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24/03/2021 | FRANCE | N°19-19439

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 mars 2021, 19-19439


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mars 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 381 F-D

Pourvoi n° X 19-19.439

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MARS 2021

M. X... C..., domicilié [...] , a formé

le pourvoi n° X 19-19.439 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre d'appel de Mamoudzou- c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mars 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 381 F-D

Pourvoi n° X 19-19.439

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MARS 2021

M. X... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 19-19.439 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre d'appel de Mamoudzou- chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Bourbon Distribution Mayotte, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. C..., de la SCP Richard, avocat de la société Bourbon Distribution Mayotte, après débats en l'audience publique du 3 février 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou, 16 avril 2019), M. C... a été engagé en octobre 2006, par la société Bourbon Distribution Mayotte, en qualité d'informaticien.

2. Par lettre du 8 février 2016, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant notamment à son employeur de ne pas avoir respecté son droit au repos et d'avoir dégradé son état de santé le conduisant à être placé en arrêt maladie.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour faire dire que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts et de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté qu'il avait présenté sa démission, de rejeter le moyen tiré de la prise d'acte de la rupture de la relation de travail tendant à qualifier cette rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le débouter de sa demande en indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que selon l'article 8 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, tout travailleur de la Communauté européenne a droit au repos hebdomadaire ; que l'article 3 de cette directive prévoit que tout travailleur doit bénéficier, au cours de chaque période de vingt quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives ; que l'article 5 précise que tout travailleur doit bénéficier, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3 ; que l'article L. 221-2 du code du travail de Mayotte dispose qu'"il est interdit d'occuper plus de six jours par semaine un même salarié" ; que les périodes d'astreinte si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées, comme un temps de repos, lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle ; qu'il en résulte qu'un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire lorsqu'il est d'astreinte ; que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, il invoquait la violation par son employeur des règles relatives au repos hebdomadaire en raison des nombreuses astreintes qu'il était contraint d'effectuer notamment lorsque son collègue était absent plusieurs semaines de suite ; que les semaines où il était d'astreinte, il ne bénéficiait pas de son repos hebdomadaire ; que la cour d'appel a constaté que "s'il existait bien un système d'astreinte au sein de la société, ces astreintes étaient partagées entre les deux informaticiens à raison d'une semaine sur deux" et s'est bornée à énoncer que "le salarié ne démontre pas qu'il a effectué des astreintes au-delà de ce qui lui a été rémunéré. Il ne démontre pas non plus qu'il ait eu à intervenir sur ces plages horaires et ne rapporte donc pas la preuve d'un travail de nuit ni d'un travail dissimulé. Quant au repos hebdomadaire, là encore, le salarié ne démontre par aucune pièce qu'il a eu à travailler au-delà de la durée légale du travail se contentant d'affirmer qu'il travaillait 16h par jour sans même produire un planning" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable, devenu 1353 du code civil, ainsi que les articles L. 221-2 du code du travail de Mayotte et les articles 3, 5 et 8 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315 devenu 1353 du code civil :

5. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à repos et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

