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27/03/2024 | FRANCE | N°52400361

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mars 2024, 52400361


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 27 mars 2024








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 361 F-D


Pourvoi n° H 22-24.520


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de

cassation
en date du 20 octobre 2022.










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CAS...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mars 2024

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 361 F-D

Pourvoi n° H 22-24.520

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 octobre 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MARS 2024

Mme [K] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 22-24.520 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société Abbaye immobilier Conneximmo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Abbaye immobilier Conneximmo a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [M], de Me Soltner, avocat de la société Abbaye immobilier Conneximmo, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 mars 2022), Mme [M] a été engagée le 2 janvier 2003 en qualité de représentant négociateur VRP par la société Abbaye immobilier Conneximmo, soumise à la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers du 9 septembre 1988.

2. Le 23 juillet 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande à titre de rappel de salaire après reclassification cadre C2.

3. En arrêt de travail pour maladie depuis le 2 juillet 2013, elle a été déclarée inapte par le médecin du travail le 6 mai 2015 et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 4 juin 2015.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que l'action en reclassification était prescrite sur la période du 1er janvier 2010 au 4 juin 2012 et de la débouter de sa demande de rappel de salaire sur cette période, alors « que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail ; que dès lors par application combinée de l'article L. 3245-1 du code du travail et des dispositions transitoires de l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, la prescription quinquennale reste applicable à l'action en paiement du salaire dès lors qu'elle a commencé à courir avant le 16 juin 2013, date d'entrée en vigueur de cette loi qui a réduit sa durée à trois ans et que l'action a été introduite dans le délai de trois ans à compter de cette date, soit jusqu'au 16 juin 2016 ; qu'en retenant, pour en déduire que la demande de rappel de salaire en lien avec sa reclassification était prescrite sur la période du 1er janvier 2010 au 4 juin 2012, que Mme [M] avait été licenciée le 4 juin 2014, tout en constatant que cette dernière avait saisi la juridiction prud'homale le 23 juillet 2014, ce dont il résultait que la prescription de trois ans était applicable aux créances salariales non prescrites à la date de promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 sans que la durée totale de prescription ne puisse excéder cinq ans, en sorte que les demandes portant sur les salaires exigibles entre le 1er janvier 2010 au 4 juin 2012 n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et 21-V de cette même loi :

6. Aux termes du premier de ces textes, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

7. Selon le second, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

8. Pour dire l'action en reclassification prescrite sur la période du 1er janvier 2010 au 4 juin 2012 et la débouter de sa demande de rappel de salaire sur cette période, l'arrêt retient que la salariée a été licenciée le 4 juin 2015 de sorte que le rappel de salaire en raison de la classification peut remonter jusqu'au 4 juin 2012.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 23 juillet 2014, ce dont elle aurait dû déduire que les demandes en paiement de rappels de salaire postérieurs au 23 juillet 2009 n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme au titre de rappel de salaire après requalification cadre échelon 2 sur la période du 4 juin 2012 au 1er janvier 2013, alors « que seul l'examen des fonctions réellement exercées par le salarié permet de déterminer sa classification au regard de la convention collective applicable ; qu'en l'espèce, la société Abbaye immobilier Conneximmo faisait valoir que Mme [M] n'exerçait aucune fonction d'encadrement de sorte qu'elle n'était pas fondée à demander l'application de l'annexe I de la convention collective et le bénéfice de la classification C2 qui y était prévue ; que la cour d'appel, pour faire droit à la demande de Mme [M] de classification au niveau C2, se contente d'énoncer sommairement que les fonctions de représentant négociateur VRP visées à son contrat de travail correspondent bien à la classification de négociateur C2 ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les fonctions qu'elle exerçait réellement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la convention collective nationale de l'immobilier et de l'article 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 35 de la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers du 9 septembre 1988, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 83 du 2 décembre 2019, et ses annexes I et IV :

11. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

12. Selon le deuxième, les négociateurs immobiliers ne sont pas classés à l'un des niveaux de la grille conventionnelle mais bénéficient du statut régi par l'annexe IV « statut du négociateur immobilier », exception faite des négociateurs exerçant des fonctions d'encadrement et bénéficiant à ce titre d'un statut cadre, qui seront classés dans la grille de l'annexe I de la convention collective nationale de l'immobilier, tout en bénéficiant du statut de l'annexe IV.

13. Selon le troisième, la classification C2 est applicable au salarié ayant une autonomie de jugement et une initiative dans le cadre de ses attributions, qui, disposant des connaissances et d'une expérience confirmée, est responsable du fonctionnement d'un service ou d'une unité de travail, qui met en oeuvre les moyens humains, techniques et financiers pour atteindre les objectifs fixés par la direction, justifiant d'un diplôme de l'éducation nationale niveau I ou II ou d'un diplôme de l'éducation nationale niveau III et d'une expérience professionnelle de 3 à 5 ans, occupant à titre indicatif les emplois repère suivants : négociateur (travaillant pour le compte de sociétés immobilières et foncières qui, en raison de la spécificité de leur secteur d'activité, perçoivent une rémunération non essentiellement constituée de commissions), responsable technique expérimenté, gestionnaire expérimenté, trésorier/fiscaliste, juriste confirmé, chargé de mission et les fonctions repère suivantes : gère l'ensemble d'un service ou d'un département ainsi que le personnel, représente la direction auprès des mandants et prestataires de services, réalise des études ayant pour objectif de faciliter les prises de décision, organise et contrôle le suivi et la gestion des dossiers importants, propose des plans d'action et négocie les conditions de vente auprès des clients clés, gère un programme de construction jusqu'à sa livraison dans les délais et les coûts, assure la gestion opérationnelle d'un actif immobilier et/ou mobilier dans sa globalité.

14. Pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire après reclassification cadre échelon 2 sur la période du 4 juin 2012 au 1er janvier 2013, l'arrêt retient que l'annexe I de la convention collective nationale de l'immobilier prévoit que le négociateur bénéficie du statut cadre échelon 2, que le contrat de travail signé entre les parties le 2 janvier 2003 stipule que la salariée est engagée aux fonctions de représentant-négociateur VRP et que les tâches attachées à ce poste correspondent bien à la classification de négociateur C2.

15. En se déterminant ainsi, sans examiner les fonctions réellement exercées par le salarié au regard des fonctions repère correspondant à la classification C2, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'un rappel de salaire après reclassification cadre échelon 2 sur la période du 4 juin 2012 au 1er janvier 2013 entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant la délivrance de bulletins de paie et documents de fin de contrats rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant la durée de six mois, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

17. La cassation des chefs de dispositif disant l'action en reclassification prescrite pour la période du 1er janvier 2010 au 4 juin 2012, déboutant la salariée de sa demande de rappel de salaire sur cette période et condamnant l'employeur au paiement d'un rappel de salaire après reclassification cadre échelon 2 sur la période du 4 juin 2012 au 1er janvier 2013 n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens, justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit l'action en reclassification prescrite pour la période du 1er janvier 2010 au 4 juin 2012, déboute Mme [M] de sa demande de rappel de salaire sur la période du 1er janvier 2010 au 4 juin 2012, condamne la société Abbaye immobilier Conneximmo à lui payer la somme de 5 722 euros au titre du rappel de salaire après reclassification cadre échelon 2 sur la période du 4 juin 2012 au 1er janvier 2013, ordonne la délivrance de bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés, sous astreintes de 100 euros par jour de retard pendant une durée de six mois, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, et condamne la société Abbaye immobilier Conneximmo aux dépens, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400361
Date de la décision : 27/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nimes, 08 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mar. 2024, pourvoi n°52400361


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400361
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