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18/03/2021 | FRANCE | N°19-24284

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 mars 2021, 19-24284


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 240 F-D

Pourvoi n° P 19-24.284

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021

La société la Colleoni et fils ISTG, société à responsabilité limitée,

dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-24.284 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre soci...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 240 F-D

Pourvoi n° P 19-24.284

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021

La société la Colleoni et fils ISTG, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-24.284 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. K... I..., domicilié [...] ,

2°/ à la société EDG, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Garonne, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société la Colleoni et fils ISTG, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. I..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 octobre 2019), M. I..., employé en qualité de plombier (la victime) par la société Colleoni (l'employeur) a été victime le 6 janvier 2015 d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle.

2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Examen des moyens

Sur les moyens réunis

Enoncé des moyens

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'accident du travail dont a été victime le salarié a pour cause sa faute inexcusable, alors :

« 1°/ qu'un accident du travail ne peut être imputé à la faute inexcusable de l'employeur lorsque les causes en sont indéterminées, ce qui est le cas lorsque l'accident subi par la victime, notamment si elle a chuté, est survenu sans témoin direct et que celle-ci a donné des versions différentes de ses circonstances ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que le salarié avait chuté en l'absence de témoin direct, qu'il avait indiqué initialement dans la déclaration d'accident du travail avoir été déséquilibré lors du rangement de son poste de travail, avant de modifier ultérieurement cette version en affirmant qu'il aurait perdu l'équilibre en utilisant un outil émettant des vibrations, ce dont il ressortait que la victime avait donné des versions différentes des circonstances de l'accident survenu sans témoin direct, de sorte qu'en retenant que cet événement avait une cause déterminée, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en outre, à hauteur d'appel, l'employeur soutenait que le salarié qui « travaillait au RDC » n'avait pu chuter d'une hauteur « de plus de 2 m 50 » « compte tenu de la hauteur du 1er étage », rappelait que, dans ses déclarations initiales effectuées « dès le lendemain » de l'accident, il avait indiqué avoir perdu l'équilibre au cours du « rangement (de son) poste de travail » avant de « change(r) sa version des faits » « 2 ans après » en prétendant avoir fait « une chute de plus de 3 mètres » tandis qu'il « effectuait (des) trous » avec un « appareil (qui) s'était soudainement mis à vibrer », et approuvait les premiers juges d'avoir retenu que « les circonstances exactes de l'accident (n'étaient) donc pas démontrées » ; qu'en affirmant que l'employeur ne contestait pas les éléments factuels selon lesquels la victime aurait chuté tandis qu'elle travaillait sur une échelle à une hauteur d'environ trois mètres, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des écritures de l'exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que de surcroît, la déclaration d'accident du travail établie le 7 janvier 2015 (prod.) indiquait que, la veille, le salarié, déséquilibré, avait chuté tandis qu'il procédait au « rangement (de son) poste de travail » ; qu'en énonçant que l'attestation du 6 août 2018 (prod.) dans laquelle un salarié de l'entreprise principale, affirmait que la victime « était en train d'effectuer un carottage sur une échelle » lors de la chute, corroborait ce document, la cour d'appel a dénaturé, ensemble, la déclaration d'accident et l'attestation du 6 août 2018 en violation de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, devenu l'article 1103 ;

4°/ qu'au surplus, selon l'attestation établie le 18 avril 2019 (prod.) par le gérant de l'entreprise principale, son salarié avait déclaré à la secrétaire de l'entreprise « qu'il ne savait pas » « ce qui s'était passé » lors de l'accident ; qu'en retenant cependant qu'une telle attestation ne contredisait pas celle du 6 août 2018 dans laquelle le salarié affirmait que la victime « était (alors) en train d'effectuer un carottage sur une échelle », autrement dit qu'il prétendait désormais savoir « ce qui s'était passé » lors dudit accident, la cour d'appel a dénaturé, ensemble, les attestations des 6 août 2018 et 18 avril 2019 en violation de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, devenu l'article 1103 ;

