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15/01/2020 | FRANCE | N°19-12456

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2020, 19-12456


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 novembre 2017), M. H..., engagé le 17 avril 2009 en qualité de gardien d'immeubles par l'Office public de l'habitat, a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er novembre 2010.

2. Licencié, le 12 juillet 2013, à raison des perturbations occasionnées au service par ses absences de longue durée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notammen

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 novembre 2017), M. H..., engagé le 17 avril 2009 en qualité de gardien d'immeubles par l'Office public de l'habitat, a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er novembre 2010.

2. Licencié, le 12 juillet 2013, à raison des perturbations occasionnées au service par ses absences de longue durée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à la nullité du licenciement, subsidiairement à son absence de cause réelle et sérieuse, et au paiement de plusieurs sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail.

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

4. M. H... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors que « si, en cas de carence de l'employeur, le salarié absent pour raisons médicales peut solliciter lui-même la visite de reprise, à condition d'en aviser au préalable l'employeur, l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès lors que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier en fait la demande et se tient à la disposition de l'employeur pour qu'il y soit procédé ; que le refus de l'employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait juger le licenciement de M. H... fondé sur une cause réelle et sérieuse en affirmant que ce dernier n'a pas mis son employeur en mesure d'organiser la visite de reprise, qu'il a pris directement l'attache de la médecine du travail quelques jours après l'entretien préalable et que l'examen a eu lieu sans que l'employeur en soit informé, sans rechercher ni vérifier si, comme il le faisait valoir et le démontrait, le salarié avait informé son employeur de la fin de son arrêt de travail par un courrier du 22 juin 2013 en lui demandant de bien vouloir organiser dès que possible la visite de reprise auprès de la médecine du travail et si, par lettre du 28 juin 2013 adressée à M. H..., l'employeur avait refusé d'y donner suite dans l'attente de l'issue de la procédure de licenciement engagée, ce dont il se déduisait nécessairement que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-2, ensemble les articles R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail en leur rédaction applicable en la cause ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ce texte que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour rejeter les demandes du salarié au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'abord, que l'intéressé a été absent pour maladie durant 2 ans et 8 mois et que cette absence de très longue durée a engendré des perturbations du fonctionnement normal de l'entreprise, l'employeur ayant dû pourvoir à son remplacement définitif.

7. L'arrêt retient, ensuite, que le salarié ne peut valablement soutenir que l'employeur aurait dû lui notifier un licenciement pour inaptitude suite à l'avis du médecin du travail du 4 juillet 2013 dès lors que l'intéressé n'a pas mis l'employeur en mesure d'organiser la visite de reprise, a pris directement l'attache de la médecine du travail quelques jours après l'entretien préalable et que s'il est versé au dossier un courrier du salarié informant l'employeur de sa volonté de reprendre le travail, celui-ci n'est daté que du 1er juillet 2013 et qu'il n'existe aucune preuve de son envoi effectif.

8. En statuant ainsi, alors que le salarié soutenait que par lettre du 22 juin 2013, il avait avisé l'employeur de la fin de son arrêt de travail et avait demandé à être examiné par le médecin du travail afin de déterminer son aptitude à reprendre le travail et qu'il s'était heurté, le 28 juin suivant, à un refus, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. H... de ses demandes en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne l'Office public de l'habitat aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Office public de l'habitat et le condamne à payer à la SCP Coutard, Munier-Apaire la somme de 3 000 euros, à charge pour elle de renoncer la part contributive de l'Etat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR débouté M. H... de ses demandes, notamment celles tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail, celle visant au prononcé de la nullité du licenciement à ce titre et celle visant au paiement de différentes sommes par voie de conséquence ;