6. Pour débouter le salarié de ses demandes en indemnisation au titre du dépassement de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail, l'arrêt retient que s'il existait bien un système d'astreinte au sein de la société, ces astreintes étaient partagées entre les deux informaticiens à raison d'une semaine sur deux et que l'intéressé ne démontre par aucune pièce qu'il a eu à travailler au-delà de la durée légale du travail se contentant d'affirmer qu'il travaillait seize heures par jour sans même produire un planning.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en indemnisation au titre des dépassements des durées maximales de travail, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif le déboutant de ses demandes au titre de la requalification de sa démission en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. C... de ses demandes au titre de la requalification de sa démission en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande en indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail et de sa demande en paiement d'une somme au titre des frais irrépétibles et le condamne à payer à la société Bourbon Distribution Mayotte la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Condamne la société Bourbon Distribution Mayotte aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bourbon Distribution Mayotte et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. C...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a constaté que M. X... C... a présenté sa démission à la SA Bourbon Distribution Mayotte le 8 février 2016, d'avoir rejeté le moyen tiré de la prise d'acte de la rupture de la relation de travail pour faute de la SA Bourbon Distribution Mayotte tendant à qualifier cette rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir débouté M. C... de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la rupture du contrat de travail, lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la prise d'acte pour produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit porter sur des faits suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail ; qu'en l'espèce, le salarié formule divers reproches à l'encontre de son employeur ; que sur les heures supplémentaires, en l'espèce M. C... reproche à son employeur des manquements multiples aux horaires de travail prétendant travailler jusqu'à 16 heures par jour ; qu'or, si la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié d'étayer sa demande ; qu'en l'espèce, ce dernier (qui ne s'est jamais plaint pendant dix années de service de ses conditions de travail) ne produit aucun document de nature à étayer cette demande qui doit être rejetée ; qu'au contraire, il reconnaît dans ses écritures (page 4, page 9 et page 31) qu'il travaillait huit heures par jour du lundi au jeudi et sept heures par jour le vendredi soit un total de 39 heures ; qu'en outre, les cadres n'étaient soumis dans l'entreprise à aucun contrôle et étaient libres d'organiser leur temps de travail comme ils le souhaitaient ; que sur les astreintes, les règles applicables au travail de nuit, le travail dissimulé et la violation du repos hebdomadaire, les astreintes sont un temps où le salarié est à son domicile mais se tient à disposition de l'employeur ; que le salarié prétend qu'il était d'astreinte de 5h30 à 22h en semaine et de 5h30 à 19h30 le dimanche ; que là encore, il ne produit aucune pièce pour justifier ses dires ; que s'il existait bien un système d'astreinte au sein de la société, ces astreintes étaient partagées entre les deux informaticiens à raison d'une semaine sur deux ; que les astreintes effectuées qui apparaissent sur le bulletin de paie ont toutes été soit rémunérées soit ont fait l'objet d'un repos compensateur ; que l'entreprise n'a jamais ouvert ses portes jusqu'à 22h ni le dimanche après-midi, le salarié ne pouvait donc être tenu d'effectuer des astreintes pendant les heures de fermeture ; que le salarié ne démontre pas qu'il a effectué des astreintes au-delà de ce qui lui a été rémunéré ; qu'il ne démontre pas plus qu'il ait eu à intervenir sur ces places horaires et ne rapporte donc pas la preuve d'un travail de nuit ni d'un travail dissimulé ; quant au repos hebdomadaire, là encore, le salarié ne démontre par aucune pièce qu'il a eu à travailler au-delà de la durée légale du travail se contentant d'affirmer qu'il travaillait 16h par jour sans même produire un planning ; que ces demandes doivent être rejetées ; que sur la journée du dimanche 31 mai 2015, le salarié prétend qu'il a eu à intervenir lors du remplacement des caisses le 31 mai ; mais que force est de constater que le remplacement des caisses a été opéré non par le service informatique mais par le service technique comme en atteste Mme P..., responsable de service ; qu'une fois les nouvelles caisses mises en place, c'est le service informatique de la Direction Régionale basé à la Réunion qui est intervenue pour réinstaller le logiciel et reparamétrer l'ensemble du système d'encaissement ainsi que le démontre le mail du 1er juin 2015 et de Mme I... responsable informatique de Vindemia à la Réunion ; que cette demande doit être rejetée et le jugement infirmé de ce chef ; que sur la violation des règles aux conditions d'hygiène et de sécurité, la société dispose d'un comité d'Hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) institution représentative du personnel dont la mission essentielle est de veiller à l'observation des prescriptions réglementaires en matière d'hygiène, de sécurité est des conditions de travail ; qu'or, le salarié n'a jamais saisi le CHSCT pas plus qu'il n'a avisé l'employeur de ses problèmes oculaires ; que cette demande doit être rejetée ; que sur le violation des règles relatives à la formation, l'article 711-1-2 du code du travail applicable à Mayotte prévoit que tout salarié engagé dans la vie active a droit à la qualification professionnelle et doit pouvoir, à son initiative, suivre une formation ; que c'est donc au salarié de manifester son souhait de participer à une formation ; que le salarié n'a jamais exprimé le moindre désir en ce sens comme en atteste la directrice des ressources humaines ; que la demande doit être rejetée ; que sur la prime annuelle sur objectifs, le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 12.860 € correspondant au rappel de primes qui ne lui auraient pas été versées de mars 2007 à mars 2015 ; qu'outre le fait qu'une partie de sa demande est atteinte par la prescription quinquennale, force est de constater que l'employeur ne s'est jamais engagé à verser une prime annuelle équivalente à un mois de salaire ; que le courrier du 25 octobre 2006 est