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16/06/2021 | FRANCE | N°20-15048

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 juin 2021, 20-15048


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation partielle sans renvoi

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 519 F-D

Pourvoi n° V 20-15.048

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 JUIN 2021

La société [S] [Q], sociÃ

©té d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [S] [Q], agissant en qualité de liquidateur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation partielle sans renvoi

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 519 F-D

Pourvoi n° V 20-15.048

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 JUIN 2021

La société [S] [Q], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [S] [Q], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [L] [M], a formé le pourvoi n° V 20-15.048 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Crédit immobilier de France développement, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société [S] [Q], ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 janvier 2020), M. et Mme [M] ont souscrit un prêt, le 31 décembre 2009, auprès de la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, devenue la société Crédit immobilier de France développement (le Crédit immobilier).

2. M. [M] a été mis en liquidation judiciaire le 4 octobre 2010, M. [U] puis la société [S] [Q], en la personne de M. [Q], étant désignés en qualité de liquidateur. Le Crédit immobilier a déclaré sa créance, au titre du solde restant dû sur le montant du prêt.

3. Postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire, les époux [M] ont poursuivi le règlement des échéances de remboursement de ce prêt, jusqu'au mois d'août 2016. Le Crédit immobilier a dressé un décompte des sommes restant dues arrêté au 23 octobre 2017.

4. Le 16 janvier 2018, le liquidateur a assigné le Crédit immobilier et demandé au tribunal l'annulation des paiements intervenus après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de M. [M] et la restitution des sommes payées.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société [S] [Q], ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que l'action en annulation et en restitution des paiements est prescrite pour les paiements intervenus avant le 16 janvier 2015 et de limiter la condamnation du Crédit immobilier à restituer la somme de 9 483,53 euros, alors « que l'action en annulation des paiements partiels d'une créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective se prescrit par trois ans à compter du dernier paiement reçu par le créancier, la créance étant indivisible ; qu'en jugeant que, s'agissant du remboursement du prêt, et donc du paiement d'échéances périodiques, le délai de prescription de l'action en annulation de ces paiements court à compter de chaque échéance réglée en violation de l'interdiction des paiements, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 622-7, III du code de commerce que, le délai de prescription de trois ans de l'action en nullité du paiement d'une créance opéré en violation du I de ce texte courant à compter de ce paiement, l'action en nullité de plusieurs paiements d'échéances successives de remboursement d'un prêt doit être engagée dans le délai de trois ans suivant chaque paiement d'échéance argué de nullité.

7. L'arrêt retient exactement que l'action en annulation introduite par le liquidateur le 16 janvier 2018 ne peut porter que sur les échéances du prêt payées par le débiteur au Crédit immobilier à partir du 16 janvier 2015, la demande de remboursement des échéances antérieures à cette date étant prescrite.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société [S] [Q], ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que la créance de restitution se compensera avec les sommes dues au Crédit immobilier déclarées au passif de la liquidation judiciaire de M. [M], alors « que toute compensation est exclue entre la dette de restitution consécutive au prononcé de la nullité d'un paiement effectué en violation de l'interdiction des paiements et la créance déclarée à la procédure collective sur laquelle le paiement irrégulier s'était imputé ; qu'en faisant droit à l'exception de compensation opposée par le Crédit immobilier au vu de la connexité qui aurait existé entre les créances du Crédit immobilier et celles de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L. 622-7 et L. 622-20 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. M. [M] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau, le liquidateur n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que la compensation était mise en échec en raison de la différence des fondements des créances réciproques.

11. Cependant, il résulte des conclusions du liquidateur devant la cour d'appel qu'il a soutenu que le mandataire établirait les comptes entre les créanciers en fonction des privilèges et de leur rang, et que la compensation n'avait vocation à jouer que pour valider le paiement d'une créance antérieure, en principe interdit, et ne concernait pas la créance en restitution une fois le paiement annulé.

12. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1347 du code civil et les articles L. 622-7, L. 622-20, alinéa 4, et L. 643-8 du code de commerce :

13. Il résulte de la combinaison du troisième et du quatrième de ces textes que les sommes recouvrées par le liquidateur au titre de la restitution par le créancier du montant des paiements opérés par le débiteur en violation des dispositions du deuxième, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du code de commerce, dont la nullité a pour but de rétablir l'égalité entre les créanciers soumis à la discipline collective, entrent dans le patrimoine du débiteur et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers. Toute compensation est donc exclue entre la dette de restitution consécutive à l'annulation d'un paiement et une créance admise au passif du débiteur.

