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05/05/2021 | FRANCE | N°19-22209;19-22890

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mai 2021, 19-22209 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 488 F-D

Pourvois n°
G 19-22.209
Y 19-22.890 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021

I -

la société Hôpital privé [Localité 1], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-22.209 contre un arrêt rendu le 4 j...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 488 F-D

Pourvois n°
G 19-22.209
Y 19-22.890 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021

I - la société Hôpital privé [Localité 1], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-22.209 contre un arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à M. [N] [W], domicilié lieu-dit [Adresse 2], défendeur à la cassation.

II - M. [N] [W] a formé le pourvoi n° Y 19-22.890 contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant à la société Hôpital privé [Localité 1].

La demanderesse au pourvoi n° G 19-22.209 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi n° Y 19-22.890 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hôpital privé [Localité 1], de Me Haas, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 19-22.209 et Y 19-22.890 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 juillet 2019), M. [W], engagé en qualité d'infirmier de bloc opératoire par la société Hôpital privé [Localité 1] le 22 septembre 1992, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur des soins hospitaliers.

3. Se plaignant d'agissements de harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 10 avril 2012.

4. Il a été licencié le 6 août 2012 pour absence prolongée nécessitant son remplacement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur, sur le second et le troisième moyens du pourvoi du salarié, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi de l'employeur

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 40 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, alors « que l'augmentation des fonctions et responsabilités d'un salarié non assortie d'une augmentation de sa rémunération ne saurait caractériser un manquement de l'employeur dès lors que le salarié y a expressément consenti ; qu'en reprochant à la société Hôpital privé [Localité 1] de ne pas avoir fait bénéficier le salarié d'une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités qui lui avaient été confiées en 2009, lorsqu'il était constant et non contesté que le salarié avait expressément consenti à la modification de son contrat de travail en 2009, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu les articles 1103 et suivants du code civil, les articles L. 1221-1 du code du travail et l'article 1184 du code civil devenu les article 1224 et suivants du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, devenu 1103, du code civil :

7. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

8. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que son salaire n'a pas évolué lorsqu'il est devenu en 2009 directeur de soins infirmiers et que la non attribution d'une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités confiées caractérise un manquement contractuel grave de la part de l'employeur.

9. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que le salarié avait accepté en 2009 la modification de son contrat de travail, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen du pourvoi du salarié

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et des astreintes, alors :

« 1°/ que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères sont cumulatifs ; qu'en retenant la qualification de cadre dirigeant, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le critère de rémunération était rempli, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

2°/ que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise ; qu'en retenant la qualification de cadre dirigeant, sans caractériser la participation du salarié à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :

11. Selon ce texte sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

12. Pour dire que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant, l'arrêt retient que les fonctions attribuées à l'intéressé (fiche de poste) impliquent nécessairement une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et des prises de décision autonomes, que nonobstant la mention de 151,67 heures par mois figurant dans les bulletins de salaire et dans le courrier du directeur des ressources humaines du 25 janvier 2013, il ressort de ces mêmes bulletins de salaire que le salarié a un coefficient de 712, soit 187 points au-dessus du premier coefficient du cadre supérieur, que ce coefficient vient confirmer le statut de cadre dirigeant, les différentes catégories de cadres recouvrant moins de 100 points chacun et que les explications de l'appelant sur ses fonctions viennent confirmer la fiche de poste de directeur des soins infirmiers, laquelle comprend des responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.

