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07/11/2019 | FRANCE | N°18-19764

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 novembre 2019, 18-19764


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que K... M... (la victime), salarié de 1976 à 2004 de la société Renault (l'employeur), est décédé le [...] ; que sa veuve a souscrit, le 18 octobre 2010, une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'un cancer du colon, affection non désignée dans un tableau de maladies professionnelles ; que suivant l'avis défavorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la cai

sse) a refusé de prendre en charge cette affection au titre de la légis...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que K... M... (la victime), salarié de 1976 à 2004 de la société Renault (l'employeur), est décédé le [...] ; que sa veuve a souscrit, le 18 octobre 2010, une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'un cancer du colon, affection non désignée dans un tableau de maladies professionnelles ; que suivant l'avis défavorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) a refusé de prendre en charge cette affection au titre de la législation professionnelle ; que Mme M... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le second moyen du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que la décision de refus de prise en charge est définitive à l'égard de l'employeur, alors, selon le moyen, que dès lors qu'il a été appelé dans l'instance, la reconnaissance ultérieure du caractère professionnel d'une maladie née du recours exercé par l'assuré contre le refus par la CPAM de prise en charge de sa maladie s'impose à l'employeur ; qu'en affirmant, après avoir reconnu le caractère professionnel de la maladie ayant provoqué le décès de l'assuré, que dans les rapports caisse/employeur, la décision initiale de refus de prise en charge était définitive quand il résultait de la décision que l'employeur avait été appelé dans la cause, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que, dès lors qu'elle a été notifiée à l'employeur, dans les conditions prévues par l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la décision de refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle revêt un caractère définitif à son égard, de sorte que la mise en cause de ce dernier dans l'instance engagée contre la même décision par la victime ou ses ayants droit, est sans incidence sur les rapports entre l'organisme social et l'intéressé ;

Et attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la décision de refus de prise en charge prise par la caisse a été notifiée à l'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal et le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, qui sont similaires :

Vu l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 % ;

Attendu que pour faire droit au recours, l'arrêt retient essentiellement que la cour d'appel n'est pas liée par les avis défavorables des deux comités de reconnaissance des maladies professionnelles ; que l'origine multifactorielle de la maladie n'est pas non plus de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors que l'article L. 461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe ; qu'il est établi que le cancer colo-rectal dont est décédé la victime
a été directement causé par une exposition significative aux poussières d'amiante ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la maladie de la victime, non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, ne pouvait être reconnue d'origine professionnelle que s'il existait un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel de la victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la décision de refus de prise en charge du 21 novembre 2012 est définitive à l'égard de la société Renault, l'arrêt rendu le 24 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Condamne Mme M... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Renault, demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la maladie « cancer du colon » déclarée le 20 septembre 2010 et dont est décédé M. M... le [...] doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle et d'avoir débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

