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19/01/2022 | FRANCE | N°20-11962

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-11962


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 79 F-D

Pourvoi n° R 20-11.962

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022

M. [Z] [Y], domicilié [Adress

e 3], a formé le pourvoi n° R 20-11.962 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 79 F-D

Pourvoi n° R 20-11.962

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022

M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 20-11.962 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [I] [D], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Turf éditions,

2°/ à Mme [P] [U], domiciliée [Adresse 2], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Turf éditions,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société MJA et de Mme [U], ès qualités, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 octobre 2019) et les productions, M. [Y] a été engagé, à compter du 27 juin 2006, en qualité de journaliste par la société AIP, appartenant au groupe Geny, lui-même cédé en mars 2015 à la société Turf éditions.

2. Après avoir refusé la modification de son contrat de travail incluant une mutation géographique que lui proposait son nouvel employeur, le salarié a été licencié pour motif économique le 15 juillet 2015.

3. La société Turf éditions a été placée en redressement judiciaire le 26 mai 2020, converti en liquidation judiciaire le 30 juin 2020, la société MJA, prise en la personne de Mme [D], et Mme [U], étant désignées en qualité de liquidateurs.

Examen du moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter sa demande de nullité du licenciement, de dire ce dernier fondé sur une cause réelle et sérieuse, de le débouter de l'ensemble des indemnités afférentes et de le condamner aux entiers dépens, alors :

« 1°/ que les ruptures conventionnelles qui ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, les ruptures conventionnelles qui s'intègrent dans le cadre d'un projet de réorganisation pour motif économique qui produit des effets en termes de réduction des effectifs et dont elles constituent l'une des modalités ; qu'en l'espèce, les ruptures conventionnelles avaient été expressément inscrites dans le projet de réorganisation soumis à la consultation des représentants du personnel ayant abouti à des ruptures des contrats de travail et en avaient constitué l'une des modalités ; que pour cette raison, le salarié se prévalait de la comptabilisation des ruptures conventionnelles au titre de la mise en oeuvre de l'article L. 1233-61 du code du travail ; qu'en considérant, pour exclure l'application de l'article L. 1233-61 du code du travail, que les ruptures conventionnelles étaient liées à l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes pour en déduire qu'elles n'avaient pas pour objet de contourner les règles du licenciement économique collectif ou encore qu'elles étaient indépendantes de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs, quand il résultait expressément du projet économique produit par l'employeur que les ruptures conventionnelles s'étaient inscrites dans le cadre du projet de réorganisation pour motif économique de l'entreprise dont elles constituaient l'une des modalités, la cour d'appel, statuant par des motifs impropres à exclure que les ruptures conventionnelles avaient une cause économique, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail ;

2°/ en considérant que les ruptures conventionnelles liées à la clause de cession du groupe Geny à Paris-Turf n'avaient pas pour objet de contourner les règles du licenciement économique collectif et que ces ruptures n'étaient pas liées au transfert des activités de l'entreprise à Aix-en-Provence mais résultaient de l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes indépendamment de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé par le salarié dans ses écritures si, dès lors que les ruptures conventionnelles avaient été expressément inscrites dans le projet de réorganisation soumis à la consultation des représentants du personnel ayant abouti à des ruptures des contrats de travail et en avaient constitué l'une des modalités, les dites ruptures avaient une cause économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail ;

3°/ que les ruptures conventionnelles qui ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt, par motifs propres et adoptés, qu'en l'espèce, l'exposé des conséquences sociales du projet de réorganisation laissait apparaître la suppression de 12,24 postes supprimés ''compensés'' par 10,37 ruptures conventionnelles liées à la clause de cession et que plusieurs salariés avaient accepté une rupture conventionnelle ; que pour exclure l'application de l'article L. 1233-61 du code du travail, que les ruptures conventionnelles liées à la clause de cession du groupe Geny à Paris-Turf n'avaient pas pour objet de contourner les règles du licenciement économique collectif et que si plusieurs salariés avaient accepté une rupture conventionnelle, ces ruptures n'étaient pas liées au transfert des activités de l'entreprise à [Localité 4] mais résultaient de l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes indépendamment de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que les ruptures conventionnelles avaient été intégrées dans le cadre du projet de réorganisation pour motif économique ayant abouti des réductions d'effectifs et qu'elles en constituaient l'une des modalités, ce dont il se déduisait nécessairement qu'elles avaient une cause économique et devaient être prises en compte au titre de la mise en oeuvre de l'article L. 1233-61 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1233-61 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-3, alinéa 2, du code du travail et 12 de l'accord national interprofessionnel étendu du 11 janvier 2008 relatif à la modernisation du marché du travail, appliqués à la lumière de la directive n° 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs et l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Il résulte des trois premiers de ces textes que, lorsqu'elles ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi.

6. Selon le quatrième de ces textes, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

7. Pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement, l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que dans l'exposé des conséquences sociales du projet de réorganisation soumis au comité d'entreprise, la société Turf éditions faisait état de 12,24 postes supprimés compensés par 10,37 ruptures conventionnelles liées à la clause de cession, puis il retient que ces ruptures conventionnelles, intervenues au cours des deux mois précédant le licenciement, ne sont toutefois pas liées au transfert des activités de l'entreprise mais résultent de l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes indépendamment de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs.

