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07/05/2024 | FRANCE | N°17/02657

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 07 mai 2024, 17/02657


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :





DÉBATS :

PRONONCE :



AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :









07 Mai 2024

Jérôme WITKOWSKI, président

Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Bruno ANDRE, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Nabila REGRAGUI, greffière

tenu

s en audience publique le 06 Mars 2024

jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, le 07 Mai 2024 par le même magistrat


Monsieur [G] [C] C/ S.A. [4]

N° RG 17/02657 - N° Portalis DB2H-...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

07 Mai 2024

Jérôme WITKOWSKI, président

Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Bruno ANDRE, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Nabila REGRAGUI, greffière

tenus en audience publique le 06 Mars 2024

jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, le 07 Mai 2024 par le même magistrat

Monsieur [G] [C] C/ S.A. [4]

N° RG 17/02657 - N° Portalis DB2H-W-B7B-SSNR

DEMANDEUR

Monsieur [G] [C], demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Lionel THOMASSON, avocat au barreau de Vienne
Non comparant

DÉFENDERESSE

S.A. [4], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP AGUERA AVOCATS, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 8

PARTIE INTERVENANTE

CPAM DU RHONE, dont le siège social est sis Service contentieux général - [Localité 3]
Comparante en la personne de [T] [R], suivant pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

[G] [C]
S.A. [4]
CPAM DU RHONE
la SCP AGUERA AVOCATS, vestiaire : 8
Me Lionel THOMASSON, vestiaire :
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

Me Lionel THOMASSON, vestiaire :
Une copie certifiée conforme au dossier

-
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [G] [C] a été embauché au sein de la société [5] devenue Société [4] en contrat à durée indéterminée en qualité d’employé logistique polyvalent.

Le 23 juin 2016, monsieur [G] [C] a été victime d’une morsure causée par le chien d’un agent de sécurité de la société [4].

Par jugement du 1er avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a :

Déclaré que l’accident de travail survenu le 23 juin 2016 dont monsieur [G] [C] a été victime est imputable à la faute inexcusable de l’employeur ;
En conséquence, avant de dire droit sur l’indemnisation :

Ordonné une expertise médicale de monsieur [G] [C] ;Désigné pour y procéder le Docteur [Y] [E] ; Dit que la caisse primaire d'assurance maladie doit faire avance des frais d’expertise ; Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;Condamné la société [4] à payer la somme de 1.500 euros monsieur [G] [C] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Par ordonnance du 9 février 2023, l’expert initialement désigné a été remplacé par le Docteur [W] [L].

Par ordonnance du 5 mai 2023, l’expert désigné a été remplacé par le Docteur [J] [O].

Le Docteur [J] [O] a rendu son rapport d’expertise établi le 25 octobre 2023.

Sur les postes de préjudice examinés, les conclusions de l’expert sont les suivantes :

Incapacité totale de travail : du 23 juin 2016 au 19 juillet 2016 ;Absence de déficit fonctionnel temporaire total ;Déficit fonctionnel temporaire partiel : 10% du 23 juin 2016 au 19 juillet 2016 ;Déficit fonctionnel permanent : 1% ; Absence d’assistance par une tierce personne ;Pas de perte d’une chance de promotion professionnelle ;Souffrances endurées : 0.5/7 ;Préjudice esthétique : temporaire 1/7 ;Absence de Préjudice d’agrément ;Absence de préjudice sexuel ;Absence de perte de chance de réaliser un projet de vie familiale ;Absence de préjudice exceptionnel.
Par conclusions déposées en vue de l’audience du 06 mars 2024, monsieur [G] [C] demande au tribunal de lui allouer les sommes suivantes :

77,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; 2.000 euros au titre des souffrances endurées ; 1.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ; 3.160 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
Il demande enfin à ce que la société [4] soit condamnée à lui verser 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées et soutenues oralement au cours de l’audience du 06 mars 2024, la société [4] demande au tribunal de :

Débouter monsieur [G] [C] de sa demande formulée au titre du préjudice esthétique permanent ; Réduire à plus justes proportions les demandes formulées au titre du déficit fonctionnel permanent, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire.
Enfin la société [4] demande au tribunal de condamner monsieur [G] [C] à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens afférents à la procédure.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône s’en remet à l’appréciation du tribunal sur le quantum des sommes allouées et demande qu’il soit rappelé que les sommes avancées par elle à la victime seront recouvrées auprès de l’employeur.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur peut prétendre à l'indemnisation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Par décision n  2010-08 QPC du 18 juin 2010, le conseil constitutionnel a en outre reconnu au salarié victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur, le droit de réclamer devant les juridictions de sécurité sociale, outre la réparation des préjudices susvisés, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Monsieur [G] [C], né le 17 juillet 1980 était âgé de 36 ans au moment de l’accident de travail ayant eu lieu le 23 juin 2016.
Aux termes de son rapport, l’expert indique que l’accident de travail a entrainé une perte de substance cutanée de la face postérieure de l’avant-bras droit.
Après consolidation sans séquelles fixée au 19 juillet 2016, l’expert indique que monsieur [G] [C] conserve toutefois de l’accident une cicatrice discète, normochrome, circulaire mesurant environ 15 mm de diamètre outre une légère dysesthésie au contact de la cicatrice.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la convalescence, la privation temporaire des activités privées ou d’agrément auxquelles la victime se livrait habituellement et le préjudice sexuel avant consolidation.

