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19/06/2019 | FRANCE | N°18-13904

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2019, 18-13904


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2018), que M. K... a été engagé le 1er mai 1990 par la société Avenir, aux droits de laquelle vient la société JC Decaux France ; qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur produit et gestion de l'offre ; qu'après avoir démissionné de ses fonctions le 2 juillet 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour voir déclarer nulle la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail et obtenir paiement de diverses sommes consé

cutives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ;

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2018), que M. K... a été engagé le 1er mai 1990 par la société Avenir, aux droits de laquelle vient la société JC Decaux France ; qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur produit et gestion de l'offre ; qu'après avoir démissionné de ses fonctions le 2 juillet 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour voir déclarer nulle la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail et obtenir paiement de diverses sommes consécutives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger nulle la clause de non-concurrence et de le condamner à payer au salarié une somme de ce chef, et de le débouter de sa demande de condamnation du salarié à lui payer le montant prévu par la clause pénale alors, selon le moyen :

1°/ que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié qu'il lui appartient d'établir dans son principe et dans son montant ; qu'en affirmant que le conseil de prud'hommes avait fait une juste appréciation de la cause en condamnant la société à verser 50 000 euros du chef de la clause de non-concurrence, quand les premiers juges s'étaient bornés à relever que la simple stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié même si celui-ci n'a pas respecté ladite clause, la cour d'appel, qui a ainsi dispensé le salarié de rapporter la preuve de son préjudice, a violé les articles 1147 du code civil et L. 1121-1 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'à tout le moins, les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont bornés à affirmer que la somme de 50 000 euros constituait une juste appréciation de la cause, dès lors que le salarié avait nécessairement subi un préjudice de fait de la stipulation d'une clause de non-concurrence nulle, même s'il ne l'avait pas respectée ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond, qui n'ont à aucun moment visé le moindre élément fondant leur décision d'allouer une somme de 50 000 euros de dommages-intérêts à M. K..., bien qu'il n'ait jamais respecté la clause de non-concurrence litigieuse après avoir lui-même pris l'initiative de rompre son contrat de travail, ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a souverainement apprécié le montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel a justifié l'existence du préjudice résultant du non respect par l'employeur de la procédure, par l'évaluation souveraine qu'elle en a faite ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société JC Decaux France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait jugé nulle la clause de non-concurrence et condamné la société JC Decaux à payer à M. K... la somme de 50 000 euros de ce chef, outre une somme par application de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à sa charge, et d'AVOIR débouté la société JC Decaux de sa demande de condamnation de M. K... à payer le montant prévu par la clause pénale ;