AUX MOTIFS QUE « M. H... fonde sa demande de dommages-intérêts sur les dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-4 du code du travail aux termes desquelles l'employeur est tenu de prendre toutes dispositions nécessaires afin d'éviter que le salarié soit victime de harcèlement moral défini comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; par application de l'article L.1154-1 du code du travail il revient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; il sera ajouté ne méconnaît pas son obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail et qui, informé de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ; sur ce, M. H... présente en cause d'appel et en substance les éléments de faits suivants : primo le fait qu'à compter du 1er janvier 2012 novembre il n'avait plus aucune affectation ; ce grief est infondé dès lors qu'à la date alléguée le contrat de travail était suspendu du fait de la prolongation de ses arrêts de travail et qu'il ne saurait donc reprocher à son employeur de ne pas l'avoir fait travailler ; secundo le fait que l'OPH a fait pression pour lui faire signer une résiliation de son contrat de location en faisant état d'un bail jamais signé ; ces faits d'une particulière imprécision ne sont pas établis ; il sera relevé que les parties n'nt signé aucun bail et qu'il a valablement été réclamé à M. H... le paiement d'une indemnité d'occupation ; tertio le fait que l'OPH n'est jamais intervenu auprès de son supérieur, M. A..., pour faire cesser ses agissements de harcèlement moral, entre le 28 mai 2010 et le 29 octobre 2010, organisant sa destruction psychologique (il invoque des brimades, la remise en cause de ses compétences, le harcèlement par appels téléphoniques, la mise à l'écart, le salissement de la vie privée) ; pour unique pièce au soutien de ces allégations, M. H... verse un courrier d'une dénommée [...] adressé à son avocat ; ce témoignage ne respectant pas les formes de l'article 202 du de procédure civile mais présentant des garanties suffisantes d'authenticité ne sera pas écarté des débats ; la cour relève toutefois qu'il ne contient aucune précision sur les dates des agissements allégués, sur leur contexte et sur leur déroulement exact ; Mme K... indique que son collègue a été victime de brimades et d'humiliation en des termes généraux sans fournir la moindre illustration concrète ; n'étant pas corroboré par d'autres éléments ce témoignage est à lui seul insuffisant à établir la réalité des faits reprochés à l'employeur alors même que l'unique écrit de M. A... versé aux débats est la notation de M. H... dans laquelle il a porté de très bonnes appréciations sur sa manière de servir ; il sera ajouté que M. H... a daté la détérioration des relations avec M. A... d'une mission qu'il aurait confiée fin mai 2010 mais que dans un courrier du 8 novembre 2012 il en situait le point de départ non plus fin mai mais à la fin du premier trimestre 2010 alors qu'ayant constaté de graves problèmes de sécurité dans une gaine EDF il en avait informé son responsable resté inactif par la suite ; il ne livre cependant aucun détail précis du comportement de ses supérieurs hiérarchiques suite à ce rapport non versé aux débats de sorte qu'il est impossible de caractériser de quelconques agissements ou décisions de l'OPH sur ce point ; il ne peut par ailleurs être tiré aucune déduction du courrier adressé le 18 novembre 2010 par l'Office à M. H... ainsi rédigé : «
nous avons pris note lors de nos entretiens et à la lecture de vos courriers des difficultés relationnelles que vous rencontreriez avec votre supérieur hiérarchique et certains de vos collègues ainsi que des dysfonctionnements que vous auriez constatés ; néanmoins après en avoir échangé avec votre supérieur hiérarchique il nous semble difficile d'en appréhender l'exactitude en l'état actuel du dossier ; par conséquent, compte tenu des tensions apparues au sein de l'équipe et qui risquent d'impacter la qualité de service à nos clients nous acceptons votre demande de mutation sur le site de ST POL à compter du 13 décembre 2010
» ; ce courrier ne constituant pas l'aveu de faits laissant supposer le harcèlement moral mais traduisant au contraire la volonté de l'employeur d'éviter, par la mutation, toute situation problématique ; il sera au final sur ce grief considéré que M. H... ne démontre pas l'existence chez son supérieur d'agissements ou de décisions laissant supposer le harcèlement, sa mésentente ou le sentiment d'être victime de harcèlement moral ne pouvant tenir lieu de présentation de faits précis et vérifiables comme l'exige la loi ; quarto le fait que son employeur a menacé de l'expulser de son logement d'E... et qu'il a cessé d'appliquer la gratuité du logement alors qu'il était en congé maladie ; il est avéré que dans divers courriers l'OPH a demandé à M. H... de régler le loyer correspondant à l'usage de son logement de fonction et qu'il lui en a demandé la restitution fin 2011 en mentionnant un éventuel usage des voies de droit ; ces faits non contestés sont donc établis ; vu sur ce dernier grief les explications des parties et les pièces du dossier ; M. H... lie la réclamation de loyers à une volonté déloyale de l'OPH de faire échec à sa mutation à ST POL convenue le 25 novembre 2010 mais l'unique raison de son maintien à E... était ainsi qu'il vient d'être dit la longue prolongation de son arrêt de travail ; il sera relevé que par lettre du 17 octobre 2011 7 l'OPH lui a indiqué : « suite à la signature de votre avenant sur le site de ST POL SUR TERNOISE en date du 25 octobre 2010 je vous invite à rendre le logement de fonctions à E... sous quinzaine. A défaut je serais contraint d'entreprendre une procédure de récupération par voie d'huissier en date du 10 novembre 2011, dans l'attente et comptant sur votre collaboration
» ; à ce courrier M. H... a répondu le 2 novembre suivant qu'il était prêt à « collaborer » tout en demandant une attestation de domicile pour le nouveau logement ainsi que les clefs de celui-ci ; cette demande ne pouvait évidemment être satisfaite dès lors que M. H... n'ayant pas intégré son nouveau domicile l'OPH n'était pas tenue de lui délivrer une attestation de domicile, d'autant que n'ayant pas repris ses fonctions il n'avait aucun droit de se faire remettre les clefs de sa nouvelle loge ; M. H... ne peut non plus reprocher à sa direction d'avoir essayé d'obtenir la restitution du logement d'E... alors que par avenant il avait accepté sa mutation à ST POL assortie de l'usage d'un autre logement de fonctions et qu'il ne disposait plus d'aucun titre lui permettant de rester dans son ancien logement ; l'employeur fait d'autre part à juste titre valoir que M. H... était redevable d'un loyer ou d'une indemnité d'occupation à compter de la deuxième année de congé maladie et qu'en l'absence de paiement volonté, il était fondé de lui en réclamer le paiement ainsi que la restitution au besoin en le menaçant de poursuites ; M. H... ne peut non plus valablement soutenir que le harcèlement moral proviendrait de ce que ces faits se sont déroulés alors qu'il était en congé maladie ; ce moyen, déjà examiné, ne pourra en effet prospérer dès lors que l'employeur était fondé de mettre fin à la gratuité du logement de fonctions dans l'hypothèse d'un congé maladie durant plus d'une année ; pour l'ensemble de ces raisons la décision des premiers juges sera infirmée » ;