13. En se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si la rémunération effectivement perçue par le salarié se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Hôpital privé [Localité 1] à verser à M. [W] la somme de 40 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et déboute M. [W] de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires, de rappel de repos compensateur obligatoire et d'indemnités pour astreinte, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi n° G 19-22.209, par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Hôpital privé [Localité 1]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Hôpital Privé [Localité 1] à verser à M. [W] les sommes de 5 000 euros au titre du défaut de visite médicale, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'obligation de sécurité
M. [W] fait valoir d'une part, que la société Hôpital privé [Localité 1] n'a pas respecté les durées maximales de travail, et d'autre part, qu'aucune visite médicale n'a été organisée à son bénéfice entre 2008 et 2012.
Sur le non-respect des durées maximales de travail, M. [W] se limite à indiquer qu'il a été amené à travailler plus de 12 heures au cours de la même journée et 50 heures hebdomadaires, et fonde sa prétention sur un récapitulatif des heures supplémentaires produit (pièce 33). Le non-respect d'une obligation de sécurité ne saurait être retenu à cet égard.
Sur l'obligation d'organiser une visite médicale, l'article R4624-16 du code du travail dispose que le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé. Le premier de ces examens a lieu dans les vingt-quatre mois qui suivent l'examen d'embauche.
Il appartient à l'employeur de prendre les dispositions nécessaires pour soumettre le salarié à cette visite médicale régulière et le fait de ne pas y procéder constitue une faute.
Il incombe à M. [W] de rapporter la preuve d'un préjudice direct et certain de l'absence de visite médicale en 2010.
L'année 2010 est l'année à compter de laquelle M. [W] a commencé à présenter de réelles difficultés dans l'exécution de son travail. L'organisation d'une visite médicale aurait permis aux services de santé au travail de déceler les difficultés rencontrées par l'intéressé et d'y remédier éventuellement avant que ce dernier ne se trouve atteint d'un syndrome anxio-dépressif non contesté. Le préjudice subi par M. [W] est établi. Au titre de sa carence et du préjudice subi, le CHPL doit être condamné à payer à M. [W] la somme de 5000 euros à ce titre » ;

1°) ALORS QUE lorsqu'une partie demande confirmation du jugement entrepris, elle est réputée s'en approprier les motifs et la cour d'appel qui décide d'infirmer ledit jugement doit en réfuter les motifs déterminants ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes avait relevé que « le retard de visite est dû à un dysfonctionnement du service de santé au travail » ; qu'en appel, l'employeur demandait la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, sans énoncer de moyens nouveaux ; qu'en infirmant le jugement, sans en réfuter les motifs déterminants sur l'absence de manquement imputable à l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE lorsque le salarié a notamment pour fonction dans l'entreprise, de faire respecter la réglementation relative aux visites médicales, il lui appartient de veiller au respect de la législation en la matière même en ce qui le concerne personnellement ; qu'en l'espèce, la société Hôpital privé [Localité 1] faisait valoir qu'au regard de ses fonctions, le salarié, en tant que Directeur des Soins Infirmiers, était tenu de faire respecter la réglementation relative aux visites médicales, y compris pour le cas qui le concernait (conclusions d'appel de l'exposante p. 23) ; que, pour condamner la société Hôpital privé [Localité 1] au titre d'un manquement à son obligation de sécurité, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il appartenait à l'employeur de prendre les dispositions pour soumettre le salarié à sa visite médicale périodique et que le fait de ne pas y procéder constituait une faute ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si compte tenu de ses fonctions, le salarié ne disposait pas d'une délégation de pouvoir en matière de suivi des visites médicales, de sorte que l'absence de visite médicale organisée pour lui en 2010 pouvait lui être reprochée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 et R. 4624-21 du code du travail alors applicables ;

3°) ALORS QUE le juge doit caractériser le préjudice qu'il indemnise et non s'en tenir à un préjudice hypothétique ; qu'en se bornant à affirmer que l'organisation d'une visite médicale aurait permis aux services de santé au travail de déceler les difficultés rencontrées par l'intéressé et d'y remédier éventuellement avant que ce dernier ne se trouve atteint d'un syndrome anxio-dépressif, pour allouer à ce dernier une somme de 5 000 euros à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Hôpital Privé [Localité 1] à verser à M. [W] les sommes de 40 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le comportement déloyal de la société Hôpital privé [Localité 1].

M. [W] se prévaut d'une dévalorisation car le CHPL a proposé un classement en position de cadre B puis C, avec une rémunération de 63'217,80 euros, soit une baisse de 3%.
Il résulte en effet de deux courriers de la Générale de santé (pièces 50, 51) que celle-ci lui a proposé une évolution de sa classification à compter du 1er octobre 2011, le faisant passer de la position cadre A à la position cadre B coefficient 441, avec un salaire annuel fixe brut forfaitaire de 63'217,08 euro, outre prime sur objectif de 5000 euros bruts par an selon la réalisation des objectifs.
Or d'une part, il a été retenu ci-dessus que M. [W] avait un coefficient de 712, et qu'il avait le statut de cadre dirigeant.
D'autre part, la proposition des 13 et 20 octobre 2011 aurait eu, si elle avait été acceptée, pour résultat de rétrograder M. [W] à un statut inférieur et de lui allouer un salaire inférieur à celui qui lui était versé (66'107,30 euros bruts annuels de l'année 2011). Une telle proposition révèle de la part du CHPL un manque de considération certain pour M. [W].
Par ailleurs, il convient d'observer que le salaire mensuel fixe de M. [W] était de 4906,89 euros lorsqu'il était surveillant de bloc opératoire. Devenu directeur de soins infirmiers en 2009, son salaire n'a pas évolué alors que le statut de cadre dirigeant lui était attribué, supposant d'importantes responsabilités et un temps de travail non limité comme l'est celui des cadres non dirigeants.
La non attribution d'une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités confiées caractérise un manquement contractuel grave de la part du CHPL.
Cette dernière a fait preuve d'un comportement déloyal à l'égard de son salarié et le préjudice subi par M. [W] sera indemnisé par une somme de 40'000 euros. Le CHPL doit être condamné à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts » ;

