'il est constaté l'existence d'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel dans l'établissement ; qu'en écartant également le recours à l'expertise dès lors que la preuve d'un risque grave n'était pas rapportée, tout en constatant que le CHSCT évoquait l'existence d'une tentative de suicide sur le lieu de travail et trois autres problèmes de santé, que les déclarations du médecin conseil traduisaient une inquiétude des salariés face à l'importance du projet de restructuration en cours et qu'un membre de la direction avait évoqué un climat délétère, le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas, ici encore, tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'existence d'un risque grave, a violé les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17863
Date de la décision : 15/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, 31 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mai. 2019, pourvoi n°17-17863


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17863
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