8. En statuant ainsi alors qu'elle constatait que les nombreuses ruptures conventionnelles étaient intervenues dans un contexte de suppression d'emploi dues à des difficultés économiques et qu'elles s'inscrivaient dans un projet global et concerté de réduction des effectifs au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande en nullité du licenciement entraîne la cassation du chef de dispositif confirmant le jugement, en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute le salarié de ses demandes indemnitaires subséquentes, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

10. En revanche, le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner la société Turf éditions à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.

11. Enfin, la cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il condamne l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifié par une autre condamnation prononcée à l'encontre de celui-ci et non remise en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il condamne la société Turf éditions à verser à M. [Y] les sommes de 4 508,89 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance, l'arrêt rendu le 23 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société MJA et Mme [U], en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société Turf éditions, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MJA et Mme [U], ès qualités, et les condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [Y]

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de nullité du licenciement, d'AVOIR dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, d'AVOIR débouté le salarié de l'ensemble des indemnités afférentes, et de l'AVOIR condamné aux entiers dépens ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur la nullité du licenciement : M. [Y] soutient d'abord que son licenciement est nul car son employeur n'a pas établi et encore moins mis en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi alors même que le nombre de licenciements était supérieur à 10 sur une période de 30 jours ; il en déduit la nullité de son licenciement sur le fondement des articles L. 1233-61 et suivants du code du travail ; cependant si M. [Y] n'était pas le seul salarié concerné par la mutation de son lieu de travail de [Localité 5] à [Localité 4], il ressort de l'état des départs et des motifs durant la période 2014-2015 que seuls quatre autres salariés ont quitté l'entreprise pour le même motif ; si le salarié conteste le caractère probatoire de ce document établi, selon lui, pour les besoins de la cause, les extraits du registre du personnel versés aux débats confirment que le nombre de salariés concernés par le transfert était inférieur à 10 dans une même période de 30 jours ; il n'est pas nécessaire de produire le registre du personnel sur une période plus longue que celle prise en compte par l'employeur dès lors que pour vérifier si les conditions sont réunies pour rendre obligatoire l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il convient se placer à la date de l'engagement de la procédure de licenciement et que les renseignements fournis remontent à janvier 2011 ; si, deux mois avant l'engagement de la procédure, plusieurs salariés ont également accepté une rupture conventionnelle, ces ruptures ne sont pas liés au transfert des activités de l'entreprise à [Localité 4] mais résultent de l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes indépendamment de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs ; le nombre de licenciements envisagés dans le document économique établi au sujet des mutations géographiques sur le site d'[Localité 4] était quant à lui fixé à 7,72 soit un nombre supérieur au 5 licenciements effectivement opérés ; ainsi, compte tenu du nombre de licenciements envisagés pour motif économique, l'employeur n'était pas tenu d'observer les dispositions de l'article L. 1233 -61 du code du travail relatives au plan de sauvegarde d'emploi et la nullité du licenciement de M. [Y] n'est pas encourue ; Que le jugement sera confirmé de ce premier chef » ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes du jugement attaqué, « Sur la nullité du licenciement : M. [Y] fait grief à la société TURF EDITIONS de n'avoir pas mis en oeuvre de plan de sauvegarde de l'emploi en violation des obligations prévues à l'article L. 1233-61 du Code du travail pour que soit jugé comme nul son licenciement ; la société TURF EDITIONS soutient que le nombre de licenciement n'a concerné que 5 salariés suite à la réorganisation et à leur refus d'accepter une modification de leur poste de travail, et 4 salariés pour suppression de postes sur une période de 4 mois et qu'en l'espèce les dispositions de l'article L. 1233-61 du code du travail ne s'appliquaient pas ; conformément aux dispositions des articles L. 1233-8 et suivants du code du travail la société TURF EDITIONS a respecté la procédure d'information et de consultation du Comité d'entreprise, du CHSCT et des délégués du personnel ; les motifs économiques de la réorganisation sont exposés dans le document transmis au comité d'entreprise ; dans l'exposé des conséquences sociales du projet de réorganisation, la société TURF EDITIONS faisait état de 21,4 ETP dont, 1,43 poste maintenu à l'identique, 7,72 postes modifiés liés à une mutation géographique, 12,24 poste 3 supprimés compensés par 10,37 ruptures conventionnelles liées à la clause de cession ; le conseil constate que les difficultés économiques invoquées par la société sont réelles et établies par des documents comptables ; les ruptures conventionnelles liées à la clause de cession du groupe GENY à PARIS-TURF n'avaient pas pour objet de contourner les règles du licenciement économique collectif ; compte-tenu du nombre de licenciements envisagé dans le projet de réorganisation, les dispositions prévues à l'article L. 1233-61 du code du travail en matière de PSE n'étaient pas applicables ; en conséquence Monsieur [Y] sera débouté de sa demande de juger son licenciement nullement et de ses demandes indemnitaires à ce titre » ;

