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19/12/2019 | FRANCE | N°18-22912

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 décembre 2019, 18-22912


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à l'URSSAF d'Ile-de-France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle effectué au sein des établissements du GIE Kaufman etamp; Broad (le GIE), portant sur les années 2008 à 2010, l'URSSAF de Paris et de la région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAFd'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié un redressement réintégrant notamment dans l'assiette des c

otisations et contributions les sommes versées par le GIE au titre d'un contrat...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à l'URSSAF d'Ile-de-France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle effectué au sein des établissements du GIE Kaufman etamp; Broad (le GIE), portant sur les années 2008 à 2010, l'URSSAF de Paris et de la région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAFd'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié un redressement réintégrant notamment dans l'assiette des cotisations et contributions les sommes versées par le GIE au titre d'un contrat de retraite supplémentaire et des indemnités forfaitaires kilométriques ; que le GIE a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivé sur le moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le premier moyen :

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement relatif au régime de retraite supplémentaire, alors, selon le moyen, que sont exclues de l'assiette de cotisations sociales les seules contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite revêtant un caractère collectif et obligatoire ; qu'en l'espèce, le contrat de retraite supplémentaire litigieux bénéficiait aux seuls cadres dirigeants membres du comité de direction, excluant de fait les cadres dirigeants non membres du comité, de sorte que le contrat ne bénéficiait pas à une catégorie de personnels définie par des critères objectifs lui conférant un caractère collectif ; qu'en considérant que le contrat litigieux avait un caractère collectif dès lors qu'il bénéficiait aux seuls membres du comité de direction pour annuler le chef de redressement n° 6, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt constate que le GIE a conclu un contrat de retraite supplémentaire AFER, le 19 février 1979, au profit des membres du comité de direction, soit le président directeur général, les directeurs généraux (région Ile-de-France, région Sud-Ouest et autres régions) et les directeurs généraux adjoints (finances, ressources humaines) ; qu'il retient que ces personnes relèvent de la catégorie de cadres dirigeants au sens du code du travail, exerçant des fonctions corporate, des fonctions-clés de direction de l'entreprise, et ayant en charge des responsabilités plus importantes ; que l'exclusion de certains dirigeants que sont les directeurs d'agence de la région Ile-de-France-Normandie et des directeurs régionaux des régions Ouest, Rhône-Alpes et Sud-Est, qui sont placés sous la direction des directeurs généraux, ne contrevient pas au caractère objectif de la catégorie de salariés bénéficiaires du contrat AFER dès lors que ceux-ci, en tant que membres du comité de direction, sont des dirigeants sociaux définis statutairement et objectivement compte tenu de leur degré de responsabilité, le niveau des responsabilités constituant un critère objectif ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la catégorie visée par le contrat en cause était déterminée à partir de critères objectifs, au sens de l'article D. 242-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que son financement par le GIE pouvait bénéficier de l'exonération des cotisations définie à l'article L. 242-1 du même code ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 242-1 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 4 de l'arrêté interministériel du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ;

Attendu que le bénéfice de la présomption d'utilisation conforme à son objet de l'indemnité forfaitaire kilométrique dont le montant n'excède pas les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale, prévue par le dernier de ces textes, est subordonné à la preuve par l'employeur que le salarié attributaire de cette indemnité se trouve contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles ;