1°) ALORS QU'aucun manquement ne saurait être retenu par principe à l'encontre de l'employeur lorsqu'une modification du contrat de travail simplement proposée au salariée et refusée par ce dernier n'est finalement pas mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, il était constant que l'évolution de classification proposée au salarié par courriers des 13 et 20 octobre 2011 avait été refusée par ce dernier et n'avait finalement pas été mise en oeuvre ; qu'en déduisant l'existence d'un manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail de ce que cette proposition aboutissait à conférer au salarié un statut et un salaire inférieurs, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu les articles 1103 et suivants du code civil, les articles L. 1221-1 du code du travail et l'article 1184 du code civil devenu les article 1224 et suivants du même code ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige, lesquels sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, au soutien de ses écritures d'appel tendant à faire reconnaître qu'il avait été victime d'une « dévalorisation », M. [W] se bornait à se prévaloir de la proposition de modification de classification faite par courriers des 13 et 20 octobre 2011, qu'il avait refusée et dont il était constant qu'elle n'avait pas été mise en oeuvre ; qu'à aucun moment le salarié ne se prévalait de ce que sa promotion intervenue en 2009, non assortie d'une augmentation de salaire, avait contribué à la dévalorisation dont il se prétendait victime (conclusions du salarié p. 45) ; que dès lors, en relevant, pour dire que la société Hôpital Privé [Localité 1] avait fait preuve d'un comportement déloyal à l'égard du salarié, la non attribution au salarié d'une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités qui lui avaient été confiées en 2009, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'augmentation des fonctions et responsabilités d'un salarié non assortie d'une augmentation de sa rémunération ne saurait caractériser un manquement de l'employeur dès lors que le salarié y a expressément consenti ; qu'en reprochant à la société Hôpital Privé [Localité 1] de ne pas avoir fait bénéficier le salarié d'une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités qui lui avaient été confiées en 2009, lorsqu'il était constant et non contesté que le salarié avait expressément consenti à la modification de son contrat de travail en 2009, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu les articles 1103 et suivants du code civil, les articles L. 1221-1 du code du travail et l'article 1184 du code civil devenu les article 1224 et suivants du même code. Moyens produits, au pourvoi n° Y 19-22.890, par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [W]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. [W] de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et des astreintes ;

AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires, il convient de rappeler que la durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article L. 3121-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du même code ; que, cependant, les cadres dirigeants sont exclus des dispositions légales et réglementaires concernant la durée du travail ; qu'en l'espèce, M. [W] se prévaut de l'article 1 du chapitre Il de l'accord du 27 janvier 2000 de la convention collective nationale hospitalisation privée au terme duquel les heures supplémentaires sont décomptées au-delà de la durée légale hebdomadaire du travail fixé par les articles L. 2112-1 du code du travail, Il fait valoir qu'il n'est pas un cadre dirigeant, que sa rémunération et sa qualification n'ont pas évolué depuis juin 2010, qu'il ne disposait d'aucune indépendance dans l'organisation de son emploi et était soumis aux demandes d'autorisation de congés payés ou repos, que le DRH a indiqué le 25 janvier 2013 que sa durée de travail était de 151,67 heures par mois, qu'il a réalisé au cours de l'année 2011, 240,49 heures supplémentaires, soit 110,49 heures au-delà du contingent fixé à 130 heures annuelles ; que, pour étayer ses dires, il produit notamment : • des bulletins de salaire du 1er janvier 2010 au 31 mars 2012 (pièce 31) mentionnant tous une base de 151,67 heures, • des formulaires de demande de congé de 2010 à 2011 (pièce 32), • le courrier de M. [U], directeur des ressources humaines du 25 janvier 2013, indiquant un temps de travail de 151,67 heures mensuel (pièce 33), • un tableau figurant les jours travaillés avec les heures d'arrivée et les heures de départ, ainsi que le total de la semaine (pièce 34) sans précision des années : qu'aux termes de l'article L.3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants sont ceux qui réunissent trois critères : • ils sont en charge de responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ; • ils sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome ; • ils perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement ; que l'article 94 de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 édicte que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre 1er et aux chapitres préliminaires, 1er et Il du titre Il du livre Il du code du travail et que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement ; que la classification des cadres prévoit des coefficients allant de 300 à 379 pour le cadre A, de 380 à 424 pour le cadre B, de 425 à 524 pour le cadre C et un coefficient supérieur à 525 pour le cadre supérieur ; que les coefficients du cadre dirigeant ne sont pas précisés ; que les fonctions attribuées à l'intéressé (fiche de poste pièce 8) impliquent nécessairement une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et des prises de décision autonomes ; que nonobstant la mention de 151,67 heures par mois figurant dans les bulletins de salaire et dans le courrier du directeur des ressources humaines du 25 janvier 2013, il ressort de ces mêmes bulletins de salaire que M. [W] a un coefficient de 712, soit 187 points au-dessus du premier coefficient du cadre supérieur ; que ce coefficient vient confirmer le statut de cadre dirigeant, les différentes catégories de cadres recouvrant moins de 100 points chacun ; que, pour échapper à ce statut, M. [W] fait valoir qu'il devait demander des congés au directeur général alors que cette demande ressort d'une organisation normale des services et ne compromet pas le statut de l'intéressé ; que, par ailleurs, les explications de l'appelant sur ses fonctions viennent confirmer la fiche de poste de directeur des soins infirmiers, laquelle comprend des responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps ; que les demandes d'heures supplémentaires et de repos compensateur de M. [N] [W] doivent être rejetées ; que, sur les astreintes, les cadres dirigeants ne perçoivent pas de rémunération d'indemnité au titre des astreintes effectuées sauf stipulation du contrat ou dispositions de l'accord collectif. M. [W] dont le statut de cadre dirigeant a été ci-dessus retenu ne justifie pas d'une disposition en ce sens figurant dans la convention collective ;

ALORS, 1°), QUE sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères sont cumulatifs ; qu'en retenant la qualification de cadre dirigeant, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le critère de rémunération était rempli, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise ; qu'en retenant la qualification de cadre dirigeant, sans caractériser la participation du salarié à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. [W] des demandes qu'il avait formées au titre du harcèlement moral et de la rupture du contrat de travail

