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02/02/2022 | FRANCE | N°20-15182

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 2022, 20-15182


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 142 F-D

Pourvoi n° R 20-15.182

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

Mme [T] [M], domiciliée [Ad

resse 2], a formé le pourvoi n° R 20-15.182 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 142 F-D

Pourvoi n° R 20-15.182

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

Mme [T] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-15.182 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Aig Europe SA, société de droit étranger, dont le siège est à [Adresse 3], venant aux droits de la société Aig Europe Limited, ayant un établissement [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Aig Europe, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2019), la société Aig Europe Limited (la société), société de droit anglais, aux droits de laquelle vient désormais la société Aig Europe, appartenant au groupe américain Aig et faisant partie de la branche Aig Property et Casualty du groupe, spécialisée dans les produits d'assurance non-vie destinés aux entreprises et aux particuliers, a annoncé, en juillet 2014, un projet de réorganisation visant à rationaliser la politique de souscription ainsi que son activité par la mise en place de centres de services partagés. Après information et consultation des institutions représentatives du personnel, la Direccte a homologué le 14 janvier 2015 le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique, cette homologation étant ensuite validée par les juridictions administratives.

2. Mme [M] (la salariée), engagée en qualité de secrétaire bilingue à compter du 12 décembre 1989 selon contrat à durée indéterminée par la société UNAT, filiale de la société, employée en dernier lieu en qualité de spécialiste-documentaliste, élue en mars 2014 déléguée du personnel titulaire, a été licenciée pour motif économique le 3 octobre 2016, après expiration de la période de protection.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le motif économique du licenciement est établi et, en conséquence, de la débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit dit que le PSE ne lui est pas opposable et son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait état d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, l'employeur doit établir l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que le juge doit concrètement caractériser la menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité ; que, pour juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est fondée sur la baisse du chiffre d'affaires de la société AIG Europe Limited entre les années 2011 et 2014, la réorganisation nécessitée par la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi homologué le 14 janvier 2015 et l'existence d'un nouveau cadre réglementaire applicable au secteur d'activité de l'assurance non-vie entraînant des coûts additionnels ainsi qu'une concurrence accrue ; qu'elle a encore, retenu, par motifs adoptés que les difficultés du groupe Aig dans le monde, ainsi que la très forte baisse des résultats de la succursale en France justifiaient une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui s'est prononcée au seul vu des difficultés économiques du groupe Aig, impropres à caractériser une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail dans leur rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Il résulte de ces textes que lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige auquel peut ensuite donner lieu cette mesure, fait état d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, le juge doit rechercher si la décision de l'employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève.

6. Pour dire bien fondé le licenciement, l'arrêt, après avoir constaté que la lettre de licenciement énonçait que la réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartenait l'entreprise, retient, d'abord, que le chiffre d'affaires de la société Aig Europe Limited a significativement baissé entre 2012 et 2014, que le résultat net est passé de 20 622 millions d'euros en 2011 à 7 529 millions d'euros en 2014 et que le résultat technique est passé de + 10 553 millions d'euros en 2013 à - 10 868 millions d'euros.

7. Il ajoute, ensuite, qu'il est avéré que la réorganisation de la société Aig Europe Limited nécessite la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, homologué par la Direccte le 14 janvier 2015 dont l'homologation a été validée par la cour d'appel administrative de Versailles le 20 octobre 2015 et, enfin, qu'il n'est pas utilement contesté par la salariée que le nouveau cadre réglementaire applicable au secteur d'activité de l'assurance non-vie est contraignant et entraîne des coûts additionnels ainsi qu'une concurrence accrue.