ET AUX MOTIFS QUE « le harcèlement moral et la discrimination n'étant pas retenus la demande d'annulation du licenciement sera rejetée mais il reste à en vérifier la cause réelle et sérieuse » ;

ET AUSSI AUX MOTIFS QUE « la demande au titre des salaires entre le licenciement et le jugement de première instance ; l'OPH soutient que la demande de M. H... serait prescrite comme ayant été formée en cause d'appel plus de 3 ans après la rupture du contrat de travail ; ce moyen ne pourra prospérer dès lors que la saisine du Conseil de prud'hommes a entraîné une interruption de la prescription s'étendant aux demandes nouvelles en appel dans le cadre de la procédure sans représentation obligatoire ; M. H... sera toutefois de sa demande, qualifiée par ses soins d'indemnité d'éviction, dès lors que ni la loi ni la Convention collective n'en prévoient l'octroi au salarié dont le contrat de travail à durée indéterminée a été rompu, étant observé qu'il n'a accompli aucune prestation de travail au service de l'OPH durant la période visée dans sa réclamation et que son licenciement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;

La demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; la demande de dommages-intérêts formée par M. H... au titre de l'exécution prétendument déloyale du contrat de travail, basée sur des éléments identiques à ceux allégués au titre du harcèlement moral et de la discrimination, ne pourra être accueillie pour les raisons ci-devant détaillées » ;