Attendu que pour déclarer partiellement mal fondé le chef de redressement relatif à la réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités forfaitaires kilométriques, l'arrêt constate que l'URSSAF a opéré un redressement relatif au versement de forfaits mensuels pour le remboursement des frais engagés par des salariés liés à l'utilisation de leur véhicule personnel pour des déplacements professionnels, à hauteur d'un montant de cotisations et de contributions sociales de 1 861 334 euros, au motif qu'à défaut de preuve du caractère professionnel des dépenses, l'exonération de cotisations de ces forfaits ne pouvait être admise ; qu'il retient en substance que le GIE reconnaît ne pas avoir été en mesure de fournir les justificatifs demandés par l'URSSAF lors du contrôle mais que, faisant état d'une pratique antérieure admise par l'URSSAF qui permettait de se passer de justificatifs détaillés et ayant payé sans attendre l'issue de la procédure le montant de ce chef de redressement, il est incontestablement de bonne foi ; qu'elle a entamé dès septembre 2011, en en informant l'URSSAF, la procédure de récollement des pièces ; que la durée très importante de ce travail qui a été de trois ans n'était pas compatible avec la procédure de contrôle ; que le sérieux de ce travail justifie que l'ensemble des pièces produites soient admises afin d'assurer au GIE l'exercice plein et entier de ses droits à se défendre conformément à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit à un procès équitable ; que le GIE rapporte la preuve que les indemnités forfaitaires mensuelles versées de 2008 à 2010 sous forme d'indemnités kilométriques exonérées de cotisations sociales avaient bien un caractère professionnel et ne constituaient pas un avantage en nature ; que sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, le résultat de l'étude établi à partir des fichiers récapitulatifs de chaque établissement du GIE valide les forfaits payés en 2008 à 65,33 %, en 2009 à 77,36 % et en 2010 à 83,62 %, soit en moyenne sur les trois années à 75,43 % ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que lors des opérations de contrôle, le GIE n'avait produit aucun justificatif nécessaire à la vérification de l'application des règles de déduction des frais professionnels, de sorte qu'il ne pouvait demander la nullité de ce chef de redressement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare partiellement mal fondé le redressement n° 12-1 de la lettre d'observations opéré au titre des indemnités kilométriques pour la somme de 1 393 787 euros, annule partiellement la mise en demeure de l'URSSAF d'Ile-de-France du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 12 mars 2012 sur le point n° 12-1, condamne l'URSSAF d'Ile-de-France à payer au GIE Kaufman etamp; Broad la somme de 1 393 787 euros à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le redressement n° 12-1, l'arrêt rendu le 29 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le GIE Kaufman etamp; Broad aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du GIE Kaufman etamp; Broad et le condamne à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré mal fondé le chef de redressement n°6 relatif au régime de retraite supplémentaire, avait annulé la mise en demeure du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 12 mars 2012 sur le point n°6 et avait condamné l'Urssaf Ile de France à payer à le GIE Kaufman et Broad la somme de 58 946 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du 24 mai 2012 à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le chef de redressement n°6 et d'avoir condamné l'Urssaf Ile de France à verser à le GIE Kaufman et Broad la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale prévoit que l'avantage en nature lié aux cotisations patronales servant à financer les régimes de retraite et de prévoyance ne peut être exonéré de cotisations de sécurité sociale que si, notamment, il correspond à un régime à caractère collectif. Cet article prévoit ainsi, dans sa version en vigueur à l'époque de la période contrôlée, que : « Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail (
). Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance (
) lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures mentionnées à l'article L.911-1 du présent code. » S'agissant des régimes de retraite supplémentaire, l'article D.242-1 du code de la sécurité sociale, en vigueur à la période contrôlée, précise : « II. - Les opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L. 242-1 sont celles organisées par des contrats d'assurance souscrits par un ou plusieurs employeurs ou par tout groupe d'employeurs auprès d'entreprises relevant du code des assurances, d'institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du présent code ou d'organismes mutualistes relevant du livre II du code de la mutualité au profit d'une ou plusieurs catégories objectives de salariés. La contribution de l'employeur est fixée à un taux uniforme pour chacune de ces catégories. ». Le caractère collectif, discuté en l'espèce par l'Urssaf, suppose que le régime de retraite supplémentaire mis en place bénéficie de façon générale et impersonnelle à une ou des catégories objectives de salariés, tous les salariés qui en bénéficient devant se trouver dans une situation identique au regard des garanties concernées. En l'espèce, la société Kaufman et Broad a conclu un contrat de retraire