La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2020 | FRANCE | N°17-27988

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 janvier 2020, 17-27988


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 84 F-D

Pourvoi n° Y 17-27.988

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020

M. J... K..., domicilié [...] , a form

é le pourvoi n° Y 17-27.988 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 84 F-D

Pourvoi n° Y 17-27.988

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020

M. J... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 17-27.988 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. U... Q..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société R2R emballages flexibles, succédant à M. O...,

2°/ au CGEA AGS Annecy, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

M. Q... a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. K..., de Me Le Prado, avocat de M. Q..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.878), que M. K... a été engagé par contrat du 16 août 1999 en qualité de cadre commercial par la société Gerosa France, aux droits de laquelle se trouve la société R2R emballages flexibles (la société) ; que le salarié a été licencié pour motif économique le 31 janvier 2008 ; que la société a été mise en liquidation judiciaire, M. O..., puis M. Q... étant désignés liquidateur judiciaire ;

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non versement de la prime de résultat alors, selon le moyen, que la perte de chance de réaliser un objectif et de percevoir une prime assise sur cette réalisation constitue un préjudice distinct de celui résultant de la non-perception de cette prime ; qu'au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société R2R, M. K... faisait valoir qu'en ne lui fixant pas des objectifs, l'employeur lui avait fait perdre une chance de les réaliser, et par conséquent de percevoir la prime d'objectifs prévue par son contrat de travail ; qu'en retenant que sous couvert de dommages et intérêts, M. K... formait une demande tendant à obtenir le paiement de rappels de salaire prescrits et ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui de la non perception de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;

Mais attendu que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine de la cour d'appel selon laquelle le salarié ne justifiait pas de l'existence du préjudice distinct allégué ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Vu l'ancien article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, applicable au litige ;

Attendu que pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de sa demande de fixation de sa créance de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté l'appartenance de la société à un groupe composé de sept sociétés oeuvrant dans le même secteur d'activité, retient que l'employeur justifie de la réalité de ses difficultés économiques et de la menace pesant sur sa compétitivité ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée, si la réorganisation de la société était justifiée par l'existence, au niveau du secteur d'activité du groupe, de difficultés économiques ou d'une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le moyen unique du pourvoi incident du liquidateur judiciaire relatif à l'indemnité pour non-respect des critères d'ordre de licenciement ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant dit légitime le licenciement de M. K..., en ce qu'il déboute celui-ci de sa demande de fixation au passif de la société R2R emballages flexibles de sa créance de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il fixe sa créance à la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des critères d'ordre du licenciement, l'arrêt rendu le 20 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne M. Q... ès qualités aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Q... ès qualités et le condamne à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. K...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Cambrai du 21 janvier 2010 en ce qu'il a dit légitime le licenciement pour motif économique du salarié, et d'avoir en conséquence débouté M. K... de ses demandes de ce chef

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société R2R Emballages Flexibles qui a pour activité la fabrication et la vente de produits d'emballage fait partie du groupe Gerosa qui est composé de 7 sociétés oeuvrant dans le même secteur d'activité et réparties sur le territoire européen »

