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20/03/2024 | FRANCE | N°52400327

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2024, 52400327


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CL6






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 20 mars 2024








Rejet




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 327 F-D


Pourvoi n° C 22-14.465








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___

______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 MARS 2024


M. [S] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-14.465 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Versaill...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CL6

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mars 2024

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 327 F-D

Pourvoi n° C 22-14.465

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 MARS 2024

M. [S] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-14.465 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société ACI-Global Fitness, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société ACI-Global Fitness, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 février 2022), M. [J] a été engagé en qualité de conseiller sportif le 3 novembre 2014 par la société ACI-Global Fitness (la société).

2. Convoqué le 16 août 2017 à un entretien préalable en vue de son licenciement et mis à pied à titre conservatoire, le salarié, après avoir reçu de son employeur un courriel daté du 19 août 2017, a été licencié le 1er septembre 2017 pour faute grave.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave et de le débouter de l'intégralité de ses demandes tendant à la condamnation de la société au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que la notification d'une sanction épuise le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits sanctionnés et tous les faits connus de lui à sa date ; que par ailleurs, constitue une sanction disciplinaire toute mesure autre que les observations verbales prise par l'employeur à la suite d'un agissement considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que constitue une telle sanction le courrier ou courriel adressé au salarié au cours de la période de mise à pied conservatoire pour lui reprocher divers manquements à ses obligations professionnelles et le mettre en demeure de mettre un terme à ses comportements ; qu'en l'espèce, M. [J] avait invoqué, comme épuisant le pouvoir disciplinaire de la société ACI, le courriel que cet employeur lui avait adressé le 19 août 2017 pendant la période de mise à pied conservatoire qui lui avait été notifiée le 16 août précédent dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave, et qui énonçait : Je te rappelle que tu es salarié de Global Fitness et le lien de subordination qui nous lie. Le ton employé et les jugements définitifs que tu portes [sur] mon travail commencent à être définitivement de trop. Merci de faire preuve d'un minimum de respect. Je ne comprends pas ce qui t'arrive, tu as changé du tout au tout [...]. Tu es devenu très agressif et fais preuve de jugements moraux à notre égard qui sont tout à fait déplacés. Je te demanderai donc d'arrêter de colporter des rumeurs et autres dénigrements, notamment auprès de la clientèle, mais aussi de l'équipe Global Fitness [...]. Concernant ta discussion avec mon père, il a simplement fait remarquer qu'il ne pouvait pas t'obliger à rester et n'a à aucun moment proposé de te remplacer et dit que le plus logique était que tu rentres chez toi. Tu ne souhaites apparemment pas rester travailler, c'est ton droit mais n'invente pas des choses, ça devient grotesque [...]. Je ne comprends pas le ton et la multiplication des menaces à mon égard et à l'égard de la salle ces dernières semaines. Tes e-mails racontent les faits de manière inexacte et ne correspondent pas à la réalité. Je ne répondrai donc plus à tes écrits qui ne mènent qu'à des échanges stériles [...]" ; que ce courriel, délivré en cours de mise à pied conservatoire, s'employait à caractériser divers manquements du salarié à ses obligations contractuelles, lui intimait d'y mettre un terme et énonçait que l'employeur ne tolérait plus cette attitude ; qu'il constituait donc un avertissement, de sorte que l'employeur ne pouvait plus licencier le salarié pour les mêmes faits ; qu'en décidant le contraire au motif qu' il ressort de la lecture du courriel du 19 août 2017 que l'employeur n'a pris aucune mesure à l'égard du salarié, se contentant de lui demander de faire preuve de respect à son égard, de cesser d'être agressif, de faire preuve de jugements moraux, de colporter des rumeurs et autres dénigrements auprès de la clientèle et des autres salariés. S'agissant tout au plus d'un rappel à l'ordre, le salarié ne saurait arguer de l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur" la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble la règle non bis in idem. »

Réponse de la Cour

6. Ayant relevé que le courriel du 19 août 2017, par lequel l'employeur, qui n'a pris aucune mesure à l'encontre du salarié, se bornait à lui demander de faire preuve de respect à son égard, de cesser d'être agressif, de faire preuve de jugements moraux, de colporter des rumeurs et autres dénigrements auprès de la clientèle et des autres salariés, la cour d'appel, qui a retenu qu'il constituait tout au plus un rappel à l'ordre, en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 1er septembre 2017 énonçait : Enfin, ces dernières semaines, tu as multiplié les menaces vis-à-vis de notre société. Lors de l'entretien du 29 août, tu as renouvelé ces menaces en indiquant que nous « détériorions l'esprit sportif », par nos méthodes de management et que c'est « un tout petit milieu où tout se sait ». Ces menaces relatives à la réputation de notre salle de sports sont inacceptables. D'autre part, avec la personne qui t'a accompagné lors de l'entretien préalable, tu nous as également indiqué que nous avions tout intérêt à accepter de régler les 10 000 euros que tu demandes plutôt que d'être confrontés à une saisine du conseil de prud'hommes" ; que la cour d'appel a, pour sa part, constaté que l'employeur reprochait au salarié d'avoir formulé des menaces relatives à la réputation de la société : au soutien de ce grief, l'employeur n'invoque toutefois que des propos par lesquels le salarié indique qu'il saisira la juridiction prud'homale pour faire valoir ses droits ; aucun fait fautif ne ressort de tels propos" ; qu'en jugeant cependant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse cependant qu'elle avait constaté qu'il était directement en lien avec la menace" du salarié de saisir la juridiction prud'homale pour faire valoir ses droits, ce qui suffisait à en emporter la nullité sans examen des autres griefs invoqués la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. »

Réponse de la Cour

9. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions du salarié que celui-ci ait soutenu devant la cour d'appel que la lettre de licenciement lui faisait grief d'envisager une action en justice.

10. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est donc pas recevable.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de la liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que l'exercice par un salarié de cette liberté ne peut justifier un licenciement que s'il dégénère en abus ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que les échanges de courriels entre M. [J], coach sportif, et le gérant de la salle de sports l'employant contenaient [des] propos...parfaitement déplacés et dénigrants excé[dant] manifestement la liberté d'expression du salarié au sein de l'entreprise par une mise en cause de l'honnêteté des dirigeants" quand les propos rapportés dans sa décision, tenus dans le cadre de stricts échanges entre l'employeur et le salarié ou une collègue, ne contenaient aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1121-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a constaté que le salarié avait indiqué à une collègue que ses employeurs n'étaient pas des gens sur qui on pouvait compter, qu'ils n'étaient là que pour leur profit, ne pensaient qu'à « choper un maximum d'adhérentes » et n'étaient que des vicieux qui ne tenaient pas leurs engagements par rapport à lui et qu'en somme si un jour ils pouvaient « la leur mettre bien profond » ils n'hésiteraient pas, puis que dans des courriels du 16 août 2017, il avait écrit : « C'est devenu une habitude pour vous de vivre dans le mensonge », « on m'a toujours dit de ne pas travailler avec vous, vu toutes les affaires dans lesquelles vous êtes mêlés et là je suis en train de me rendre compte à quel point vous pouvez être indifférents ».

13. Ayant ensuite retenu que ces propos dénigrants et déplacés mettaient en cause l'honnêteté des dirigeants et que le salarié ne saurait justifier de tels propos en excipant de leur caractère fondé, qui n'était au demeurant pas démontré, elle a pu en déduire qu'ils caractérisaient un abus de la liberté d'expression du salarié.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400327
Date de la décision : 20/03/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 février 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2024, pourvoi n°52400327


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400327
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