La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2024 | FRANCE | N°42400100

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 mars 2024, 42400100


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


SH






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 mars 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 100 FS-B


Pourvoi n° U 22-23.657








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



<

br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 MARS 2024


La société Factofrance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée GE Factofrance, a formé le pourvoi n° U 22-23.657 con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 mars 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 100 FS-B

Pourvoi n° U 22-23.657

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 MARS 2024

La société Factofrance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée GE Factofrance, a formé le pourvoi n° U 22-23.657 contre l'arrêt n° RG 20/02983 rendu le 7 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société TD Synnex France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée Tech Data France et venant aux droits de la société Best'Ware France,

2°/ à la société Evolium, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société BCM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [C] [G], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Overlap,

4°/ à la société [S] [X], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [S] [X], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Overlap,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Factofrance, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Evolium, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix , avocat de la société TD Synnex France, venant aux droits de la société Best'Ware France, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Poillot-Peruzzetto, M. Riffaud, Mmes Michel-Amsellem, Fèvre, Guillou, MM. Bedouet, Calloch, Mmes Schmidt, Sabotier, de Lacaussade, Tréfigny, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Le Masne de Chermont, Mmes Champ, Comte, Bessaud, M. Boutié, Mme Bellino, M. Regis, Mme Coricon, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Factofrance du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société BCM, en la personne de M. [C] [G], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Overlap.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2022), la société ETC Métrologie, devenue la société Tech Data, aux droits de laquelle vient la société TD Synnex France (le fournisseur), a fourni, le 26 avril 2013, à la société Overlap, pour un montant de 450 169,41 euros, des logiciels, que cette dernière avait commandés pour la société Evolium (le client final), à laquelle elle les a ensuite fournis.

3. La société Overlap ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 juin 2013 et 11 juin 2014, le fournisseur, qui n'avait pas été payé de ses factures, s'est prévalu d'une clause de réserve de propriété et a adressé à l'administrateur judiciaire de la société Overlap une demande de revendication des logiciels, ou à défaut leur prix. Un arrêt du 19 mai 2016 a irrévocablement admis la revendication de créance de prix.

4. Le fournisseur, soutenant être propriétaire de la créance de prix à l'encontre du sous-acquéreur, a assigné le client final en paiement de la somme de 427 254,84 euros.

5. La société GE Capital Factofrance, devenue la société Factofrance (l'affactureur), qui avait conclu le 9 avril 2008 avec la société Overlap un contrat d'affacturage portant sur les créances que celle-ci détenait sur ses clients, est volontairement intervenue à l'instance pour réclamer au client final la somme de 478 862,89 euros au titre des factures dues par ce dernier à la société Overlap, aux droits de laquelle elle soutient être conventionnellement subrogée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. L'affactureur fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation du client final à lui payer la somme de 202 291,04 euros outre les intérêts, de condamner le client final à payer au fournisseur la somme de 276 571,85 euros outre intérêts et, en conséquence, de rejeter sa demande de condamnation du client final à lui payer la somme globale de 478 862,89 euros outre intérêts au taux légal, alors :

« 1°/ que peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété, ainsi que le prix ou la partie du prix de ces biens qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure ; que l'octroi de licences portant sur les logiciels ne relève pas de la vente, car il n'y a pas de transfert de propriété sur celui-ci, mais du contrat de louage de choses ; qu'en décidant au contraire, pour faire droit à la demande concurrente de la société Tech Data France devenue TD Synnex France sur la somme de 276 571,85 euros, que "la vente du droit d'utilisation des logiciels sous la forme d'une licence constituée d'un numéro unique appelé clé d'activation, constitue une vente dont l'objet entre dans les biens tels que visés à l'article L. 624 -16 du code de commerce" et que "dès lors, Tech Data est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété pour cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels, droit dont Evolium est sous-acquéreur", la cour d'appel a violé les articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce ensemble les articles 1709 et 1713 du code civil à la lumière des directives n° 2019/770 et n° 2019/771 du 20 mai 2019 ;

2°/ que la clause de réserve de propriété invoquée par la société Tech Data France, résultant de l'article 11 des conditions générales de vente applicables, se bornait à réserver "la propriété des matériels et des supports de logiciels jusqu'au payement complet du prix" ; qu'en décidant pourtant que la société "Tech Data est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété pour cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels", sans s'expliquer comme elle y était pourtant invitée sur la limitation de l'objet de la clause de réserve de propriété aux seuls "supports de logiciels", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

3°/ que selon les termes de l'article 6 des conditions générales de vente invoquées par la société Tech Data France à l'appui de sa demande concurrente, "l'utilisateur final se verra accorder une licence non exclusive d'utilisation de logiciels conformément aux conditions standard d'utilisation desdits logiciels établies par les éditeurs. Cette licence ne peut être transférée, par quelque moyen que ce soit, à un tiers sans l'accord préalable et écrit de l'éditeur. L'Utilisateur final ne peut reproduire, modifier, divulguer le logiciel, sans l'accord préalable et écrit de l'éditeur" ; qu'en décidant pourtant qu'il y aurait "vente du droit d'utilisation des logiciels" et que la société "Tech Data est fondée à solliciter l'application de la clause de réserve de propriété pour cette cession de droit d'utilisation de ses logiciels", sans s'expliquer sur l'exclusion contractuelle de toute vente des licences de logiciels par l'article 6 des conditions générales de vente, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-6-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d'un logiciel par tout procédé. Toutefois, la première vente d'un exemplaire d'un logiciel dans le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen par l'auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les Etats membres à l'exception du droit d'autoriser la location ultérieure d'un exemplaire.

8. Ces dispositions assurant la transposition de l'article 4, paragraphe 2 de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, il y a lieu de les interpréter à la lumière de cet article.

9. Interprétant l'article 4 de la directive 2009/24/CE, la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 3 juillet 2012, Usedsoft, C - 128/11) juge que, selon une définition communément admise, la vente est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d'un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant (point 42), et que, dans le cas particulier de la vente d'une copie d'un logiciel informatique, le téléchargement d'une copie d'un programme d'ordinateur et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation se rapportant à celle-ci forment un tout indivisible car le téléchargement d'une copie d'un tel programme est dépourvu d'utilité si ladite copie ne peut pas être utilisée par son détenteur. Ces deux opérations doivent, dès lors, être examinées dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique (point 44). Elle retient que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel informatique, au moyen d'un téléchargement, et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d'un prix destiné à permettre au titulaire du droit d'auteur d'obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l'oeuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie (points 45 et 46). La Cour de justice a confirmé sa jurisprudence dans les arrêts du 12 octobre 2016 (Ranks et al.c./ Microsoft corp. et al., C - 166/15) et du 16 septembre 2021 (Software incubator, C - 410/19).

10. Il en résulte que l'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix implique le transfert du droit de propriété de cette copie.

11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Factofrance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Factofrance et Evolium et condamne la société Factofrance à payer à la société TD Synnex France, venant aux droits de la société Best'Ware France, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400100
Date de la décision : 06/03/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

INFORMATIQUE - Ordinateur - Logiciel - Mise à disposition d'une copie et conclusion d'un contrat de licence d'utilisation - Qualification - Vente

VENTE - Objet - Logiciel - Applications diverses - Mise à disposition d'une copie et conclusion d'un contrat de licence d'utilisation

L'article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix, implique le transfert du droit de propriété de cette copie et doit être qualifiée de vente


Références :

Article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 mar. 2024, pourvoi n°42400100


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Lévis, SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400100
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award