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03/02/1999 | FRANCE | N°9703634

France | France, Tribunal administratif de Lyon, 03 février 1999, 9703634


Vu la requête de M. Francisco José X... Mora, demeurant ... AU MONT D'OR (69410), ayant saisi le tribunal administratif d'une requête présentée par Me PETIT, avocat au barreau de lyon, enregistrée au greffe le 22 septembre 1997 sous le n° 9703634 ;
Il demande au tribunal :
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 9 avril 1997 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie l'a classé au 3ème échelon des professeurs agrégés, et la décision du 16 juillet 1997 par laquelle ce ministre a rejeté son recours gracieux ;

- d'enjoindre au ministre de le reclasser sous peine d'astreinte ;
- de c...

Vu la requête de M. Francisco José X... Mora, demeurant ... AU MONT D'OR (69410), ayant saisi le tribunal administratif d'une requête présentée par Me PETIT, avocat au barreau de lyon, enregistrée au greffe le 22 septembre 1997 sous le n° 9703634 ;
Il demande au tribunal :
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 9 avril 1997 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie l'a classé au 3ème échelon des professeurs agrégés, et la décision du 16 juillet 1997 par laquelle ce ministre a rejeté son recours gracieux ;
- d'enjoindre au ministre de le reclasser sous peine d'astreinte ;
- de condamner l'Etat à lui payer la somme de 6500 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

L'audience a été présidée par M. LANZ, président de la 3ème chambre, auquel le président du tribunal a, par une décision en date du 4 janvier 1999, délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 4-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, assisté de Melle BOUHILA, greffier ;
A l'audience, après lecture de son rapport par M. LANZ, ont été entendues les observations de M. X... Mora, requérant, et de Me LACROIX, substituant Me PETIT, avocat du requérant, et les conclusions de M. KOLBERT, commissaire du gouvernement ;
Après avoir examiné la requête, les décisions attaquées, ainsi que les mémoires et les pièces produits par les parties avant la clôture de l'instruction, et vu les textes suivants :
- le traité instituant les communautés européennes,
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée par la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991,
- le décret n° 92-1246 du 30 novembre 1992,
- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972,
- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951,
- le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et notamment son article L. 4-1, issu de la loi n° 95-125 du 8 février 1995,
- la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986,
- les articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts et l'article 10 de la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977, complétés par l'article 44 de la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 ;

Considérant que M. Francisco José X... Mora, de nationalité espagnole, soutient sans être contredit avoir enseigné en Espagne de 1977 à 1994, après avoir passé les concours espagnols de recrutement des enseignants ; qu'il a, en 1996, été reçu au concours français de l'agrégation d'espagnol ; qu'il conteste l'arrêté du 9 avril 1997 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie l'a classé au 3ème échelon des professeurs agrégés sans tenir compte de l'ancienneté acquise dans l'enseignement espagnol, en faisant valoir que cette décision est contraire à l'article 48 du traité des communautés européennes ;
Considérant qu'aux termes dudit article 48 : "1) La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la communauté ... 2) Elle implique l'abandon de toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des Etats membres en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. 3) Elle comporte le droit ... de séjourner dans un des Etats membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux ;
Considérant que la loi du 26 juillet 1991 susvisée a prévu que les ressortissants des Etats membres de la communauté ont accès, dans les conditions prévues au statut général, aux corps, cadres et emplois désignés par leur statut particulier respectif ; que le décret du 30 novembre 1982 a notamment ouvert à ces ressortissants l'accès au corps des professeurs agrégés ;

Considérant que les dispositions précitées impliquent qu'un fonctionnaire ressortissant d'un autre pays de la communauté puisse poursuivre sa carrière dans la fonction publique française dans les mêmes conditions que ses collègues français ;
Considérant, au surplus, que l'article 3 du décret du 5 décembre 1951, auquel renvoie le décret du 4 juillet 1972 portant statut des agrégés, prévoit que le reclassement tient compte des services accomplis en qualité de professeur dans un établissement d'enseignement à l'étranger ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a refusé de tenir compte de son ancienneté précédente ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler l'arrêté du 9 avril 1997 et la décision confirmative du 16 juillet 1997 ;

