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13/03/2024 | FRANCE | N°42400124

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 mars 2024, 42400124


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FM13






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 13 mars 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 124 F-D


Pourvoi n° W 22-18.737








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 MARS 2024


1°/ M. [N] [Z],


2°/ Mme [B] [I], épouse [Z],


tous deux domiciliés [Adresse 2],


ont formé le pourvoi n° W 22-18.737 contre l'arrêt rendu ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FM13

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mars 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 124 F-D

Pourvoi n° W 22-18.737

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 MARS 2024

1°/ M. [N] [Z],

2°/ Mme [B] [I], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° W 22-18.737 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Banque populaire Occitane, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier Apaire, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Banque populaire Occitane, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 11 mai 2022), par un acte notarié du 24 octobre 2007, l'Eurl Mincylia a cédé à la société Mincy-Light (la société) un fonds de commerce d'exploitation d'une franchise.

2. Cette cession a été financée au moyen d'un prêt consenti par la société Banque populaire occitane (la banque) à la société, garanti par le cautionnement solidaire de M. [Z] et Mme [I], son épouse, pour un montant de 420 000 euros. Ce prêt ayant fait l'objet d'un réaménagement, par un acte notarié du 28 décembre 2009, les cautionnements ont été renouvelés.

3. La société ayant été placée en procédure de sauvegarde, puis mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a délivré à Mme [Z] un commandement de payer valant saisie immobilière.

4. M. et Mme [Z] ont assigné la banque afin de contester tant le titre exécutoire que leurs cautionnements, dont ils ont soutenu qu'ils étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la banque tendant notamment à voir déclarer disproportionnés et inopposables à leur égard les cautionnements de l'emprunt souscrit par la société auprès de la banque, à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 14 septembre 2015 et à l'annulation de la procédure de saisie immobilière subséquente à ce commandement, alors :

« 1°/ qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la disproportion s'apprécie lors de la conclusion du cautionnement, au regard du montant de l'engagement et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération l'endettement global de celle-ci ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [Z] faisaient valoir que la banque, pour établir que leur engagement de caution n'était pas disproportionné, se fondait sur une déclaration de solvabilité datant du 28 septembre 2007 faisant apparaître des revenus mensuels de 5 077 euros pour M. [Z], de 1 500 euros pour Mme [Z] et une valeur vénale de la résidence principale de 350 000 euros mais qu'outre le fait que cette valeur de la maison avait été dictée par le conseiller de la banque alors qu'elle était moindre, quand bien même elle aurait été de 350 000 euros, le cautionnement n'en était pas moins totalement disproportionné dès lors que le montant du cautionnement s'élevait à 420 000 euros, soit 70 000 euros de plus que le montant figurant dans la déclaration de solvabilité pour la valeur du bien, ce dont il s'évinçait qu'au regard de leur patrimoine et de leurs revenus, ayant également un enfant à charge, cet engagement de caution au profit de la BPO était disproportionné par rapport à leurs biens et revenus ; qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que M. [Z] a déclaré avoir un revenu mensuel de 5 077 euros, et Mme [Z] de 1 500 euros pour des charges mensuelles de 435,37 euros, que les époux ont indiqué être propriétaires de leur résidence principale d'une valeur de 350 000 euros, et rester devoir 41 618 euros au titre d'un emprunt en cours ; qu'en retenant néanmoins que le cautionnement souscrit le 24 octobre 2007 à hauteur de 420 000 euros en principal, intérêts, frais et pénalités par les époux [Z] n'était manifestement pas disproportionné par rapport à leurs biens et revenus cependant que le montant du cautionnement était bien supérieur à la valeur de l'immeuble et démesuré au regard des revenus mensuels des époux [Z], la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation devenu L. 332-1 du même code ;