supplémentaire Afer le 19 février 1979 au profit des membres du comité de direction, soit le président-directeur général, les directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints. Ces personnes relèvent de la catégorie des cadres dirigeants au sens du code du travail, exerçant des fonctions corporate, des fonctions clés de direction de l'entreprise, et ayant en charge des responsabilités plus importantes, et constituent donc de droit une catégorie objective selon l'article L.3111-2 du code du travail. L'exclusion de certains cadres dirigeants que sont les directeurs d'agence et des directeurs régionaux, qui sont sous la direction des directeurs généraux, ne contrevient pas au caractère objectif de la catégorie de salariés bénéficiaires du contrat Afer dès lors que ceux-ci, en tant que membres du comité de direction, sont des dirigeants sociaux définis statutairement et objectivement compte-tenu de leur degré de responsabilité, le niveau des responsabilités constituant un critère objectif. La circulaire ministérielle du 25 août 2005 et la circulaire du 30 janvier 2009, qui ne s'imposent pas au juge, adoptent une interprétation restrictive de la notion de catégorie de personnel et ajoutent des conditions à la loi, qui n'ont pas lieu d'être retenues. Ainsi, l'Urssaf ne peut utilement opposer le fait que le comité de direction n'appartiendrait à aucune catégorie déterminée par le code du travail puisque les dispositions légales ne l'imposent pas. La catégorie visée par le contrat Afer est donc déterminée à partir de critères objectifs au sens de l'article D.242-1 du code de la sécurité sociale. En conséquence, le financement patronal de ce contrat peut bénéficier de l'exonération de cotisations de sécurité sociale définie à l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « par application des articles L.242-1 et D.242-1 du code de la sécurité sociale, les contributions patronales destinées au financement des régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires sont totalement exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et des contributions patronales. Une exclusion est également prévue des contributions patronales destinées au financement des régimes complémentaires de retraite et de prévoyance, dès lors que le régime est mis en place dans le cadre d'une procédure déterminée, que le contrat présente un caractère collectif et obligatoire et que l'assuré, qui n'est pas tenu d'y adhérer, dispose de la faculté de transférer ses droits vers un plan d'épargne retraite populaire ou vers un autre contrat de retraite supplémentaire respectant les conditions d'exonération sociale. Le caractère collectif du régime implique qu'il bénéficie de façon générale et impersonnelle à l'ensemble du personnel salarié ou à une ou des catégories objectives de salariés. Ce caractère collectif est remis en cause lorsque les critères retenus pour déterminer les bénéficiaires ont été définis dans l'objectif d'accorder un avantage personnel. Par ailleurs, le régime doit avoir vocation à s'appliquer de manière générale, alors même qu'il ne bénéficierait en pratique qu'à un nombre restreint de personnes. Concernant la condition relative à la catégorie objective de salariés bénéficiaires du régime, il convient de se référer aux catégories prévues par le code du travail, la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres ou encore aux usages ou accords collectifs en vigueur dans la profession considérée. Dans ce dernier cas, seuls les critères objectifs, non restrictifs et clairement définis peuvent être retenus. Il en résulte que les coefficients de classification ou les catégories ou sous-catégories définies dans les conventions à partir de ces coefficients ne peuvent constituer une catégorie objective de salariés, dès lors que le degré de détails de ces grilles et les possibilités ouvertes de ce fait sont peu compatibles avec la notion de caractère collectif ainsi requise. Enfin, une catégorie définie dans l'entreprise où au niveau de chaque salarié ne peut être retenue en tant que catégorie objective de salariés pour être trop étroitement définie. En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté, lors du contrôle opéré, que le GIE Kaufman et Broad avait souscrit le 19 février 1979 un contrat de retraite supplémentaire Afer au profit de cadres supérieurs, qui ne bénéficiaient qu'aux membres du comité de direction. Le comité de direction de la société est composé du président-directeur général, des directeurs généraux et de directeurs généraux adjoints, qui ont tous le statut de cadre dirigeant. La circonstance selon laquelle d'autres salariés relevant également de la catégorie des cadres dirigeants ne bénéficieraient pas du contrat de retraite supplémentaire est indifférente, dès lors que le comité de direction comprend des dirigeants sociaux dont le périmètre est défini statutairement et justifié de manière objective en raison du degré de catégorie objective en raison du degré de responsabilité confiée à leurs membres, de sorte que cette classification revêt la qualification de catégorie objective de salariés. En outre, est également inopérant l'argument invoqué par l'Urssaf selon lequel le comité de direction n'appartiendrait à aucune catégorie déterminée par le code du travail. Par conséquent, c'est à tort que l'Urssaf a considéré que le contrat dont s'agit ne répondait pas à la condition tenant au caractère collectif. »