à cet égard parfaitement clair qui évoque le versement d'une prime pour l'année écoulée (prime qui a été payée au salarié) ; que de même, le courrier du 11 avril 2007 informe le salarié qu'il bénéficiera d'une prime exceptionnelle suivant les modalités suivantes : 50 % pour ouverture de magasin, 50 % sur appréciation de la direction ; que ces courriers démontrent que l'employeur ne s'est jamais engagé à verser une prime annuelle ; que cette demande doit être rejetée ; que l'ensemble des reproches formulés à l'encontre de l'employeur étant infondés, la prise d'acte s'analyse en une démission comme l'ont jugement décidé les premiers juges ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail, en application de l'article 1134 in fine du Code civil, pris en sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que, par courrier recommandé du 8 février 2016 (pièce n° 16 du demandeur), Monsieur X... C..., reprochant à son employeur des conditions de travail qui nuisent à sa santé, a décidé de cesser toute relation salariale avec BDM ; que par lettre du 12 février 2016 (pièce n° 17) l'employeur a rétorqué que, « dans la mesure où les manquements invoqués ne reposent pas sur des faits avérés et d'une gravité telle qu'ils sont susceptibles d'empêcher la poursuite de nos relations contractuelles », la décision de rupture par Monsieur C... du contrat de travail devait s'analyser en une démission ; que le principe de la prise d'acte de rupture d'un contrat de travail sur faute de l'employeur repose sur la notion d'inexécution fautive du contrat de travail (justifiant la résiliation judiciaire du contrat, solution légale que la loi autorise conformément à l'alinéa 2 de l'article précité), sous réserve cependant que ladite prise d'acte reflète la bonne foi du demandeur ; qu'en l'espèce, hormis un courriel en date 10 décembre 2015 adressé son supérieur (pièce n° 44), le demandeur n'avait pas fait état de doléance particulière avant l'absence de son collègue T... pendant un mois en fin d'année pour raison familiale ; que s'il n'est pas contestable que l'employeur a une obligation de veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés, il ne saurait lui fait grief de ne pas avoir tenu de situations prétendument intolérables que le salarié n'a pas dénoncé en leur temps et qu'il trouve opportun de dénoncer à présent ; qu'il en est ainsi par exemple des griefs invoqués relatifs aux efforts exigés du salarié, sans précautions particulières, lors de la « grève générale contre la vie chère » de 2011 (cf. p. 35 des conclusions de Monsieur C... ; qu'il est également notable, toute mesure prise de la surcharge de travail qu'a pu occasionner l'absence pendant 5 semaines de son collègue, étant précisé que les astreintes informatiques étaient ordinairement assumées par l'un et l'autre une semaine sur deux, que Monsieur C... a pu vivre désagréablement la décision de mutation de Monsieur T... dans un autre service au début de 2016 ; que cependant on ne saurait admettre que Monsieur C..., qui s'est borné à dénoncer ses conditions de travail à l'occasion de la remise d'un arrêt de travail de dix jours du 6 au 16 février 2016, ait valablement alerté son employeur de difficultés particulières ; que rien dans l'état de santé de Monsieur C... ne permettait d'alerter les dirigeants de BDM ; que la production tardive d'un compte rendu d'opération pour une cataracte de l'oeil gauche le 4 août 2015 (pièce n° 34), pas plus que celui d'une IRM pour examen d'une lombosciatalgie gauche le 21 janvier 2015 (pièce n° 33) n'est révélateur de conditions de travail insupportables, étant précisé que Monsieur C... ne démontre pas que l'employeur ait eu connaissance de ces deux actes médico-chirurgicaux ; qu'il s'avère, dans ces conditions que Monsieur C..., n'a pas invoqué de bonne foi la prise d'acte de rupture du contrat de travail pur faute prétendue de l'employeur ; qu'il a ainsi mis BDM devant le fait accompli d'une décision de sa part d'arrêt immédiat des relations de travail qui constitue bien une démission pure et simple ; qu'il se verra ipso facto débouter de ses demandes afférentes à l'indemnité légale de licenciement, à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux dommages-intérêts pour perte de salaire et de niveau de qualification ; que sur les autres demandes indemnitaires, Monsieur C... soutient, sans le moindre relevé concret d'heures, ni d'adminicule, faute de fiches d'intervention, qu'il effectuait le chiffre peu crédible de plus de seize heures de travail par jour ; qu'il se base pour l'affirmer sur l'affirmation qu'il aurait eu a minima 8 heures d'astreintes supplémentaires en plus de ses huit heures de travail quotidien ; cependant que Monsieur C... assimile abusivement des astreintes, c'est-à-dire des périodes pendant lesquelles le salarié est susceptible d'être appelé sur son lieu de travail, pour lesquelles il était indemnisé, à du travail effectif sans rapporter la preuve d'interventions, hormis le dimanche 31 mai 2015 ; (
) que le salarié ne rapporte aucune preuve d'une violation par l'employeur des règles applicables au travail de nuit, au repos hebdomadaire ainsi qu'aux jours chômés et devra être débouté de ses demandes de ces chefs ; qu'il sera de même débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 312-2 avant dernier et dernier alinéas, faute de démontrer d'une part la mention d'heures de travail inférieures à celles effectuées, hormis les 7 heures supplémentaires admises plus haut, et d'autre part le caractère intentionnel d'une telle omission ; que, contrairement aux insinuations du salarié, l'employeur démontre sans être contredit que Monsieur C... a régulièrement bénéficié de congés payés et a été dûment indemnisé des congés payés acquis ; que Monsieur C... ne démontre pas avoir été victime de discrimination salariale (
) ; qu'en définitive rien de sérieux ne vient au soutien de sa demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ; que sur la production de documents sous astreinte, l'astreinte est une mesure de contrainte ordonnée par le juge pour vaincre la résistance prévisible d'une partie à une décision ;
qu'en application de l'article L. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution, « Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision » ; qu'en l'espèce la présente décision, rejetant la prise d' acte de rupture du contrat de travail pour faute de l'employeur et constatant la démission du salarié, condamnant l'employeur au paiement de certaines heures supplémentaires et à un rattrapage de primes annuelles, équivaut à la remise de documents de fin de contrat, de sorte que la demande de Monsieur C... apparaît inutile ;