ET QUE « M. K... a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 janvier 2003 motivée comme suit:
"Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 23 janvier 2008 nous vous rappelons que vous avez jusqu'au 7 février 2008 inclus pour nous faire connaître votre décision d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé qui vous a été proposée le 2J janvier 2008.
Nous vous rappelons également qu'en cas d'adhésion, votre contrat de travail se trouvera rompu d'un commun accord des parties, aux conditions qui figurent dans le document d "information remis à la date du 23 janvier 2008.
A défaut d'adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors la notification de votre licenciement, sa date de première présentation fixera le point de départ du préavis de 3 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
Nous vous précisons cependant que nous vous dispenserons de l'exécution de votre préavis à compter du 1er mars 2008 étant précisé que vous percevez l'indemnité compensatrice correspondante au mois le mois. Nous tiendrons à votre disposition le solde de votre compte à l'issue de votre préavis.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité du 23 janvier 2008 à savoir :
La situation économique et financière de la société R2R s'est aggravée depuis 2005 pour atteindre une perte en 2007 d'environ 1 million d'euros.
Ceci s'explique notamment par une forte pression sur les prix appliqués par les clients, une forte concurrence sur le marché et une augmentation des prix des matières premières.
Les mesures prises au cours de l'exercice 1007 pour l'essentiel en termes de gestion du personnel intérimaire, d'amélioration des performances de production, du service all client et d'organisation des services périphériques à la production, n'ont pas permis le redressement de la situation.
Dans ces conditions, nous sommes amenés à réorganiser l'entreprise afin d'essayer de parvenir à un retour à l'équilibre, sauvegarder notre compétitivité et au-delà celle du groupe.
Dans ce cadre nous sommes conduits à supprimer votre poste de chef de produit et dans la mesure où il n'a pas été possible de vous reclasser, nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour motif économique (
)".
Tel qu'il se trouve défini aux articles L1233-3, L1233-l, L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique, qui par définition ne doit pas être inhérent à la personne du salarié, suppose une cause économique qui doit par ailleurs avoir une incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié concerné, Il convient enfin que le salarié ait bénéficié des actions de formation et d'adaptation nécessaires et que son reclassement sur un emploi de même catégorie que celui qu' il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'intéressé, sur un emploi de catégorie inférieure, ne puisse être réalisé au sein de l'entreprise ou, le cas échéant, dans tes entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées doivent enfin être écrites et précises.
Pour satisfaire aux exigences des articles Ll132-6, L.1233-16, Ll233-42 et Ll233-3, Ll233-1, Ll233-4 du code du travail, la lettre de licenciement doit tout à la fois invoquer l'une des causes économiques prévues par la loi et mentionner l ' incidence de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, il défaut de quoi, le licenciement se trouve ipso facto privé de cause réelle et sérieuse.
La cause économique énoncée dans la lettre de licenciement lie les parties et le juge et il ne saurait en être substitué une autre au cours du débat probatoire.
Les difficultés économiques de l'entreprise doivent être établies de façon objective et doivent en outre être suffisamment sérieuses et ne pas revêtir un caractère purement conjoncturel et passager.
Lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques doivent être appréciées et vérifiées au niveau de l'ensemble des sociétés composant le groupe parmi celles oeuvrant dans le même secteur d'activité.
Le licenciement d'un salarié dont l'emploi n'a pas été effectivement supprimé ne repose sur aucune cause économique.
La lettre de licenciement qui invoque une réorganisation tout en précisant son incidence sur l' emploi ou le contrat de travail du salarié satisfait aux exigences légales de motivation et ouvre le champ des justifications économiques susceptibles d' être invoquées, en cas de contestation, lors du débat probatoire et qu'il appartiendra au juge de contrôler, à savoir difficultés économiques, mutations technologiques ou nécessité de sauvegarder la compétitivité menacée de l'entreprise ou du groupe dans son secteur d'activité.
Si une réorganisation de l'entreprise peut constituer une cause économique de licenciement, cette réorganisation doit être justifiée, non par le seul souci d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise, mais par des difficultés économiques, des mutations technologiques ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activité ou dans celui du groupe auquel elle appartient, ce qui suppose démontré que cette compétitivité soit menacée et que l'organisation existante de l'entreprise soit impuissante à y pallier.
Même justifié par une cause économique avérée, le licenciement du salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement.
Si en cas d'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé prévue à l'article L.1233-65 du code du travail, le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord des parties, il n'en demeure pas moins que cette rupture, qui découle d'une décision de licenciement prise par l'employeur, doit être justifiée par une cause économique que le salarié est en droit de contester devant les juridictions du travail.
Sur la cause économique:
La lettre de notification de la rupture telle que reproduite ci-dessus invoque comme cause économique justificative l'existence de difficultés économiques ainsi que la nécessité d'arrêter des mesures d'adaptation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.
La légitimité du licenciement doit par conséquent être appréciée au regard des justifications économiques de la réorganisation invoquée à savoir en l'espèce les difficultés économiques auxquelles l'entreprise serait confrontée et la nécessité de sauvegarder sa compétitivité dans son secteur.
Il résulte des éléments comptables produits que le chiffre d'affaires de l'entreprise est passé de 22 576405 euros en 2004 à 20 680 704 euros en 2005 puis à 17 730 376 euros en 2006.
Si en 2007, cc chiffre d'affaire a progressé à 21 170 000 euros, il ressort des documents versés aux débats que le résultat d'exploitation demeurait déficitaire et s'élevait à 978 568 euros en ce compris les charges exceptionnelles et les pertes financières. Si le salarié allègue que le montant de ce déficit a largement été obéré par le remboursement anticipé d'un crédit-bail à hauteur de 300 000 euros, il résulte des éléments produits que ce déficit demeurait réel.
Les difficultés économiques de la société étaient ainsi établies et se révélaient persistantes en ce qu'elles existaient depuis près de trois années et demeuraient au jour du licenciement de M. K....
Il sera observé de manière surabondante qu'au sein d'un courrier en date du 22 février 2008, M. K... lui-même a reconnu l'existence de ces difficultés économiques en ce qu'il a écrit: "sans contester le motif économique du licenciement collectif entrepris par R2R, je me permets de vous exposer ma vision de la situation car je ne comprends pas la décision de supprimer le poste de chef de produits. "
La société établit que sa marge sur les matières premières était passée de 46,56% en 2004 à 41,82% en 2007, que ses charges d'exploitation étaient passées de 18 896418 euros à 22740551 euros et que les salaires, traitements et charges sociales progressaient également sensiblement. Il ressort des éléments versés aux débats que la société devait sauvegarder sa compétitivité, rééquilibrer ses comptes et se restructurer en diminuant ses charges afin de poursuivre son activité dans un environnement concurrentiel et face à une augmentation croissante des matières premières ainsi qu'à une perte de parts de marché.
L'employeur établit ainsi qu'une menace réelle sur sa compétitivité existait et que l'organisation existante de l'entreprise était impuissante à y pallier.