AUX MOTIFS QUE, selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L. 1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'aux termes de l'article L. 1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'enfin l'article L. 1154-1 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au sens de ces textes il appartient donc d'abord au salarié d'établir la réalité de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce M. [W] indique que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader en juin 2010, et avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de la direction, et en particulier de M. [F] son supérieur hiérarchique, directeur général ; qu'il décrit lesdits manquements ainsi qu'il suit : - un dénigrement répété en septembre, octobre, novembre et décembre 2010, en janvier, juin, août et décembre 2011, - un isolement professionnel (collègues de travail, chirurgien, membre du comité de direction) en décembre 2010, juin, juillet, novembre et décembre 2011, - un retrait de responsabilité en mai 2011 et janvier 2012 ; que M. [W] produit au soutien de sa demande les pièces suivantes : • l'entretien annuel d'appréciation et fixation des objectifs pour l'année 2010 (pièce 14 et non 11 comme indiqué dans les conclusions), • un échange de courriels avec M. [R] les 29 août et 5 septembre 2011, relatifs à des astreintes, • un courrier de M. [F] du 22 août 2011 constatant les difficultés suivantes : absence de maîtrise de la masse salariale et des effectifs, absence de mises à jour du tableau par service pour analyse charge/effectifs, absence de maîtrise des remplacements et de l'intérim, absence de suivi des chambres particulières et des dépenses d'achats médicaux par service, détérioration des résultats des questionnaires, dégradation du tracé des informations et suivi des prescriptions dans le dossier du patient informatisé, avec décision de points hebdomadaires pour chaque pôle, complétés par une analyse des achats médicaux, du taux de retour des questionnaires de satisfaction, du nombre de plaintes, et les événements indésirables (pièce 16), • la réponse de M. [W] du 29 août 2011 (pièce 17), • un courrier de M. [W] du 20 novembre 2011, adressé au directeur de la Générale de santé, lui demandant un rendez-vous et lui indiquant notamment qu'il n'a jamais été en 25 ans d'activité, confronté à de telles conditions de travail et à de telles pressions, qu'il a toujours été reconnu pour son savoir-faire, ses compétences et ses valeurs, mais qu'il était en souffrance, en grande difficulté par les attitudes, les comportements et les prises de position de son supérieur hiérarchique depuis plus d'une année (pièce 21), • les courriels de réponse de M. [B] directeur Bourgogne Rhône-Alpes PACA, du 1er décembre 2011, lui rappelant la nécessité de loyauté envers l'entreprise, et lui demandant de ne pas répercuter ses questionnements au sujet du budget auprès du personnel soignant dont il avait la charge (pièce 23), • le compte rendu de l'entretien du 19 décembre 2011 de M. [W] avec M. [B] et Mme [S] (pièce 24), relevant les très bonnes capacités managériales de M. [W], mais des difficultés tournant pour l'essentiel autour de la dimension économique de la fonction (établissement des tableaux/indicateurs relatifs à la masse salariale, dans le management de projet, sur les aspects de la mission se rapportant aux prévisions budgétaires et à l'analyse des charges, absence d'intégration de la dimension économique de manière générale) ; les cadres considérant que les critiques formulées à l'encontre de M. [F] étaient injustes, vues comme une diversion face à l'insuffisance réelle au niveau économique, et qu'il ne pouvait être reproché au directeur de l'établissement de lui demander d'exercer l'intégralité de la mission ; il a été proposé des formations complémentaires axées sur les aspects économiques de la fonction, un accompagnement dans la fonction par la direction de l'établissement, avec un esprit coopératif, • la plainte auprès du procureur de la République [Localité 2] (pièce 29), • le procès-verbal d'audition par les policiers de M. [K] du 11 décembre 2012, indiquant que M. [W] faisait très correctement son travail avec professionnalisme, conscience, s'investissant