1°) ALORS QUE selon l'article 8 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, tout travailleur de la Communauté européenne a droit au repos hebdomadaire ; que l'article 3 de cette directive prévoit que tout travailleur doit bénéficier, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives ; que l'article 5 précise que tout travailleur doit bénéficier, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3 ; que l'article L. 221-2 du code du travail de Mayotte dispose qu' « il est interdit d'occuper plus de six jours par semaine un même salarié » ; que les périodes d'astreinte si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées, comme un temps de repos, lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle ; qu'il en résulte qu'un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire lorsqu'il est d'astreinte ; que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, M. C... invoquait la violation par son employeur des règles relatives au repos hebdomadaire en raison des nombreuses astreintes qu'il était contraint d'effectuer notamment lorsque son collègue était absent plusieurs semaines de suite ; que les semaines où M. C... était d'astreinte, il ne bénéficiait pas de son repos hebdomadaire (concl, p. 19 à 21 et 41 et suivantes) ; que la cour d'appel a constaté que « s'il existait bien un système d'astreinte au sein de la société, ces astreintes étaient partagées entre les deux informaticiens à raison d'une semaine sur deux » et s'est bornée à énoncer que « le salarié ne démontre pas qu'il a effectué des astreintes au-delà de ce qui lui a été rémunéré. Il ne démontre pas non plus qu'il ait eu à intervenir sur ces plages horaires et ne rapporte donc pas la preuve d'un travail de nuit ni d'un travail dissimulé. Quant au repos hebdomadaire, là encore, le salarié ne démontre par aucune pièce qu'il a eu à travailler au-delà de la durée légale du travail se contentant d'affirmer qu'il travaillait 16h par jour sans même produire un planning » (arrêt, p. 4) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable, devenu 1353 du code civil, ainsi que les articles L. 221-2 du code du travail de Mayotte et les articles 3, 5 et 8 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ;