M. K... soutient d'une part que l'entreprise n'établit pas la réalité de la suppression de son poste et d'autre part qu'il exerçait en sus de l'activité de chef de produit, celle d'area manager et qu'il n'est pas établi que cette partie de ses attributions ait été supprimée.
Il résulte des éléments produits par l'employeur et plus particulièrement du registre d'entrée sortie du personnel qu'aucun recrutement de collaborateur au poste de chef de produits ou un poste équivalent n'a été effectué concomitamment au licenciement de M. K.... Il ne résulte pas des éléments produits par le salarié qu'une embauche serait intervenue au sein de l'entreprise postérieurement à son départ sur le poste occupé par ce dernier.
Le contrat de travail de M. K... en date du ler janvier 2002 mentionne qu'il occupait un poste de chef de produits. Cet emploi est également stipulé sur ses fiches de paie. L'employeur affirme que les fonctions d'area manager ont toujours été incluses dans le contenu du poste de chef de produits et M. K... ne démontre pas avoir assumé d'antres fonctions au cours de la période concomitante au licenciement.
En outre, il résulte des éléments du dossier que le salarié avait focalisé son activité sur te développement du marché de ta brique transparente et que ce marché a été abandonné par l'employeur en raison des coûts qui y étaient attachés et des exigences des concepteurs du produit.
Au vu de ces éléments, il sera ainsi constaté que le poste occupé par M. K... a bien été supprimé au sein de la société.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il sera dit que le licenciement de M. K... était justifié par une cause économique avérée.
Sur le reclassement:
Même justifié par une cause économique avérée, le licenciement du salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement. Il s'agit toutefois d'une obligation de moyen qui doit tenir compte de la taille de l'entreprise, de l'importance et de la structure de ses effectifs outre son appartenance ou non à un groupe.
Le périmètre de l'obligation de reclassement s'étend au-delà de l'entreprise à toutes les sociétés du groupe auquel elle appartient, même situées à l'étranger dont l'activité, la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.
Il appartient à l'employeur de justifier par des éléments objectifs des recherches entreprises, éventuellement étendues aux sociétés du groupe, et de l'impossibilité de reclassement à laquelle il s'est trouvé confronté au regard de son organisation, de la structure de ses effectifs ou de ceux des sociétés du groupe, de la nature des emplois existants en son sein ou dans les sociétés du groupe.
L'obligation de reclassement préalable à tout licenciement pour motif économique doit être effective et mise en oeuvre de bonne foi par l'employeur.
En l' espèce, M. K... considère que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement en ce qu'il ne lui a présenté aucune offre de reclassement alors que la société appartient à un groupe et que le salarié a démontré sa grande polyvalence et polycompétence. Il considère les attestations établies par les responsables des sociétés du groupe comme irrecevables pour ne pas respecter les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et observent qu'elles sont rédigées en termes identiques.
Le liquidateur ès qualité considère que l'employeur a respecté son obligation en ce que d'une part il a accepté l'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisée postérieurement au délai fixé, que d'autre part il a interrogé l'ensemble des responsables des structures du groupe, qu'enfin il a continué ses recherches après la rupture de la relation de travail en ce qu'il a proposé au salarié le 15 avril 2008 un poste de commercial.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites il peine de nullité et qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement si l'attestation non conforme à l'article 202 présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
Il résulte des éléments produits que l'employeur justifie avoir, avant la rupture du contrat de travail en janvier 2008, interrogé les responsables des sociétés appartenant au groupe Gerosa pour connaître les solutions de reclassement, ces derniers ayant indiqué à l'époque être dans l'impossibilité de reclasser les salariés le plus particulièrement M. K....
Ces allégations sont par ailleurs confirmées par les attestations établies par les différents responsables de structures, attestations, qui bien que non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, présentent des garanties suffisantes pour emporter une conviction et qui ne sont pas utilement contredites par les pièces produites par le salarié.
Il est établi par les pièces versées aux débats par le liquidateur de la société que le poste de commercial proposé au salarié le 15 avril 2008 n'était pas disponible antérieurement au licenciement et ne pouvait par conséquent être proposé à M. K... dans le cadre d'un reclassement.
Il résulte des éléments communiqués et plus particulièrement du registre du personnel qu'aucun poste n'était disponible au sein de l'entreprise au jour du licenciement de M. K....