dans ses fonctions ; M. [W] lui a dit que le directeur lui reprochait de ne pas être à la hauteur de son poste et de faire des erreurs de gestion, il se trouvait démuni et se sentait trahi, il lui relatait ses relations avec M. [F] qui se dégradaient et ses difficultés de travail du fait de sa mise à l'écart par ce dernier ; cela pouvait être qualifié de harcèlement moral selon les dires de M. [W], • le procès-verbal d'audition par les policiers de M. [N], psychologue au HPL, du 12 décembre 2012, qualifiant de remarquable le travail fait par M. [N] [W] dans le cadre du projet bloc, et constatant la détresse psychologique importante et l'état d'épuisement de M. [W], ce dernier lui ayant fait part de ses problématiques relationnelles avec le directeur de l'établissement M. [F] et de sa solitude (très seul et peu soutenu par ses collaborateurs (pièce 54), • le certificat de M. [Y], psycho praticien, du 6 juin 2012, attestant avoir reçu M. [W] en séance de soutien psychologique individuel pour un total de 12 séances, dans le cadre d'un dispositif « accompagnant psychologique des salariés », et continuation de cet accompagnement, la situation de travail s'étant maintenue dans un niveau de stress très important (pièce 20), • le certificat du docteur [I] du 4 juin 2012, certifiant avoir soigné M. [W] de début février 2011 à ce jour pour un syndrome anxio-dépressif sérieux en relation avec les conditions du travail du patient (pièce 40), • les arrêts de travail du 5 janvier au 31 octobre 2012 (pièce 6 à 10) pour syndrome anxieux dépressif, • un courrier du professeur [D] psychiatre du 20 août 2012, indiquant que l'entretien du 22 décembre 2011 avec le supérieur hiérarchique pouvait être qualifié un accident du travail, M. [W] s'étant littéralement effondré à partir de ce moment-là (pièce 52-1), • un courrier du docteur [T] psychiatre du 2 janvier 2013, indiquant avoir accueilli M. [W] à compter du 18 décembre 2012 en raison d'un épisode dépressif sévère sans syndrome psychotique (pièce 24), • un bulletin d'admission au CHU [Localité 2] du 11 au 19 juillet 2013 (pièces 52-4), un certificat médical du professeur [D] psychiatre du 23 septembre 2013 constatant un état de santé précaire avec agoraphobie, attaque de panique et asthénie importante (pièces 52-5), • un certificat de Mme [M] psychologue clinicienne du 10 octobre 2013 aux termes duquel M. [W] présente de graves troubles émotionnels, une grande perte de confiance en soi, déjà en phase dépressive en lien avec la perte de son travail et principalement les conditions dans lesquelles elle est survenue, ces symptômes étant tout à fait compatibles avec un harcèlement moral sur son lieu de travail (pièces 52-6), • un bulletin d'admission de M. [W] au CHU [Localité 2] du 11 au 19 juillet 2013, • le procès-verbal d'audition de Mme [E] du 13 décembre 2012, indiquant avoir été témoin indirect des pressions que M. [W] subissait de la part de la direction, et l'avoir entendu dire qu'il subissait un harcèlement de la part de M. [F] ; ce dernier lui ayant indiqué « de toute façon M. [W] ne sert à rien », et témoignant du dédain pour lui ; un projet pédiatrie pour lequel M. [W], elle-même et une équipe de projet ont donné beaucoup d'énergie pendant quatre mois, a été démonté par M. [F] qui disait n'avoir pas le budget nécessaire, ce qui a démotivé l'ensemble de l'équipe (pièce 41), • le rapport d'examen psychiatrique du Docteur [L] du 1er septembre 2013 (procédure devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne) indiquant l'absence d'antécédents psychiatriques avant 2010, et mettant en évidence un syndrome dépressif majeur et un syndrome post-traumatique évolutif (avec deux hospitalisations pour crise suicidaire fin 2012 et en août 2013), en lien avec son emploi ; les symptômes présentés (tristesse et angoisse, dévalorisation intense, vécu de culpabilisation, ralentissement psychomoteur notable asthénie, débordements émotionnels notables, culpabilité psychique avec tentative de justification, sentiment d'impuissance, retrait social, etc.) sont ceux classiquement décrits dans les situations de harcèlement moral : atteinte de la dignité, altération de la santé psychique, effets dommageables sur l'avenir