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13/06/2019 | FRANCE | N°18-19603

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 juin 2019, 18-19603


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2018), que A... N... est décédé le [...] des suites d'un cancer broncho-pulmonaire, qui avait été diagnostiqué le 4 octobre 2006 ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque a pris en charge sa maladie et son décès au titre de la législation professionnelle et servi une rente de conjoint survivant à sa veuve ; que ses ayants droit ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande

d'indemnisation des préjudices subis par leur auteur de son vivant et de...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2018), que A... N... est décédé le [...] des suites d'un cancer broncho-pulmonaire, qui avait été diagnostiqué le 4 octobre 2006 ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Dunkerque a pris en charge sa maladie et son décès au titre de la législation professionnelle et servi une rente de conjoint survivant à sa veuve ; que ses ayants droit ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande d'indemnisation des préjudices subis par leur auteur de son vivant et de leurs préjudices personnels ; que l'offre présentée par le FIVA le 7 décembre 2009 au titre de ces préjudices a été acceptée ; que par courrier électronique du 23 juin 2017, Mme Z... O... veuve N..., Mme I... N... et MM. C... et L... N... (les consorts N...) ont saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation de l'assistance par une tierce personne ; que les consorts N... ont saisi une cour d'appel pour contester la décision de rejet d'indemnisation de ce poste de préjudice qui leur a été notifiée par le FIVA le 11 août 2017, celui-ci estimant que la demande était prescrite ;

Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande des consorts N... aux fins d'indemnisation de l'assistance par tierce personne, pour leur allouer une indemnisation de 8 197 euros à ce titre, avec intérêts, alors, selon le moyen, que, suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; que, pour décider que l'offre du Fonds du 7 décembre 2009 avait interrompu la prescription, la cour d'appel a énoncé que la précision apportée par la loi du 20 décembre 2010 permet d'aligner la prescription de l'action en indemnisation portée devant le FIVA sur celle du droit commun de l'article 2226 du code civil et que les dispositions de cette loi, postérieures à la jurisprudence développée en application de la loi du 31 décembre 1968, doivent s'appliquer en l'occurrence, à commencer par les dispositions sur les causes interruptives du délai de prescription, de sorte qu'il importe de faire application au présent litige des dispositions des articles 2240 à 2242 du code civil ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ;

Mais attendu qu'en introduisant, par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, aux termes duquel les droits à indemnisation des préjudices concernés se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, sauf exceptions qu'il énumère, et en décidant que ce délai de prescription s'applique immédiatement en tenant compte du délai écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical mentionné à l'article précité, mais que ceux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés l'avoir été à cette date, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, aucune demande de réparation du préjudice des victimes de l'amiante n'étant soumise à la prescription quadriennale que cette loi prévoit, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé ; qu'il en résulte que les causes de suspension et d'interruption de la prescription prévues par ladite loi ne sont pas applicables à ces demandes ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et a fait application des articles 2240 à 2242 du code civil pour décider que la demande d'indemnisation de l'assistance par une tierce personne n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à payer à Mme Z... O... veuve N..., Mme I... N... et MM. C... et L... N... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

LE MOYEN reproche à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable la demande des consorts N... aux fins d'indemnisation de l'assistance par tierce personne, pour allouer aux consorts N... une indemnisation de 8 197 euros au titre de l'assistance par tierce personne, avec intérêts,