Au vu de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de constater que l'employeur a respecté son obligation de reclassement.
En conséquence, le licenciement pour motif économique de M. K... sera dit légitime »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Attendu que M. K... soutient qu'il n'existe pas de cause réelle et sérieuse à son licenciement, contestant les difficultés économiques invoquées par l'employeur et la recherche de reclassement;
Attendu que M. K... a été licencié pour motif économique par lettre recommandée avec A.R du 31 janvier 2008 ainsi libellée:
«La situation économique et financière de la société R2R s'est aggravée depuis 2005 pour atteindre une perte en 2007 d'environ 1 million d'euros.
Ceci s'explique notamment par une forte pression sur les prix appliqués par les clients, une forte concurrence sur le marché et une augmentation des prix des matières premières.
Les mesures prises au cours de l'exercice 2007 pour l'essentiel en termes de gestion du personnel intérimaire, d'amélioration des performances de production, du service client et d'organisation des services périphériques à la production, n'ont pas permis le redressement de la situation.
Dans ces conditions, nous sommes amenés à réorganiser l'entreprise afin d'essayer de parvenir à un retour à l'équilibre, sauvegarder notre compétitivité et au-delà de celle du groupe.
Dans ce cadre nous sommes conduits à supprimer votre poste de chef de produit et dans la mesure où il n 'a pas été possible de vous reclasser, nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour motif économique.
Attendu que l'article L.1233-3 du Code du Travail édicte:
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarie, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ;
Attendu que la réalité des difficultés économiques, dans un courrier en date du 22 Février 2008 adressé par M. K... à la S.A. R2R Emballages Flexibles, M. K... indique lui-même « sans contester le motif économique du licenciement collectif entrepris par R2R ... » ;
Attendu qu'il ressort des éléments versés aux débats que la S.A.S. R2R Emballages Flexibles connaissait depuis 2005 une situation économique difficile et notamment une dégradation constante de son résultat, qui était en 2007 de 978.598 euros après avoir été de 708.887 euros l'année précédente;
Que les prévisions pour l'année 2008 faisaient état d'une perte, nécessitant une adaptation de son effectif à sa situation;
Que la S.A.S R2R Emballages Flexibles justifie de la réalité de difficultés économiques ainsi que de la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour motif économique afin de tenter de résoudre ses difficultés économiques et de sauvegarder sa compétitivité;
Attendu que sur la recherche de reclassement, l'article L.1233-4 du Code du Travail stipule:
«Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qui occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».
Attendu qu'il ressort du texte précité que l'entreprise qui envisage un licenciement pour motif économique doit d'abord rechercher si un reclassement est possible dans l'entreprise ou à l'intérieur du groupe auquel elle appartient;
Attendu qu'il ressort des éléments versés aux débats, et notamment du courrier du 14 Janvier 2008 adressé à Cellografica Gerosa listant les postes concernés par le licenciement et demandant à connaître les postes disponibles à l'intérieur du groupe pour pouvoir les proposer aux salariés concernés, ainsi que des attestations des entreprises du groupe certifiant qu'elles ont bien été contactées début Janvier 2008 afin de reprendre éventuellement les salariés concernés, que la société R2R a satisfait à l'obligation mise à sa charge par l'article L.1233-4 du Code du Travail;
Attendu que par ailleurs, M. J... K... n'établit en aucune façon qu'il existait un poste conforme à ses capacités, qu'il aurait été à même d'occuper, et qui aurait été disponible dans l'entreprise ou le groupe concomitamment à son licenciement;
Que considérant l'article L.1235-1 du Code du Travail qui stipule que «le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties », il échet au Conseil de débouter M. K... de sa demande à ce titre »