8. Il en conclut que la société Aig Europe Limited établit ainsi l'existence de difficultés économiques sérieuses que le rapport d'expertise comptable dont se prévaut la salariée ne suffit pas à remettre en cause et qui ont nécessité de réorganiser l'entreprise.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute Mme [M] de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 18 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Aig Europe, venant aux droits de la société Aig Europe Limited, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aig Europe, venant aux droits de la société Aig Europe Limited, et la condamne à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [M]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(sur le harcèlement moral)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes et notamment, en ce qui concerne le harcèlement moral dont elle a été victime et la violation de l'obligation de sécurité, par l'employeur, quant à sa santé ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Mme [M] soutient qu'au lieu d'être transférée au nouveau siège de la société AIG Europe Limited à Londres, dans le cadre des précédents PSE de 2010 et 2011, elle est restée au sein de la succursale française sur un poste de documentaliste, sans fourniture de travail, avec une marginalisation, des brimades et un isolement professionnel ; que cette situation a conduit à une dégradation de son état de santé ; que si la salariée n'étaye par aucun élément les brimades qu'elle aurait subies du fait de l'employeur, elle produit aux débats: - des graphiques sur la période 2010 à 2014 laissant apparaître une diminution des projets menés, notamment ceux concernant la zone géographique « Europe HQ », ainsi que du nombre d'heures de travail, et ce en raison du transfert du siège social à Londres ; - un extrait du « Time Entry » faisant état d'un nombre d'heures de travail pour le mois de juin 2015 à hauteur de 4,5 heures ; - divers courriers dénonçant son désoeuvrement professionnel sur 2014 - 2015 ; - un tableau établi par ses soins montrant une perte d'accès progressive aux bases de données entre 2010 et 2015 ; - un échange de courriels entre les managers français et londoniens afin de mettre à jour la liste des bases de données utilisées par les collaborateurs, les abonnements non nécessaires étant soit résiliés après prise d'avis auprès des utilisateurs, soit remplacés par une autre base de données ; qu'elle établit qu'au cours de cette même période (avril 2011 à septembre 2016), elle a connu une dégradation de son état de santé, avec plusieurs séquences d'arrêt maladie jusqu'au 2 septembre 2016 faisant état d'un « état anxiodépressif réactionnel » ; qu'il en résulte que ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral ayant pour effet la dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à sa santé ; que toutefois, l'employeur établit que sur la période dénoncée par Mme [M], il n'y a pas eu d'absence de fourniture de travail, sa charge de travail ayant été adaptée à ses absences pour maladie entre 2014, 2015 et 2016 ; il justifie ainsi de la transmission à la salariée par ses collaborateurs ou les services extérieurs, pendant ses temps de présence au sein de l'entreprise, de différentes recherches qu'elle pouvait effectuer avec les bases de données restant à sa disposition ; que l'employeur démontre ensuite que s'agissant de la marginalisation et de l'isolement professionnel allégués, les faits dénoncés ne reposent en réalité que sur les changements dans ses conditions de travail générés par la réorganisation, soutenant à bon droit que la baisse du nombre de projets menés, qui impactait l'ensemble des salariés de l'entreprise, n'est pas suffisante à caractériser un désoeuvrement professionnel ; il produit en outre des pièces qui démontrent que, contrairement à ce que la salariée affirme, le déménagement dans les locaux situés au Trocadéro a concerné à la fois l'équipe Marketing mais aussi les équipes Finances et HQ, en raison du manque de place dans la tour CB21 à la Défense ; que la société AIG Europe Limited démontre enfin que si, à compter du mois d'avril 2011, la salariée est en arrêt maladie pour un « état anxiodépressif réactionnel » et qu'elle a fait l'objet de prescriptions médicales, l'employeur établit qu'elle n'a pas fait appel aux dispositifs d'écoute et de soutien psychologique mis en place par la société dans le cadre du PSE sur cette période ; qu'il ne peut donc se déduire, de ces seuls arrêts maladie et ordonnances de prescriptions médicales, que les difficultés de santé de la salariée sont en lien avec ses conditions de travail et plus particulièrement avec le harcèlement allégué depuis 2011 ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la société AIG établit que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral au travail en ce qu'ils n'émanent pas de décisions, d'actes ou d'agissements répétés révélateurs d'un abus d'autorité par l'employeur, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail de la salariée, les décisions qui ont été prises ayant été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le grief relatif au harcèlement moral est donc écarté ; le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de ses demandes de ce chef et au titre de la violation de l'obligation de sécurité quant à la santé de la salariée, qui n'est établie ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, il ressort des longs débats, des abondantes écritures et des nombreuses pièces remises par les parties, qu'il subsiste pour le moins un doute sur la réalité des faits de harcèlement moral invoqués par Mme [M] ; que le conseil observe, en outre, que Mme [M] ne s'est jamais plainte auprès de son employeur de ces faits, qui auraient débuté en 2010 et donc bien avant qu'elle a adressé à AIG le 12 décembre 2014, lors de la mise en place du PSE ; que Mme [M] sera par conséquent déboutée de ses demandes relatives à des faits de harcèlement moral ;

