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20/01/2000 | FRANCE | N°953743

France | France, Tribunal administratif de Versailles, 20 janvier 2000, 953743


Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 7 juillet 1995, sous le n° 953743, la requête présentée pour :
la S.A.R.L. D.S.C. PROJECTIONS SERVICES, dont le siège social est ... sur Marne,
l'ENTREPRISE MARCELINO, dont le siège social est ... en Brie,
la S.A.R.L. "R.P.C.S.", dont le siège social est ... en Brie,
et pour la S.A.R.L. RENOVATION BRIARDE, dont le siège social est ... sur Marne, par Maître X..., avocat ;
Les sociétés requérantes demandent que le tribunal condamne la commune d'Ecouen à leur verser les sommes restées impayées

à la suite des travaux qu'elles ont réalisés en vue du réaménagement de la ma...

Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 7 juillet 1995, sous le n° 953743, la requête présentée pour :
la S.A.R.L. D.S.C. PROJECTIONS SERVICES, dont le siège social est ... sur Marne,
l'ENTREPRISE MARCELINO, dont le siège social est ... en Brie,
la S.A.R.L. "R.P.C.S.", dont le siège social est ... en Brie,
et pour la S.A.R.L. RENOVATION BRIARDE, dont le siège social est ... sur Marne, par Maître X..., avocat ;
Les sociétés requérantes demandent que le tribunal condamne la commune d'Ecouen à leur verser les sommes restées impayées à la suite des travaux qu'elles ont réalisés en vue du réaménagement de la mairie en application de contrats de sous-traitance passés avec la société Tras, elle-même sous-traitante de la société anonyme Valteff, entreprise générale titulaire du marché soit :
- pour la S.A.R.L. D.S.C. PROJECTIONS SERVICES la somme de 225.307,15 F,
- pour la S.A.R.L. RENOVATION BRIARDE la somme de 176.595,40 F,
- pour la S.A.R.L. "R.P.C.S." la somme de 38.359,98 F,
- pour la société MARCELINO la somme de 254.264,66 F ;
Elles soutiennent qu'à la suite des mises en liquidation judiciaires des sociétés Tras et Valteff, le maître d'ouvrage, qui avait connaissance de leur présence sur le chantier et leur a ainsi accordé un agrément implicite, doit leur verser directement les sommes correspondant aux prestations exécutées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les avis d'audience notifiés conformément à l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Entendu à l'audience publique du 6 janvier 2000 :
- Mme GIRAULT, conseiller, en son rapport ;
- Maître Y... pour le cabinet Gilli et Sirat, représentant la commune d'Ecouen, en ses observations ;
- M. DAYAN, commissaire du gouvernement, en ses conclusions ;

Considérant que la commune d'Ecouen a confié par marché du 8 septembre 1993 à la société Valteff des travaux de restructuration de l'hôtel de ville ; que la société Valteff a sous-traité les travaux d'électricité à la société "La Périphérique" et divers autres travaux à la société Tras, laquelle a elle-même sous-traité un lot plomberie à la société "R.P.C.S.", un lot menuiseries à la société MARCELINO, un lot carrelage à la société RENOVATION BRIARDE et un lot gros-oeuvre-charpente-couverture à la société D.S.C. PROJECTIONS SERVICES ; qu'à la suite des mises en liquidation judiciaire de la société Tras par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 8 février 1995, puis de la société Valteff, par jugement du même tribunal du 5 avril 1995, les sociétés sous-traitantes sollicitent la condamnation de la commune d'Ecouen à leur verser les sommes leur restant dues pour les prestations qu'elles ont réalisées ;