2°) ALORS QUE le statut de cadre d'un salarié et l'autonomie dont il dispose dans l'organisation de son temps de travail ne dispense pas l'employeur, qui doit s'assurer du respect des règles relatives à la santé et à la sécurité de ses salariés et sur qui pèse la charge de la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne, d'établir des plannings et documents permettant de quantifier le temps de travail, et notamment les astreintes, effectuées par ses salariés ; qu'en l'absence d'établissement de tels documents et en l'absence de tout contrôle effectué par l'employeur sur le respect par ses salariés des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne sur la durée du temps de travail et le droit au repos, le salarié ne peut être débouté de ses demandes formées à ce titre au motif qu'il a bénéficié du statut de cadre et d'une grande autonomie, de tels motifs étant inopérants ; qu'en énonçant pourtant que « les cadres n'étaient soumis dans l'entreprise à aucun contrôle et étaient libres d'organiser leur temps de travail comme ils le souhaitaient » (arrêt, p. 3 in fine) pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, violant l'article L. 221-2 du code du travail de Mayotte dans sa rédaction applicable au litige et les articles 3, 5 et 8 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ;

3°) ALORS QU'en l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la rémunération des heures d'astreinte, les juges du fond doivent apprécier le montant de la rémunération revenant au salarié au titre des astreintes au regard des périodes effectivement réalisées et ne peuvent se contenter d'entériner une rémunération forfaitaire unilatéralement décidée par l'employeur ; qu'en présence d'une contestation sur le montant de la somme forfaitaire unilatéralement accordée par l'employeur au titre des astreintes au regard du nombre d'astreintes réalisées, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que l'indemnisation forfaitaire n'est pas manifestement disproportionnée au regard du nombre d'astreintes effectivement réalisées ; qu'en l'espèce, M. C... faisait valoir qu'il n'existait aucun accord collectif ni clause contractuelle relative à l'instauration des astreintes et à leur rémunération de sorte qu'elles ne devaient pas lui être payées de manière forfaitaire ; qu'en se bornant à énoncer que le salarié ne démontrait pas qu'il avait effectué des astreintes au-delà de ce qui lui été rémunéré, tandis qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve de l'adéquation du forfait accordé au salarié au regard du nombre d'astreintes effectivement réalisées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable, devenu 1353 du code civil, ainsi que les articles L. 221-2 du code du travail de Mayotte dans sa rédaction applicable au litige et les articles 3, 5 et 8 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ;

4°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer, même par omission, les documents versés aux débats ; qu'en l'espèce, M. C... versait aux débats un courriel du 16 décembre 2014 dans lequel il indiquait qu'il « saturait » de revenir au bureau tous les week-ends, que cela devenait « insupportable sur la vie privée », indiquant à son supérieur « je t'assure que je n'en peux plus » (production n° 6) ; qu'en énonçant pourtant que M. C... « (qui ne s'est jamais plaint pendant dix années de service de ses conditions de travail) ne produit aucun document de nature à étayer cette demande qui doit être rejetée » (arrêt, p. 3) et qu' « en l'espèce, hormis un courriel en date du 10 décembre 2015 adressé à un son supérieur (pièce n° 44), le demandeur n'avait pas fait état de doléances particulières avant l'absence de son collègue T... pendant un mois en fin d'année pour raison familiale. Il n'est pas contestable que l'employeur a une obligation de veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés, il ne saurait lui faire grief de ne pas avoir tenu [compte] de situations prétendument intolérables que le salarié n'a pas dénoncé en leur temps et qu'il trouve opportun de dénoncer à présent » (jugement, p. 3), tandis que M. C... avait, au contraire, dénoncé ses conditions de travail un an avant le courrier du 10 décembre 2015 envoyé à son employeur, la cour d'appel a dénaturé, par omission, le courriel du 16 décembre 2014 ;