14. Pour dire que la créance de restitution se compensera avec les sommes dues au Crédit immobilier déclarées au passif de la liquidation judiciaire de M. [M], l'arrêt retient que les créances du Crédit immobilier résultant des échéances du prêt impayé et celles de la liquidation judiciaire résultant de paiements intervenus en contravention avec l'article L. 622-7 du code de commerce sont connexes, ayant pris naissance à l'occasion d'un ensemble contractuel unique.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la créance de restitution se compensera avec les sommes dues à la société Crédit immobilier de France développement déclarées au passif de la liquidation judiciaire de M. [M], l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de compensation formée par la société Crédit immobilier de France développement ;

Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit immobilier de France développement et la condamne à payer à la société [S] [Q], en la personne de M. [Q], en qualité de liquidateur de M. [M], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société [S] [Q], ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'action en annulation et en restitution de paiements intentée par Me [Q], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [M], est prescrite pour les paiements intervenus avant le 16 janvier 2015 et d'avoir, en conséquence, limité à la somme de 9.483,53 ? la condamnation du Crédit Immobilier de France Développement à restituer à Me [Q], ès qualité, les sommes encaissées au titre du prêt accordé le 31 décembre 2009 ;

AUX MOTIFS QUE sur la prescription applicable à l'action en annulation des paiements et les sommes dues par le Crédit Immobilier, l'article L 622-7 du code de commerce dispose que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; qu'il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L 622-17 ; que tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions de cet article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance ; qu'en l'espèce, Monsieur [M] ayant fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 4 octobre 2010, les mensualités du prêt souscrit auprès du Crédit Immobilier échues après cette date auraient dû ne plus être réglées à compter de cette date, ne rentrant pas dans les créances visées à l'article L 622-17, sauf demande du liquidateur de poursuivre l'exécution du contrat en cours, inexistante en la cause ; que par application de l'article L 641-11-1 du code de commerce, en raison de l'absence de demande du liquidateur de poursuivre l'exécution de ce contrat, il appartenait au Crédit Immobilier de mettre en oeuvre la procédure tendant à voir constater la résiliation du prêt et non de continuer à recevoir paiement des mensualités de remboursement de ce prêt ; que s'agissant du remboursement du prêt, et donc du paiement d'échéances périodiques, le délai de prescription de l'action en annulation de ces paiements court à compter de chaque échéance réglée en violation de l'article L 622-7 ; que l'obligation de l'emprunteur s'exécute en effet lors de chaque échéance ; que l'action en annulation des paiements et en restitution des sommes ainsi payées au Crédit Immobilier ayant été introduite par Maître [U] le 16 janvier 2018, il s'ensuit qu'elle ne peut porter que sur les échéances réglées par le débiteur [erreur matérielle : postérieurement] au 16 janvier 2015 ainsi que soutenu subsidiairement par l'appelant, la demande de remboursement des échéances antérieures à cette date étant prescrite ; qu'il ne résulte d'aucune pièce que le liquidateur ait eu connaissance des paiements opérés par Monsieur [M] directement auprès du Crédit Immobilier, alors que le courrier adressé par Maître [erreur matérielle : [U]] le 6 janvier 2015 n'est qu'une demande de précision concernant le remboursement du prêt, afin de savoir si les mensualités sont régulièrement payées, faute de renseignement fournis par le débiteur ; qu'en outre, il résulte du décompte arrêté par le Crédit Immobilier que ce prêt a été partiellement remboursé par le versement de l'aide au logement dont bénéficiait le débiteur, directement à l'organisme prêteur ; que rien ne permet de constater que le liquidateur ait eu connaissance de ce fait ; que le décompte arrêté par le Crédit Immobilier au 26 juin 2018 indique qu'il a encaissé, à partir du 16 janvier 2015 et jusqu'au 10 octobre 2016, date des derniers règlements encaissés y compris au titre de l'aide au logement, la somme totale de 9.483,53 ? ; que Maître [Q] ès qualités ne produit pas de pièces contredisant ce décompte ; qu'il convient en conséquence de limiter sa condamnation à cette hauteur puisque, concernant les sommes versées au titre de l'APL, il s'agit de sommes dont le bénéficiaire était Monsieur [M], cette prestation n'étant que réglée directement au prêteur de deniers en l'acquit de l'allocataire par l'effet d'une délégation de paiement ; que le jugement déféré sera ainsi infirmé ;

ALORS QUE l'action en annulation des paiements partiels d'une créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective se prescrit par trois ans à compter du dernier paiement reçu par le créancier, la créance étant indivisible ; qu'en jugeant que, s'agissant du remboursement du prêt, et donc du paiement d'échéances périodiques, le délai de prescription de l'action en annulation de ces paiements court à compter de chaque échéance réglée en violation de l'interdiction des paiements, la cour d'appel a violé l'article L 622-7 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la créance de restitution, fixée à la somme de 9.483,53 ?, se compensera avec les sommes dues au Crédit Immobilier de France Développement déclarées au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [M] ;

AUX MOTIFS QUE sur l'exception de compensation opposée par le Crédit Immobilier, les créances du Crédit Immobilier résultant des échéances du prêt impayé et celles de la liquidation judiciaire résultant de paiements intervenus en contravention avec l'article L 622-7 du code de commerce sont connexes, ayant pris naissance à l'occasion d'un ensemble contractuel unique ; qu'en conséquence, ainsi que soutenu par l'appelant, la créance de restitution de Maître [Q] se compensera avec celle déclarée par le Crédit Immobilier au passif de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur [M] ;

ALORS QUE toute compensation est exclue entre la dette de restitution consécutive au prononcé de la nullité d'un paiement effectué en violation de l'interdiction des paiements et la créance déclarée à la procédure collective sur laquelle le paiement irrégulier s'était imputé ; qu'en faisant droit à l'exception de compensation opposée par le Crédit Immobilier au vu de la connexité qui aurait existé entre les créances du Crédit Immobilier et celles de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L 622-7 et L 622-20 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-15048
Date de la décision : 16/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 16 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 jui. 2021, pourvoi n°20-15048


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15048
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