1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, après avoir relevé qu'à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, le salarié faisait valoir qu'à compter du 1er janvier 2012, il n'avait plus aucune affectation, que l'OPH avait fait pression pour lui faire signer une résiliation de son contrat de location en faisant état d'un bail jamais signé, que l'OPH n'était jamais intervenu auprès de son supérieur, M. A..., pour faire cesser les agissements de harcèlement moral que ce dernier lui a fait subir entre le 28 mai 2010 et le 29 octobre 2010, organisant sa destruction psychologique par des brimades, la remise en cause de ses compétences, le harcèlement par appels téléphoniques, la mise à l'écart et le salissement de sa vie privée et que son employeur a menacé de l'expulser de son logement d'E... et a cessé d'appliquer la gratuité du logement alors qu'il était en congé maladie, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande du salarié en procédant un examen et à une analyse séparés de chacun de ces griefs invoqués et considéré que, pris séparément, ils ne laissaient pas supposer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en statuant ainsi, quand elle aurait dû apprécier si les faits qu'elle considérait comme établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral et, le cas échéant, rechercher si l'employeur justifiait que ses décisions étaient étrangères à tout harcèlement, la cour d'appel, qui n'a pas respecté son office, a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, les juges doivent examiner l'intégralité des éléments de fait et de preuve avancés par le salarié au soutien du harcèlement moral allégué, en ce compris les documents médicaux qu'il produit, et rechercher si l'ensemble des éléments établis par le salarié est de nature à en faire présumer l'existence ; qu'en écartant les allégations du salarié tenant à l'absence de réaction de l'employeur pour faire cesser le comportement de son supérieur, M. A..., au prétexte que M. H... versait « pour unique pièce au soutien de ces allégations » un courrier de sa collègue, Mme K..., sans prendre en considération ni analyser les autres éléments de preuve produits par le salarié, notamment les courriers adressés par le salarié à M. B..., dont celui du 10 octobre 2010, et les certificats médicaux qu'il versait aux débats et qui témoignaient d'un état dépressif du salarié lié à son environnement de travail, la cour d'appel, qui n'a pas examiné tous les éléments invoqués par le salarié ni recherché si, pris dans leur ensemble, ils étaient de nature à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral à l'encontre de M. H..., a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur les deux premières branches du moyen qui s'attaquent au chef de l'arrêt ayant jugé le licenciement de M. H... fondé sur une cause réelle et sérieuse et ayant débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, notamment celle visant à la nullité de son licenciement, entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure du chef de l'arrêt ayant rejeté les demandes de M. H... au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail et des salaires entre le licenciement et le jugement de première instance.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR débouté M. H... de ses demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE « le harcèlement moral et la discrimination n'étant pas retenus la demande d'annulation du licenciement sera rejetée mais il reste à en vérifier la cause réelle et sérieuse ; la lettre de licenciement est ainsi rédigée : « Monsieur,
nous avons décidé de vous licencier en raison de votre absence de longue durée qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer le fonctionnement normal de l'entreprise. En effet du fait d'arrêts de travail successifs vous n'avez pas repris le travail depuis le 1er novembre 2010 soit une durée de 2 ans et 8 mois
dans le cadre de nombreux entretiens et courriers nous vous avons proposé des solutions en terme d'affectations ces démarches étant toujours restées infructueuses du fait de l'absence de confirmation de votre accord pour des raisons diverses et de la prolongation de vos arrêts de travail
par courrier du 7 mai 2013 nous vous avons proposé un poste de gardien à Bruay la Buissière avec intégration du logement correspondant. Dans votre courrier de réponse vous avez évoqué un souhait de reprise à votre ancien poste à E... alors que nous avions informé que ce poste n'était plus disponible. Vous ne vous êtes pas en revanche positionné concernant votre affectation à Bruay alors que ce poste a été maintenu vacant ainsi que le logement de fonctions rattaché et qu'il était pourvu de manière temporaire dans l'attente de votre réaffectation. A défaut de réponse de votre part nous avons été obligés de pourvoir ce poste par la voie d'une mutation interne le salarié muté étant lui-même remplacé dans le cadre d'un recrutement externe. En effet sur un poste de gardien d'immeuble les solutions internes de remplacement ne peuvent être que provisoires et ne s'avèrent plus suffisantes pour assurer l'ensemble des missions dès lors qu'il s'agit d'une absence de longue durée. Il est indispensable notamment pour la qualité du service à laquelle nous nous engageons auprès de nos locataires qu'un gardien puisse être affecté de manière pérenne et intégrer son logement de fonctions. Votre préavis que nous vous dispensons d'effectuer
» ; il ressort des éléments versés aux débats que M. H... a été absent pour maladie, non sans lien avec des allégations de harcèlement moral devant son médecin traitant, durant 2 ans et 8 mois ; cette absence de très longue durée a engendré des perturbations du fonctionnement normal de l'entreprise détaillées tant dans la lettre de licenciement que lors des débats, consistant principalement en la nécessité d'assurer la gestion des affectations des remplaçants et de recourir à des sous-traitants pour assurer les missions du salarié absent alors qu'à tout moment celui-ci était susceptible de reprendre son service ; il est par ailleurs avéré que compte tenu de la longue absence de M. H... l'OPH a dû pourvoir à son remplacement, par contrats à durée déterminée suivis de contrats à durée indéterminée, tant à E... qu'à ST POL SUR TERNOISE, son remplacement ayant en ces deux lieux acquis un caractère définitif pleinement justifié ; pour le reste M. H... ne peut valablement soutenir que l'OPH aurait dû lui notifier un licenciement pour inaptitude et chercher à l'avis du médecin du travail émis le 4 juillet 2013 ; il ressort en effet des débats que M. H... n'a pas mis son employeur en mesure d'organiser la visite de reprise et qu'il a pris directement l'attache de la médecine du travail quelques jours après l'entretien préalable, de sorte que l'examen a eu lieu sans que l'employeur en soit informé ; s'il existe au dossier un courrier du salarié informant l'OPH de sa volonté de reprendre le travail celui-ci n'est daté que du 1er juillet 2013 soit 3 jours avant la visite et il n'existe aucune preuve de son envoi effectif ; il en sera déduit que comme l'employeur le soutient la visite devant le médecin du travail était une visite de pré-reprise et que les conclusions d'inaptitude en étant résultées ne peuvent lui être valablement opposées d'autant que rien n'établit qu'il en ait été destinataire par la médecine du travail avant de notifier le licenciement ; il s'ensuit que l'OPH a valablement engagé puis mené à son terme la procédure de licenciement et qu'il n'était tenu ni de notifier un licenciement pour inaptitude ni de rechercher une solution de reclassement ; il en résulte que le licenciement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse et que la demande de dommages-intérêts sera rejetée » ;