1°ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des agissements objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les faits invoqués par la salariée laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, notamment la réduction de la charge et du nombre d'heure de travail pour la période allant de 2010 à 2014 ; que, toutefois, pour dire que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a relevé que la charge de travail était adaptée aux absences pour maladie de la salariée entre 2014, 2015 et 2016 ; qu'en statuant ainsi tandis qu'elle avait retenu l'existence de faits laissant présumer un harcèlement établis dès l'année 2010, de sorte que les absences visées n'étaient pas susceptibles d'expliquer la réduction de travail pour les années 2010, 2011, 2012, et 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE Mme [M] faisait valoir qu'elle était « complètement désoeuvrée » du fait de la réduction de sa charge de travail à un point tel que « son temps de travail effectif ne dépassait pas 4,5 heures pour le mois de juin 2015 » (conclusions, p. 28, pénultième §) ; qu'après avoir informé son employeur, par courrier du 2 novembre 2015, dans lequel elle lui rappelait qu'elle « était désoeuvrée depuis des mois », l'employeur lui a adressé un courrier de réponse du 11 février 2016, régulièrement versé aux débats, dans lequel il reconnaissait la situation de désoeuvrement professionnel dans laquelle elle se trouvait et indiquait qu'une telle situation n'était que la résultante de la situation combinée du PSE et de son statut de salariée protégée ; que, pour considérer que l'employeur apportait des éléments objectifs justifiant la réduction drastique du temps de travail de Mme [M], la cour d'appel a retenu que sa charge de travail avait été adaptée à ses absences pour maladie (arrêt, p. 4, dernier § et p. 5 § 1) ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, comme elle y était invitée (concl., p. 28 et 29), la limitation du temps de travail confinant à sa suppression (4,5 heures pour le mois de juin 2015) pouvait s'expliquer par les raisons objectives invoquées par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 11521 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des agissements objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les faits invoqués par la salariée laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, notamment la perte d'accès progressive aux bases de données entre 2010 et 2015 ; que pour dire que cette perte était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a jugé que l'employeur prouvait qu'il avait transmis à la salariée différentes recherches qu'elle pouvait effectuer avec les bases de données restant à sa disposition ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs établissant seulement la diminution des accès aux bases de recherches sans explication précise quant à leur justification objective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des agissements objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les faits invoqués par la salariée laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, notamment la dégradation de son état de santé jusqu'au 2 septembre 2016 en raison de son « état anxiodépressif réactionnel » ; que, toutefois, pour dire que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a relevé qu'il était établi que la salariée n'avait pas fait appel aux dispositifs d'écoute et de soutien psychologique mis en place par la société dans le cadre du PSE sur cette période ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en jugeant que l'absence d'utilisation, par la salariée, du dispositif d'écoute et de soutien psychologique mis en place par l'employeur constituait un élément objectif étranger à tout harcèlement moral tandis que ce dispositif avait été mis en place en septembre 2014, de sorte qu'il était insusceptible d'expliquer la dégradation de l'état de santé de la salariée sur la période antérieure allant d'avril 2011 à septembre 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

6°) ALORS QUE lorsque le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il revient alors à l'employeur de démontrer l'absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en l'espèce, Mme [M] sollicitait le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation, par l'employeur, de son obligation de sécurité vis-à-vis de la santé des travailleurs prévue à l'article L. 4121-1 du code du travail (conclusions, p. 24 et 25) ; qu'en déboutant la salariée de sa demande au motif que la violation de l'obligation de sécurité n'était pas établie, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L. 4121-1 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