AUX MOTIFS QU'« A l'appui de son appel, la société fait notamment valoir que la clause de non-concurrence doit : • tenir compte des spécificités de l'emploi occupé par le salarié ; • être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ; • prévoir une contrepartie financière raisonnable ; • être limitée dans le temps et dans l'espace. Selon la société, la clause en question est donc "parfaitement licite" (en gras dans l'original des conclusions), puisque : • M. K... a accepté sans réserves cinq avenants à son contrat de travail portant sur sa clause de non-concurrence ; celle-ci tient compte de son expérience professionnelle et de sa possibilité de trouver un emploi correspondant à son emploi et à son expérience, étant souligné que la branche d'activité à laquelle appartient JC Decaux est très confidentielle tandis que M. K... a développé des compétences générales et, comme le montre l'analyse d'un expert mandaté par la société à cet effet, il dispose d'une bonne employabilité ; • M. K... a eu accès à des données "extrêmement confidentielles" (en gras et souligné dans les conclusions), tant stratégiques, économiques et financières que commerciales et entretenait des liens privilégiés avec la clientèle de la société ; • la contrepartie financière ne doit pas nécessairement inclure la rémunération variable mais, en tout état de cause, à supposer même que ce doive être le cas, le montant mensuel de 2395 euros retenu correspondrait à 21,3 de la rémunération totale de M. K..., ce qui correspond à six mois de salaire brut de base sur la durée d'application, "ce qui est loin d'être négligeable" (en gras dans les conclusions) ; • la clause est limitée à 24 mois et à la France, champ géographique qui correspond au secteur d'activité qui était celui de M. K.... La société JC Decaux conclut que M. K... n'a pas respecté une clause licite et doit restituer les dommages-intérêts que lui alloués à tort le conseil de prud'hommes, soit la somme de 50 000 euros et de sous astreinte de 200 euros par joute de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours de la notification de l'arrêt (du "jugement", dans les conclusions) à intervenir. M. K... doit en outre être condamné en application de la clause prévue, soit à payer la somme de 115 000 euros. De plus, la société souligne que, huit jours avant sa démission, M. K... a effectué la copie d'un grand nombre de documents et produit un constat d'huissier à cet égard. La société était donc fondée à considérer que M. K... avait violé de façon flagrante ses engagements contractuels, et à mettre fin au préavis de façon anticipée (la société observe que la procédure pénale est toujours pendante). Enfin, pour la première fois devant la cour et après cinq années de procédure, souligne la société, M. K... sollicite le paiement d'une rémunération variable, alors que cette rémunération est conditionnée à l'atteinte d'objectifs, à périodicité annuelle, alors qu'il ne peut y prétendre n'ayant été présent que la moitié de l'année. M. D... K... soutient en particulier, pour sa part, s'agissant de la clause de non-concurrence, que l'interdiction qui lui était faite, pendant deux ans, d'exercer toute activité professionnelle dans une société (située en France ou à l'étranger) dont l'activité principale a trait, "sous une forme quelconque" (en gras dans l'original des conclusions) au mobilier urbain et/ou à l'affichage publicitaire, sur l'ensemble du territoire français, constituait une entrave illicite à sa liberté de travail. De plus, le montant de la contrepartie financière était insuffisant, en lui-même (19 % de la rémunération totale) qu'au regard de la clause pénale. M. K... ajoute que, depuis l'arrêt de la cour de céans, autrement composée, du 11 février 2014, qui a jugé que la part de 25 % prévue par la clause était manifestement dérisoire, la société a modifié ses clauses de non-concurrence pour les limiter à une durée d'un an et prévoir une contrepartie de 33 % du "salaire brut", en ce compris le "salaire variable", la clause pénale étant limité à trois fois le dernier salaire perçu. S'agissant du préavis, M. K... sollicite aussi bien le rappel d'indemnité de préavis (19 166 euros) pour la partie non exécutée que la confirmation du jugement entrepris s'agissant des dommages-intérêts prononcés pour non-respect de la procédure disciplinaire.
Sur la clause de non-concurrence
Les principes devant gouverner l'appréciation de la validité d'une clause de non-concurrence sont bien ceux que la société a rappelés. Mais les conclusions qu'elle en tire sont, dans le cas d'espèce, erronées. En effet, si M. K... a accompli au sein de la société Avenir puis de la société JC Decaux une carrière qui, en 22 ans, l'a conduit dans les hauts niveaux de la hiérarchie de l'entreprise, ce qui lui a procuré une expertise qu'il pouvait, certes, utiliser dans d'autres domaines que celui de l'affichage publicitaire, il demeure que la limitation, légitime, des atteintes de la concurrence dont la société Decaux entend se prémunir doit s'apprécier au regard de ce domaine très particulier d'activité et de l'expérience professionnelle de M. K..., qui était entièrement dans ce domaine. En d'autres termes, il convient de vérifier si, telle qu'elle était conçue, la clause de non-concurrence permettait de respecter les équilibres en présence. La réponse est négative. La seule comparaison de la clause pénale au regard du montant de l'indemnisation de la clause de non-concurrence l'illustre : un an de salaire dans le premier cas, contre, au mieux (en prenant les chiffres de la société) 4,3 mois salaire dans le second. La clause de non-concurrence s'étend à l'ensemble du territoire national, avec cette précision que l'interdiction concerne non seulement les entreprises françaises mais également les entreprises étrangères. Si le haut niveau de responsabilités atteint par M. K... peut lui permettre d'exercer ses compétences, le cas échéant dans d'autres domaines, encore n'a-t-il jamais travaillé que dans le même domaine, qui est un secteur d'activité très spécialisé sur lequel n'interviennent que très peu (deux ou trois) opérateurs. De plus, si la société JC Decaux peut être appréciée de l'extérieur, qu'il s'agisse de ses clients potentiels, de ses fournisseurs ou même d'universités, comme l'indique l'expert choisi par la société, il demeure que le "coeur de métier" de M. K... le rendait difficilement "exportable", sauf, évidemment, chez un concurrent direct. Dès lors que la clause de non-concurrence avait une longue durée - deux ans -, il appartenait à la société JC Decaux de prendre en compte les chances, par définition limitées, de M. K... de retrouver un emploi de même niveau lui procurant une rémunération équivalente. Dans cette perspective, outre l'ambiguïté de la rédaction de la clause, la fixation d'"une contrepartie financière annuelle égale à 25 % (du) salaire fixe annuel brut, versée pendant deux ans, chaque mois, soit en d'autres termes, une contrepartie financière égale à 50 % (du) salaire fixe annuel brut en 24 mensualités" est inadaptée. La cour de céans rejoint ainsi l'opinion exprimée par la cour, autrement composée, dans l'arrêt du 11 février 2014, qui a estimé que la contrepartie financière à la clause de non-concurrence était "dérisoire".
