La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2022 | FRANCE | N°19-24197

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 janvier 2022, 19-24197


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 janvier 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 49 F-D

Pourvoi n° U 19-24.197

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2022

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FI

VA), dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 19-24.197 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Rouen (...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 janvier 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 49 F-D

Pourvoi n° U 19-24.197

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2022

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 19-24.197 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Metsä Board Oyj France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société M-Real Alizay,

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Metsä Board Oyj France, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 septembre 2019), par décision du 19 novembre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (la caisse) a reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [V] (la victime), salarié de la société M-Real Alizay, ayant fait l'objet d'une fusion-absorption au profit de la société Metsä Board Oyj France, le 17 janvier 2014.

2. Subrogé dans les droits de la victime, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) a, le 3 juin 2014, saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société M-Real Alizay.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le FIVA fait grief à l'arrêt de dire prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de déclarer irrecevables l'action du FIVA dirigée contre la société M-Real Alizay et l'action du FIVA dirigée contre la société Metsä Board Oyj France, alors, que « bien que l'action introduite le 3 juin 2014 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, également dirigée contre la CPAM de [Localité 3], ait valablement interrompu la prescription et que les demandes formées à l'encontre de la société Metsä Board Oyj France, aux droits de la société Mreal Alizay, volontairement intervenue à l'instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, savaient procédé du même fait dommageable, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2, L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les articles 2241 à 2243 du code civil, l'article 126 du code de procédure civile et l'article 53, VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ».
Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Metsä Board Oyj France conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est nouveau, et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, le moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 2241 et 2243 du code civil et L. 431-2 du code de la sécurité sociale :

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable.

8. Pour infirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur était prescrite et déclarer irrecevable l'action du FIVA dirigée contre les sociétés M-Real Alizay et Metsä Board Oyj France, l'arrêt retient que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable a été engagée par le FIVA le 3 juin 2014, soit postérieurement à l'opération de fusion absorption qui a fait disparaître la société M-Real Alizay, que cette action est entachée d'une irrégularité de fond qui n'a pu être couverte par l'intervention à l'instance de la société Metsä Board Oyj France, de sorte que l'action dirigée contre la société M-Real Alizay doit être déclarée irrecevable. Elle ajoute que cette action n'a, en conséquence, pas pu interrompre le délai de prescription de l'action du FIVA à l'encontre de la société Metsä Board Oyj France. Elle en déduit que le FIVA, disposant d'un délai de deux ans à compter du 19 novembre 2013, date de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la demande dirigée contre la société Metsä Board Oyj France, postérieurement au 19 novembre 2015, était prescrite.

9. En statuant ainsi, alors que l'action de la victime aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur était également dirigée contre la caisse, de sorte qu'elle avait interrompu le délai de prescription à l'égard de toutes les parties, notamment de la société absorbante, nonobstant la décision d'irrecevabilité de l'action dirigée contre la société absorbée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'action du FIVA dirigée contre la société M-Real Alizay, l'arrêt rendu le 11 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Metsä Board Oyj France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)

D'AVOIR dit prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et d'AVOIR déclaré irrecevables l'action du FIVA dirigée contre la société M-Real Alizay et l'action du FIVA dirigée contre la société Metsä board Oyj France

