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12/12/2019 | FRANCE | N°18-24686

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 décembre 2019, 18-24686


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que L... O... est décédé le [...] des suites d'un mésothéliome diagnostiqué le 25 février 2002, consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante et dont le caractère professionnel a été reconnu par son organisme de sécurité sociale ; qu'après avoir obtenu la reconnaissance par une décision de la juridiction des affaires de sécurité sociale du 29 juin 2007, devenue irrévocable, de la faute inexcusable de l'employeur de L... O..., les ayants droit de ce dernie

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que L... O... est décédé le [...] des suites d'un mésothéliome diagnostiqué le 25 février 2002, consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante et dont le caractère professionnel a été reconnu par son organisme de sécurité sociale ; qu'après avoir obtenu la reconnaissance par une décision de la juridiction des affaires de sécurité sociale du 29 juin 2007, devenue irrévocable, de la faute inexcusable de l'employeur de L... O..., les ayants droit de ce dernier ont saisi, le 25 avril 2017, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) de demandes tendant à l'indemnisation, notamment, de l'assistance du défunt par une tierce personne et du préjudice moral de sa petite-fille, Mme K... O... ; qu'après que le FIVA leur a notifié une décision de rejet de ces demandes, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 30 mai et 1er juin 2017, au motif qu'elles étaient prescrites, Mme B... H..., épouse O..., Mme D... O..., M. F... O..., Mme M... O..., M. L... et Mme I... O..., pris tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur enfant mineure, Mme K... O... (les consorts O...), ont saisi la cour d'appel de Douai ;

Sur le premier moyen pris en ses deux premières branches :

Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des consorts O..., et de leur allouer certaines sommes au titre de l'indemnisation de l'assistance par tierce personne et du préjudice moral de Mme K... O..., alors, selon le moyen :

1°/ que suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; que, pour décider que l'action en reconnaissance de faute inexcusable formée par les consorts O... avait interrompu la prescription jusqu'à ce que l'arrêt d'appel soit devenu définitif, la cour d'appel a énoncé que les causes d'interruption du délai de prescription décennal relèvent du droit commun, c'est-à-dire des articles 2235 et suivants du code civil, et non de la loi du 31 décembre 1968, dès lors que la loi du 20 décembre 2010, introduisant le nouvel alinéa III bis de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, marque la volonté du législateur de faciliter l'accès des victimes directes ou indirectes de l'amiante au dispositif indemnitaire par le Fonds, ce délai étant ainsi aligné sur le régime de droit commun de la prescription, en ce comprises les causes d'interruption et de suspension ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ;

2°/ que suivant l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, la prescription est interrompue par tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; que seul le recours en indemnisation dirigée contre une personne publique susceptible d'avoir causé un dommage a un effet interruptif de prescription ; que, pour décider que leurs demandes n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a considéré que l'action en reconnaissance de faute inexcusable formée par les consorts O... avait interrompu la prescription jusqu'à ce que l'arrêt d'appel soit devenu définitif ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'une telle action n'était pas dirigée contre le Fonds, lequel au surplus n'a pas causé les dommages subis par les demandeurs, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

Mais attendu qu'en introduisant, par la loi n° 2010-1954 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, aux termes duquel les droits à indemnisation des préjudices concernés se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, sauf exceptions qu'il énumère, et en décidant que ce délai de prescription s'applique immédiatement en tenant compte du délai écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical mentionné à l'article précité, mais que ceux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés l'avoir été à cette date, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, aucune demande de réparation du préjudice des victimes de l'amiante n'étant soumise à la prescription quadriennale que cette loi prévoit, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé ; qu'il en résulte que les causes de suspension et d'interruption de la prescription prévues par ladite loi ne sont pas applicables à ces demandes ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et a fait application des dispositions des articles 2235 et suivants du code civil pour décider que la demande d'indemnisation des préjudices n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche, est inopérant pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen pris en sa troisième branche :