La cour considère, par ailleurs, que le conseil de prud'hommes a fait, au vu des circonstances de l'espèce, une juste appréciation de la cause en condamnant la société à payer à M. K..., du chef de la clause de non-concurrence, une somme de 50 000 euros » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Des points fondamentaux doivent transparaître dans la rédaction de la clause de non-concurrence, le salarié ne doit pas être soumis à une impossibilité absolue d'exercer une activité professionnelle conforme à ses aptitudes, connaissance et formation professionnelle. De ce fait des conditions cumulatives doivent être respectées. Les clauses de non-concurrence ne sont licites que si elles : Sont indispensables à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, sont limitées dans le temps, sont limitées dans l'espace, tiennent et compte des spécificités de l'emploi du salarié concerné, comportent l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. En outre, même si elle remplit ces conditions, une clause de non-concurrence ne peut être regardée comme licite que si elle « n'a pas pour effet de créer pour le salarié une impossibilité de retrouver une activité conforme à sa formation et ses compétences » (cass. soc. 1997, n° 95-43672) ; M. D... K... affirme que la clause de non-concurrence prévue à son contrat de travail était manifestement illicite au regard des critères susvisés dès lors qu'elle : constituait une entrave à sa liberté de travail, contenait une contrepartie financière dérisoire.
Sur l'entrave à la liberté de travail
La clause comportait une interdiction d'exercer pendant 2 ans sur l'ensemble du territoire français toute activité similaire à celle qu'exerçait M. D... K... pour le compte de la société JC Decaux, pour une société située en France ou à l'étranger dès lors qu'elle serait à même de concurrencer la société JC Decaux sur le territoire français. Pour M. D... K..., ce critère constituait une entrave illégale à sa liberté de travail et rendait illicite cette clause de non-concurrence. M. D... K... est entré au service de la société Avenir en 1990 à l'âge de 25 ans, il a démissionné en juillet 2012 à l'âge de 47 ans. Il a travaillé au sein de la société durant 22 ans et a acquis son unique expérience professionnelle au sein d'une société ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de panneaux d'affichage publicitaire ; Pour M. D... K... les termes de la clause de non-concurrence, en l'occurrence, l'interdiction qui lui était faite, pendant deux ans, d'exercer toute activité professionnelle dans une société (située en France et à l'étranger) ayant pour principale activité le mobilier urbain et/ou l'affichage publicitaire sur l'ensemble du territoire français constituait une entrave illicite à sa liberté de travail ; pour la société JC Decaux, la limitation dans le temps était justifiée par le fait que l'entrave à la liberté de travail de M. D... K... était temporaire, La jurisprudence admettant parfaitement qu'une durée de deux ans soit raisonnable et qu'en pratique cette durée est souvent retenue en référence à de nombreuses conventions collectives ; quant à la limitation dans l'espace, la société JC Decaux affirme qu'une clause de non-concurrence ayant un champ d'application imprécis ou trop étendu n'est pas pour autant illicite ; Pour le Conseil, en ce qui concerne la condition de limitation dans l'espace, pour être valable une clause de non-concurrence doit être, en principe limitée de façon précise dans l'espace ; Pour le Conseil, M. D... K... a acquis son unique expérience professionnelle au sein de la société JC Decaux depuis 22 ans dans une branche d'activité très spécialisée dont 3 sociétés se partagent le marché. Étant donné son niveau de responsabilité, les conditions de limitation dans l'espace et le temps de la clause de non-concurrence lui interdisaient toute possibilité de retrouver une activité conforme à son expérience, ses compétences. Aussi l'interdiction de travailler pour une société concurrente sur tout le territoire national avait pour effet de limiter fortement sa liberté de retrouver un emploi.
Sur la contrepartie financière dérisoire
Selon la jurisprudence, il est constant qu'une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière est illicite, sont également illicites les clauses de non-concurrence contenant une contrepartie financière dérisoire. Il est de jurisprudence constante qu'une clause de non-concurrence est illicite dès lors que la contrepartie financière octroyée au salarié est dérisoire au regard des pénalités prévues en cas de non-respect par le salarié de son obligation de non-concurrence ; pour M. D... K..., la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail contenait une contrepartie financière à hauteur de 25 % et cette somme représentait en réalité 19 % de sa rémunération brute, variable incluse, sur la base de sa rémunération totale annuelle perçue ; ainsi, si cette clause avait été respectée, il lui aurait été versé au total, l'équivalant de 3,7 mois de salaire alors que cette clause lui interdisait d'exercer une activité susceptible de concurrencer la société JC Decaux et ce sur l'ensemble du territoire national, pendant une période de 24 mois ; Par contre la clause de non-concurrence fixait à un an de salaire la pénalité dont devait s'acquitter M. D... K... en cas de violation de l'obligation de non-concurrence que lui opposait la société JC Decaux ; Pour la société Decaux, l'appréciation du caractère dérisoire ou non relève du pouvoir souverain des juges du fond. Cette contrepartie doit s'apprécier au cas par cas, au regard de la clause dans son ensemble et ce, en relation avec les limitations spatiales, temporelles et la nature de l'activité ; Pour, le conseil, aucune disposition légale ne fixe le montant de la contrepartie financière versée au salarié. La base de calcul de l'indemnité est librement fixée par les parties. Mais si c'est le salaire brut qui sert de base de calcul, comme c'était le cas pour la clause de non-concurrence du demandeur, la contrepartie aurait dû être proche de sa rémunération mensuelle brute. Le conseil juge la contrepartie financière de la clause de non-concurrence dérisoire.
Il est de jurisprudence constante que la simple stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié (cass. soc. 12 janvier 2011, n° 08-45280 ; cass. soc. 10 mai 2012 n °09-72348) qu'il convient de réparer quand bien même le salarié n'aurait pas respecté ladite clause (cass. soc. 20 novembre 2013, n° 12-16049) ;