ALORS QUE sont exclues de l'assiette de cotisations sociales les seules contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite revêtant un caractère collectif et obligatoire ; qu'en l'espèce, le contrat de retraite supplémentaire litigieux bénéficiait aux seuls cadres dirigeants membres du comité de direction, excluant de fait les cadres dirigeants non membres du comité, de sorte que le contrat ne bénéficiait pas à une catégorie de personnels définie par des critères objectifs lui conférant un caractère collectif ; qu'en considérant que le contrat litigieux avait un caractère collectif dès lors qu'il bénéficiait aux seuls membres du comité de direction pour annuler le chef de redressement n°6, la cour d'appel a violé l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré partiellement mal fondé le chef de redressement n°12 relatif aux indemnités kilométriques pour la somme de 1 393 787 euros, avait annulé partiellement la mise en demeure du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 12 mars 2011 sur le point n°12 et avait condamné l'Urssaf Ile de France à payer à la société Kaufman et Broad la somme de 1 393 787 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du 24 mai 2012 à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le chef de redressement n°12 et d'avoir condamné l'Urssaf Ile de France à verser à la société Kaufman et Broad la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société Kaufman et Broad reconnaît ne pas avoir été en mesure de fournir les justificatifs demandés par l'Urssaf lors du contrôle ; mais que, d'une part, la société Kaufman et Broad, qui fait état d'une pratique antérieure admise par l'Urssaf qui permettait de se passer de justificatifs détaillés et qui a payé sans attendre l'issue de la procédure le montant de ce chef de redressement, est incontestablement de bonne foi ; que, d'autre part, elle a entamé dès septembre 2011, en informant l'Urssaf, la procédure de recollement des pièces ; que la durée très importante de ce travail, qui a été de trois ans, n'était certes pas compatible avec la procédure de contrôle ; que le volume des pièces justificatives rend le travail de contrôle considérable ; que l'Urssaf aurait dû en tout état de cause procéder à la vérification des pièces si elles avaient été prêtes au moment du contrôle ; qu'il est toujours possible à l'Urssaf de procéder par échantillonnage ; que la société Kaufman et Broad a travaillé sur un échantillon de salariés choisis de manière aléatoire parmi les salariés encore présents dans l'entreprise, et ce pour chacune des trois années redressées et a procédé ensuite à une extrapolation sur chaque année. Considérant que la cour de céans, qui n'était pas en mesure d'exploiter le volume entier des documents produits aux débats, représentant l'équivalent de quatre grands cartons, a dû procéder avec l'accord de l'Urssaf à l'audience par échantillonnage pour établir que ce travail de recollement était bien présenté par le collaborateur et comportait pour chacun (dont la fonction et l'adresse sont précisées) et pour chaque année 2008, 2009 et 2010 : - le compte-rendu des déplacements exposé dans un tableau précisant la date du déplacement, le lieu de départ, le lieu d'arrivée, le nombre de kilomètres parcourus entre ces deux lieux, en fonction de l'objet du déplacement, l'origine de l'information (par exemple : calendrier Outlook, note de frais), ainsi que la nature de l'information (par exemple : visite de chantier, prospection, rendez-vous, réunion, déplacement attesté par la note de frais relative au coût du péage) et/ou la personne visitée ; - la photocopie de la carte grise mentionnant la puissance fiscale du véhicule ; - les photocopies des justificatifs ; - un document synthétisant le calcul de l'indemnité kilométrique due en application du barème fiscal et ainsi du montant du forfait justifié compte tenu du nombre de kilomètres parcourus et de la puissance fiscale du véhicule ; que le sérieux de ce travail justifie que l'ensemble des pièces produites soient admises afin d'assurer à la société Kaufman et Broad l'exercice plein et entier de ses droits à se défendre conformément à l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui garantit le droit à un procès équitable ; que l'Urssaf ne contredit d'ailleurs pas le sérieux et la sincérité de l'étude ; que la société Kaufman et Broad rapporte la preuve que les indemnités kilométriques forfaitaires mensuelles versées de 2008 à 2010 sous forme d'indemnités kilométriques exonérées de cotisations sociales avaient bien un caractère professionnel et ne constituaient pas un avantage en nature ; qu'en synthèse, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise qui serait particulièrement longue et coûteuse, le résultat de l'étude établi à partir des fichiers récapitulatifs de chaque établissement du groupement d'intérêt