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription de la demande d'indemnisation, la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative, à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics énonce que : « Article 1er : sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements : et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. Article 2 : la prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n 'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s 'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n 'a pas été exactement désigné. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. » ; que l'article 53 III bis de la loi du 23 décembre 2000, créé par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, dispose que « les droits à l'indemnisation des préjudices mentionnés au I se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante. Toutefois, le délai de prescription ne court : 1° pour l'indemnisation des préjudices résultant de l'aggravation d'une maladie dont un certificat médical a déjà établi le lien avec l'exposition à l'amiante, que de la date du premier certificat médical constatant cette aggravation ; 2° pour l'indemnisation des ayants droit d'une personne décédée, quand son décès est lié à l'exposition à l'amiante, que de la date du premier certificat médical établissant le lien entre le décès et cette exposition. » ; que, selon l'article 92 de la loi du 20 décembre 2010, ce délai décennal s'applique immédiatement, point sur lequel les parties s'accordent, ces dernières ne discutant pas davantage le point de départ du délai, à savoir le 4 octobre 2006, date du certificat médical établissant le lien entre le carcinome épidermoïde bronchique dont souffrait A... N... et l'exposition à l'amiante ; que la précision apportée par la loi du 20 décembre 2010 permet d'aligner la prescription de l'action en indemnisation portée devant le FIVA sur celle du droit commun de l'article 2226 du code civil relatif à l'action en responsabilité fondée sur des faits ayant engendré un dommage corporel ; qu'il n'est pas douteux que ces dispositions de la loi du 20 décembre 2010, particulièrement favorables aux victimes de l'exposition à l'amiante et à leurs ayants droit pour ce qui a trait à la prescription de leur action indemnitaire, dispositions postérieures à la jurisprudence développée en application de la loi du 31 décembre 1968, doivent s'appliquer en l'espèce, à commencer par les dispositions sur les causes interruptives du délai de prescription, en sorte qu'il importe de faire application au présent litige des dispositions des articles 2240 à 2242 du code civil ; que la cour observe que le formulaire de demande d'indemnisation approuvé par le conseil d'administration du FIVA, et rempli par les consorts N..., daté du 30 avril 2009 par cet organisme, est assimilable à une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil et a donc interrompu le délai de prescription décennale courant depuis le 4 octobre 2006 ; que s'il est exact que ce formulaire ne mentionnait pas explicitement une demande de remboursement de l'assistance par une tierce personne, le FIVA est tenu au principe de la réparation intégrale du préjudice, avec ces précisions que le formulaire mis à la disposition des consorts N... pour expliciter leur demande indemnitaire n'énumère aucun chef de préjudice particulier, et que rien n'obligeait les demandeurs à transmettre au Fonds une lettre jointe au formulaire pour préciser leurs chefs de demande ; que la cour relève en outre que, dans leur courrier d'accompagnement en date du 29 avril 2009, les requérants entendent expressément obtenir du Fonds l'indemnisation intégrale des préjudices conformément à l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ; que la cour retient que la demande d'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne a le même objet et la même cause que celle présentée le 30 avril 2009, le fait générateur étant le même s'agissant du décès de A... N... des suites de sa maladie professionnelle liée à l'exposition aux poussières d'amiante ; qu'il en résulte que la demande d'indemnisation établie le 30 avril 2009 par les consorts N... a provoqué le 7 décembre 2009 de la part du FIVA une proposition indemnitaire afférente à la réparation du préjudice personnel de la veuve, des enfants et petits-enfants de A... N..., au remboursement des frais funéraires, à l'indemnisation du préjudice d'incapacité fonctionnelle, et des préjudices physique, moral, d'agrément et esthétique, proposition que les demandeurs ont acceptée ; qu'il s'ensuit que cette offre partielle doit être considérée comme interruptive du délai de prescription au sens de l'article 2240 du code civil, un nouveau délai de 10 ans ayant en cela commencé à courir à compter du 7 décembre 2009, en sorte que la demande de remboursement de l'assistance par tierce personne présentée le 13 juillet 2017, de l'aveu même du FIVA dans sa lettre de rejet d'indemnisation en date du 9 août 2017, est assurément recevable comme régularisée dans le délai décennal de prescription » ;

ALORS QUE, suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; que, pour décider que l'offre du Fonds du 7 décembre 2009 avait interrompu la prescription, la cour d'appel a énoncé que la précision apportée par la loi du 20 décembre 2010 permet d'aligner la prescription de l'action en indemnisation portée devant le FIVA sur celle du droit commun de l'article 2226 du code civil et que les dispositions de cette loi, postérieures à la jurisprudence développée en application de la loi du 31 décembre 1968, doivent s'appliquer en l'occurrence, à commencer par les dispositions sur les causes interruptives du délai de prescription, de sorte qu'il importe de faire application au présent litige des dispositions des articles 2240 à 2242 du code civil ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-19603
Date de la décision : 13/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 jui. 2019, pourvoi n°18-19603


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19603
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