2°/ que le juge, tenu de motiver son jugement à peine de nullité, ne peut statuer par voie d'affirmation sans procéder à l'analyse même sommaire des documents sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en se bornant à affirmer que "l'examen de leur situation financière et patrimoniale déclarée dans ces documents ne caractérise pas que leurs cautionnements étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus", sans procéder à aucune analyse, même sommaire, de ces documents, ni préciser in concreto en quoi ils caractérisaient l'absence de disproportion du cautionnement au regard des biens et revenus des époux [Z], la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile et article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir relevé que la banque produisait les « déclarations de solvabilité caution, crédits aux particuliers, prêts ou découverts » remplies par chacun des époux [Z] le 28 septembre 2007, à l'époque où ils ont souscrit le cautionnement, et sur lesquelles M. et Mme [Z] ont, chacun, porté de leur main la formule suivante, « Je soussigné, certifie sincères et exacts les renseignements communiqués ci-dessus », l'arrêt retient que, dans ces actes, M. [Z] a déclaré avoir un revenu mensuel de 5 077 euros et Mme [Z] de 1 500 euros, pour des charges mensuelles de 435,37 euros, que les époux ont indiqué être propriétaires de leur résidence principale d'une valeur de 350 000 euros et rester devoir 41 618 euros au titre d'un emprunt en cours. L'arrêt ajoute qu'ils n'ont mentionné aucune autre charge ou cautionnement en cours et ne peuvent être admis à prétendre que leur immeuble n'avait qu'une valeur de 180 000 euros et que M. [Z] ne percevait annuellement que 48 638 euros.

7. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui a analysé les éléments contenus dans les fiches de renseignements, et qui en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'examen de la situation financière et patrimoniale déclarée par les cautions dans ces documents ne caractérisait pas que leurs cautionnements étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la banque, alors :

« 1°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, pour rejeter les demandes indemnitaires présentées par les époux [Z] contre la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, la cour d'appel a énoncé que les cautionnements souscrits n'étaient pas manifestement disproportionnés à la situation financière et patrimoniale des cautions de sorte qu'ils n'étaient pas inadaptés à leur situation personnelle ; que la cassation de l'arrêt à intervenir sur le premier moyen, en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par les époux [Z] à l'encontre de la banque à voir déclarer disproportionnés et inopposables à leur égard, les cautionnements de l'emprunt souscrit par la société Mincy-Light auprès de cette banque, l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 14 septembre 2015 et l'annulation de la procédure de saisie immobilière subséquente à ce commandement, après avoir écarté le grief de disproportion, entraînera la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il a rejeté leur demande indemnitaire formée contre la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que l'établissement de crédit est tenu, à l'égard des cautions considérées comme non averties, d'un devoir de mise en garde à raison de leurs capacités financières et de risques de l'endettement né de l'octroi du prêt et que cette obligation n'est donc pas limitée au caractère disproportionné de leur engagement au regard de leurs biens et ressources ; qu'en l'espèce, pour exclure l'existence d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde à l'égard des époux [Z], la cour d'appel a retenu que les cautionnements souscrits par les époux [Z] n'étaient pas manifestement disproportionnés à leur situation financière et patrimoniale et que, dans l'acte authentique du 24 octobre 2009 (24 octobre 2007) il avait été indiqué que la caution "reconnaît avoir été informée qu'elle sera tenue de satisfaire à toutes les obligations de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci et principalement au paiement de toutes les sommes en capital, intérêts contractuels et de retard, frais et pénalités éventuelles pouvant être dues au titre du prêt faisant l'objet des présentes" et "qu'elle contracte son engagement de caution en pleine connaissance de la situation financière et juridique de l'emprunteur, elle déclare qu'il lui appartiendra, dans son intérêt, d'en suivre personnellement l'évolution indépendamment des renseignements que la Banque pourra lui communiquer par ailleurs" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure le manquement de la banque à son obligation de mise en garde envers des cautions non averties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

10. Le rejet du premier moyen rend sans objet la cassation par voie de conséquence invoquée par la première branche, portant sur l'inadaptation des engagements des cautions à leurs capacités financières.

11. Après avoir relevé que, lorsqu'elle avait accordé l'emprunt sollicité par la société, la banque s'était fait communiquer un « prévisionnel d'activité de janvier 2008 à décembre 2010 », établi par la société Fiducial expertise, prévoyant un chiffre d'affaires en augmentation, de 450 000 euros, de 495 000 euros et de 544 000 euros pour les exercices 2008, 2009 et 2010, un résultat courant de 95 132 euros, de 126 282 euros puis de 141 106 euros sur les mêmes années, et la prévision de résultats bénéficiaires de 69 670 euros, de 90 126 euros et de 99 861 euros, l'arrêt retient que l'emprunt accordé correspondait ainsi à la situation prévisible de la société, de sorte qu'il ne peut être imputé à la banque d'avoir financé un projet professionnel voué à l'échec ou même simplement inadapté à ses capacités financières. Ayant ainsi fait ressortir que le prêt n'était pas inadapté aux capacités financières de l'emprunteur, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs, surabondants, critiqués par la seconde branche, légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [Z] et les condamne à payer à la société Banque populaire occitane la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400124
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 11 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 mar. 2024, pourvoi n°42400124


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Boucard-Maman

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400124
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