La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2019 | FRANCE | N°18-12645

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2019, 18-12645


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 décembre 2017), que M. I... a été engagé par l'association ADAPEI en qualité de moniteur d'atelier 2ème classe selon contrat à durée indéterminée du 30 mars 2010 ; qu'il a été désigné en qualité de représentant de section syndicale de 2010 à 2014 puis, à compter d'avril 2014, en qualité de délégué syndical, délégué du personnel titulaire, membre suppléant du comité d'entreprise et membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions

de travail ; qu'il a remplacé un collègue moniteur d'atelier 1ère classe à compter du 6...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 décembre 2017), que M. I... a été engagé par l'association ADAPEI en qualité de moniteur d'atelier 2ème classe selon contrat à durée indéterminée du 30 mars 2010 ; qu'il a été désigné en qualité de représentant de section syndicale de 2010 à 2014 puis, à compter d'avril 2014, en qualité de délégué syndical, délégué du personnel titulaire, membre suppléant du comité d'entreprise et membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'il a remplacé un collègue moniteur d'atelier 1ère classe à compter du 6 janvier 2014 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 12 novembre 2014 d'une demande de reclassification et de rappel de salaire puis, en outre, d'une demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de dire que le salarié doit être classé moniteur d'atelier de 1ère classe au coefficient 503 à compter du 6 janvier 2014, bénéficier des progressions de coefficient prévues à la convention collective nationale annexe 10, de renvoyer les parties à calculer les rappels de salaire, d'indemnité de sujétion et de congés payés alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que le courrier de l'employeur du 30 octobre 2014 n'affirmait pas purement et simplement que « M. I... devait être promu à compter du 6 janvier 2014 comme moniteur d'atelier 1re classe parce qu'il avait remplacé M. U..., qui était classé à ce grade » comme l'affirme la cour d'appel ; que ce courrier précisait que cette promotion professionnelle « vous engage à suivre une formation pour obtention du diplôme d'Etat d'éducateur technique spécialisé ou du certificat pédagogique d'aptitude à la formation de moniteur d'atelier première classe délivré par l'AFPA. Afin de régulariser votre situation au regard des exigences de la convention collective il vous est demandé d'entrer en formation au plus tard dans les deux ans à venir » ; qu'il s'en évinçait clairement que la promotion était liée à l'engagement de M. I... à suivre la formation nécessaire à l'octroi de la classification de moniteur d'atelier 1re classe ; qu'en ignorant ces termes clairs et précis du courrier de l'employeur du 30 octobre 2014, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation du principe susvisé et l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

2°/ que l'article 40 de la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, que les parties s'accordaient à regarder comme applicable au litige, précisait qu'en cas de remplacement d'un salarié de niveau supérieur pendant plus de six mois, le salarié devait, soit être replacé dans son emploi antérieur, « soit être classé dans la nouvelle catégorie, sauf pour les emplois nécessitant obligatoirement des titres ou conditions de qualification professionnelle » ; que l'employeur faisait valoir que l'attribution du poste de moniteur 1re classe était subordonné, selon la convention collective (article 11 de l'annexe 10), à l'obtention du CAFATS ou du certificat pédagogique de l'AFPA et que dès lors que le salarié reconnaissait lui-même avoir échoué au concours d'entrée à la formation de moniteur 1re classe, il ne remplissait pas les conditions requises ; qu'en omettant cependant de rechercher, après avoir pourtant retenu qu'il y avait lieu d'appliquer les textes conventionnels dont les parties se prévalaient, si l'emploi de moniteur 1re catégorie n'était pas de ceux nécessitant obligatoirement des titres ou conditions de qualification professionnelle si bien que M. I... était mal fondé en ses demandes tirées de l'application de l'article 40 de la convention collective dès lors qu'il avait échoué à obtenir le diplôme requis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ensemble l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