5°/ que l'utilisation d'échelles comme poste de travail est admise sous deux conditions alternatives, tenant à l'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs, « ou » à une évaluation du risque établissant que celui est faible et qu'il s'agit de travaux de courte durée à caractère non répétitif ; qu'en retenant que ces conditions, dont l'employeur devait rapporter la preuve, étaient cumulatives, la cour d'appel a violé l'article R 4323-63, alinéa 2, du code du travail ;

6°/ qu'en en toute hypothèse, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, pour retenir que l'exposante ne justifiait pas avoir rempli les conditions permettant le recours à une échelle pour effectuer un travail en hauteur et qu'elle avait en conséquence manqué à son obligation de sécurité à l'égard de son salarié, l'arrêt infirmatif attaqué a relevé que la présence de palettes dans le local où ce dernier devait travailler caractérisait non l'existence d'une impossibilité technique autorisant le recours à une échelle, mais l'encombrement du lieu de travail ; qu'en statuant ainsi par un moyen relevé d'office sur la notion même d'impossibilité technique au sens de l'article R 4323-63 du code du travail, sans inviter au préalable les parties à en discuter, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

7°/ qu'au surplus, pour retenir que l'exposante ne justifiait pas avoir rempli les conditions permettant le recours à une échelle pour effectuer un travail en hauteur, l'arrêt infirmatif attaqué a énoncé que le harnais de sécurité prévu par le plan d'actions de prévention des risques professionnels du 12 février 2010, annexé au document unique d'évaluation des risques professionnels de même date, ne pouvait remplir sa fonction que s'il existait un point d'ancrage et un dispositif d'amarrage comme précisé dans le deuxième alinéa de l'article R 4323-61 du code du travail ; qu'en statuant de la sorte par un moyen relevé d'office, sans provoquer préalablement les explications des parties, la cour d'appel a derechef méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

5. L'arrêt relève, d'une part, que la déclaration d'accident du travail en date du 7 janvier 2015 mentionne que lors d'un « travail sur échelle en parisienne aux dires de la victime », le salarié « déséquilibré » a fait une « chute » et qu'il n'est pas allégué que cette déclaration faite par le gérant de la société employeur ait été accompagnée de réserves motivées. Il ajoute que le rapport d'intervention du directeur du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) du Tarn mentionne que l'intervention de ce service a été demandée pour une « chute + 3M », sur le lieu d'un accident du travail dans un magasin de vente, et que la fiche du service des urgences de la polyclinique indique que le salarié y a été transporté le 6 janvier 2015 à 11h30 par les sapeurs-pompiers « pour chute d'une échelle de 3M environ », ce dont il résulte que l'accident a pour cause la chute d'une échelle et non une cause indéterminée.

6. Il énonce, d'autre part, que le travail en hauteur expose les salariés à un risque de chute évident dont l'employeur ne peut pas ne pas avoir conscience eu égard aux dispositions des articles R. 4323-58 et suivants du code du travail, que la présence de palettes dans le local où le salarié a été amené à travailler en hauteur pour percer le mur, ne caractérise pas l'existence d'une impossibilité technique, au sens de l'article 4323-61 du code du travail, mais l'encombrement du lieu de travail, et que le courrier de l'entrepreneur en date du 3 octobre 2017 qui faisait état de l'incapacité matérielle d'installer une nacelle, n'établit pas davantage, que le risque de chute a été évalué par l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de son salarié. Il ajoute que les tâches du salarié présentaient un caractère répétitif alors qu'elles devaient être réalisées en hauteur, que le document unique d'évaluation des risques professionnels daté du 12 février 2010 indique uniquement à propos du travail en hauteur qu'il existe un risque de « chute de hauteur » dont la fréquence est le mois, que le plan d'action de prévention des risques professionnels daté également du 12 février 2010, indique uniquement comme moyen de prévention pour éviter les chutes, un équipement individuel (harnais de sécurité) avec la consigne de « vérifier l'état de la structure avant d'y circuler », que ces documents ne sont pas spécifiques au chantier sur lequel a eu lieu accident et ne peuvent être considérés comme définissant des moyens de prévention du risque de chute de hauteur. Il énonce encore que l'attestation de remise au salarié d'équipements individuels (deux sortes de gants, une lunette type meuleur, un demi-casque BI galettes et un casque anti-bruit 30db), datée du 14 janvier 2009, est inopérante pour établir la mise à disposition d'équipements de protection spécifiques au risque de chute de hauteur, car elle ne comporte pas d'équipements de protection propres à ce risque.