1°) ALORS QUE le licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, n'est possible que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; que le remplacement n'a plus lieu d'être lorsque le salarié n'est plus en arrêt de travail, de sorte que le licenciement intervenu après la fin de l'arrêt de travail ne saurait être justifié par ce motif ; qu'en l'espèce, M. H... faisait valoir et justifiait que la fin de son arrêt de travail étant le 30 juin 2013, ce dont l'employeur avait été averti par courrier du 22 juin 2013, ce dernier ne pouvait motiver le licenciement au prétexte d'une absence prolongée obligeant l'entreprise à assurer son remplacement définitif puisqu'à date du licenciement, il ne se trouvait pas dans l'obligation de procéder à l'embauche définitive d'un salarié pour pourvoir au remplacement de M. H... ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé articles L.1132-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le licenciement d'un salarié malade motivé, non par son état de santé, mais par la situation objective de l'entreprise n'est possible que s'il est établi que le fonctionnement de l'entreprise est perturbé par l'absence prolongée du salarié et que les perturbations dues aux absences répétées du salarié entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'absence de très longue durée de M. H... a engendré des perturbations du fonctionnement normal de l'entreprise détaillées tant dans la lettre de licenciement que lors des débats, qu'elles consistaient principalement en la nécessité d'assurer la gestion des affectations des remplaçants et de recourir à des sous-traitants pour assurer les missions du salarié absent car le salarié absent était à tout moment susceptible de reprendre son service et qu'il était avéré que l'OPH a dû pourvoir à son remplacement, par contrats à durée déterminée suivis de contrats à durée indéterminée, tant à E... qu'à St Pol sur W..., son remplacement ayant en ces deux lieux acquis un caractère définitif pleinement justifié ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser, au regard de la situation de l'entreprise, ni en quoi l'employeur se trouvait dans l'impossibilité de continuer de recourir à un remplacement temporaire, ni s'il était dans l'obligation de procéder à l'embauche définitive d'un salarié pour pourvoir au remplacement du salarié absent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1232-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, n'est possible que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; que si le remplacement définitif du salarié absent peut se faire en cascade, le poste laissé vacant par le salarié licencié ou par le salarié remplaçant doit en tout état de cause donner lieu à l'embauche sous contrat à durée indéterminée dans un délai raisonnable après le licenciement ; qu'en l'espèce, M. H... ayant fait valoir que l'employeur, qui n'avait pourvu à son remplacement que par mutation interne, ne justifiait de la publication d'une offre d'emploi qu'à compter du 4 juillet 2013 et d'une embauche externe qu'à la date du 2 septembre suivant, la cour d'appel ne pouvait, en cet état, juger que son licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse, sans caractériser que son remplacement définitif avait effectivement entraîné l'embauche extérieure par contrat à durée indéterminée d'un nouveau salarié dans un temps proche du licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1232-1du code du travail ;