(sur la discrimination syndicale)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes notamment en ce qui concerne la nullité du licenciement et l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait des agissements de discrimination syndicale commis par son employeur ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucun salarié ne doit faire l'objet d'une mesure discriminatoire notamment être licencié en raison de ses activités syndicales ; qu'en application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, il incombe au salarié d'établir des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison ses activités syndicales, et dans une telle hypothèse il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'occurrence, Mme [M] a été élue, le 27 mars 2014, au mandat de délégué du personnel en qualité de membre titulaire ; que Mme [M] soutient que ses conditions de travail se sont fortement dégradées depuis sa prise de fonction en tant que délégué du personnel et que son mandat lui a valu un traitement discriminatoire dans le cadre du PSE ; qu'elle produit aux débats : - un échange de courriels avec son manager faisant état d'un oubli d'inclusion dans une liste de diffusion de son département ; - un courriel transmettant l'information relative à l'annulation d'un séminaire devant se tenir au mois de novembre 2014 dont l'information initiale avait été transmise à son manager ;.un courriel du 31 août 2015 faisant apparaître un problème d'accès avec son badge à la tour CB21 de la société AIG Europe Limited, en raison d'une centralisation de la fabrication des badges du personnel au Royaume-Uni ; - deux courriels de juin 2015 et février 2016 relatifs à la fixation de ses objectifs dont le premier fait état de la tenue d'entretien de performance à miparcours et le second d'un souhait de suivi de formations ; qu'elle verse également un courriel du mois de novembre 2015 d'un homologue délégué du personnel informant la direction à la fois de la mise en oeuvre du droit d'alerte et du souhait d'une enquête pour « danger grave et imminent », de même que les procès-verbaux des différentes réunions extraordinaires du CHSCT tenues suite à cette enquête et les comptes-rendus des entretiens des personnes rencontrées ; qu'elle fait état de ce que la procédure spéciale de licenciement à son encontre a été mise en oeuvre tardivement et qu'il lui a été demandé de démissionner de son mandat de délégué du personnel ; que ces différents éléments concordants et pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de Mme [M] en sa qualité de délégué du personnel de l'entreprise ; que toutefois, l'employeur établit qu'il n'y a eu aucune exclusion des listes de diffusion du département Marketing, Mme [M] y ayant été ajoutée, au même titre que son collègue M. [I], au mois d'août 2014 ; qu'elle a été inscrite par erreur dans la liste de diffusion pour le séminaire du mois de novembre 2014 ne concernant que les managers ; qu'en raison de son mandat, la procédure de licenciement ne pouvait être initiée en même temps que les autres salariés ; que dès novembre 2015, elle a de nouveau occupé un bureau au sein de la tour CB21 et que le problème d'accès par badge aux locaux a été résolu rapidement par les services concernés ; que la société AIG Europe Limited démontre encore qu'elle a proposé à Mme [M] un poste de reclassement en février 2016 ; que la protection résultant de son mandat a nécessairement entrainé un décalage dans la procédure de licenciement applicable ; que M. [I], dont l'autorisation de licenciement a été refusée, est toujours en poste ; que l'inspection du travail n'a donné aucune suite au courrier du délégué du personnel, M. [V], dénonçant la discrimination syndicale et que la notification du licenciement de la salariée a eu lieu dès la fin de la protection afférente à son mandat; qu'enfin, l'existence d'un chantage à la démission de son mandat ne ressort pas des courriels produits par la salariée ; que la cour en déduit que la société AIG Europe Limited établit que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination, de sorte que la discrimination syndicale n'est pas établie, par confirmation du jugement entrepris ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les débats et les dossiers remis au Conseil ne permettent pas d'établir ou même de présumer que Mme [M] aurait été sanctionnée, licenciée ou qu'elle aurait fait l'objet d'une mesure discriminatoire en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification ou de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales (article L. 1132-1 du code du travail) ; que le conseil observe, en outre, que « la mise en difficulté », alléguée par Mme [M], aurait débuté selon elle, en 2010, et donc bien avant qu'elle ait été élue déléguée du personnel en mars 2014 ;
que Mme [M] sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnisation d'un préjudice causé par des agissements de discrimination syndicale ;

1°) ALORS QUE la salariée soutenait dans ses écritures (pages 4, 8 et 10) qu'elle avait été artificiellement incluse dans le PSE de 2014 alors qu'en tant que chargée d'études Marketing et de Veille (Market Research analyst,) elle devait être exclue du PSE comme ses homologues [H] et [G], aucun salarié du département Marketing français n'ayant été impacté par le PSE et que la qualité de « documentaliste « qui lui avait attribuée à seule fin de l'inclure dans le PSE ne correspondait pas à ses fonctions ; qu'ainsi, le PSE ne lui était pas opposable de sorte que son licenciement était en lien avec ses fonctions syndicales et constituait la réponse de son employeur à sa saisine antérieure de la juridiction prud'hommale pour dénoncer cette discrimination et devait être déclaré nul en application de l'article 1134-4 du code du travail ; que la Cour a omis de répondre à ces conclusions opérantes pour démontrer que la salariée ne pouvait être concernée par le PSE et que son licenciement était la réponse apportée par l'employeur à son action en justice et ainsi a violé l'article 455 du code de procédure civile