AUX MOTIFS QU' « à l'appui de son appel, Madame M... rappelle qu'au moment de la déclaration de maladie professionnelle, M. M... était décédé et qu'elle a donc agit en sa qualité d'ayant droit ; Sur le fond, elle soutient que la cour n'est pas tenu par l'avis du comité et fait valoir que plusieurs études médicales démontrent que l'amiante est un facteur pathogène des cancers digestifs. Elle expose qu'en l'espèce, l'exposition à l'amiante n'est pas contestée et que le lien est direct entre l'exposition et le cancer du colon. La Caisse expose que les deux avis de CRRMP sont concordants et que les éléments versés aux débats ne sont pas de nature à les remettre en cause. La Société soulève l'irrecevabilité du recours, de la demande nouvelle de saisine d'un 3ème CRRMP et subsidiairement, soutient que le lien entre l'exposition et le cancer du colon n'est pas établi. Sur ce, A titre liminaire, la cour constate que la déclaration de maladie professionnelle a bien été adressée après le décès de M. M... et que Mme M... avait bien la qualité d'ayant droit pour accomplir régulièrement les formalités inhérentes à cette déclaration. De même, la demande tenant à la saisine d'un 3ème CRRMP ne saurait être considérée comme une demande nouvelle irrecevable. En effet, dès lors que la reconnaissance éventuelle d'une maladie professionnelle est soumise à la saisine obligatoire d'un CRRMP, les juridictions du fond et d'appel ont la possibilité, s'ils estiment les premiers avis rendus insuffisants pour les éclairer sur le litige d'ordre médical ou contradictoires, de procéder à la saisine d'un 3ème CRRMP. Néanmoins, l'appelante sollicite la saisine d'un 3ème comité, au motif que l'avis du CRRMP de Paris n'a pas été signé par l'ensemble des membres le composant alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne l'avis émis par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles à la signature des trois médecins le composant. En conséquence, il y a lieu de considérer cet avis comme régulier. Sur le fond, il ressort des différentes pièces versées au dossier, que M. M... a été exposé pendant toute sa carrière professionnelle aux poussières d'amiante : - de 1976 à 1991: travaux de tuyauteur et de soudeur sur des installations calorifugées, - de1991 à 1995 : entretien du bâtiment, - à partir de 1995, il a été amené à intervenir sur les faux plafonds contenant de l'amiante. Le 30 novembre 1999, le comité d'hygiène et de sécurité indiquait, en ce qui concerne le site de production de l'île Seguin où travaillait M... : ' sur 150'000 m² de bâtiments démolis, 50'000 m² d'amiante ont été retrouvés : dans les dalles au sol, dans la colle dédale, dans les faux plafonds... les travailleurs ont été exposés à l'amiante chez Renault parfois pendant des dizaines d'années, en particulier ceux qui travaillaient à la centrale, aux fonderies, à l'entretien, à l'atelier de traitement thermique.' Son exposition importante aux poussières d'amiante pendant de longues années n'est pas contestée, ni par la Société, ni par la Caisse. Il est justifié d'autre part, qu'il ne présente pas d'antécédent familial connu de cancer colique et présentait un bon état général malgré un diabète non insulinodépendant. Les études scientifiques versées aux débats mettent en évidence un risque plus élevé et significatif de développer un cancer colo-rectal pour les personnes exposées à l'amiante. Aux termes de l'étude publiée par 'l'American Journal of epidemiology' en 2005, 'le risque de cancer du colon apparaît plus élevé chez les hommes exposés à l'amiante dans leur travail', ce risque pouvant être supérieur de 36 % à celui d'une population témoin et de '54 % pour les travailleurs chez qui on a détecté des plaques pleurales'. S'il n'est pas contestable, que les cancers recto-coliques sont d'origine multifactorielle, génétique et environnementale, les enquêtes épidémiologiques récentes ont mis en évidence une fréquence accrue de ces derniers et du larynx en cas d'exposition à l'amiante. L'étude parue dans 'l'European Journal of Cancer Prevention' en 2002, a aussi mis en évidence une augmentation de la fréquence des tumeurs recto-coliques chez les travailleurs exposés à l'amiante mais surtout a monté que celle-ci est directement liée à l'intensité de l'exposition plutôt qu'à sa durée. Les études expliquent que l'amiante inhalée est ensuite rejetée par les bronches vers le milieu digestif (épuration du milieu broncho-pulmonaire par l'ascenseur mucco-cilliaire). Les fibres d'amiante pénètrent alors dans la paroi du colon et sont étroitement liées au tissu tumorale à l'endroit du carcinome du colon chez les travailleurs exposés à l'amiante et atteint de carcinome du colon. M. M... est décédé des suites d'un adénocarcinome de la charnière recto sigmoïdienne et du haut rectum avec métastases hépatiques et pulmonaires. Le scanner thoracique avait aussi mis en évidence plusieurs nodules parenchymateux disséminés dans tous les lobes. Il résulte de l'enquête administrative de la caisse et des attestations versées que son exposition aux poussières d'amiante, notamment lorsqu'il était tuyauteur soudeur, a été massive alors qu'il découpait et manipulait des matériaux à base d'amiante sans protection individuelle et n'a cessé de travailler jusqu'en 1992 (fermeture du site de l'île Seguin), dans des locaux remplis d'amiante. La cour n'est pas liée par les avis défavorables des deux CRRMP et l'origine multi factorielle de la maladie n'est pas non plus de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors que l'article L. 