4°) ALORS QUE la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du travail en avertissant au préalable l'employeur de cette demande ; que l'examen par le médecin du travail constitue une visite de reprise opposable à l'employeur dès lors qu'il a été informé de son organisation ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions soutenues à l'audience, l'OPH admettait qu'à la date du 19 juin 2013, il avait reçu un courrier du médecin du travail, daté du 13 juin, l'informant dans le cadre d'une visite de pré-reprise de M. H... évoquant un risque d'inaptitude au poste et annonçant l'organisation d'une visite de reprise dès la fin de l'arrêt de travail de celui-ci ; que dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait, pour juger le licenciement de M. H... fondé sur une cause réelle et sérieuse, estimer que l'examen du 4 juillet 2013 avait eu lieu sans que l'employeur en soit informé et n'était qu'une visite de pré-reprise, de sorte que les conclusions d'inaptitude ne pouvaient lui être opposées, de sorte que l'employeur n'était tenu ni de notifier un licenciement pour inaptitude ni de rechercher une solution de reclassement, quand il était constant que l'employeur avait été averti de l'organisation imminente d'une visite de reprise, ce dont il résultait qu'elle lui était opposable et qu'il devait tirer les conséquences de l'inaptitude médicale constatée par le médecin du travail en respectant les règles d'ordre public applicables en la matière ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 231-1, L. 232-2, ensemble les articles L.1226-2, R.4624-22 et R.4624-23 du code du travail en leur rédaction applicable en la cause ;

5°) ALORS QUE si, en cas de carence de l'employeur, le salarié absent pour raisons médicales peut solliciter lui-même la visite de reprise, à condition d'en aviser au préalable l'employeur, l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès lors que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier en fait la demande et se tient à la disposition de l'employeur pour qu'il y soit procédé ; que le refus de l'employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait juger le licenciement de M. H... fondé sur une cause réelle et sérieuse en affirmant que ce dernier n'a pas mis son employeur en mesure d'organiser la visite de reprise, qu'il a pris directement l'attache de la médecine du travail quelques jours après l'entretien préalable et que l'examen a eu lieu sans que l'employeur en soit informé, sans rechercher ni vérifier si, comme il le faisait valoir et le démontrait, le salarié avait informé son employeur de la fin de son arrêt de travail par un courrier du 22 juin 2013 en lui demandant de bien vouloir organiser dès que possible la visite de reprise auprès de la médecine du travail et si, par lettre du 28 juin 2013 adressée à M. H..., l'employeur avait refusé d'y donner suite dans l'attente de l'issue de la procédure de licenciement engagée, ce dont il se déduisait nécessairement que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1, L.1232-2, ensemble les articles R.4624-22 et R. 4624-23 du code du travail en leur rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-12456
Date de la décision : 15/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2020, pourvoi n°19-12456


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12456
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