2°)ALORS QU'aucun salarié ne doit subir des mesures de licenciement pour un motif discriminatoire ; que lorsque le juge a constaté que les éléments avancés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination, il incombe alors à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, pour dire que les décisions de l'employeur étaient justifiées par des éléments objectifs, la cour d'appel a jugé que l'existence d'un chantage à la démission du mandat de délégué du personnel ne ressortait pas des courriels produits par la salariée ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que la salariée rapportait la preuve d'une présomption de discrimination tenant notamment au fait que l'employeur lui avait demandé de démissionner de son mandat (arrêt, p. 6. § 1 à 4 et Prod. 6 et 8), de sorte qu'il appartenait à l'employeur de renverser cette présomption par des justifications objectives et étrangères à toute discrimination, la cour d'appel a fait peser sur la seule salariée la charge de la preuve de l'existence d'une discrimination, et a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail dans leur rédaction alors applicable.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

(sur le motif économique du licenciement)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le motif économique du licenciement était établi et d'avoir, en conséquence, débouté Mme [M] de sa demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que le PSE ne lui était pas opposableet son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme [M] fait valoir que son licenciement n'était justifié ni par des difficultés économiques, ni par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que la société AIG Europe Limited fait valoir que le secteur d'activité de l'assurance non-vie en Europe est confronté à une situation délicate et soumis à un environnement réglementaire évolutif et contraignant menaçant sa compétitivité ; qu'il en résulte des résultats fragilisés pour cette division : - au niveau du groupe, le chiffre d'affaires a peu évolué, voire baissé de 3% entre 2012 et 2013 engendrant une chute du résultat net entre 2011 et 2013, - au niveau de la branche assurance non-vie, les primes nettes sont en baisse constante depuis 2011 et le ratio combiné se situe au-delà de 100% empêchant la génération d'un bénéfice technique au niveau mondial, - au niveau de la succursale française, malgré une hausse des primes nettes, le résultat technique a chuté passant de 11,5 millions à -10,8 millions. Il s'est alors avéré nécessaire de mettre en oeuvre une réorganisation visant à sauvegarder la compétitivité du secteur de l'assurance non-vie du groupe en améliorant la qualité des souscriptions et en réduisant des coûts opérationnels ; qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que par ailleurs, il résulte de l'article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; que les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement en date du 3 octobre 2016 énonce : « ...Comme cela a été indiqué aux représentants du personnel et détaillé dans la documentation qui leur a été remise à cette occasion, le groupe AIG auquel appartient la société se devait en effet de procéder à une réorganisation afin de sauvegarder sa compétitivité. Les raisons à l'origine de cette difficile décision sont essentiellement les suivantes : a) Les difficultés rencontrées par le secteur de l'assurance non-vie depuis plusieurs années, le secteur de l'assurance non-vie en Europe est confronté à une situation délicate. Ce secteur est en effet soumis à un environnement réglementaire évolutif et de plus en plus contraignant, notamment en raison des nouvelles règles européennes issues ou à venir des directives Solvabilité II et IMD2, se traduisant par des normes de plus en plus importantes à respecter et l'augmentation significative des coûts opérationnels relatifs à leur mise en oeuvre. Par ailleurs, le secteur doit faire face à d'importants défis économiques et de marché, dont notamment : - une concurrence accrue, en raison de la présence d'un grand nombre d'acteurs sur le marché et d'une surcapacité structurelle, entraînant une forte pression sur les prix générés et la recherche, par les clients, de l'offre la plus intéressante à moindre coût : - l'évolution du rapport de force courtiers/assureurs, entraînant une augmentation significative des taux d'intermédiation et des frais de gestion opérationnels ,- l'évolution du marché de l'assurance nonvie notamment liée à la numérisation croissante de l'économie. Ces éléments ont eu d'importantes répercussions sur les résultats de la division assurance non-vie du groupe AIG. b) Les résultats de la division assurance non-vie du groupe AIG. Dans ce contexte, la division assurance non-vie du groupe AIG a enregistré des résultats fragilisés. Au niveau mondial, sur le secteur d'activité de l'assurance non-vie, le niveau des primes nettes acquises a baissé de manière constante (- 5%) entre 2011 et 2013. Pour 2014, la croissance demeure atone : + 1% en commercial lines et - 3% en Consumer Lines .Le ratio combiné (soit la somme (i) du ratio de frais qui correspond aux dépenses divisées par les primes nettes émises et (ii) du ratio S/P correspondant au ratio entre la charge sinistres et les primes nettes acquises) s'élève depuis plusieurs années à plus de 1000% ce qui n'est plus viable sur le moyen et le long terme et se situe en-deçà du ratio de nos principaux concurrents lesquels parviennent à afficher des ratios combinés inférieurs. Dans ces conditions, le secteur de l'assurance non-vie au niveau mondial n'a pas été en mesure de générer un bénéfice technique. Au niveau national, bien que le niveau des primes (primes