1) ALORS QUE la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié qu'il lui appartient d'établir dans son principe et dans son montant ; qu'en affirmant que le conseil de prud'hommes avait fait une juste appréciation de la cause en condamnant la société à verser 50 000 euros du chef de la clause de non-concurrence, quand les premiers juges s'étaient bornés à relever que la simple stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié même si celui-ci n'a pas respecté ladite clause, la cour d'appel, qui a ainsi dispensé le salarié de rapporter la preuve de son préjudice, a violé les articles l'article 1147 du code civil et L. 1121-1 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

2) ALORS à tout le moins QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont bornés à affirmer que la somme de 50 000 euros constituait une juste appréciation de la cause, dès lors que le salarié avait nécessairement subi un préjudice de fait de la stipulation d'une clause de non-concurrence nulle, même s'il ne l'avait pas respectée ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond, qui n'ont à aucun moment visé le moindre élément fondant leur décision d'allouer une somme de 50 000 euros de dommages et intérêts à M. K..., bien qu'il n'ait jamais respecté la clause de non-concurrence litigieuse après avoir lui-même pris l'initiative de rompre son contrat de travail, ont violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qui concerne le principe du non-respect par la société JC Decaux SAS de la procédure disciplinaire et d'AVOIR condamné la société JC Decaux à payer à M. K... la somme de 1500 euros au titre du non-respect de la procédure disciplinaire et d'avoir en conséquence condamné M. K... à rembourser à la société JC Decaux la somme de 9583 euros qu'il a perçue à ce titre,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le non-respect de la procédure de rupture du préavis, M. K... considère que la rupture pour faute grave d'un préavis nécessite l'engagement d'une procédure disciplinaire, ce que la Société n'a pas fait et ce qui lui cause nécessairement un préjudice. Il sollicite en conséquence la confirmation de la décision du conseil de prud'hommes, qui lui a alloué la somme de 9583 euros en réparation. La société JC Decaux considère, semble-t-il, que la procédure disciplinaire ne s'applique pas pendant la période de préavis. Si les conséquences de la faute grave diffèrent, lorsqu'elle est invoquée durant le préavis, de ce qu'elles seraient si elle avait été invoquée pendant le temps du déroulement ordinaire du contrat de travail, il demeure que l'employeur ne peut l'invoquer sans respecter la procédure disciplinaire. Il est constant que, en l'espèce, la Société n'a respecté aucune forme de procédure disciplinaire. Ce faisant, elle a commis une faute, qui mérite réparation. Mais M. K... ne démontre en aucune manière en quoi cette faute lui a causé un préjudice particulier. Seule une réparation de principe doit être accordée. La cour, infirmant la décision du conseil de prud'hommes sur ce point, allouera à M. K... une somme de 1500 euros de ce chef et M. K... sera condamné à rembourser à la Société la somme fixée par le conseil de prud'hommes » ;