économique valide les forfaits payés en 2008 à 65,33%, en 2009 à 77,36% et en 2010 à 83,62%, soit en moyenne sur les trois années à 75,43%. Il en résulte que la justification n'a pu être apportée pour la totalité des forfaits et que la demande d'annulation de l'entier chef de redressement sera rejetée. Qu'en revanche, c'est donc par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel, que la cour, qui s'estime suffisamment motivée, adopte eu égard à la bonne foi établie de l'intimé, que les premiers juges ont considéré que la demande de minoration du montant de ce chef de redressement devait être admise à hauteur de la somme de 1 393 787 euros, que l'Urssaf devra rembourser à la société Kaufman et Broad et que ce chef de redressement devait être validé pour la somme de 467 47 euros. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « par application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, toutes les sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités ainsi que tous les autres avantages en argent ou en nature doivent être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, et dans des conditions et limites fixées par arrêté ministériel. Il résulte de l'arrêté du 20 décembre 2002 que les frais professionnels s'entendent des charges à caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié ou que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions. Ce texte vise ainsi les frais qui entraînent pour le salarié des dépenses supplémentaires par rapport aux frais normalement supportés par tous les salariés, la charge de la preuve incombant à l'employeur. L'employeur dispose de deux formes de dédommagement des frais professionnels : (i) le remboursement des dépenses réelles ou la prise en charge directe par l'employeur des frais inhérent à l'emploi du salarié, sur justificatifs, ou (ii) le versement d'allocations forfaitaires. Par ailleurs, lorsque le salarié est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale. Cette indemnisation forfaitaire calculée au kilomètre conformément aux barèmes administratifs ainsi que la présomption d'utilisation conformément à son objet de l'indemnité kilométrique n'exonèrent pas l'employeur de prouver l'usage professionnel du véhicule personnel de son salarié, ce qui implique qu'il soit en mesure de justifier de chaque déplacement, du nom de l'interlocuteur, du nombre de kilomètres parcourus et de la puissance fiscale du véhicule utilisé. En l'espèce, il a été constaté lors du contrôle opéré par l'inspecteur de l'Urssaf, que certains salariés bénéficiaient de forfaits mensuels pour le remboursement de leurs frais liés à l'utilisation à des fins professionnelles de leur véhicule personnel. Si pendant la phase contradictoire du contrôle et devant la commission de recours amiable le cotisant n'a pas été en mesure de fournir les justificatifs requis indiquant les dates, lieux et motifs des déplacements, il s'est toutefois acquitté du montant des cotisations réclamées. En se bornant à alléguer pour les voir écarter que les pièces justificatives, d'une part, ne sont produites que devant la présente juridiction et, d'autre part, sont volumineuses, l'Urssaf prive le requérant d'un débat judiciaire contradictoire dès lors que l'issue de la procédure dépend de ces pièces, ce qui caractérise une violation des dispositions de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui garantit le droit à un procès équitable. En tout état de cause, aucun droit n'interdit à l'employeur de présenter de nouvelles pièces justificatives devant la juridiction saisie du recours contentieux. Les pièces versées au débat par la société Kaufman et Broad, fussent-elles particulièrement abondantes et peu adaptées à un examen judiciaire, ne doivent donc pas être écartées pour apprécier le bien-fondé du redressement attaqué. Sur le fond, le requérant, de manière certes fastidieuses mais néanmoins circonstanciée pour une partie des faits et donc efficace, rapporte la preuve que les indemnités forfaitaires mensuelles versées en 2008, 2009 et 2010 sous forme d'indemnités kilométriques exonérées de cotisations sociales avaient un caractère professionnel dès lors que les salariés concernés étaient exposés à des dépenses supplémentaires de transport et qu'elles n'étaient donc pas constitutives d'un avantage en nature soumis à cotisations sociales. Il convient par conséquent, sans recourir à l'expertise judiciaire, le tribunal s'estimant suffisamment éclairé, d'annuler partiellement le redressement pour le réduire de 1 861 334 euros à 467 547 euros. Il sera dès lors ordonné à l'Urssaf de rembourser à la société Kaufman et Broad la somme de 1 393 787 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du tribunal. Il y a ainsi lieu d'infirmer partiellement la décision de la commission de recours amiable sur ce redressement et de condamner l'Urssaf. »