nettes de réassurance) ait augmenté de 4% en 2014, après être resté stable sur les trois années précédentes, la société a enregistré une forte chute de son résultat technique en 2014 (-10,8 millions vs +11,5 millions en 2013) après une chute de - 91% entre 2012 et 2013. Dès lors, compte tenu de ces éléments, le groupe et la société n'ont d'autres choix que de continuer à évoluer pour sauvegarder leur compétitivité. (c) La nécessité de mettre en oeuvre des mesures visant à sauvegarder la compétitivité du secteur de l'assurance non-vie du groupe AIG. La sauvegarde de la compétitivité dans le secteur de l'assurance non-vie en Europe requiert que soit mis en oeuvre le projet de réorganisation présenté aux représentants du personnel. En effet, l'organisation actuelle présente des faiblesses opérationnelles dans certains domaines qui impactent la compétitivité du groupe. Ces faiblesses opérationnelles ont été identifiées au niveau des fonctions Opérations, Sinistres, Centre de comptabilité, Finance, comptabilité Clients, Taxes, Consumer, Distribution, Analyses et études de marché. Le présent projet de réorganisation vise à : - mettre en place des Centres de Services Partagés afin de mutualiser un certain nombre d'activités dans des localisations compétitives en termes de coûts et offrant une main d'oeuvre fortement qualifiée, - standardiser les processus et partager les meilleures pratiques au sein de la région EMEA, - internaliser certaines activités clés jusqu'alors sous-traitées afin de réduire la dépendance du groupe vis-à-vis des tiers, réduire les coûts opérationnels et offrir un meilleur service aux clients, - améliorer la réactivité. Cette réorganisation se traduit par la suppression de certains postes de travail, et notamment la suppression de l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle de Documentaliste à laquelle vous appartenez. Dans le cadre de la réorganisation entreprise, l'ensemble des postes de la catégorie est supprimé, y compris le vôtre. Malheureusement, malgré tous les efforts mis en oeuvre par la société, aucune solution de reclassement n'a été trouvée, dans la mesure où aucun poste correspondant à votre profil ne pouvait vous être proposé au sein d'AIG, y compris à l'étranger. Par conséquent, la présente lettre constitue la notification de votre licenciement pour motif économique. Votre préavis de 3 mois débutera à la date de la première présentation de cette lettre. Vous êtes dispensée de l'exécution de ce préavis, votre rémunération vous étant néanmoins versée aux échéances habituelles. (...) » ; qu'il résulte des éléments chiffrés versés aux débats par la société AIG Europe Limited, contenus dans les extraits de rapports annuels du groupe et de la succursale française, sur les années 2013 et 2014 : que le chiffre d'affaires a significativement baissé entre 2012 et 2014 :- année 2012 : 71.214 millions d'euros - année 2013 : 68.874 millions d'euros - année 2014 : 64.406 millions d'euros ; que le résultat net est passé de 20.622 millions d'euros en 2011 à 7.529 millions d'euros en 2014 ; que le résultat technique de la succursale française est passé de +10.553 millions d'euros en 2013 à - 10.868 millions d'euros ; qu'il est avéré que la réorganisation de la société AIG Europe Limited nécessite la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, homologué par la DIRECCTE le 14 janvier 2015 dont l'homologation a été validée par la cour d'appel administrative de Versailles le 20 octobre 2015 ; que par ailleurs, il n'est pas utilement contesté par la salariée que le nouveau cadre réglementaire applicable au secteur d'activité de l'assurance non-vie est contraignant et entraîne des coûts additionnels ainsi qu'une concurrence accrue ; que la société AIG Europe Limited établit ainsi l'existence de difficultés économiques sérieuses, que le rapport d'expertise comptable SACEF désigné par le comité d'entreprise et dont se prévaut la salariée ne suffit pas à remettre en cause et qui ont nécessité de réorganiser l'entreprise ; qu'il est précisé dans la lettre de licenciement que l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle de documentaliste a été supprimé, sans que cette suppression de poste ne soit utilement contestée par Mme [M] ; que la cour relève en effet que les éléments produits ne permettent pas de démontrer que ses homologues londoniens, [E] [H] et [Z] [G], occupaient effectivement un poste équivalent, ni qu'elle dépendait juridiquement de la structure anglaise, étant liée par un contrat de travail français ; de sorte que les allégations tenant à l'inopposabilité du PSE et à la création artificielle d'une catégorie professionnelle ne sont donc pas fondées ; qu'en conséquence, le motif économique du licenciement est établi comme l'ont justement retenu les premiers juges ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE il est constant que, outre les difficultés du groupe AIG dans le monde et en particulier aux Etats-Unis, les résultats de la succursale française ont connu une très forte baisse en 2012, 2013 et 2014 ce qui justifiait une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde sa compétitivité ; que le licenciement de Mme [M] constituait donc bien un licenciement pour motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail ; que le conseil relève en outre que les modalités du PSE d'AIG Europe Ltd du 16 décembre 2014, qui prévoyait notamment de supprimer le poste de la catégorie dont faisait partie celui de Mme [M], ont été validés par la DIRERECTE d'Ile de France le 15 janvier 2015, puis le tribunal administratif de Pontoise par un jugement du 21 mai 2015 et par la cour administrative d'appel de Versailles par un arrêt du 20 octobre 2015 ;

