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21/11/2019 | FRANCE | N°18-20344

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 novembre 2019, 18-20344


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 2 janvier 1997, Mme O..., alors âgée de 12 ans comme étant née le [...] , a été blessée dans un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Assurances générales de France, devenue la société Allianz IARD (l'assureur) ; qu'après une expertise amiable contradictoire ayant fixé au 25 mai 2002 la date de consolidation, elle a accepté une offre d'indemnisation définitive formulée le 4 mars 2004 par l'assureur ; qu'en rais

on de l'aggravation de son état, a été réalisée une seconde expertise amiable ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 2 janvier 1997, Mme O..., alors âgée de 12 ans comme étant née le [...] , a été blessée dans un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Assurances générales de France, devenue la société Allianz IARD (l'assureur) ; qu'après une expertise amiable contradictoire ayant fixé au 25 mai 2002 la date de consolidation, elle a accepté une offre d'indemnisation définitive formulée le 4 mars 2004 par l'assureur ; qu'en raison de l'aggravation de son état, a été réalisée une seconde expertise amiable contradictoire, datée du 17 septembre 2013 ; que le 6 juin 2014, Mme O... a assigné l'assureur afin d'obtenir l'indemnisation de l'aggravation de son dommage corporel et la réparation de certains préjudices non inclus dans la transaction conclue en 2004, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 2252 et 2270-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 2226 du même code ;

Attendu que pour déclarer recevable la demande de Mme O... au titre de l'assistance tierce personne consécutive à son dommage corporel initial, de la date de l'accident à celle de l'aggravation de son état, fixée au 1er juillet 2004, l'arrêt, après avoir énoncé qu'en application du principe général tiré de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, retient que la victime n'a pu exercer son droit à indemnisation qu'à partir du jour où, ayant eu connaissance de l'avis d'un des experts ayant identifié ce préjudice, elle a été en mesure de quantifier sa demande indemnitaire au titre de l'assistance tierce personne, soit le 17 septembre 2013, date du second rapport d'expertise, ou, en amont, le 11 juillet 2013, date de l'examen réalisé contradictoirement par les experts, de sorte que, dans l'un et l'autre cas, le délai décennal de prescription de sa demande n'était pas expiré le 6 juin 2014, date de l'assignation en justice délivrée à l'encontre de l'assureur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le dommage corporel initial de Mme O... étant consolidé depuis le 25 mai 2002, le délai décennal de prescription prévu par les articles 2270-1 et 2226 susvisés, qui avait commencé à courir à compter du 4 septembre 2003, date de la majorité de la victime, était expiré au 6 juin 2014, la cour d'appel a violé ces textes ;

Et, sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 2252 et 2270-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 2226 du même code ;

Attendu que pour déclarer recevable la demande d'indemnisation de Mme O... au titre de son préjudice professionnel, l'arrêt énonce que l'assureur ne peut soutenir que cette demande, consécutive au dommage corporel initial et non à l'aggravation , se heurterait à la prescription décennale, dès lors que la survenance de ce préjudice peut, dans l'hypothèse la plus défavorable pour la victime, être raisonnablement fixée à l'âge de 20 ans pour une lycéenne ayant obtenu son baccalauréat à celui de 18 ans, et que Mme O... ayant atteint l'âge de 20 ans le 4 septembre 2005, date prévisible de son entrée dans la vie professionnelle, l'action en indemnisation de son préjudice professionnel, introduite par l'assignation délivrée le 6 juin 2014, n'est pas prescrite ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que cette demande était consécutive au dommage corporel initial de Mme O... et que ce dommage étant consolidé depuis le 25 mai 2002, le délai décennal de prescription prévu par les articles 2270-1 et 2226 susvisés, qui avait commencé à courir à compter du 4 septembre 2003, date de la majorité de la victime, était expiré au 6 juin 2014, la cour d'appel a violé ces textes ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Allianz IARD et tirée de la prescription de l'action de Mme O... en réparation de ses préjudices temporaire et permanent d'assistance par une tierce personne consécutifs à son dommage corporel initial, de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, alloue à ces titres à Mme O... les sommes de 23 387 euros, 8 541 euros, 658 437,47 euros et de 60 000 euros, et, en conséquence, condamne la société Allianz IARD à lui payer la somme totale de 1 154 550,88 euros à titre de réparation du préjudice corporel causé par l'accident du 2 janvier 1997, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter de l'arrêt pour le surplus, l'arrêt rendu le 14 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme O... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir de la société Allianz Iard, tirées de la prescription et de l'autorité de la chose jugée attachée à l'indemnisation transactionnelle et de l'avoir condamnée à payer à Mme O... la somme de 1.154.550,88 euros à titre de réparation du préjudice corporel causé par l'accident du 2 janvier 1997, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter de l'arrêt pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE l'article 2226 du code civil modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 dispose que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que contrairement à l'affirmation de M... O..., la loi du 17 juin 2008 n'a pas réduit la durée de la prescription en matière de réparation du dommage, l'article 38 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ayant introduit dans le code civil un article 2270-1 (abrogé par la loi précitée) qui disposait que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; que conformément à l'ancien article 2252 du code civil (alors en vigueur), la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés ; que M... O... étant âgée de 12 ans lors de l'accident, comme étant née le [...] , la prescription décennale a commencé à courir le 4 septembre 2003, date de sa majorité ; que s'agissant du besoin en tierce personne, il n'en est pas fait état dans le premier rapport d'expertise, déposé par les docteurs E... et F... Y... ; que sur ce point, la seconde expertise, réalisée par les docteurs E... et V..., mentionne expressément (page 6 du rapport) : « Le docteur V... que la tierce personne n'avait pas été évoquée lors de l'examen contradictoire des docteurs E... et F... Y... ; qu'il évalue à une heure par jour depuis l'accident jusqu'à la période de consolidation fixée à l'époque le 25 mai 2002, en dehors des périodes d'hospitalisation » ; qu'en application du principe général tiré de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il s'en déduit que la victime n'a pu exercer son droit à indemnisation qu'à partir du jour où ayant eu connaissance de l'avis du docteur V... identifiant le dommage, elle a été en mesure de quantifier sa demande indemnitaire au titre de la tierce personne, soit : le 17 septembre 2013, date du rapport d'expertise, ou en amont, le 11 juillet 2013, date de l'examen réalisé contradictoirement par les experts ; que dans l'un et l'autre cas, le délai décennal de prescription de sa demande tendant à l'indemnisation de son besoin en tierce personne n'était pas expiré le 6 juin 2014, date de l'assignation en justice délivrée à l'encontre de la société Allianz ; que son action indemnitaire au titre de la tierce personne est donc recevable ;