7. De ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve produits devant elle, et abstraction fait du motif erroné mais surabondant critiqué par la cinquième branche du moyen, la cour d'appel a pu déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l'employeur, qui ne pouvait pas ignorer l'existence du risque de chute de hauteur auquel il exposait son salarié en le faisant travailler sur une échelle à trois mètres de haut, a manqué à son obligation de sécurité en ne procédant pas, préalablement, à une évaluation du risque de chute sur le chantier auquel il l'affectait, et en ne prenant pas, par suite, les mesures nécessaires pour l'en préserver, de sorte qu'il a commis une faute inexcusable.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Colleoni et Fils ISTG aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Colléoni et Fils ISTG et la condamne à payer à M. I... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un.

Le conseiller référendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société la Colleoni et fils ISTG

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que l'accident du travail subi par un salarié (M. I...) avait pour cause la faute inexcusable de l'employeur (la société Colleoni et Fils ISTG, l'exposante), et d'avoir en conséquence ordonné avant-dire-droit une expertise médicale sur l'indemnisation des préjudices ;

AUX MOTIFS QUE la déclaration d'accident du travail du 7 janvier 2015 mentionnait que l'accident avait eu lieu le 6 janvier 2015 à 10 heures 30 et que, lors d'un « travail sur échelle en parisienne aux dires de la victime », le salarié « déséquilibré » avait fait une « chute » ; que le certificat médical initial portait le diagnostic d'une entorse des deux poignets avec contusion de la hanche gauche ; qu'il résultait du rapport d'intervention du directeur départemental du service d'incendie et de secours (SDIS) du Tarn que l'intervention de ce service avait été demandée pour une « chute + de 3M » sur le lieu d'un accident du travail dans un magasin de vente, et la fiche du service des urgences de la polyclinique du Sidobre indiquait que M. I... y avait été transporté le 6 janvier 2015 à 11 heures 30 par les sapeurs-pompiers « pour chute d'une échelle de 3M environ » ; qu'il résultait donc de ces éléments, comme de la relation de son accident du travail faite par M. I..., qu'il travaillait sur une échelle parisienne à une hauteur d'environ trois mètres et qu'alors qu'il travaillait à cette hauteur il avait été déséquilibré et avait fait une chute ; que l'employeur ne contestait pas ces éléments factuels ; que l'accident du travail avait donc pour cause une chute de trois mètres environ, et non point « la cause du déséquilibre », ce qui ne permettait pas de retenir, comme l'avaient fait les premiers juges, que cet accident du travail avait une cause indéterminée ; que, dans son attestation, M. M... écrivait être salarié de la société [...] et avoir été présent le 6 janvier 2015 à Castres, précisant que « M. I... était en train d'effectuer un carottage sur une échelle lorsqu'il (était) tombé et (j'avais) dû appeler les secours » ; que, même si cette attestation était datée du 3 août 2018 et était effectivement très décalée au regard de la date de l'accident, elle corroborait les éléments concordants de la déclaration d'accident du travail et du rapport du SDIS et l'attestation dont se prévalait la société Colleoni, établie le 18 avril 2019 par M. T..., témoin indirect, selon laquelle M. M... aurait déclaré à sa secrétaire, Mlle V..., qu'il ne savait pas ce qui s'était passé qu'il avait juste entendu M. I... crier et l'avait vu allongé au sol, n'était pas de nature à contredire l'attestation précitée de M. M... (arrêt attaqué, p. 6, 1er à 9ème al.) ;