1°) ALORS QUE lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait état d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, l'employeur doit établir l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que le juge doit concrètement caractériser la menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité ; que, pour juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est fondée sur la baisse du chiffre d'affaires de la société AIG Europe Limited entre les années 2011 et 2014, la réorganisation nécessitée par la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi homologué le 14 janvier 2015 et l'existence d'un nouveau cadre réglementaire applicable au secteur d'activité de l'assurance-non vie entraînant des coûts additionnels ainsi qu'une concurrence accrue ; qu'elle a encore, retenu, par motifs adoptés que les difficultés du groupe AIG dans le monde, ainsi que la très forte baisse des résultats de la succursale en France justifiaient une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui s'est prononcée au seul vu des difficultés économiques du groupe AIG, impropres à caractériser une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la cause économique du licenciement s'apprécie à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement a été notifiée à la salariée le 3 octobre 2016 ; que toutefois, pour retenir que l'employeur justifiait de difficultés économiques sérieuses nécessitant la réorganisation de l'entreprise, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur des éléments contemporains du licenciement, mais s'est déterminée au regard de la baisse du chiffre d'affaires du groupe AIG et de la succursale française AIG Europe Limited, pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014 et de l'existence d'un plan de sauvegarde pour l'emploi homologué le 14 janvier 2015 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la salariée faisait état de circonstances incompatibles avec l'existence de difficultés économiques ; qu'elle montrait qu'au cours de l'année 2016, soit à la date de son licenciement, le groupe AIG se targuait de pouvoir distribuer 25 milliards de dollars à ses actionnaires d'ici 2017, publiait un résultat net en hausse de 6% au deuxième trimestre 2016, à hauteur de 1,91 milliard de dollars, dépassant ainsi les attentes des analystes, avait recruté, dans la succursale française, 34 nouveaux collaborateurs; que tous ces éléments sont incompatibles avec l'existence des difficultés économiques sérieuses alléguées par l'employeur pour justifier le licenciement (conclusions, p. 13) ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur établissait l'existence de difficultés économiques sérieuses sans examiner ni analyser, même sommairement, les documents versés aux débats par la salariée montrant qu'à la date du licenciement, l'employeur ne justifiait d'aucune difficulté économique sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-15182
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 2022, pourvoi n°20-15182


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15182
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