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24/10/2019 | FRANCE | N°18-20466

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 octobre 2019, 18-20466


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juin 2018), que M... L... est décédée le [...] des suites d'un mésothéliome diagnostiqué le 4 février 2002, consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante et dont le caractère professionnel a été reconnu par son organisme de sécurité sociale ; que son petit-fils, M. Y..., mineur au moment du décès de M... L..., pour être né le [...], a demandé le 27 février 2017 au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (l

e FIVA) l'indemnisation de son préjudice moral ; que, le 7 avril 2017, le FIVA a rej...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juin 2018), que M... L... est décédée le [...] des suites d'un mésothéliome diagnostiqué le 4 février 2002, consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante et dont le caractère professionnel a été reconnu par son organisme de sécurité sociale ; que son petit-fils, M. Y..., mineur au moment du décès de M... L..., pour être né le [...], a demandé le 27 février 2017 au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) l'indemnisation de son préjudice moral ; que, le 7 avril 2017, le FIVA a rejeté la demande, considérée comme prescrite ; que M. Y... a alors saisi la cour d'appel de Poitiers ;

Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt de déclarer recevable, comme n'étant pas prescrite, la demande de M. Y..., et de lui allouer ainsi la somme de 3 300 euros au titre de son préjudice moral, alors, selon le moyen, que suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives et suspensives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives et suspensives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; que, pour décider que la prescription avait été suspendue pendant la minorité du demandeur, la cour d'appel a énoncé que, le délai de prescription applicable aux demandes d'indemnisation devant le Fonds ayant été porté à 10 ans par la loi du 20 décembre 2010, le législateur a manifestement voulu faciliter l'accès des victimes directes ou indirectes au dispositif indemnitaire offert par le Fonds et a aligné le délai de prescription quadriennal initial sur le délai de droit commun, de sorte que doivent s'appliquer les causes d'interruption et de suspension de la prescription de droit commun, étant précisé qu'il résulte de l'article 2235 du code civil que la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et l'article 2235 du code civil ;

Mais attendu qu'en introduisant, par la loi n° 2010-1954 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, aux termes duquel les droits à indemnisation des préjudices concernés se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, sauf exceptions qu'il énumère, et en décidant que ce délai de prescription s'applique immédiatement en tenant compte du délai écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical mentionné à l'article précité, mais que ceux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés l'avoir été à cette date, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, aucune demande de réparation du préjudice des victimes de l'amiante n'étant soumise à la prescription quadriennale que cette loi prévoit, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé ; qu'il en résulte que les causes de suspension et d'interruption de la prescription prévues par ladite loi ne sont pas applicables à ces demandes ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et a fait application de l'article 2235 du code civil pour décider que la demande d'indemnisation du préjudice moral n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré la demande de M. V... Y... recevable comme n'étant pas prescrite et de lui avoir ainsi alloué la somme de 3 300 euros au titre de son préjudice moral,

AUX MOTIFS QUE « sur la recevabilité de la demande, le FIVA oppose la prescription de l'action engagée par M. V... Y... ; que les parties s'accordent sur le point de départ de la prescription à savoir le 5 décembre 2006 ; que le délai de 10 ans a donc expiré le 5 décembre 2016, étant entendu que la demande de M. V... Y... a été introduite par courrier du 23 février 2017, reçu le 27 février2017 ; que M. V... Y... se prévaut du principe selon lequel la prescription ne pouvait pas courir contre lui du temps de sa minorité et que, compte tenu de la date de son accession à la majorité, il était toujours recevable à agir ; que le FIVA lui oppose un avis de la cour de cassation, une décision du tribunal des conflits et un arrêt du conseil constitutionnel ; qu'il résulte d'un avis de la cour de cassation en date du 18 janvier 2010 que le FIVA, en sa qualité d'établissement public national doté d'un comptable public relève de la prescription quadriennale instituée par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; que, par décision du 21 janvier 1985, le tribunal des conflits a jugé que quand bien même la dette d'une personne publique relèverait de la compétence des tribunaux judiciaires, cela ne faisait pas obstacle à la déchéance ou prescription quadriennale [des] créances sur les collectivités publiques ; que, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité au regard de l'article 16 de la déclaration de 1789 sur le droit au recours juridictionnel effectif, le conseil constitutionnel a validé l'article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 en indiquant notamment : -qu'il résulte des dispositions contestées qu'il appartenait au représentant légal du mineur d'agir pour préserver les droits de ce dernier, - que ces dispositions réservent le cas où le représentant légal est lui-même dans l'impossibilité d'agir ainsi que les hypothèses dans lesquelles il ignore légitimement l'existence de la créance ; que la cour observe cependant que le délai de prescription applicable aux demandes d'indemnisation devant le Fonds a été porté à 10 ans par la loi du 20 décembre 2010, introduisant le nouvel alinéa III bis à l'article 53 de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000 ; que le législateur a manifestement voulu faciliter l'accès des victimes directes ou indirectes au dispositif indemnitaire offert par le FIVA ; que, pour ce faire, il a aligné le délai de prescription quadriennal initial sur le délai de droit commun ; qu'à ce délai de droit commun doivent dès lors s'appliquer les causes d'interruption et de suspension de la prescription de droit commun ; qu'or, il résulte de l'article 2235 du code civil que la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés ; que V... Y... étant né le [...] , le délai de prescription n'a commencé à courir à son endroit qu'à la date du 8 janvier 2008 et a expiré le 8 janvier 2018 ; que la demande déposée le 23 février 2017 n'est donc pas prescrite ; qu'au fond, M. V... Y... sollicite la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement ; qu'il ne résulte pas des pièces produites que le préjudice d'accompagnement soit démontré ; que M. V... Y... se verra allouer la somme de 3 300 euros au titre de son préjudice moral » ;

ALORS QUE, suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives et suspensives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives et suspensives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; que, pour décider que la prescription avait été suspendue pendant la minorité du demandeur, la cour d'appel a énoncé que, le délai de prescription applicable aux demandes d'indemnisation devant le Fonds ayant été porté à 10 ans par la loi du 20 décembre 2010, le législateur a manifestement voulu faciliter l'accès des victimes directes ou indirectes au dispositif indemnitaire offert par le Fonds et a aligné le délai de prescription quadriennal initial sur le délai de droit commun, de sorte que doivent s'appliquer les causes d'interruption et de suspension de la prescription de droit commun, étant précisé qu'il résulte de l'article 2235 du code civil que la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et l'article 2235 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-20466
Date de la décision : 24/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 05 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 oct. 2019, pourvoi n°18-20466


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20466
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