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe. La cour constate, qu'il est en l'espèce établi que le cancer colo-rectal dont est décédé M. M... est d'origine professionnelle car directement causé par une exposition significative aux poussières d'amiante. Le jugement entrepris sera infirmé et la cour rappelle que dans les rapports caisse/employeur, la décision de refus de prise en charge est définitive » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la reconnaissance du caractère professionnel d'une pathologie ne figurant dans aucun tableau de maladie professionnelle, implique d'établir, en s'appuyant sur des éléments médicaux pertinents, l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre l'affection du salarié et son travail habituel ; qu'au cas présent, la société Renault exposait que le cancer du côlon dont Monsieur M... demandait la reconnaissance ne figurait dans aucun tableau, et qu'il incombait dès lors à ses ayants droit de faire la preuve que l'affection avait été directement et essentiellement causée par son travail habituel pour obtenir une reconnaissance au titre de la législation professionnelle ; que l'ensemble des données épidémiologiques soulignaient l'origine multifactorielle de ce cancer et l'incertitude scientifique sur l'aptitude de l'amiante à causer une telle pathologie, ce qui avait conduit les CRRMP d'Ile de France et de Normandie et le TASS des Hauts de Seine à considérer que l'existence d'un lien direct et essentiel entre la maladie et le travail habituel de la victime ne pouvait être établi ; qu'en jugeant, pour reconnaître néanmoins le caractère professionnel de l'affection que « la cour n'est pas liée par les avis défavorables des deux CRRMP et l'origine multi factorielle de la maladie n'est pas non plus de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors que l'article L. 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe », cependant que l'affection dont il était sollicité la reconnaissance ne figurait dans aucun tableau, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDAIREMENT, QUE la reconnaissance du caractère professionnel d'une pathologie ne figurant dans aucun tableau de maladie professionnelle, implique d'établir, en s'appuyant sur des éléments médicaux pertinents, l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre l'affection du salarié et son travail habituel ; que le facteur de risque professionnel doit donc revêtir un caractère déterminant dans l'apparition de l'affection pour emporter qualification en maladie professionnelle, et non avoir éventuellement contribué avec d'autres causes à l'apparition de la pathologie ; qu'au cas présent, la société Renault faisait valoir qu'il existait une incertitude scientifique sur la capacité de l'amiante à causer le cancer du côlon dont était décédé M. M... ; que les CRRMP d'Ile de France et de Normandie avaient tour à tour écarté le caractère professionnel de l'affection du salarié en retenant qu'aucune donnée épidémiologique ne permettait d'établir que l'amiante était matériellement apte à provoquer une telle maladie ; que pour reconnaître le caractère professionnel de la maladie, la cour d'appel s'est appuyée exclusivement sur deux études scientifiques dont il résultait, d'une part, que les cancers recto-coliques sont d'origine multifactorielle et, d'autre part, que l'exposition à l'amiante pouvait constituer un facteur aggravant ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien direct et essentiel entre la maladie et le travail habituel de la victime, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine en date du 28 novembre 2016, d'AVOIR dit que la maladie ‘cancer du côlon' dont M. K... M... est décédé le [...] devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle et d'AVOIR condamné la CPAM des Hauts de Seine à payer à Mme F... M... une indemnité d'un montant de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « à l'appui de son appel, Mme M... rappelle qu'au moment de la déclaration de maladie professionnelle, M. M... était décédé et qu'elle a donc agit en sa qualité d'ayant droit ; sur le fond, elle soutient que la cour n'est pas tenu par l'avis du comité et fait valoir que plusieurs études médicales démontrent que l'amiante est un facteur pathogène des cancers digestifs ; elle expose qu'en l'espèce, l'exposition à l'amiante n'est pas contestée et que le lien est direct entre l'exposition et le cancer du colon ; la Caisse expose que les deux avis de CRRMP sont concordants et que les éléments versés aux débats ne sont pas de nature à les remettre en cause ; la Société soulève l'irrecevabilité du recours, de la demande nouvelle de saisine d'un 3ème CRRMP et subsidiairement, soutient que le lien entre l'exposition et le cancer du colon n'est pas établi ; sur ce, à titre liminaire, la cour constate que la déclaration