5°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écritures des parties ; qu'en l'espèce M. C... faisait valoir qu'il travaillait seize heures par jour du lundi au jeudi (huit heures et huit heures d'astreinte) et seize heures trente le vendredi (sept heures plus neuf heures trente d'astreinte) (concl, p. 4) ; qu'en énonçant pourtant que le salarié reconnaissait « dans ses écritures (page 4, page 9, page 31) qu'il travaillait huit heures par jour du lundi au jeudi et sept heures par jour le vendredi soir soit un total de 39 heures » (arrêt, p. 3), tandis que le salarié indiquait au contraire travailler au total 105 heures par semaine dont 66 heures d'astreinte, la cour d'appel a dénaturé les écritures de M. C..., violant l'article 4 du code de procédure civile et le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

6°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer, ne serait-ce que par omission, les documents versés aux débats ; qu'en l'espèce, M. C... versait aux débats un « tableau récapitulatif des astreintes par semaine de 2006 à 2015 » en pièce n° 5 dans son bordereau de pièces ; que le salarié versait également, en pièce 81 de son bordereau de pièces, un « récapitulatif et justificatifs d'une partie des interventions réalisées » ; qu'en énonçant pourtant que M. C... ne « produit aucune pièce pour justifier ses dires » et qu'il se contentait d'affirmer « qu'il travaillait 16 h par jours sans même produire un planning » (arrêt, p. 4), la cour d'appel a dénaturé par omission les pièces précitées, violant le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

7°) ALORS QUE les juges ne peuvent procéder par voie d'affirmation et sont tenus d'examiner, ne serait-ce que sommairement, les pièces versées aux débats ; qu'en l'espèce, M. C... produisait, en pièce 115 de son bordereau de pièces, un « récapitulatif des dimanches complets et jours fériés travaillés » ; qu'en pièces 76 et 76 bis, il produisait un document démontrant les activités de caisses diverses et dès lors les horaires d'ouverture des magasins, d'où il ressortait que les magasins étaient ouverts de 5h30 à 22h et le dimanche de 5h30 à 19h30 ; qu'en énonçant pourtant que « l'entreprise n'a jamais ouvert ses portes jusqu'à 22h ni le dimanche après-midi » sans examiner, ne serait-ce que sommairement, les pièces versées aux débats par le salarié ni préciser sur quelles pièces elle se fondait pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°) ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner, ne serait-ce que sommairement, les éléments versés aux débats ; qu'en l'espèce, M. C... faisait valoir, avec offre de preuve, qu'il avait travaillé de manière effective à plusieurs reprises des samedis, dimanches et jours fériés, ce qu'il démontrait par la production de plusieurs courriels, photos des messages envoyés sur son téléphone d'astreinte et attestations (productions) ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter le salarié de ses demandes, qu' « il ne démontre pas plus qu'il ait eu à intervenir sur ces plages horaires » (arrêt, p. 4), sans examiner, ne serait-ce que sommairement, les documents versés aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 ;

9°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents versés aux débats ; qu'il ressortait des bulletins de paie versés aux débats par M. C... que si les astreintes lui étaient rémunérées sous forme d'une prime forfaitaire, il n'a jamais bénéficié, à aucun moment, d'un repos compensateur ; qu'en énonçant pourtant que « les astreintes effectuées qui apparaissent sur le bulletin de paie ont toutes été soit rémunérées soit ont fait l'objet d'un repos compensateur », tandis que les bulletins de paie démontrent que les astreintes n'ont jamais fait l'objet d'un repos compensateur, la cour d'appel a dénaturé les bulletins de paie versés aux débats ;

10°) ALORS QUE M. C... faisait valoir qu'en qualité de « responsable du déploiement » des nouvelles caisses dans les magasins de la société il devait nécessairement être présent le dimanche 31 mai 2015 lors du changement de toutes les caisses et l'installation des nouveaux logiciels (concl, p. 29 à 31) ; qu'il versait aux débats pour le démontrer, notamment, plusieurs courriels échangés avec M. E... démontrant la réalité de son intervention effective ; qu'en se bornant à énoncer que M. C... n'était pas intervenu lors du remplacement des caisses sans examiner, ne serait-ce que sommairement, si les courriels versés aux débats, d'où il ressortait que M. C... avait procédé à la configuration des caisses, démontraient le travail effectif du salarié le dimanche 31 mai 2015, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-19439
Date de la décision : 24/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Chambre d'appel de la CA de St Denis de la Réunion à Mamoudzou, 16 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 mar. 2021, pourvoi n°19-19439


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19439
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