ALORS, en premier lieu, que les ruptures conventionnelles qui ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, les ruptures conventionnelles qui s'intègrent dans le cadre d'un projet de réorganisation pour motif économique qui produit des effets en termes de réduction des effectifs et dont elles constituent l'une des modalités ; qu'en l'espèce, les ruptures conventionnelles avaient été expressément inscrites dans le projet de réorganisation soumis à la consultation des représentants du personnel ayant abouti à des ruptures des contrats de travail et en avaient constitué l'une des modalités (Production 5 – Projet économique et sociale de réorganisation de l'activité, p. 18) ; que pour cette raison, le salarié se prévalait de la comptabilisation des ruptures conventionnelles au titre de la mise en oeuvre de l'article L. 1233-61 du code du travail ; qu'en considérant, pour exclure l'application de l'article L. 1233-61 du code du travail, que les ruptures conventionnelles étaient liées à l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes pour en déduire qu'elles n'avaient pas pour objet de contourner les règles du licenciement économique collectif (jugement, p. 12 § 12) ou encore qu'elles étaient indépendantes de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs (arrêt p. 5 § 4), quand il résultait expressément du projet économique produit par l'employeur que les ruptures conventionnelles s'étaient inscrites dans le cadre du projet de réorganisation pour motif économique de l'entreprise dont elles constituaient l'une des modalités, la cour d'appel, statuant par des motifs impropres à exclure que les ruptures conventionnelles avaient une cause économique, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail ;

ALORS, en deuxième lieu, QU'en considérant que les ruptures conventionnelles liées à la clause de cession du groupe Gény à Paris-Turf n'avaient pas pour objet de contourner les règles du licenciement économique collectif (jugement, p. 12 § 12) et que ces ruptures n'étaient pas liées au transfert des activités de l'entreprise à Aix-en-Provence mais résultaient de l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes indépendamment de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs (arrêt p. 5 § 4), sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé par le salarié dans ses écritures (écritures p. 4 § 10) si, dès lors que les ruptures conventionnelles avaient été expressément inscrites dans le projet de réorganisation soumis à la consultation des représentants du personnel ayant abouti à des ruptures des contrats de travail et en avaient constitué l'une des modalités, les dites ruptures avaient une cause économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail ;

ALORS, en troisième lieu, que les ruptures conventionnelles qui ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt, par motifs propres et adoptés, qu'en l'espèce, l'exposé des conséquences sociales du projet de réorganisation laissait apparaitre la suppression de 12,24 postes supprimés ‘compensés' par 10,37 rupture conventionnelles liées à la clause de cession (jugement p. 12 § 10) et que plusieurs salariés avaient accepté une rupture conventionnelle (arrêt p. 5 § 4) ; que pour exclure l'application de l'article L. 1233-61 du code du travail, que les ruptures conventionnelles liées à la clause de cession du groupe Gény à Paris-Turf n'avaient pas pour objet de contourner les règles du licenciement économique collectif (jugement, p. 12 § 12) et que si plusieurs salariés avaient accepté une rupture conventionnelle, ces ruptures n'étaient pas liée au transfert des activités de l'entreprise à [Localité 4] mais résultaient de l'application de la clause de cession bénéficiant aux journalistes indépendamment de la mutation géographique envisagée et de toute réduction des effectifs (arrêt p. 5 § 4) ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que les ruptures conventionnelles avaient été intégrées dans la cadre du projet de réorganisation pour motif économique ayant abouti des réductions d'effectifs et qu'elles en constituaient l'une des modalités, ce dont il se déduisait nécessairement qu'elles avaient une cause économique et devaient être prises en compte au titre de la mise en oeuvre de l'article L. 1233-61 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1233-61 du code du travail ;

ALORS en quatrième lieu QUE si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette UES ; que lorsqu'un projet de réorganisation est présenté au comité d'entreprise de l'UES et a été décidé au niveau de la direction commune de l'UES, les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient à ce niveau ; qu'en l'espèce, il ressortait du projet économique produit par l'employeur (Production 5 – Projet économique et sociale de réorganisation de l'activité, p. 3) qu'aussi bien le projet de cession de la société Gény Infos à la société Paris Turf que les mesures d'urgence concernant la situation de la société Gény Infos avaient été présentées au comité d'entreprise de l'UES Paris Turf le 9 mars 2015 ; qu'il en ressortait que la décision de réorganiser la structure et d'envisager la réduction des effectifs avait été prise au niveau de l'UES ce qui avait justifié par deux fois la consultation du comité d'entreprise de l'UES ; que pour cette raison, l'exposant se prévalait dans ses écritures, à propos de l'appréciation du nombre de salariés licenciés, de la production des registres du personnel à la fois des sociétés du groupe Gény et du groupe Paris Turf (écritures d'appel de l'exposant, p. 5 § 5) ; que pour toute réponse, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer qu'il n'était pas nécessaire de produire le registre du personnel sur une période plus longue et qu'il convenait de se placer à la date de l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure la nécessité de produire les registres du personnels des sociétés du groupe Gény et du groupe Paris Turf, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-11962
Date de la décision : 19/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 23 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jan. 2022, pourvoi n°20-11962


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.11962
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