ALORS QU'un accident du travail ne peut être imputé à la faute inexcusable de l'employeur lorsque les causes en sont indéterminées, ce qui est le cas lorsque l'accident subi par la victime, notamment si elle a chuté, est survenu sans témoin direct et que celle-ci a donné des versions différentes de ses circonstances ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que le salarié avait chuté en l'absence de témoin direct, qu'il avait indiqué initialement dans la déclaration d'accident du travail avoir été déséquilibré lors du rangement de son poste de travail, avant de modifier ultérieurement cette version en affirmant qu'il aurait perdu l'équilibre en utilisant un outil émettant des vibrations, ce dont il ressortait que la victime avait donné des versions différentes des circonstances de l'accident survenu sans témoin direct, de sorte qu'en retenant que cet événement avait une cause déterminée, la cour d'appel a violé l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, en outre, à hauteur d'appel, l'employeur soutenait que le salarié qui « travaillait au RDC » n'avait pu chuter d'une hauteur « de plus de 2 m 50 » « compte tenu de la hauteur du 1er étage » (v. ses concl. d'appel, p. 9, 6ème al., prod.), rappelait que, dans ses déclarations initiales effectuées « dès le lendemain » de l'accident, il avait indiqué avoir perdu l'équilibre au cours du « rangement (de son) poste de travail » avant de « change(r) sa version des faits » « 2 ans après » en prétendant avoir fait « une chute de plus de 3 mètres » tandis qu'il « effectuait (des) trous » avec un « appareil (qui) s'était soudainement mis à vibrer » (ibid., p. 13, 7ème al. et s., et p. 14, in limine), et approuvait les premiers juges d'avoir retenu que « les circonstances exactes de l'accident (n'étaient) donc pas démontrées » (ibid., p. 10, 1er al.) ; qu'en affirmant que l'employeur ne contestait pas les éléments factuels selon lesquels la victime aurait chuté tandis qu'elle travaillait sur une échelle à une hauteur d'environ trois mètres, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des écritures de l'exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, de surcroît, la déclaration d'accident du travail établie le 7 janvier 2015 (prod.) indiquait que, la veille, le salarié, déséquilibré, avait chuté tandis qu'il procédait au « rangement (de son) poste de travail » ; qu'en énonçant que l'attestation du 6 août 2018 (prod.) dans laquelle M. M..., salarié de l'entreprise principale, affirmait que la victime « était en train d'effectuer un carottage sur une échelle » lors de la chute, corroborait ce document, la cour d'appel a dénaturé, ensemble, la déclaration d'accident et l'attestation du 6 août 2018 en violation de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, devenu l'article 1103 ;

ALORS QUE, au surplus, selon l'attestation établie le 18 avril 2019 (prod.) par M. T..., gérant de l'entreprise principale, son salarié, M. M..., avait déclaré à la secrétaire de l'entreprise « qu'il ne savait pas » « ce qui s'était passé » lors de l'accident ; qu'en retenant cependant qu'une telle attestation ne contredisait pas celle du 6 août 2018 dans laquelle M. M... affirmait que la victime « était (alors) en train d'effectuer un carottage sur une échelle », autrement dit qu'il prétendait désormais savoir « ce qui s'était passé » lors dudit accident, la cour d'appel a dénaturé, ensemble, les attestations des 6 août 2018 et 18 avril 2019 en violation de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, devenu l'article 1103.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que l'accident du travail subi par un salarié (M. I...) avait pour cause la faute inexcusable de l'employeur (la société Colleoni et Fils ISTG, l'exposante), et d'avoir en conséquence ordonné avant-dire-droit une expertise médicale sur l'indemnisation des préjudices ;