Sur l'action directe des sociétés requérantes contre la commune d'Ecouen :
Considérant que le titre II de la loi du 31 décembre 1975 relatif au paiement direct s'applique aux marchés passés par l'Etat, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics" sauf lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à 4000 F, et que le titre III de la même loi, qui ouvre au sous-traitant une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance, s'applique selon l'article 11 de la loi, "à tous les contrats de sous-traitance qui n'entrent pas dans le champ d'application du titre II" ; que les champs d'application des titres II et III de la loi du 31 décembre 1975 sont donc exclusifs l'un de l'autre ;
Considérant que les contrats de sous-traitance passés par la société Tras avec les sociétés "R.P.C.S.", MARCELINO, RENOVATION BRIARDE et D.S.C. PROJECTIONS SERVICES ont pour objet l'exécution d'un marché passé par une collectivité locale ; que par suite, ils relèvent du titre II de la loi ; que dès lors, les sociétés requérantes ne peuvent en tout état de cause se prévaloir des dispositions du titre III de la loi ouvrant une action directe au sous-traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage ;
Sur le droit des sociétés requérantes au paiement direct par la commune d'Ecouen :
Considérant qu'en application des dispositions combinées des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, le paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, pour la part de marché dont il assure l'exécution est subordonné à la double condition que sur la demande de l'entrepreneur principal, le sous-traitant ait été "accepté" par le maître de l'ouvrage et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été "agréées" par le maître de l'ouvrage ; que l'article 6 ne fait aucune distinction entre les divers sous-traitants en fonction de leur rang dans la succession des contrats ; que par suite, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les sous-traitants de second rang réclament, le cas échéant, au maître de l'ouvrage, le paiement direct de la part de marché dont ils ont assuré l'exécution ; que la commune d'Ecouen ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 7 octobre 1976 précisant que "seuls les sous-traitants du titulaire ont vocation au paiement direct par la collectivité publique contractante", lesquelles ne sauraient être regardées comme avant légalement valeur réglementaire ;

Considérant cependant, qu'il est constant que la société Tras, sous-traitante qui devait être considérée en vertu de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1975 comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants, n'a pas présenté les sociétés D.S.C. PROJECTIONS SERVICES, "R.P.C.S.", MARCELINO et RENOVATION BRIARDE à l'agrément du maître de l'ouvrage ; que par suite, ces sociétés non acceptées et dont les conditions de paiement n'ont pas été agréées, ne remplissent pas les conditions prévues par l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 et ne peuvent prétendre au paiement direct de leurs prestations par la commune d'Ecouen ;
Sur la responsabilité de la commune d'Ecouen :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune d'Ecouen avait connaissance de l'intervention sur le chantier de sous-traitants et avait sollicité à plusieurs reprises de la société Valteff une liste de ses sous-traitants ; que si la société Valteff a indiqué au maître d'oeuvre, dans une lettre du 18 mai 1994, que seules les sociétés La Phériphérique et Tras étaient ses sous-traitantes, les autres entreprises n'étant que des "fournisseurs et ateliers de fabrication en relation avec l'entreprise Tras", l'inexactitude de cette déclaration était connue du maire, qui s'était personnellement engagé oralement envers les sous-traitants à régler les difficultés de paiement qu'ils rencontraient auprès de la société Tras ainsi qu'il résulte du témoignage du gérant de la S.A.R.L. BAC chargée du pilotage des travaux ;

Considérant que la commune d'Ecouen n'a pas invité la société Tras à faire accepter chacun de ses sous-traitants et à faire agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance ; qu'en s'abstenant de provoquer la régularisation de la situation des sociétés D.S.C. PROJECTIONS SERVICES, "R.P.C.S." MARCELINO et RENOVATION BRIARDE, la commune d'Ecouen a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cette faute est à l'origine des dommages subis par ces sociétés qui n'ont pas été payées pour les travaux qu'elles ont exécutés en application des contrats de sous-traitance ; que la responsabilité de la commune est toutefois, atténuée par les fautes qu'ont commises tant les sociétés Valteff et Tras en ne soumettant pas les sociétés requérantes à l'agrément du maître de l'ouvrage que les sociétés D.S.C. PROJECTIONS SERVICES, "R.P.C.S.", MARCELINO et RENOVATION BRIARDE elles-mêmes, à qui il appartenait de demander en temps utile la régularisation de leur situation ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en mettant à la charge de la commune le quart du préjudice subi par les requérantes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes perdues par les sociétés D.S.C. PROJECTIONS SERVICES, MARCELINO, "R.P.C.S." et RENOVATION BRIARDE se sont élevées respectivement à 225.307,15 F, 254.264,66 F, 38.359,98 F et 176.595,40 F ; que celles-ci sont par suite fondés à demander que la commune d'Ecouen soit condamnée à leur verser des indemnités respectives de 56.326,78 F, 63.566,16 F, 9590 F et 44.148,85 F ;