1) ALORS QUE l'employeur ayant déduit de l'assiette de calcul des cotisations sociales les sommes correspondant aux indemnités forfaitaires kilométriques doit rapporter la preuve à l'occasion du contrôle opéré par l'Urssaf de ce que le salarié attributaire de cette indemnité se trouvait contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la société Kaufman et Broad n'avait pas rapporté une telle preuve à l'occasion du contrôle opéré par l'Urssaf pour les années 2008 à 2010, de sorte que le redressement opéré de ce chef était parfaitement fondé ; qu'en considérant que la société Kaufman et Broad avait rapporté, à l'occasion de la présente instance seulement, la preuve litigieuse pour annuler partiellement le chef de redressement n°12, quand elle avait expressément constaté que la cotisante n'avait pas été en mesure de produire une telle preuve à l'occasion du contrôle afférent au redressement litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

2) ALORS QUE l'employeur ayant déduit de l'assiette de calcul des cotisations sociales les sommes correspondant aux indemnités forfaitaires kilométriques doit rapporter la preuve à l'occasion du contrôle opéré par l'Urssaf de ce que le salarié attributaire de cette indemnité se trouvait contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles ; qu'il n'est pas discuté en l'espèce que la société Kaufman et Broad n'avait pas rapporté une telle preuve à l'occasion du contrôle opéré par l'Urssaf pour les années 2008 à 2010, de sorte que le redressement opéré de ce chef était parfaitement fondé ; qu'en considérant que la société Kaufman et Broad était de bonne foi dès lors qu'elle avait procédé au règlement à titre conservatoire des sommes dues au titre de ce chef de redressement pour annuler partiellement le chef de redressement litigieux, la cour d'appel a violé l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait annulé la décision de la commission de recours amiable du 11 juillet 2012 portant sur les majorations de retard et avait ordonné à l'Urssaf Ile de France de remettre intégralement les majorations de retard mises à la charge de la société Kaufman et Broad et d'avoir condamné l'Urssaf Ile de France à verser à la société Kaufman et Broad la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a joint d'office les deux instances enregistrées et instruites sous les numéros de rôle 12-00982/B et 13-01362/B concernant respectivement la contestation de plusieurs chefs de redressement et la demande de remise des majorations de retard, en application de l'article 367 du code de procédure civile qui permet la jonction de plusieurs affaires pendantes lorsqu'il existe un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble. En l'espèce, les parties sont identiques et les deux instances ont trait au même redressement de cotisations sociales ; dès lors, c'est à bon droit que le tribunal, qui a bien précisé que les voies de recours étaient distinctes, a pu décider pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux instances ; il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de disjonction de l'Urssaf. Par ailleurs, la question de la remise des majorations de retard n'étant pas susceptible que de pourvoi en cassation, conformément au texte de l'article R.244-2 du code de la sécurité sociale, l'appel de l'Urssaf sera déclaré irrecevable en ce qui concerne ce point. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « par application des dispositions de l'article R.133-20 et suivants du code de la sécurité sociale, la demande de remise des majorations de retard est soumise aux conditions de recevabilité suivantes : (i) le cotisant doit avoir procédé au règlement intégral de sa dette principale et (ii) sa bonne foi doit être prouvée. Pour la remise des majorations de base, la bonne foi du cotisant est appréciée souverainement et à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses par le tribunal à partir des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis. Pour les majorations de retard complémentaires, l'article R.243-10 alinéa 2 du même code limite à trois cas – entendus restrictivement – la possibilité de remise : (i) règlement de la dette principale de cotisations dans les 30 jours suivants la date d'exigibilité, (ii) ou cas exceptionnels, (iii) ou force majeure. En l'absence de règlement de la dette dans un délai de 30 jours, il appartient au tribunal de rechercher si l'assuré se trouve dans un cas de force majeure ou exceptionnel. En l'espèce, ayant réglé l'intégralité de sa dette dans le délai prescrit, le GIE Kaufman et Broad rapporte valablement la preuve de sa bonne foi. Il peut dès lors prétendre à la remise des majorations de retard afférentes aux redressements maintenus. Dans le cadre de la présente instance, eu égard aux circonstances exceptionnelles de ce redressement tenant à la difficulté des points discutés au cours de la phase contradictoire du contrôle et à la bonne foi du cotisant, une remise totale lui sera accordée. »

ALORS QUE les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale n'ont pas le pouvoir d'ordonner une remise des majorations de retard qui relève de la seule compétence des organismes de sécurité sociale concernés ; qu'en ordonnant, par confirmation du jugement entrepris, la remise intégrale des majorations de retard, la cour d'appel a violé l'article l'article 1244-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-22912
Date de la décision : 19/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 déc. 2019, pourvoi n°18-22912


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22912
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