AUX MOTIFS QUE l'article R 4323-63 du code du travail posait le principe de l'interdiction de l'utilisation d'échelles, escabeaux et marchepieds comme poste de travail, mais prévoyait en son alinéa 2 qu'en cas d'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l'évaluation du risque avait établi que celui-ci était faible et qu'il s'agissait de travaux de courte durée, ne présentant pas un caractère répétitif, ces équipements pouvaient être utilisés ; qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve que les conditions cumulatives posées par l'article R 4323-63, alinéa 2, précité, étaient réunies ; que la société Colleoni avait mis une échelle à la disposition de son salarié pour effectuer un travail en hauteur, que ce dernier s'était blessé en tombant de celle-ci ; que, pour soutenir utilement que le recours à cette échelle était seul possible eu égard à la configuration des lieux, il appartenait à la société Colleoni de justifier d'une part l'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs, d'autre part le recours à une évaluation du risque de chute ayant établi que celui-ci était faible et qu'il s'agissait de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif ; que la société Colleoni était intervenue sur le chantier du magasin Aldi de Castres dans le cadre d'un contrat de sous-traitance du 15 décembre 2014 conclu avec la société [...] ; que, le 3 octobre 2017, M. T..., gérant de celle-ci, avait écrit que « l'implantation des palettes du maître d'ouvrage était telle que nous n'étions pas en capacité matérielle d'installer une nacelle » ; que la présence de palettes dans le local où le salarié était amené à travailler à environ trois mètres de haut pour percer le mur, effectuer des raccords, poser des vannes et reboucher le mur, ne caractérisait cependant pas l'existence d'une impossibilité technique, mais l'encombrement du lieu de travail, et ce courrier n'établissait pas davantage que le risque de chute avait été évalué par la société Colleoni, employeur tenu de l'obligation de sécurité à l'égard de son salarié ; que, de plus, les tâches évoquées dans l'attestation T... présentaient un caractère répétitif tandis qu'elles devaient être réalisées en hauteur ; que le document unique d'évaluation des risques professionnels du 12 février 2010 indiquait le risque de « chute de hauteur » et que le plan d'actions de prévention des risques professionnels, de même date, indiquait comme moyen de prévention un équipement individuel (harnais de sécurité) ; que ce harnais ne pouvait remplir sa fonction que s'il existait un point d'ancrage et un dispositif d'amarrage comme le précisait l'article R 4323-61, 2ème al., du code du travail ; que la société Colleoni, qui ne pouvait pas ignorer l'existence du risque de chute de hauteur auquel elle exposait son salarié en le faisant travailler à trois mètres de haut, avait manqué à son obligation de sécurité en ne procédant pas, préalablement, à une évaluation du risque de chute sur le chantier auquel elle l'affectait, et par la suite, en ne mettant pas en place d'équipement spécifique de protection pour prévenir ce risque alors même qu'elle ne justifiait pas d'une impossibilité technique ; (arrêt attaqué, p. 5, 2ème al., p. 6, 10ème et 12ème al., p. 7, 1er à 6ème al. et 9ème al., et p. 8, 1er al.) ;

ALORS QUE l'utilisation d'échelles comme poste de travail est admise sous deux conditions alternatives, tenant à l'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs, « ou » à une évaluation du risque établissant que celui est faible et qu'il s'agit de travaux de courte durée à caractère non répétitif ; qu'en retenant que ces conditions, dont l'employeur devait rapporter la preuve, étaient cumulatives, la cour d'appel a violé l'article R 4323-63, alinéa 2, du code du travail ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, pour retenir que l'exposante ne justifiait pas avoir rempli les conditions permettant le recours à une échelle pour effectuer un travail en hauteur et qu'elle avait en conséquence manqué à son obligation de sécurité à l'égard de son salarié, l'arrêt infirmatif attaqué a relevé que la présence de palettes dans le local où ce dernier devait travailler caractérisait non l'existence d'une impossibilité technique autorisant le recours à une échelle, mais l'encombrement du lieu de travail ; qu'en statuant ainsi par un moyen relevé d'office sur la notion même d'impossibilité technique au sens de l'article R 4323-63 du code du travail, sans inviter au préalable les parties à en discuter, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, au surplus, pour retenir que l'exposante ne justifiait pas avoir rempli les conditions permettant le recours à une échelle pour effectuer un travail en hauteur, l'arrêt infirmatif attaqué a énoncé que le harnais de sécurité prévu par le plan d'actions de prévention des risques professionnels du 12 février 2010, annexé au document unique d'évaluation des risques professionnels de même date, ne pouvait remplir sa fonction que s'il existait un point d'ancrage et un dispositif d'amarrage comme précisé dans le deuxième alinéa de l'article R 4323-61 du code du travail ; qu'en statuant de la sorte par un moyen relevé d'office, sans provoquer préalablement les explications des parties, la cour d'appel a derechef méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-24284
Date de la décision : 18/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 25 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 mar. 2021, pourvoi n°19-24284


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24284
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