Considérant que le paiement de ces indemnités doit être subordonné à la condition que les sociétés bénéficiaires subrogent la commune dans les droits qu'elles pourraient faire valoir à l'encontre des sociétés Tras et Valteff du fait du non-paiement par celles-ci des travaux exécutés pour leur compte ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les sociétés requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser à la commune d'Ecouen les sommes que celle-ci sollicite au titre des frais qu'elles a exposés ;
Article 1er : La commune d'Ecouen est condamnée à verser : - à la S.A.R.L. D.S.C. PROJECTIONS SERVICES la somme de 56.326,78 F, - à la société MARCELINO la somme de 63.566,16 F, - à la S.A.R.L. "R.P.C.S" la somme de 9.590 F, - à la S.A.R.L. RENOVATION BRIARDE la somme de 44.148,85 F.
Article 2 : Le paiement des indemnités prévues à l'article 1er est subordonné à la condition que les sociétés requérantes subrogent la commune d'Ecouen dans les droits qu'elles pourraient faire valoir à l'encontre des sociétés Tras et Valteff.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
ARticle 4 : Les conclusions de la commune d'Ecouen relatives à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à : la S.A.R.L. D.S.C. PROJECTIONS SERVICES, L'ENTREPRISE MARCELINO, la S.A.R.L. "R.P.C.S.", la S.A.R.L. RENOVATION BRIARDE et à la commune d'Ecouen.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Versailles
Numéro d'arrêt : 953743
Date de la décision : 20/01/2000
Sens de l'arrêt : Condamnation de la commune
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - PRIX - REMUNERATION DES SOUS-TRAITANTS -CASous-traitants de second rang - a) Droit au paiement direct - Existence - b) Défaut de régularisaton de l'agrément de sous-traitants de second rang - Responsabilité partagée.

39-05-01-01-03 a) Le contrat de sous-traitance conclu pour l'exécution d'un contrat de sous-traitance d'un marché passé par une collectivité territoriale se rattache au marché principal. Par suite, le sous-traitant de second rang a vocation au paiement direct par le maître d'ouvrage public dans les conditions prévues par le titre II de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, et ne peut invoquer l'action directe ouverte par le titre III de cette loi aux sous-traitants n'entrant pas dans le champ d'application du titre II. b) Le maître d'ouvrage qui a connaissance de l'intervention des sous-traitants d'un sous-traitant sur le chantier doit mettre en demeure le second de faire accepter ses propres sous-traitants et agréer leurs conditions de paiement. En s'abstenant d'y procéder, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité au cas où les sous-traitants de second rang ne pourraient obtenir le paiement de leurs prestations par suite de la défaillance de l'entreprise principale ou de son sous-traitant. La responsabilité du maître d'ouvrage est toutefois atténuée par les fautes commises par l'entrepreneur principal, son sous-traitant et les sous-traitants de second rang en s'abstenant de faire régulariser la situation en temps utile.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 75-1334 du 31 décembre 1975 art. 2, art. 6


Composition du Tribunal
Président : Mme Felmy
Rapporteur ?: Mme Girault
Rapporteur public ?: M. Dayan

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.versailles;arret;2000-01-20;953743 ?
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