AUX MOTIFS PROPRES QUE 1/sur la recevabilité de l'action du FIVA : sur l'acte introductif d'instance, la société soutient que l'action du FIVA est irrecevable comme dirigée contre la société M-Real Alizay qui n'avait plus d'existence juridique depuis le 17 janvier 2014 à la suite d'une fusion absorption et qu'elle ne peut « hériter » d'un litige qui n'existait pas à la date de la fusion ; que le FIVA répond que la prétendue nullité a été couverte par l'intervention au procès de la société Metsa board oyj, que par la fusion absorption cette dernière est devenue l'ayant droit de la société M-Real Alizay et a acquis de plein droit la qualité de partie à l'instance ; que selon l'article L. 236-3, I, du code de commerce, la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération ; que vu les articles 32 et 117 du code de procédure civile, l'irrégularité d'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est une irrégularité de fond qui ne peut être couverte ; qu'en l'espèce, l'action a été engagée par le FIVA le 3 juin 2014, soit postérieurement à l'opération de fusion absorption qui a fait disparaître la société M-Real Alizay de sorte qu'elle est entachée d'une irrégularité de fond qui n'a pu être couverte par l'intervention à l'instance de la société Metsa board oyj ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du défendeur ; que sur la recevabilité de l'action dirigée contre la société Metsa board oyj, le FIVA soutient que le fait dommageable invoqué par lui à l'encontre de la société Metsa board oyj est identique à celui invoqué à l'encontre de la société M-Real Alizay, à savoir l'exposition de M. [V] aux poussières d'amiante au sein de cette dernière ; que dès lors il y a lieu de considérer que l'action engagée contre la société M-Real Alizay a eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la société Metsa board oyj et qu'en conséquence, la demande de reconnaissance de la faute inexcusable initialement formée à l'encontre de la société M-real Alizay, puis redirigée en cours de procédure contre la société Metsa board oyj, est parfaitement recevable ; que la société répond que le délai pour agir du FIVA expirait au 19 novembre 2015, qu'il n'a pas été interrompu par la demande irrecevable et qu'en tout état de cause pour être interruptive de prescription, la demande en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire ; que vu les articles 2241, 2242 et 2243 du code civil, pour interrompre la prescription ainsi que les délais pour agir, une action en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire de sorte qu'en l'espèce la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale à l'encontre de la société M-Real Alizay n'a pu interrompre le délai biennal de prescription à l'égard de la société Metsa board oyj ; qu'au surplus, si, en application de l'article 2241 alinéa 2 du code civil, une déclaration d'appel, serait-elle formée devant une cour d'appel incompétente, interrompt le délai d'appel, cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque l'appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; qu'il en résulte que l'action engagée contre la société M-Réal Alizay jugée irrecevable pour défaut de qualité à agir n'a pas interrompu le délai de prescription de l'action du FIVA à l'encontre de la société Metsa board oyj ; qu'en application de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale, le FIVA disposait d'un délai de deux ans, courant à compter du 19 novembre 2013, date de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; que c'est à juste titre, par conséquent, que le tribunal des affaires de sécurité sociale a jugé prescrite la demande dirigée contre la société Metsa board oyj postérieurement au 19 novembre 2015 ; qu'il n'y a cependant pas lieu à confirmation du jugement en ce que celui-ci n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en déboutant le FIVA de ses demandes au lieu de le déclarer irrecevable en ses demandes ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la requête du FIVA entachée de nullité n'a pas interrompu le délai de prescription ; qu'aux termes de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater : 1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; 2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l‘indemnité journalière allouée en raison de la rechute; 3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1; 4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n ‘a pas droit aux indemnités journalières ; qu'en matière de maladie professionnelle, le délai de prescription peut également avoir pour point de départ le jour de la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'en l'espèce, la pathologie a été constatée par certificat médical du 11 juillet 2013 et reconnu d'origine professionnelle le 19 novembre 2013 ; que le délai de prescription de l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable expirait donc le 19 novembre 2015, or à cette date, le FIVA n'avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'aucune demande contre la société Metsä board Oyj France ; que l'action en reconnaissance de faute inexcusable est donc prescrite ;

ALORS QUE l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription à l'égard de toute autre action procédant du même fait dommageable ; qu'ayant constaté que le FIVA avait engagé l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur le 3 juin 2014, dans le délai de deux ans courant à compter du 19 novembre 2013, la cour d'appel, pour dire cette action prescrite, a énoncé que l'action avait été dirigée à l'encontre de la société M-Real Alizay qui n'avait plus d'existence juridique depuis le 17 janvier 2014, date de l'opération de fusion-absorption ayant entraîné sa dissolution sans liquidation et la transmission universelle de son patrimoine à la société Metsä board Oyj France, et qu'aucune demande n'avait été dirigée à l'encontre de la société Metsä board Oyj France avant le 19 novembre 2015 ; qu'en statuant ainsi, bien que l'action introduite le 3 juin 2014 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, également dirigée contre la CPAM de [Localité 3], ait valablement interrompu la prescription et que les demandes formées à l'encontre de la société Metsä board Oyj France, aux droits de la société M-Real Alizay, volontairement intervenue à l'instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, savaient procédé du même fait dommageable, la cour d'appel a violé les articles L. 431-2, L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les articles 2241 à 2243 du code civil, l'article 126 du code de procédure civile et l'article 53, VI de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-24197
Date de la décision : 13/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 11 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 jan. 2022, pourvoi n°19-24197


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.24197
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award