1/ ALORS QUE la cause économique du licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société R2R Emballages Flexibles qui avait pour activité la fabrication et la vente de produits d'emballage faisait partie du groupe Gerosa composé de 7 sociétés oeuvrant dans le même secteur d'activité et réparties sur le territoire européen (arrêt p 2) ; qu'en appréciant l'existence de difficultés économiques et de la menace pesant sur la compétitivité à l'origine de la réorganisation mise en place par la société R2R Emballages Flexibles, au seul niveau de cette société, et non au niveau du secteur d'activité du groupe Gerosa, comme elle y était invitée (v. conclusions de la société p. 15 et 16), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE l'aveu ne peut porter sur un point de droit ; qu'en retenant que dans un courrier en date du 22 février 2008, M. K... avait lui-même reconnu l'existence de difficultés économiques en écrivant : "sans contester le motif économique du licenciement collectif entrepris par R2R, je me permets de vous exposer ma vision de la situation car je ne comprends pas la décision de supprimer le poste de chef de produits ", la Cour d'appel a violé l'article 1354 devenu 1383 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. K... de sa demande de dommages et intérêts pour non versement de la prime de résultat

AUX MOTIFS QUE « L'article L 32-15-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, disposait que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrivait par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.
M. K... ayant saisi les premiers juges le 2 juillet 2008, il ne pouvait en conséquent formuler de demande de paiement de salaire que pour la période comprise entre le 2 juillet 2003 et le 2 juillet 2008.
Sa demande de rappel de prime d'objectif pour la période antérieure au 2 juillet 2003 était en conséquent prescrite.
Il résulte des éléments du dossier et plus particulièrement du contrat de travail signé entre les parties le 1er janvier 2002 que le salarié a accepté la suppression de la prime d'objectifs et sa réintégration dans le salaire mensuel de base.
Sous couvert de dommages et intérêts, M. K... forme une demande tendant à obtenir le paiement de rappels de salaire prescrits en application des articles L 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil.
Si le salarié invoque l'absence de bonne foi contractuelle de l'employeur au motif qu'il ne lui a pas fixé de conditions d'octroi de la prime d'objectif et ne lui a pas réglé ses frais de home office, il ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui de la non perception de cette prime ou de celui des frais de home office alloués par le conseil de prud'hommes.
En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il sera débouté de sa demande à ce titre »