Sur la demande d'injonction :
Considérant qu'aux termes des articles L. 8-2 et L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt. Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public doit à nouveau prendre une décision après une nouvelle instruction, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit par le même jugement ou le même arrêt que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé." ; "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L. 8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L. 8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer M. X... Mora devant l'administration pour que son classement soit établi en tenant compte des services accomplis en Espagne, dans un délai de 3 mois à compter de la notification du présent jugement ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 500 francs par jour de retard au-delà du délai sus indiqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie) à payer à M. X... Mora une somme de 5000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1 : L'arrêté du 9 avril 1997 du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et la décision confirmative du 16 juillet 1997 sont annulés.
Article 2 : Dans un délai de 3 mois à compter de la notification du présent jugement, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie reclassera M. Francisco José X... MORA en tenant compte des services effectués dans l'enseignement en Espagne.
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie si celui-ci ne justifie pas, dans les trois mois, avoir exécuté le présent jugement. Le taux de cette astreinte est fixé à 500 F (cinq cents francs) par jour à compter de l'expiration du délai de 3 mois suivant la notification du présent jugement.
Article 4 : Le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie communiquera au Tribunal, dans un délai de 31 mois, la copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent jugement.
Article 5 : Le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie est condamné à verser à M. Francisco José X... Mora une somme de 5000 F (cinq mille francs) au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 1er : Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Lyon
Numéro d'arrêt : 9703634
Date de la décision : 03/02/1999
Sens de l'arrêt : Annulation injonction astreinte
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - PORTEE DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE - TRAITE DE ROME - Libre circulation des personnes (article 48 du traité CE) - Conséquences sur le reclassement dans la fonction publique française d'un agent public ressortissant d'un autre Etat de la Communauté - Intégration tenant compte de l'ancienneté acquise dans la fonction publique de cet Etat - Existence.

15-02-01, 15-05-01-01, 30-02-05-01-06-01-02, 36-04 Il résulte des dispositions de l'article 48 du traité de la Communauté européenne posant en principes la libre circulation des travailleurs et l'égalité de traitement en matière d'emploi et de rémunération, de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, qui prévoit l'accès à la fonction publique française des ressortissants communautaires, et du décret du 30 novembre 1992 leur ouvrant l'accès au corps des professeurs agrégés, qu'un enseignant espagnol ayant réussi au concours français de l'agrégation doit être intégré avec un échelon tenant compte de ses services dans la fonction publique espagnole.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - LIBERTE DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES - Intégration de ressortissants communautaires dans la fonction publique française - Reclassement tenant compte de l'ancienneté acquise dans l'Etat d'origine - Existence.

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET GRANDES ECOLES - UNIVERSITES - GESTION DES UNIVERSITES - GESTION DU PERSONNEL - RECRUTEMENT - Recrutement d'enseignants ressortissants d'autres Etats de la Communauté européenne - Modalités d'intégration - Reclassement tenant compte de l'ancienneté acquise dans la fonction publique de l'Etat d'origine - Existence.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CHANGEMENT DE CADRES - RECLASSEMENTS - INTEGRATIONS - Intégration de fonctionnaires d'autres Etats membres de la Communauté européenne - Modalités de reclassement - Reclassement tenant compte de l'ancienneté acquise dans l'Etat d'origine - Existence.


Références :

CE Traité du 25 mars 1957 art. 48
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-3, L8-1
Décret 51-1423 du 05 décembre 1951 art. 3
Décret 72-580 du 04 juillet 1972
Décret 92-1246 du 30 novembre 1992
Loi 91-715 du 26 juillet 1991


Composition du Tribunal
Président : M. Lanz
Rapporteur ?: M. Lanz
Rapporteur public ?: M. Kolbert

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.lyon;arret;1999-02-03;9703634 ?
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