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14/12/2022 | FRANCE | N°21-13680

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-13680


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1368 F-D

Pourvoi n° D 21-13.680

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

M. [G] [W], domicilié

[Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-13.680 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1368 F-D

Pourvoi n° D 21-13.680

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

M. [G] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-13.680 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la société Technique énergie atomique, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de Me Brouchot, avocat de M. [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Technique énergie atomique, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2020), M. [W] a été engagé le 27 avril 2010 par la société Areva TA, devenue la société Technique énergie atomique - Technicatome, en qualité de responsable du centre de formation de [1] au statut d'ingénieurs et cadres, puis nommé en dernier lieu chef d'échelon sur le site de la base militaire de [Localité 4].

2. Il a été licencié, le 12 décembre 2014, pour faute grave.

3. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes portant sur l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à condamner l'employeur à lui verser, consécutivement à la décision d'inopposabilité de la convention de forfait en jours, diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou dont la convention de forfait en jours est déclarée nulle, privée d'effet ou inopposable, pouvant prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; qu'après avoir déclaré inopposable à M. [W] la convention de forfait en jours, ce qui lui ouvrait droit à solliciter le règlement de ses heures supplémentaires, la cour d'appel a constaté que le tableau versé aux débats par M. [W], pour justifier le nombre de ses heures supplémentaires effectivement accomplies, mentionnait une durée de travail quotidienne ; qu'en l'écartant comme insuffisamment probant en ce qu'il ne précisait pas ses heures de prise de fonction et de sortie et ne prenait pas en compte un temps de pause méridien, d'une durée d'au moins une heure d'après un collègue de travail du salarié, la cour d'appel, qui ne pouvait se fonder sur l'insuffisance de preuves rapportées par ce dernier et devait examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié que l'employeur était tenu de lui fournir, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations tirées du commencement de preuve rapporté aux débats par M. [W] de la réalité de ses heures supplémentaires au regard des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'elle a ainsi violées. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour rejeter la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir dit que l'inopposabilité de la convention de forfait en jours à laquelle avait été soumis le salarié lui permettait de prétendre au paiement d'heures supplémentaires, retient que le tableau versé aux débats par l'intéressé qui, eu égard à ses fonctions disposait d'une liberté d'organisation, se contente de mentionner une durée de travail quotidienne sans préciser ses heures de prise de fonction et de sortie et sans prendre en compte un temps de pause méridien, d'une durée d'au moins une heure d'après un collègue de travail du salarié, qu'en conséquence, ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [W] de sa demande en condamnation de la société Technique énergie atomique-Technicatome à lui payer les sommes de 144 267,36 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 14 426,73 euros d'indemnité de congés payés afférents, et de 57 175,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu'il condamne M. [W] à payer à la société Technique énergie atomique - Technicatome la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 18 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Technique énergie atomique-Technicatome aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Technique énergie atomique -Technicatome à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour M. [W]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué, sur ce point confirmatif, de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à voir condamner la société Technicatome (anciennement dénommée société Areva TA) à lui verser, consécutivement à la décision d'inopposabilité de la convention de forfait jours, les sommes de 144.267,36 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 14.426,73 euros d'indemnité de congés payés y afférents, et de 57.175,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

1) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, le juge formant alors sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments produits aux débats ; que, tout en constatant que le tableau versé aux débats par M. [W] précisait le nombre d'heures de travail effectué quotidiennement, la cour d'appel l'a écarté comme insuffisamment probant en ce qu'il ne précisait pas ses heures de prise de fonction et de sortie et ne prenait pas en compte un temps de pause méridien, d'une durée d'au moins une heure d'après un collègue de travail du salarié ; qu'en considérant ainsi que compte tenu d'insuffisances qui résulteraient de ce tableau, M. [W] n'aurait pas mis l'employeur en mesure d'apporter une réponse étayée, la cour d'appel a renversé le fardeau de la preuve en mettant à sa charge la démonstration de l'existence et de la portée des heures supplémentaires mentionnées dans son tableau tandis que c'est à l'employeur qu'il incombait de réfuter les mentions indiqués dans ce tableau, violant ainsi les articles 1315, devenu 1353, du code civil et L. 3171-4 du code du travail ;

2) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou dont la convention de forfait en jours est déclarée nulle, privée d'effet ou inopposable, pouvant prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; qu'après avoir déclaré inopposable à M. [W] la convention de forfait en jours, ce qui lui ouvrait droit à solliciter le règlement de ses heures supplémentaires, la cour d'appel a constaté que le tableau versé aux débats par M. [W], pour justifier le nombre de ses heures supplémentaires effectivement accomplies, mentionnait une durée de travail quotidienne ; qu'en l'écartant comme insuffisamment probant en ce qu'il ne précisait pas ses heures de prise de fonction et de sortie et ne prenait pas en compte un temps de pause méridien, d'une durée d'au moins une heure d'après un collègue de travail du salarié, la cour d'appel, qui ne pouvait se fonder sur l'insuffisance de preuves rapportées par ce dernier et devait examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié que l'employeur était tenu de lui fournir, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations tirées du commencement de preuve rapporté aux débats par M. [W] de la réalité de ses heures supplémentaires au regard des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'elle a ainsi violées.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [W] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR confirmé le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre et de l'AVOIR, en conséquence, débouté de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Technicatome (anciennement dénommée société Areva TA) tendant à voir requalifier son licenciement en licenciement pour motif économique ;

1) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le juge à qui il appartient d'apprécier, en cas de litige, la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; que, pour déclarer fondé le licenciement pour faute grave de M. [W], la cour d'appel a retenu le fait pour celui-ci d'avoir subtilisé des documents personnels de certains de ses collègues afin d'obtenir des prêts bancaires ; qu'en se fondant sur une circonstance sinon inopérante tout au moins insuffisante à justifier le licenciement pour faute grave de M. [W] qui n'avait pourtant subtilisé aucun document de l'entreprise, exempte de préjudice, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE le degré de gravité de la faute est apprécié en tenant compte de l'ancienneté du salarié, du caractère isolé de la faute invoquée et des motifs l'ayant causée ; que dans ses conclusions d'appel, M. [W] avait clairement fait valoir que le fait d'avoir subtilisé des documents personnels de collègues aux fins d'obtenir des prêts qu'il lui était reproché d'avoir commis était un acte isolé au sein d'une carrière exempte du moindre reproche pendant plus de vingt ans au sein de l'entreprise qui n'avait eu qu'à se féliciter de son travail et de ses compétence, tandis qu'il était dans un état dépressif dû à son addiction aux jeux ayant donné naissance à des dettes à l'origine des prêts ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de nature à établir que l'ensemble de ces considérations induisaient que son acte isolé ne pouvait être qualifié de faute grave rendant impossible le maintien de son contrat de travail au sein de la société Areva TA, la cour d'appel n'a pas satisfait à l'obligation de motivation de son arrêt et a violé les articles 455 du code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-13680
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2022, pourvoi n°21-13680


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.13680
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