de maladie professionnelle a bien été adressée après le décès de M. M... et que Mme M... avait bien la qualité d'ayant droit pour accomplir régulièrement les formalités inhérentes à cette déclaration ; de même, la demande tenant à la saisine d'un 3ème CRRMP ne saurait être considérée comme une demande nouvelle irrecevable ; en effet, dès lors que la reconnaissance éventuelle d'une maladie professionnelle est soumise à la saisine obligatoire d'un CRRMP, les juridictions du fond et d'appel ont la possibilité, s'ils estiment les premiers avis rendus insuffisants pour les éclairer sur le litige d'ordre médical ou contradictoires, de procéder à la saisine d'un 3ème CRRMP ; néanmoins, l'appelante sollicite la saisine d'un 3ème comité, au motif que l'avis du CRRMP de Paris n'a pas été signé par l'ensemble des membres le composant alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne l'avis émis par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles à la signature des trois médecins le composant ; en conséquence, il y a lieu de considérer cet avis comme régulier ; sur le fond, il ressort des différentes pièces versées au dossier, que M. M... a été exposé pendant toute sa carrière professionnelle aux poussières d'amiante : - de 1976 à 1991: travaux de tuyauteur et de soudeur sur des installations calorifugées - de1991 à 1995 : entretien du bâtiment - à partir de 1995, il a été amené à intervenir sur les faux plafonds contenant de l'amiante ; le 30 novembre 1999, le comité d'hygiène et de sécurité indiquait, en ce qui concerne le site de production de l'île Seguin où travaillait M. M... : 'sur 150'000 m² de bâtiments démolis, 50'000 m² d'amiante ont été retrouvés : dans les dalles au sol, dans la colle dédale, dans les faux plafonds... les travailleurs ont été exposés à l'amiante chez Renault parfois pendant des dizaines d'années, en particulier ceux qui travaillaient à la centrale, aux fonderies, à l'entretien, à l'atelier de traitement thermique.' son exposition importante aux poussières d'amiante pendant de longues années n'est pas contestée, ni par la Société, ni par la Caisse ; il est justifié d'autre part, qu'il ne présente pas d'antécédent familial connu de cancer colique et présentait un bon état général malgré un diabète non insulinodépendant ; les études scientifiques versées aux débats mettent en évidence un risque plus élevé et significatif de développer un cancer colo-rectal pour les personnes exposées à l'amiante ; aux termes de l'étude publiée par 'l'American Journal of epidemiology' en 2005, 'le risque de cancer du colon apparaît plus élevé chez les hommes exposés à l'amiante dans leur travail', ce risque pouvant être supérieur de 36 % à celui d'une population témoin et de '54 % pour les travailleurs chez qui on a détecté des plaques pleurales' ; s'il n'est pas contestable, que les cancers recto-coliques sont d'origine multifactorielle, génétique et environnementale, les enquêtes épidémiologiques récentes ont mis en évidence une fréquence accrue de ces derniers et du larynx en cas d'exposition à l'amiante ; l'étude parue dans 'l'European Journal of Cancer Prevention' en 2002, a aussi mis en évidence une augmentation de la fréquence des tumeurs recto-coliques chez les travailleurs exposés à l'amiante mais surtout a monté que celle-ci est directement liée à l'intensité de l'exposition plutôt qu'à sa durée ; les études expliquent que l'amiante inhalée est ensuite rejetée par les bronches vers le milieu digestif (épuration du milieu broncho-pulmonaire par l'ascenseur mucco-cilliaire) ; les fibres d'amiante pénètrent alors dans la paroi du colon et sont étroitement liées au tissu tumorale à l'endroit du carcinome du colon chez les travailleurs exposés à l'amiante et atteint de carcinome du colon ; M. M... est décédé des suites d'un adénocarcinome de la charnière recto sigmoïdienne et du haut rectum avec métastases hépatiques et pulmonaires ; le scanner thoracique avait aussi mis en évidence plusieurs nodules parenchymateux disséminés dans tous les lobes ; il résulte de l'enquête administrative de la caisse et des attestations versées que son exposition aux poussières d'amiante, notamment lorsqu'il était tuyauteur soudeur, a été massive alors qu'il découpait et manipulait des matériaux à base d'amiante sans protection individuelle et n'a cessé de travailler jusqu'en 1992 (fermeture du site de l'île Seguin), dans des locaux remplis d'amiante ; la cour n'est pas liée par les avis défavorables des deux CRRMP et l'origine multi factorielle de la maladie n'est pas non plus de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors que l'article L. 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe ; la cour constate, qu'il est en l'espèce établi que le cancer colo-rectal dont est décédé M. M... est d'origine professionnelle car directement causé par une exposition significative aux poussières d'amiante ; le jugement entrepris sera infirmé et la cour rappelle que dans les rapports caisse/employeur, la décision de refus de prise en charge est définitive ; il y a lieu de condamner la caisse primaire d'assurance maladie à payer à Mme M... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; »