professionnel (pièce 55), • l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (pièce 61) du 12 février 2014, rejetant l'origine professionnelle de la maladie, • le courrier de M. [U], directeur des ressources humaines de l'Hôpital privé [Localité 1] du 25 janvier 2013, considérant que le manager était fondé à être exigeant envers M. [W], directeur des soins d'un établissement de 356 lits réalisant 36 millions d'euros de chiffre d'affaires, et que M. [F] s'était toujours attaché à développer courtoisie et convivialité envers ses collaborateurs proches ; il a été accordé à M. [W] un accompagnement que celui-ci a commencé puis a abandonné (pièce 33), • le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne du 7 juillet 2017, disposant que le syndrome anxio-dépressif dont M. [W] était atteint suivant déclaration de maladie professionnelle du 17 septembre 2012 devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle, • des courriels de Mme [C], de Mme [O] du 18 juillet 2012, une lettre non signée et datée du 18 juin 2012 ; que la société Hôpital privé [Localité 1] conteste chacun de ces reproches et oppose les éléments suivants : - aucune pièce n'est produite permettant d'étayer les faits reprochés, les seuls éléments versés aux débats étant d'ordre médical sans que le lien avec l'environnement professionnel soit établi, - M. [W] n'a saisi ni les délégués du personnel dans le cadre du droit d'alerte (article L. 2313-2 du code du travail), ni l'administration du travail ni les services de santé au travail ni le comité d'hygiène, de sécurité des conditions de travail, - la date prétendue du harcèlement moral est incertaine (à compter de juin 2010 dans les conclusions, après juin 2011 lors de son audition le 19 décembre 2011), - il n'y a pas eu de critiques injustifiées mais exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur (lettre de recadrage du 22 août 2011 pièces 4, 21-7), - sur le retrait de responsabilité, l'attestation de Mme [E] n'est pas objective car celle-ci a été licenciée ; M. [W] a été pleinement associé au projet pédiatrie et à la chatte du bloc opératoire, - l'annonce faite aux salariés de réduction du personnel relevait de son poste de chef de service, - il n'y a eu ni humiliation ni comportement dégradant, ni pression de plus en plus importante, ni baisse de salaire, - l'enquête interne a permis l'audition du directeur des ressources humaines, de la directrice des opérations, du pharmacien gérant, du responsable service technique biologique et du directeur administratif et financier, ainsi que de M. [W] et de M. [F] directeur-général ; elle permet d'écarter toute situation de harcèlement moral et tout comportement fautif de l'employeur; le rappel à l'ordre effectué par M. [B] était justifié, - les formations mises en oeuvre ont été nombreuses (pièce 22-1 et 22-2), M. [W] a suivi une formation personnelle intitulée « Manager ! Qualité, rigueur exigence ! » (pièces 23-1 et 2), il a été soutenu par M. [R], directeur de ressources humaines (pièce 21-7) avec une proposition de soutien encore plus resserré à partir du mois de septembre 2011 (pièce 3), il n'était pas nécessaire pour lui de suivre une formation relative à l'approche financière et aux indicateurs, car il avait été jusqu'en 2009 chef de bloc encadrant plus de 70 salariés et assumant la gestion et la préparation du budget de son service, - dans un premier temps, la CPAM a refusé la prise en charge au titre professionnel de la maladie déclarée par M. [W] (pièces 25-1 et 2) ; ce dernier a obtenu une prise en charge (pièce adverse 39) inopposable à l'employeur, et sans prouver que ce dernier avait connaissance au moment des faits de l'origine de l'accident de la maladie, - les courriels adressés à M. [F] par M. [W] prouvent l'absence de harcèlement moral ; que les éléments produits par M. [W] justifient de difficultés de santé réelles et de difficultés d'exécution par l'intéressé de ses fonctions notamment dans le domaine économique, budgétaire et financier, mais en revanche, ne justifient pas de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la demande de M. [W] tendant à obtenir la nullité du licenciement, ainsi que des dommages-intérêts consécutifs, doit être rejetée ;