Vu l'article 53, III bis, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, ensemble l'article 2241 du code civil ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ; qu'en l'occurrence, il n'est pas discutable ni discuté que les consorts O... ont engagé le 14 mars 2003 une action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras aux fins notamment de voir caractériser la faute inexcusable de l'ancien employeur de L... O... ; que cette faute inexcusable de l'employeur a été retenue par un arrêt de la cour d'appel de Douai du 29 juin 2007 devenu définitif, le 29 août 2007, à l'expiration du délai de pourvoi ; qu'il est acquis que le fait dommageable à l'origine de cette action comme de celle présente à l'encontre du FIVA est strictement le même, à savoir l'exposition de L... O... aux poussières d'amiante et le développement subséquent d'une pathologie asbestosique retenue comme maladie professionnelle ; que, du reste, la visée de ces deux procédures est également identique puisqu'il s'agit d'indemniser le défunt et ses ayants droit des suites dommageables de cette pathologie professionnelle, les consorts O... n'ayant obtenu devant la juridiction des affaires de sécurité sociale que partie de cette indemnisation comme le suggère la procédure spécifique au contentieux de la faute inexcusable de l'employeur, procédure indemnitaire de nature forfaitaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action exercée devant la juridiction de sécurité sociale par la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante, ou par ses ayants droit, tendant à la déclaration de la faute inexcusable de l'employeur n'interrompt pas le délai de prescription des demandes d'indemnisation adressées au FIVA, dès lors qu'elle n'a pas le même objet et n'oppose pas les mêmes parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte des débats, comme tardives, les pièces nos 19 à 28 communiquées par les consorts O..., l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme B... H..., épouse O..., Mme D... O..., M. F... O..., Mme M... O..., M. L... et Mme I... O..., pris tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur enfant mineure, Mme K... O..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'Indemnisation des victimes de l'amiante