1. ALORS QUE la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie non désignée dans un tableau de maladie professionnelle suppose d'établir que cette pathologie est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime ; que ces deux conditions sont cumulatives de sorte qu'à défaut de l'une d'entre elles, la preuve de l'existence d'un tel lien de causalité entre la maladie et le travail habituel de la victime ne peut être rapportée ; qu'en l'espèce, il était constant que la pathologie qui avait entrainé le décès de M. M... , en l'occurrence un cancer du côlon, ne figurait pas dans les tableaux des affections provoquées par une exposition à l'amiante ; qu'en se bornant, pour juger que le cancer colorectal dont était décédé l'assuré était d'origine professionnelle, à relever que cette pathologie avait été directement causée par une exposition aux poussières l'amiante subie à l'occasion de son travail, la cour d'appel a violé l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale ;

2. ALORS en tout état de cause QUE pour obtenir la reconnaissance du caractère professionnel d'une pathologie ne figurant dans aucun tableau de maladie professionnelle un lien de causalité direct et essentiel entre l'affection du salarié et son travail habituel doit être établi ; qu'un tel lien ne peut résulter que d'éléments scientifiques pertinents et vérifiables et non de simples hypothèses ou de l'absence de facteurs personnels pouvant expliquer la pathologie de l'assuré ; qu'en l'espèce, les avis des deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles qui avaient été rendus en 2012 et 2016 dans le cadre de la procédure s'accordaient pour affirmer que les données scientifiques « actuelles » ne permettaient pas de retenir un lien direct et essentiel entre l'exposition à l'amiante et le cancer du côlon ; qu'en retenant, pour reconnaitre le caractère professionnel de la maladie de l'assuré d'une part que des études scientifiques datées respectivement de 2002 et de 2005 faisaient état d'une « fréquence accrue » du cancer de colon en cas d'exposition à l'amiante tout en rappelant l'« origine multifactorielle » de cette maladie, d'autre part que M. M... ne présentait pas d'antécédent familial connu de cancer colique et présentait un bon état général malgré un diabète non insulinodépendant, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien direct et essentiel entre la maladie et le travail habituel de la victime et violé l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale ;