ALORS, 1°), QU'il appartient au juge appelé à se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral d'examiner tous les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'à l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral, le salarié faisait valoir, notamment, qu'il avait fait l'objet d'une surcharge de travail et d'une dévalorisation ayant conduit son employeur à lui proposer, à deux reprises, de le rétrograder ; qu'à défaut d'avoir examiné ces éléments, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, 2°), QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en considérant que le salarié ne justifiait pas de faits répétés qui, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, après avoir pourtant relevé, d'une part, que l'employeur lui avait proposé, à deux reprises, de le rétrograder à un statut inférieur avec une rémunération inférieure, ce qui traduisait un manque de considération certain pour le salarié, et, d'autre part, que le salarié ne percevait pas une rémunération en rapport avec ses fonctions et responsabilités, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. [W] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur indique que M. [W] occupait un poste clé consistant à encadrer l'équipe des responsables de pôle et les responsables d'unités de soins et les infirmières diplômées d'Etat chargé de mission, à être l'interface entre les patriciens, les équipes de soins, comité de direction et les autorités de tutelle, à assurer la qualité et la sécurité des soins, à définir la politique de soins, qu'il gérait l'activité d'environ 250 salariés, avec sous sa responsabilité 14 cadres infirmiers et les infirmières diplômées d'Etat rattachées à chaque service, qu'il devait sur l'année 2012 spécifiquement veiller à la mise en oeuvre d'une nouvelle organisation du service pour accueillir quatre nouveaux chirurgiens au 1er janvier 2013, porter le projet médical de pôle MAP 2015, mettre en conformité les organisations et procédures de certification ; qu'elle fait valoir que les missions spécifiques n'ayant pu être assurées par M. [W], cela a généré une désorganisation évidente dans l'entreprise ; qu'en effet, l'ensemble des missions quotidiennes parmi lesquelles les négociations annuelles obligatoires 2012, qui n'ont pu être gérées sur l'année 2012, ont dû l'être par M. [U] directeur des ressources humaines (pièce 28), les réunions Corus destinées à aider les responsables dans leurs fonctions n'ont pas pu se tenir (pièce 29), la formation des salariés, le recrutement, l'intégration de nouveaux collaborateurs, l'évaluation annuelle des salariés, n'a pas été effectuée car les réunions hebdomadaires d'encadrement n'ont pas été maintenues ; que M. [W] répond que l'employeur a pu prendre des mesures pour pallier ses absences, que les responsables d'unités de soins, les référents, les membres du comité de direction ont géré ses missions, que la condition de perturbation de l'entreprise n'est pas remplie, de même que ne sont pas justifiées les conditions du remplacement définitif, survenu plus de cinq mois après son licenciement (délai beaucoup trop long alors même que l'employeur se prévaut de l'urgence) ; que les fonctions confiées à M. [W] consistaient à concevoir, faire évoluer, organiser, piloter la mise en oeuvre du projet soins, et notamment à : - garantir l'organisation de la prise en charge du patient et la qualité des soins, le respect des objectifs économiques et budgétaires, et de la masse salariale budgétée et de l'intérim, - encadrer l'ensemble des pôles d'activités et services de soins via les responsables respectifs (pôle bloc opératoire, chirurgie, court séjour/ambulatoire, médecine, mère/enfant, réanimation/soins continus et urgences), - participer à l'organisation et à l'évolution des services en liaison avec les médecins, de garantir l'exécution de la prescription et du cadre réglementaire, - garantir la réalisation du projet de soins, - gérer 250 salariés (fiche de poste pièce 8) ; que l''établissement est composé de 328 lits, de 16 salles d'intervention, avec plus de 40 000 patients pris en charge par an dont 27 000 interventions au bloc opératoire ; que, sur la perturbation de l'entreprise, l'employeur est fondé à énoncer d'une part, que le rôle de M. [W] était central et d'autre part, que ce dernier a été absent du 5 janvier au 23 juillet 2012, soit pendant une durée de plus de sept mois ; que M. [H], directeur administratif et financier, a énoncé les constatations suivantes (pièce 42) : - le remplacement au quotidien du DSI lors des réunions de régulation des lits, entraînant une surcharge de travail des membres du comité de direction, - la mise en difficulté des responsables d'unités de soins RUS, en ce qui concerne les questions relatives à la réglementation des soins et à la gestion des patients ; que, par ailleurs, Mme [Z], pharmacien, a constaté (pièce 41) : - un surcroît de travail pour les membres du CODIR (présence quotidienne à tour de rôle aux réunions de régulation des lits, réponse aux questions des cadres de soins sur l'organisation/ouverture de lits), d'autant plus important en l'absence de l'expertise d'un DSI, - une difficulté ou impossibilité d'organiser des formations du personnel soignant, - une difficulté d'avoir une communication efficace, par manque de temps pour organiser des réunions de travail services/pharmacie, les cadres de soins étant eux-mêmes surchargés et ne pouvant être présents aux différents types de réunions, - la nécessité de pallier à l'absence de M. [W] sur des aspects réglementaires des soins, face aux demandes multiples, et une perte de temps pour chacun ; qu'en raison des fonctions à la fois centrales et transversales de M. [W], de la taille de l'établissement de soins et de la difficulté générée pour les membres du comité de direction et les responsables des unités de soins à suppléer à l'absence de l'intéressé, l'employeur se prévaut à bon droit d'une désorganisation de l'entreprise ; que le salarié ne peut reprocher à l'employeur d'avoir embauché un directeur de soins infirmiers le 5 janvier 2013, soit cinq mois après la rupture du contrat de travail, alors que le recrutement nécessite un haut niveau de qualification ; qu'il convient de relever au demeurant que Mme [V] a été recrutée non en contrat à durée déterminée mais en contrat à durée indéterminée, avec un salaire conséquent de 54 000 euros bruts annuels par an, outre une prime d'objectif d'un maximum de 5 400 euros et la prise en charge d'un aller-retour par semaine domicile travail (celle-ci étant domiciliée à Montélimar, à une distance importante [Localité 2]) ; que l'ensemble de ces éléments permet d'établir que l'absence prolongée de M. [W] a constitué un motif réel et sérieux de rupture, la perturbation de l'entreprise ayant nécessité le remplacement définitif du salarié ; qu'en conséquence, la demande de dommages et intérêts de M. [W] doit être rejetée ;

ALORS, 1°), QUE lorsque l'absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l'objet, l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l'absence prolongée du salarié a causée au fonctionnement de l'entreprise ; que, dès lors, la cassation à intervenir sur le deuxième moyen entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS, 2°), QUE si un salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé ou de son handicap, son licenciement peut être motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; que ce remplacement définitif doit intervenir dans un temps proche du licenciement ; qu'en considérant que le licenciement du salarié était justifié par une cause réelle et sérieuse après avoir pourtant constaté qu'il n'avait été pourvu à son remplacement que cinq mois après le licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article L. 1132-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-22209;19-22890
Date de la décision : 05/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 04 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mai. 2021, pourvoi n°19-22209;19-22890


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22209
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