En l’espèce, aux termes de son rapport, le Docteur [J] [O] a retenu :

Une absence de déficit fonctionnel temporaire total ;Un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10% du 23 juin 2016 au 19 juillet 2016 en raison de la cicatrisation de la plaie à l’avant-bras droit.
Ces éléments ne font l’objet d’aucune contestation.

En conséquence, il sera fait droit à la demande formulée par monsieur [G] [C] pour un montant de 77,50 euros.

Sur les souffrances endurées

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime par suite de l'atteinte à son intégrité physique jusqu’à la consolidation, étant précisé que les souffrances endurées après la consolidation sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

En l’espèce, Monsieur [G] [C] conteste le taux fixé par l’expert à 0,5/7 et l’évalue à 1/7 au regard des conséquences psychologiques liées à l’accident de travail.

Or, l’expert a évalué les souffrances endurées à 0,5/7 en tenant compte de la nature des faits et des lésions initiales, des soins prodigués et des douleurs post-opératoires, mais aussi des souffrances psychiques durant la période de soins.

En outre, monsieur [G] [C] ne justifie pas d’une consultation ou d’une prise en charge psychologique particulière.

Vu l’ensemble de ces éléments, les souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 1.000 euros.

Sur le préjudice esthétique

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l’altération de l’apparence physique de la victime avant et après la consolidation.

Avant la consolidation, le préjudice esthétique temporaire a été évalué par l’expert à 1 sur une échelle de 7 en raison des soins et en particulier des pansements de cicatrisation réalisés par une infirmière à domicile tous les deux jours.

Après consolidation, bien que l’expert ne retienne pas de préjudice esthétique permanent, il relève paradoxalement la présence d’une cicatrice « discrète normochrome et circulaire mesurant environ 15 mm de diamètre » au jour de l’examen réalisé le 25 octobre 2023, soit plus 7 ans après la survenance de l’accident survenu le 20 juin 2016. Cette cicatrice se trouve sur l’avant-bras droit de la victime, qui est une partie particulièrement visible du corps, dès lors, ce préjudice doit donc être indemnisé.

En conséquence, ces éléments justifient l’indemnisation du préjudice esthétique subi par monsieur [G] [C] à hauteur de 800 euros.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Aux termes de deux arrêts rendus en assemblée plénière, la Cour de cassation a jugé que le capital ou la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle en application des articles L.434-1 ou L.434-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que la majoration prévue à l’article L.452-2 du même code, ne réparent pas le déficit fonctionnel permanent subi par la victime (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 21-23.947 et n° 20-23.673, publiés).

En cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime est donc fondée à solliciter l’indemnisation complémentaire du déficit fonctionnel permanent en application des dispositions de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par le conseil constitutionnel par décision du 18 juin 2010.

Ce préjudice résulte de la réduction définitive après consolidation du potentiel physique et psychosensoriel ou intellectuel du fait de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales de la victime.

En l’espèce, l’expert retient un taux de 1% de déficit fonctionnel permanent au regard de la subsistance d’une légère dysesthésie au contact de la cicatrice. Monsieur [G] [C] conteste le taux retenu de 1% et propose de le ramener à 2% compte tenu des lésions psychologiques qu’il invoque.

Toutefois, au regard des lésions et de l’absence de consultation psychologique attestée par un document médical, il convient de confirmer le taux de 1% retenu par l’expert.

Le déficit fonctionnel permanent sera donc indemnisé à hauteur de 1 580 euros.

Sur l'action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie

La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, qui assure l’avance des indemnisations ci-dessus allouées à monsieur [G] [C], pourra en poursuivre le recouvrement à l’encontre de la société [4] sur le fondement de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale.

Les frais d'expertise avancés par la caisse seront également mis à la charge définitive de la société [4].

Sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire
La société [4] qui succombe, est condamnée au paiement des entiers dépens, sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur [G] [C] les frais irrépétibles et la société [4] sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient en outre de débouter la société [4] de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 1er avril 2022 ;
Vu le rapport d’expertise du Docteur [J] [O] du 27 octobre 2023 ;

Fixe le montant des indemnités revenant à monsieur [G] [C] aux sommes suivantes :

77,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;1.000 euros au titre des souffrances endurées ;800 euros au titre du préjudice esthétique ;1 580 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
Dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône doit faire l'avance du solde des sommes revenant à la victime en réparation de ses préjudices, au titre des frais d’expertise et qu’elle dispose du droit d'en recouvrer le montant sur la société [4] ;

Condamne la société [4] aux dépens ;

Condamne la société [4] à payer à monsieur [G] [C] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société [4] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 7 mai 2024, et signé par le président et la greffière.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 17/02657
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;17.02657 ?
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