3. ALORS subsidiairement QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, aucune des parties ne soutenait que la situation de M. M... relevait de l'alinéa 3 de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale ; que dans ses conclusions oralement soutenues à la barre la caisse faisait expressément référence à l'exigence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail de la victime posée par l'alinéa 4 lorsque la pathologie n'est pas désignée par un tableau de maladie professionnelle (conclusions p.2§2) ; que, de la même façon, l'employeur expliquait que le cancer du côlon ne figurait pas aux tableaux 30 et 30 bis qui visent les affections provoquées par l'amiante (conclusions p.3§6) ; qu'enfin Mme M... , pour sa part, n'avait jamais remis en cause l'analyse des CRRMP selon laquelle un lien direct et essentiel ne pouvait être établi entre la pathologie qui était à l'origine du décès de son mari et une exposition à l'amiante ; qu'à supposer que la cour d'appel, en relevant que L.461-1al.3 du code de la sécurité sociale n'exigeait pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe, ait entendu affirmer que la situation de l'assuré relevait de l'alinéa 3 des dispositions précités, elle aurait dans ce cas violé l'article 4 du code de procédure civile ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la décision de refus de prise en charge du 21 novembre 2012 était définitive à l'égard de la société Renault SAS et d'AVOIR condamné la CPAM des Hauts de Seine à payer à Mme F... M... une indemnité d'un montant de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « à l'appui de son appel, Mme M... rappelle qu'au moment de la déclaration de maladie professionnelle, M. M... était décédé et qu'elle a donc agit en sa qualité d'ayant droit ; sur le fond, elle soutient que la cour n'est pas tenu par l'avis du comité et fait valoir que plusieurs études médicales démontrent que l'amiante est un facteur pathogène des cancers digestifs ; elle expose qu'en l'espèce, l'exposition à l'amiante n'est pas contestée et que le lien est direct entre l'exposition et le cancer du colon ; la Caisse expose que les deux avis de CRRMP sont concordants et que les éléments versés aux débats ne sont pas de nature à les remettre en cause ; la Société soulève l'irrecevabilité du recours, de la demande nouvelle de saisine d'un 3ème CRRMP et subsidiairement, soutient que le lien entre l'exposition et le cancer du colon n'est pas établi ; sur ce, à titre liminaire, la cour constate que la déclaration de maladie professionnelle a bien été adressée après le décès de M. M... et que Mme M... avait bien la qualité d'ayant droit pour accomplir régulièrement les formalités inhérentes à cette déclaration ; de même, la demande tenant à la saisine d'un 3ème CRRMP ne saurait être considérée comme une demande nouvelle irrecevable ; en effet, dès lors que la reconnaissance éventuelle d'une maladie professionnelle est soumise à la saisine obligatoire d'un CRRMP, les juridictions du fond et d'appel ont la possibilité, s'ils estiment les premiers avis rendus insuffisants pour les éclairer sur le litige d'ordre médical ou contradictoires, de procéder à la saisine d'un 3ème CRRMP ; néanmoins, l'appelante sollicite la saisine d'un 3ème comité, au motif que l'avis du CRRMP de Paris n'a pas été signé par l'ensemble des membres le composant alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne l'avis émis par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles à la signature des trois médecins le composant ; en conséquence, il y a lieu de considérer cet avis comme régulier ; sur le fond, il ressort des différentes pièces versées au dossier, que M. M... a été exposé pendant toute sa carrière professionnelle aux poussières d'amiante : - de 1976 à 1991: travaux de tuyauteur et de soudeur sur des installations calorifugées - de1991 à 1995 : entretien du bâtiment - à partir de 1995, il a été amené à intervenir sur les faux plafonds contenant de l'amiante ; le 30 novembre 1999, le comité d'hygiène et de sécurité indiquait, en ce qui concerne le site de production de l'île Seguin où travaillait M. M... : 'sur 150'000 m² de bâtiments démolis, 50'000 m² d'amiante ont été retrouvés : dans les dalles au sol, dans la colle dédale, dans les faux plafonds... les travailleurs ont été exposés à l'amiante chez Renault parfois pendant des dizaines d'années, en particulier ceux qui travaillaient à la centrale, aux fonderies, à l'entretien, à l'atelier de traitement thermique.' son exposition importante aux poussières d'amiante pendant de longues années n'est pas contestée, ni par la Société, ni par la Caisse ; il est justifié d'autre part, qu'il ne présente pas d'antécédent familial connu de cancer colique et présentait un bon état général malgré un diabète non insulinodépendant ; les études scientifiques versées aux débats mettent en évidence un risque plus élevé et significatif de développer un cancer colo-rectal pour les personnes exposées à l'amiante ; aux termes de l'étude publiée par 'l'American Journal of epidemiology' en 2005, 'le risque de cancer du colon apparaît plus élevé chez les hommes exposés à l'amiante dans leur travail', ce risque pouvant être supérieur de 36 % à celui d'une population témoin et de '54 % pour les travailleurs chez qui on a détecté des plaques pleurales' ; s'il n'est pas contestable, que les cancers recto-coliques sont d'origine multifactorielle, génétique et environnementale, les enquêtes épidémiologiques récentes ont mis en évidence une fréquence accrue de ces derniers et du larynx en cas d'exposition à l'amiante ; l'étude parue dans 'l'European Journal of Cancer Prevention' en 2002, a aussi mis en évidence une augmentation de la fréquence des tumeurs recto-coliques chez les travailleurs exposés à l'amiante mais surtout a monté que celle-ci est directement liée à l'intensité de l'exposition plutôt qu'à sa durée ; les études expliquent que l'amiante inhalée est ensuite rejetée par les bronches vers le milieu digestif (épuration du milieu broncho-pulmonaire par l'ascenseur mucco-cilliaire) ; les fibres d'amiante pénètrent alors dans la paroi du colon et sont étroitement liées au tissu tumorale à l'endroit du carcinome du colon chez les travailleurs exposés à l'amiante et atteint de carcinome du colon ; M. M... est décédé des suites d'un adénocarcinome de la charnière recto sigmoïdienne et du haut rectum avec métastases hépatiques et pulmonaires ; le scanner thoracique avait aussi mis en évidence plusieurs nodules parenchymateux disséminés dans tous les lobes ; il résulte de l'enquête administrative de la caisse et des attestations versées que son exposition aux poussières d'amiante, notamment lorsqu'il était tuyauteur soudeur, a été massive alors qu'il découpait et manipulait des matériaux à base d'amiante sans protection individuelle et n'a cessé de travailler jusqu'en 1992 (fermeture du site de l'île Seguin), dans des locaux remplis d'amiante ; la cour n'est pas liée par les avis défavorables des deux CRRMP et l'origine multi factorielle de la maladie n'est pas non plus de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors que l'article L. 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe ; la cour constate, qu'il est en l'espèce établi que le cancer colo-rectal dont est décédé M. M... est d'origine professionnelle car directement causé par une exposition significative aux poussières d'amiante ; le jugement entrepris sera infirmé et la cour rappelle que dans les rapports caisse/employeur, la décision de refus de prise en charge est définitive ; il y a lieu de condamner la caisse primaire d'assurance maladie à payer à Mme M... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; »