ET AUX MOTIFS (éventuellement) ADOPTÉS QUE « sur le non-respect de la procédure de rupture du préavis Art L.1332-2 et L.1333-2 du code du travail, la rupture pour faute grave d'un préavis nécessite de la part de l'employeur l'engagement d'une procédure disciplinaire - "Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié
" ; Monsieur D... K... a été informé par courrier en date du 27 juillet 2012, par la société JC Decaux qu'elle avait décidé d'écourter son préavis, sans même avoir été convoqué à un entretien préalable pour recueillir ses explications ; en ne convoquant pas Monsieur D... K... à l'entretien préalable prévu en matière disciplinaire, la société JC Decaux a causé un préjudice à son salarié ;

ALORS QUE le non-respect de la procédure de rupture du préavis pour faute grave ne cause pas nécessairement un préjudice ; qu'en affirmant qu'en ne respectant pas la procédure disciplinaire, l'employeur avait commis une faute qui méritait une réparation « de principe » bien que « le salarié ne démontrait en aucune matière en quoi cette faute lui a causé un préjudice particulier », la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L.1332-2 et L.1333-2 du code du travail. Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. K....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR décidé que M. K... a commis une faute grave justifiant qu'il soit mis fin à l'exécution de son préavis et condamné ce dernier à restituer à la société JC Decaux France la somme totale de 21 082,60 euros au titre de la partie du préavis non exécuté ;

AUX MOTIFS QUE « par courrier en date du 27 juillet 2012, la société JC Decaux a mis fin au préavis de M. K.... A l'appui de son appel, la société fait valoir qu'elle a découvert que, dans les jours précédents sa démission, M. K... aurait procédé à un transfert de fichier depuis son ordinateur professionnel vers un disque dur externe personnel. En réplique, M. K... soutient qu'à cette époque, il travaillait encore au sein de la société JC Decaux et "pouvait avoir besoin d'emporter des documents sur un disque dur externe pour travailler". M. K... sollicite à ce titre la somme de 19 166 euros. La cour doit relever que, ce faisant, M. K... ne conteste aucunement avoir copie sur un disque dur externe des documents et ce, à la veille de sa démission. Il résulte du constat d'huissier diligenté par la Société que l'un des fichiers, au moins, que M. K... a copié correspond à un contrat du 16 juin 2005 entre la société d'exploitation du Parc des expositions de la porte de Versailles et la Société, portant concession de supports publicitaires, avec ses annexes, détaillées. Il n'était pas le signataire de ce contrat (c'est le directeur ‘Produits' de l'époque qui l'avait signé). La cour note que, pour obtenir ces documents sous forme informatisée, M. K... a tout d'abord dû les scanner. En outre, M. K... ne démontre en aucune manière, il ne l'invoque même pas, en quoi ce document, en particulier (dont la cour note, entre autres, qu'il est un contrat d'exclusivité et envisage l'hypothèse d'une poursuite de la relation contractuelle dans l'hypothèse où Paris serait ville olympique en 2012), aurait pu lui servir dans l'exercice des tâches qu'il devait, ou pouvait, accomplir pour la société JC Decaux. Il doit être souligné que la cour ne suggère en aucune manière que, ce faisant, M. K... aurait volé ces documents, le ‘vol', supposant une intention frauduleuse qu'il n'appartient pas à la cour de céans d'apprécier, une procédure pénale étant en cours sur ce point. Mais le fait, pour M. K..., de copier sur un disque dur externe, entre le 26 et le 28 juin 2012, à la veille de sa démission, donnée le 2 juillet 2012, sans justification aucune au regard des obligations qui étaient les siennes à l'égard de son employeur, des documents dont la nature confidentielle est patente, constitue une faute grave que l'employeur était fondée à réprimer par la rupture du préavis, sans que l'intéressé puisse prétendre au paiement du solde du préavis pour la partie qu'il n'allait pas effectuer. Cette faute est d'autant plus grave que M. K... la commet alors qu'il s'apprête à aller travailler pour un concurrent. C'est à tort que le conseil de prud'hommes a considéré que la rupture du préavis n'était pas justifiée et a décidé par conséquent que la Société devait payer à M. K... le solde de son préavis, soit la somme de 19 166 euros, en outre les congés payés y afférents. Compte tenu de la faute grave commise par M. K..., aucune somme ne lui est due à ce titre et la cour infirmera le jugement entrepris sur ce point. M. K... sera condamné à rembourser à la Société la somme totale de 21 082,60 euros au titre du préavis non exécuté ».