Mais attendu que c'est par une interprétation exclusive de dénaturation rendue nécessaire par les différentes stipulations du courrier du 30 octobre 2014 que les juges du fond ont retenu que l'association avait décidé de reclasser le salarié comme moniteur d'atelier 1ère classe à compter du 6 janvier 2014, alors même qu'il ne remplissait pas les conditions de formation prévues par la convention collective ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du même pourvoi, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association ADAPEI de l'Orne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association ADAPEI de l'Orne à payer à M. I... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association ADAPEI de l'Orne

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que M. I... doit être classé moniteur d'atelier de 1re classe au coefficient 503 à compter du 6 janvier 2014, d'AVOIR dit que M. I... doit bénéficier des progressions de coefficient prévues à la convention collective nationale annexe 10, d'AVOIR renvoyé les parties à calculer les rappels de salaire, d'indemnité de sujétion et de congés payés en découlant et d'AVOIR condamné l'association ADAPEI de l'Orne aux dépens et à verser à M. I... une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la classification. Il est à noter que les deux parties se réfèrent à des articles de la convention collective nationale qui n'ont pas été étendus. Compte tenu de leur accord sur ce point, ces articles leur seront appliqués. L'association ADAPEI de l'Orne a reconnu, par courrier du 30 octobre 2014, que M. I... devait être promu à compter du 6 janvier 2014 comme moniteur d'atelier 1re classe parce qu'il avait remplacé M. U..., qui était classé à ce grade. Un avenant a été proposé à M. I... que celui-ci n'a pas signé. Si l'association ADAPEI de l'Orne a entendu formaliser cette promotion par un avenant, rien ne l'imposait puisque le contrat de travail n'était pas modifié, M. I... continuant à exercer les mêmes fonctions, comme cela résulte des définitions identiques des tâches incombant à un moniteur d'atelier qu'il soit de 1re ou de 2de classe ("responsable de l'encadrement des travailleurs handicapés dans les activités d'atelier. Il participe aux actions de soutien des personnes handicapées. Il est responsable de la production à réaliser, de ses délais et de son contrôle". (annexe 10 titre II bis)) Dès lors, l'association ADAPEI de l'Orne, qui ne justifie pas avoir prévenu M. I... des conséquences qu'elle entendait tirer d'un défaut de signature de cet avenant, ne pouvait valablement maintenir M. I... à son grade et coefficient précédents pour cette seule raison. M. I... est donc fondé à obtenir sa reclassification comme moniteur d'atelier 1re classe. Les conséquences salariales qu'il tire de cette reclassification sont toutefois inexactes. En effet, l'article 38 de la convention collective nationale prévoit que le classement dans un nouvel emploi est "prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent emploi". Au moment où cette promotion a été acceptée, en octobre 2014, M. I... était au coefficient 501. Puisqu'il n'existe pas, dans le barème applicable aux moniteurs de 1re classe, de coefficient 501, il doit bénéficier du coefficient immédiatement supérieur, c'est-à-dire le coefficient 503. Ce coefficient est rétroactivement applicable à compter du 6 janvier 2014. À compter du 6 janvier 2016, il aurait dû bénéficier du coefficient 537 et devra, dans les années suivantes, bénéficier du coefficient 570 au 6 janvier 2018, 581 au 6 janvier 2020... L'association ADAPEI de l'Orne devant ainsi suivre les progressions conventionnellement prévues avec possibilité d'accélérer ces progressions en application de l'article 39 de la convention qui permet de réduire le délai entre deux progressions quand ce délai est égal ou supérieur à 3 ans. Les parties seront renvoyées à calculer, sur cette base, les rappels de salaire et d'indemnités de sujétion spéciale dus. S'ajouteront aux rappels ainsi calculés les congés payés afférents (soit 10 % de la somme obtenue) » ;

1) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que le courrier de l'employeur du 30 octobre 2014 n'affirmait pas purement et simplement que « M. I... devait être promu à compter du 6 janvier 2014 comme moniteur d'atelier 1re classe parce qu'il avait remplacé M. U..., qui était classé à ce grade » comme l'affirme la cour d'appel (arrêt page 3, sur la classification, al. 2) ; que ce courrier précisait que cette promotion professionnelle « vous engage à suivre une formation pour obtention du Diplôme d'Etat d'Educateur Technique Spécialisé ou du certificat pédagogique d'aptitude à la formation de moniteur d'atelier première classe délivré par l'AFPA. Afin de régulariser votre situation au regard des exigences de la convention collective il vous est demandé d'entrer en formation au plus tard dans les deux ans à venir » ; qu'il s'en évinçait clairement que la promotion était liée à l'engagement de M. I... à suivre la formation nécessaire à l'octroi de la classification de moniteur d'atelier 1re classe ; qu'en ignorant ces termes clairs et précis du courrier de l'employeur du 30 octobre 2014, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation du principe susvisé et l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

2) ALORS QUE l'article 40 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, que les parties s'accordaient à regarder comme applicable au litige, précisait qu'en cas de remplacement d'un salarié de niveau supérieur pendant plus de six mois, le salarié devait, soit être replacé dans son emploi antérieur, « soit être classé dans la nouvelle catégorie, sauf pour les emplois nécessitant obligatoirement des titres ou conditions de qualification professionnelle » ; que l'employeur faisait valoir (conclusions page 8, quatre derniers paragraphes) que l'attribution du poste de moniteur 1re classe était subordonné, selon la convention collective (article 11 de l'annexe 10), à l'obtention du CAFATS ou du certificat pédagogique de l'AFPA et que dès lors que le salarié reconnaissait lui-même avoir échoué au concours d'entrée à la formation de moniteur 1re classe (conclusions d'appel adverses, page 7, § 4), il ne remplissait pas les conditions requises ; qu'en omettant cependant de rechercher, après avoir pourtant retenu qu'il y avait lieu d'appliquer les textes conventionnels dont les parties se prévalaient, si l'emploi de moniteur 1re catégorie n'était pas de ceux nécessitant obligatoirement des titres ou conditions de qualification professionnelle si bien que M. I... était mal fondé en ses demandes tirées de l'application de l'article 40 de la convention collective dès lors qu'il avait échoué à obtenir le diplôme requis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ensemble l'article 1134 devenu 1103 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné l'association ADAPEI de l'Orne aux dépens et à verser à M. I... 1 500 € de dommages et intérêts pour préjudice moral outre 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral. Il est constant que l'association ADAPEI de l'Orne a fait afficher dans l'établissement où travaille M. I... et dans tous ses établissements des extraits du jugement du conseil de prud'hommes comportant : le nom de M. I..., ses prétentions, la motivation du conseil de prud'hommes sur l'article 700 du code de procédure civile précisant que M. I... était débouté de sa demande à ce titre mais condamné à verser 500 € à l'association ADAPEI de l'Orne pour n'avoir pas "accepté de signer l'avenant correspondant à ses demandes" et comportant le dispositif du jugement le déboutant de toutes ses prétentions. Aucune mention ne spécifiait que ce jugement était frappé d'appel et n'était donc pas définitif. Cet affichage nominatif concernant un représentant syndical toujours employé dans la structure était de nature à le décrédibiliser auprès des autres salariés voire à le stigmatiser. Il a porté préjudice moral ce qui justifie qu'il soit alloué à M. I..., 1 500 € de dommages et intérêts » ;

ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel « oralement soutenues » (arrêt page 2 in fine) l'employeur contestait que les extraits du jugement affichés dans ses établissements comportaient le nom de M. I... ; qu'on peut lire en effet page 10, avant-dernier paragraphe de ses conclusions d'appel : « Monsieur I... n'explique pas en quoi l'affiche d'un extrait de la décision rendue par le conseil de prud'hommes rendue publiquement sans mention de son nom lui aurait causé un préjudice
» ; qu'en affirmant cependant qu'« Il est constant que l'association ADAPEI de l'Orne a fait afficher dans l'établissement où travaille M. I... et dans tous ses établissements des extraits du jugement du conseil de prud'hommes comportant : le nom de M. I...
» (arrêt page 5, sur la demande de dommages et intérêts, al. 1er), la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'employeur en violation de l'article 4 du code de procédure civile et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-12645
Date de la décision : 10/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 22 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2019, pourvoi n°18-12645


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12645
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award