ET AUX AUTRES MOTIFS QUE, sur le préjudice professionnel : (
) la société Allianz ne démontre pas que l'indemnisation du préjudice professionnel sollicitée par M... O... serait intervenue en 2004, sur la base d'un rapport d'expertise fixant une consolidation de son étant au 25 mai 2002 soit à l'âge de 16 ans, et alors qu'aucun préjudice professionnel (perte de gains ou incidence professionnelle) n'a été ni retenu par les experts de l'époque ni indemnisé en 2004 (cf. pièce n° 2 versée aux débats par la victime) ; elle ne peut davantage soutenir que cette demande de réparation, consécutive à son préjudice corporel initial et non à l'aggravation, se heurterait à la prescription décennale, dès lors que la survenance de son préjudice professionnel peut raisonnablement, dans l'hypothèse la plus défavorable pour la victime, être fixe à l'âge de 20 ans pour une lycéenne ayant obtenu son baccalauréat à l'âge de 18 ans. Or, M... O... étant âgée de 20 ans le 4 septembre 2005, date prévisible de son entrée dans la vie professionnelle, l'action en indemnisation de son préjudice professionnel sollicitée par assignation délivrée le 6 juin 2014 n'est pas prescrite, de sorte que sa demande est recevable ;

1°) ALORS QU' en matière de préjudice corporel, les actions en responsabilité se prescrivent par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage ; que lorsqu'un dommage a été consolidé durant la minorité de la victime, la prescription de l'action en réparation du dommage consolidé commence à courir dès sa majorité ; qu'en l'espèce, le dommage corporel initial de Mme O..., majeure depuis le 4 septembre 2003, était consolidé depuis le 25 mai 2002 ; que l'action en réparation du préjudice d'assistance par une tierce personne, consécutif à son dommage initial, était donc prescrite le 4 septembre 2013, antérieurement à l'assignation délivrée le 6 juin 2014 ; que pour rejeter cependant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme O... et condamner la société Allianz à lui verser la somme totale de 31.928 euros de ce chef, la cour d'appel a fixé le point de départ du délai de prescription au 17 septembre 2013, date à laquelle l'intéressée, à l'issue d'une expertise médicale dont elle avait fait l'objet, « a été en mesure de quantifier sa demande indemnitaire au titre de la tierce personne » (arrêt, p. 7 § 6) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est fondée sur des considérations inopérantes et a violé les articles 2226 et 2235 du code civil ;

2°) ALORS QU' en matière de préjudice corporel, les actions en responsabilité se prescrivent par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage ; que lorsqu'un dommage a été consolidé durant la minorité de la victime, la prescription de l'action en réparation du dommage consolidé commence à courir dès sa majorité ; qu'en l'espèce, le dommage corporel initial de Mme O..., majeure depuis le 4 septembre 2003, était consolidé depuis le 25 mai 2002 ; que l'action en réparation de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, consécutifs à son dommage initial, était donc prescrite le 4 septembre 2013, antérieurement à l'assignation délivrée le 6 juin 2014 ; que pour rejeter cependant la fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l'action de Mme O... et condamner la société Allianz à lui verser la somme totale de 718.437,47 euros de ce chef, la cour d'appel a fixé le point de départ du délai de prescription au 4 septembre 2005, « date prévisible de [l'] entrée dans la vie professionnelle » de Mme O... (arrêt, p. 17 § 8) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est fondée sur des considérations inopérantes et a violé les articles 2226 et 2235 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-20344
Date de la décision : 21/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 nov. 2019, pourvoi n°18-20344


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20344
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