1. ALORS QU'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que le juge méconnaît l'objet du litige en dénaturant les conclusions des parties ; que pour retenir que M. K... a commis une faute grave justifiant la rupture anticipée du préavis, la cour d'appel a considéré que ce dernier « ne conteste aucunement avoir copié sur un disque dur externe des documents à la veille de sa démission » (page 8 de l'arrêt) ; qu'en se déterminant ainsi alors que dans ses conclusions, le salarié contestait le grief reproché en affirmant que « la société JC Decaux a soudainement mis fin au préavis de M. D... K... en arguant d'une faute grave de ce dernier, constituée par une prétendue appropriation de documents et données commerciales confidentiels » et « qu'à les supposer exacts », les faits reprochés n'étaient pas fautifs (pages 24 et 25 des conclusions), la cour d'appel a dénaturé les conclusions des parties et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2. ET ALORS, à titre subsidiaire, QUE le fait pour un directeur produit et gestion de l'offre, encore en fonction, tenu à une obligation de confidentialité, de copier sur un disque dur personnel un document professionnel, fut-il confidentiel et exclusif, n'est pas constitutif d'une faute grave, qu'à supposer même que ce fait soit non contesté et établi, il ne constituait pas une faute grave ; qu'en décidant le contraire, aux motifs inopérants que ces faits ont été commis à la veille de la démission du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction en vigueur.

3. ET ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges du fond qui doivent caractériser la faute grave doivent tenir compte de l'ancienneté, de l'absence de sanction disciplinaire et du contexte dans lequel les faits sont reprochés ; que la cour d'appel s'est déterminée sans tenir compte de l'ancienneté du salarié, de l'absence de sanction disciplinaire antérieure et du contexte dans lequel est intervenue la rupture anticipée du préavis, la société JC Decaux France multipliant les contentieux à l'encontre du salarié n'ayant abouti à aucune condamnation, la cour d'appel de Versailles jugeant même dans un arrêt du 26 juin 2018 que la société JC Decaux France « peinait à démontrer le trouble commercial dont elle se prétend victime » et ne justifiait pas que « les informations sensibles que D... K... aurait emportées en la quittant, aient bénéficié à la société Exterion Média France, la perte du marché de la ville de Paris deux ans après son départ ne pouvant être regardée comme étant la seule conséquence directe du départ de ce salarié et de son embauche par une société concurrente »; que la cour d'appel qui n'a pas procédé à ces vérifications indispensables, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction en vigueur.

4. ALORS, à titre infiniment subsidiaire, QUE lorsque l'exécution du préavis est interrompue par l'employeur, le salarié ne peut pas être débiteur d'une indemnité de préavis, fut-ce en raison de la faute commise ; que seuls des dommages et intérêts peuvent être alloués à l'employeur en réparation de la faute commise ; qu'en condamnant M. K... à restituer à la société JC Decaux France la somme totale de 21 082,60 euros au titre de la partie du préavis non exécuté, la cour d'appel a violé l'article L.1234-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-13904
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2019, pourvoi n°18-13904


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
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