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par le FIVA, et, en conséquence, fixé à la somme de 1 725,68 euros l'indemnité revenant aux consorts O... au titre des frais funéraires, à la somme de 5 860,80 euros l'indemnité revenant aux consorts O... au titre de l'assistance par une tierce personne de leur auteur défunt, et à la somme de 7 000 euros l'indemnité revenant à Mme K... O... du chef de son préjudice moral subi depuis le décès de son grand-père, avec intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription alléguée de l'action des consorts O..., le FIVA soutient que l'action des ayants droit de M. O... est prescrite depuis le 1er janvier 2014, ces derniers qui disposaient d'un délai de dix ans pour agir ayant engagé la procédure seulement le 25 avril 2017 ; qu'il importe en premier lieu de relever que les parties à l'instance ne discutent nullement du délai de prescription décennal applicable ni même du point de départ de ce délai, c'est-à-dire le 1er janvier 2014 [lire : 2004] ; qu'en deuxième lieu, contrairement à ce que développe le Fonds, les causes d'interruption de ce délai de prescription relèvent bien du droit commun, c'est-à-dire des articles 2235 et suivants du code civil, et non de la loi du 31 décembre 1968 même s'il est indiscutable que le FIVA est un établissement public doté d'un comptable public ; qu'en effet, la loi du 20 décembre 2010, introduisant le nouvel alinéa III bis de l'article de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, disposition portant à dix ans le délai de prescription applicable aux demandes d'indemnisation devant le FIVA, marque la volonté du législateur de faciliter l'accès des victimes directes ou indirectes de l'amiante au dispositif indemnitaire par le Fonds, ce délai étant dès lors aligné sur le régime de droit commun de la prescription, en ce comprises les causes d'interruption et de suspension ; qu'en outre, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ; qu'en l'occurrence, il n'est pas discutable ni discuté que les consorts O... ont engagé le 14 mars 2003 une action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras aux fins notamment de voir caractériser la faute inexcusable des Charbonnages de France, ancien employeur de leur auteur ; que cette faute inexcusable de l'employeur a été retenue par le TASS d'Arras dans son jugement du 22 novembre 2004, ce qui a été confirmé par la chambre sociale de la cour de Douai par arrêt du 29 juin 2007, décision devenue définitive le 29 août 2007 à l'expiration du délai de pourvoi ; qu'il est acquis que le fait dommageable à l'origine de cette action devant le TASS comme de celle présente à l'encontre du FIVA est strictement le même, à savoir l'exposition de M. O... aux poussières d'amiante et le développement subséquent d'une pathologie asbestosique retenue comme maladie professionnelle ; que, du reste, la visée de ces deux procédures est également identique puisqu'il s'agit d'indemniser M. O... et ses ayants droit des suites dommageables de cette pathologie professionnelle, les consorts O... n'ayant obtenu devant le TASS d'Arras puis la cour de Douai que partie de cette indemnisation comme le suggère la procédure spécifique au contentieux de la faute inexcusable de l'employeur, procédure indemnitaire de nature forfaitaire ; qu'il sera en outre rappelé que, conformément aux articles 37 et suivants du décret du 23 octobre 2001, une information est instituée au profit du FIVA au cours de l'instance devant le TASS aux fins de permettre l'intervention volontaire du Fonds ; qu'en définitive, bien que les actions des ayants droit de M. O... soient portées devant deux juridictions distinctes, la nature complémentaire de ces instances à visée indemnitaire et à raison d'un même fait dommageable permet de retenir l'issue de la première engagée devant le TASS d'Arras puis la chambre sociale de la cour comme interruptive de prescription au titre de la seconde, la date interruptive correspondant au caractère définitif de l'arrêt du 29 juin 2007, soit le 29 août 2007 ; qu'à compter de cette date, un nouveau délai de dix ans a donc commencé à courir de sorte que l'action indemnitaire engagée par les consorts O... devant le FIVA par lettre du 25 avril 2017 l'a été de manière utile sans qu'aucune tardiveté puisse nuire aux requérants, la fin de non-recevoir soulevée par le Fonds étant dès lors écartée ; que, sur l'indemnisation des consorts O... au titre des frais funéraires, les consorts O... communiquent aux débats deux factures de la SARL J... Fils, entreprise de pompes funèbres à [...], documents mentionnant les sommes de 663,10 euros au titre de la crémation et de 2 238,58 euros du chef des autres services funéraires réalisés par cette entreprise ; qu'il est également justifié par les requérants du versement par l'URSSM du Nord d'une somme de 1 176 euros qui doit être déduite des précédents montants, étant précisé que les consorts O... énoncent qu'ils n'ont obtenu aucun autre versement d'une éventuelle mutuelle, le défunt n'étant pas affilié à un tel organisme au moment de son décès ; que tout autre justificatif d'un prétendu versement ne saurait être exigé des requérants sauf à exiger d'eux une preuve négative, ce qui n'est pas juridiquement recevable ; qu'ainsi, l'indemnisation des frais funéraires supportés par les consorts O... sera arrêtée comme suit : (663,10 + 2 238,58) - 1 176 = 1 725,68 euros ; que, sur l'indemnisation des frais d'assistance par tierce personne, sur cette question, les demandeurs produisent au dossier de la cour le certificat dressé le 28 août 2017 par le docteur A..., médecin généraliste ; qu'outre la circonstance que cette pièce rédigée par ce praticien l'a été plus de quinze années après le décès de M. O..., force est de constater que ce document n'explicite pas les besoins d'aide du malade ni le degré exact de perte d'autonomie de ce dernier en fonction du développement de la pathologie, la date de commencement de l'alitement était exprimée de surcroît en référence aux renseignements fournis par Mme O... elle-même, ce qui ne permet pas de conclure que le praticien ait pu constater de lui-même l'état ainsi décrit du malade ; qu'il faut donc retenir un principe indemnitaire au titre de l'assistance par une tierce personne du 25 au 27 février 2002 sur la base de 2 heures par jour, puis de 4 heures par jour le deuxième mois précédant le décès, enfin de 8 heures par jour le mois avant le décès, le taux horaire étant arrêté à 18 euros, outre 10 % pour tenir compte des congés et week-ends, la période d'hospitalisation étant déduite de la période à indemniser ; qu'ainsi, l'indemnité revenant aux consorts O... sera ainsi arrêtée : • du 28 mars au 27 avril 2002 : [31 jours x 8 heures x 18 euros] + 10 % = 4 910,40 euros, • du 28 février au 27 mars 2002 : [(28 - 16 jours) x 4 heures x 18 euros] + 10 % = 950,40 euros, du 25 au 27 février 2002 : [(3 — 3 jours) x 2 heures X 18 euros] + 10 % = 0 euro, soit une indemnité totale de 5 860,80 euros ; que, sur l'indemnisation du préjudice moral de K... O..., si cette petite-fille de M. O... est assurément née moins d'un mois avant le décès de ce dernier pour être née le [...] , cette circonstance ne saurait relativiser le préjudice moral éprouvé par la descendante du défunt, l'écoulement du temps ne pouvant que faire réaliser à-cet ayant droit la perte d'un être cher et le peu de coexistence vécu avec ce dernier ; qu'ainsi, si la proposition indemnitaire du FIVA est notoirement insuffisante, la prétention des représentants légaux de K... O... est pour autant excessive, l'indemnité revenant à cette petite-fille du défunt devant être arrêtée à la somme de 7 000 euros » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE, suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; que, pour décider que l'action en reconnaissance de faute inexcusable formée par les consorts O... avait interrompu la prescription jusqu'à ce que l'arrêt d'appel soit devenu définitif, la cour d'appel a énoncé que les causes d'interruption du délai de prescription décennal relèvent du droit commun, c'est-à-dire des articles 2235 et suivants du code civil, et non de la loi du 31 décembre 1968, dès lors que la loi du 20 décembre 2010, introduisant le nouvel alinéa III bis de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, marque la volonté du législateur de faciliter l'accès des victimes directes ou indirectes de l'amiante au dispositif indemnitaire par le Fonds, ce délai étant ainsi aligné sur le régime de droit commun de la prescription, en ce comprises les causes d'interruption et de suspension ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article de la loi du 31 décembre 1968 ;