ALORS QUE dès lors qu'il a été appelé dans l'instance, la reconnaissance ultérieure du caractère professionnel d'une maladie née du recours exercé par l'assuré contre le refus par la CPAM de prise en charge de sa maladie s'impose à l'employeur ; qu'en affirmant, après avoir reconnu le caractère professionnel de la maladie ayant provoqué le décès de l'assuré, que dans les rapports caisse/employeur, la décision initiale de refus de prise en charge était définitive quand il résultait de la décision que l'employeur avait été appelé dans la cause, la cour d'appel a violé les articles L.461-1 et R441-14 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-19764
Date de la décision : 07/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Décision de refus - Notification - Notification à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief - Notification à l'employeur - Portée

Dès lors qu'elle a été notifiée à l'employeur dans les conditions prévues par l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la décision de refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle revêt un caractère définitif à son égard, de sorte que la mise en cause de ce dernier dans l'instance engagée contre la même décision par la victime ou ses ayants droit, est sans incidence sur les rapports entre l'organisme social et l'intéressé


Références :

article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 mai 2018

A rapprocher :2e Civ., 20 décembre 2018, pourvoi n° 17-21528, Bull. 2018, (cassation sans renvoi) ;2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi, n° 18-14.182, Bull. 2019, (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 nov. 2019, pourvoi n°18-19764, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19764
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