ALORS QUE la perte de chance de réaliser un objectif et de percevoir une prime assise sur cette réalisation constitue un préjudice distinct de celui résultant de la non-perception de cette prime ; qu'au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société R2R, M. K... faisait valoir qu'en ne lui fixant pas des objectifs, l'employeur lui avait fait perdre une chance de les réaliser, et par conséquent de percevoir la prime d'objectifs prévue par son contrat de travail (conclusions d'appel de l'exposant p 11) ; qu'en retenant que sous couvert de dommages et intérêts, M. K... formait une demande tendant à obtenir le paiement de rappels de salaire prescrits et ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui de la non perception de cette prime, la Cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident et provoqué éventuel par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. Q..., ès qualités

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR fixé la créance du salarié au passif de l'entreprise R2R Emballages flexibles à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des critères d'ordre du licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « devant la cour d'appel de renvoi, Monsieur K... soutient que l'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements. Il considère que le liquidateur ne verse aux débats aucun élément objectif et vérifiable permettant d'apprécier le respect de ces critères par l'employeur. Il rappelle qu'il n'était pas le seul cadre administratif de l'entreprise et soutient que ses qualités professionnelles n'ont jamais été remises en cause. Le liquidateur ès qualité considère que cette nouvelle demande présentée après l'arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2012 doit être déclarée irrecevable. En tout état de cause, il considère que les critères d'ordre ont fait l'objet d'une consultation du comité d'entreprise dans le cadre du projet de licenciement pour motif économique collectif, que l'employeur a souhaité privilégier les critères liés aux qualités professionnelles et que Monsieur K... était le seul dans sa situation, ses qualités professionnelles n'étant pas suffisantes. Le CGEA observe que le non respect des critères d'ordre de licenciement n'entraîne pas la nullité du licenciement ou son absence de cause réelle et sérieuse et que si le salarié peut prétendre à ce titre à des dommages et intérêts, ceux-ci ne sont pas soumis à l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail. A raison du principe de l'unicité de l'instance, le salarié est recevable à former des demandes nouvelles à tout stade de la procédure, y compris devant une cour d'appel de renvoi, dès lors que les chefs de demandes ne sont pas relatifs aux chefs de demandes d'ores et déjà tranchés définitivement par la première cour d'appel ou par la Cour de cassation. En conséquence, la demande formée pour la première fois par Monsieur K... devant la cour d'appel de renvoi est recevable. En application de l'article L 1233-5 du code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. En l'espèce, il résulte du procès-verbal de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement que la société R2R Emballages Flexibles a appliqué les critères d'ordre suivants : Ancienneté, Charge de famille ; Difficulté de réinsertion ; Qualité professionnelle. L'employeur a précisé qu'il entendait privilégier le critère de la valeur professionnelle. Toutefois, l'employeur n'a pas explicité la mise en oeuvre de ces critères et plus particulièrement de celui de la valeur professionnelle au regard de la situation particulière de Monsieur K..., par comparaison avec la situation de ses collègues dans la même catégorie, en détaillant la méthode de calcul appliquée et en justifiant le nombre de points attribués, en sorte que l'employeur n'apporte pas d'élément permettant d'apprécier objectivement le choix opéré parmi les salariés. La violation des règles gouvernant la détermination de l'ordre des licenciements a causé au salarié un préjudice. La cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la créance de dommages et intérêts à ce titre à la somme qui sera indiquée au dispositif de la présente décision. En présence d'une procédure collective intéressant la société R2R, la cour doit toutefois se borner à déterminer le montant de la somme à inscrire sur l'état des créances sans pouvoir condamner le débiteur à paiement ».

ALORS QU' il ne peut être alloué au salarié licencié sans cause économique, en plus de l'indemnité fixée à ce titre pour réparer l'intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements ; que si par extraordinaire, la Cour de cassation accueillait le premier moyen de cassation du pourvoi principal et cassait et annulait le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens qui a considéré que le licenciement du salarié reposait sur une cause économique, elle casserait et annulerait le chef de dispositif de l'arrêt qui a fixé au passif de la société R2R Emballages flexibles la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par l'employeur des critères d'ordre du licenciement par application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27988
Date de la décision : 22/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 20 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jan. 2020, pourvoi n°17-27988


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.27988
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award