2°/ALORS, d'une part, QUE suivant l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, la prescription est interrompue par tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; que seul le recours en indemnisation dirigée contre une personne publique susceptible d'avoir causé un dommage a un effet interruptif de prescription ; que, pour décider que leurs demandes n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a considéré que l'action en reconnaissance de faute inexcusable formée par les consorts O... avait interrompu la prescription jusqu'à ce que l'arrêt d'appel soit devenu définitif ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'une telle action n'était pas dirigée contre le Fonds, lequel au surplus n'a pas causé les dommages subis par les demandeurs, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

3°/ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE l'action exercée par la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante devant la juridiction de sécurité sociale tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et/ou à la déclaration de la faute inexcusable de l'employeur n'interrompt pas le délai de prescription décennal de l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 ; qu'en considérant que l'action en reconnaissance de faute inexcusable formée par les consorts O... avait interrompu ladite prescription jusqu'à ce que l'arrêt d'appel soit devenu définitif, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 2241 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR fixé à la somme de 5 860,80 euros l'indemnité revenant aux consorts O... au titre de l'assistance par une tierce personne de leur auteur défunt ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnisation des frais d'assistance par tierce personne, sur cette question, les demandeurs produisent au dossier de la cour le certificat dressé le 28 août 2017 par le docteur A..., médecin généraliste ; qu'outre la circonstance que cette pièce rédigée par ce praticien l'a été plus de quinze années après le décès de M. O..., force est de constater que ce document n'explicite pas les besoins d'aide du malade ni le degré exact de perte d'autonomie de ce dernier en fonction du développement de la pathologie, la date de commencement de l'alitement était exprimée de surcroît en référence aux renseignements fournis par Mme O... elle-même, ce qui ne permet pas de conclure que le praticien ait pu constater de lui-même l'état ainsi décrit du malade ; qu'il faut donc retenir un principe indemnitaire au titre de l'assistance par une tierce personne du 25 au 27 février 2002 sur la base de 2 heures par jour, puis de 4 heures par jour le deuxième mois précédant le décès, enfin de 8 heures par jour le mois avant le décès, le taux horaire étant arrêté à 18 euros, outre 10 % pour tenir compte des congés et week-ends, la période d'hospitalisation étant déduite de la période à indemniser ; qu'ainsi, l'indemnité revenant aux consorts O... sera ainsi arrêtée : • du 28 mars au 27 avril 2002 : [31 jours x 8 heures x 18 euros] + 10 % = 4 910,40 euros, • du 28 février au 27 mars 2002 : [(28 - 16 jours) x 4 heures x 18 euros] + 10 % = 950,40 euros, du 25 au 27 février 2002 : [(3 — 3 jours) x 2 heures X 18 euros] + 10 % = 0 euro, soit une indemnité totale de 5 860,80 euros » ;

ALORS QUE le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime restant atteinte à la suite du fait dommageable d'un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans tout ou partie des actes de la vie quotidienne ; que la cour d'appel a constaté que le certificat dressé le 28 août 2017 par le docteur A..., médecin généraliste, l'a été plus de quinze années après le décès de M. O..., et que ce document n'explicite pas les besoins d'aide du malade ni le degré exact de perte d'autonomie de ce dernier en fonction du développement de la pathologie, la date de commencement de l'alitement était exprimée de surcroît en référence aux renseignements fournis par Mme O... elle-même, ce qui ne permet pas de conclure que le praticien ait pu constater de lui-même l'état ainsi décrit du malade ; qu'en condamnant cependant le FIVA à verser aux consorts O... une indemnisation de 5 860,80 euros au titre du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la réalité de ce préjudice n'était pas établie, la cour d'appel a violé l'article 53, I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-24686
Date de la décision : 12/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 27 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 déc. 2019, pourvoi n°18-24686


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.24686
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