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26/03/2024 | FRANCE | N°21/10670

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 26 mars 2024, 21/10670


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le:
à Maître EOCHE DUVAL

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître BRUDER





8ème chambre
1ère section


N° RG 21/10670
N° Portalis 352J-W-B7F-CU5Y6


N° MINUTE :


Assignation du :
10 Août 2021







JUGEMENT
rendu le 26 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [V] [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Emmanuel BRUDER, avocat au barreau de PAR

IS, vestiaire #E1369


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] représenté par son syndic, la société NEXITY Agence Nation
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Tiphaine...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le:
à Maître EOCHE DUVAL

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître BRUDER

8ème chambre
1ère section

N° RG 21/10670
N° Portalis 352J-W-B7F-CU5Y6

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Août 2021

JUGEMENT
rendu le 26 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [V] [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Emmanuel BRUDER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1369

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] représenté par son syndic, la société NEXITY Agence Nation
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Tiphaine EOCHE DUVAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1383

Décision du 26 Mars 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 21/10670 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU5Y6

Société NEXITY AGENCE [Localité 6] NATION
[Adresse 1]
[Localité 4]

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-Présidente
Madame Elyda MEY, Juge

assistées de Madame Lucie RAGOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 17 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Muriel JOSSELIN-GALL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [V] [D] est propriétaire non occupante d'un appartement situé au premier étage droite d'un immeuble de trois étages, soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, sis au [Adresse 2], dont le syndic est la société Nexity agence [Localité 6] Nation.

Par contrat de location meublée en date du 8 juillet 2014, Mme [D] a loué son appartement à Mme [T] [X]. La locataire a quitté les lieux le 25 mars 2018, après avoir signalé à Mme [D] un dégât des eaux survenu au mois de février 2018.

Mme [D] a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la GMF, le 25 février 2018, le dégât des eaux décrit consistant en des infiltrations par le plafond de sa salle de bains.

Par lettre en date du 22 mars 2018, la GMF a demandé au syndic de lui communiquer les coordonnées de l'assureur de l'immeuble et de procéder à une recherche de fuite.

Après une visite des lieux le 16 mars 2018, la GMF a rendu un rapport définitif normal le 6 avril 2018, qui a constaté "un sinistre dégât des eaux dont l'origine est indéterminée et non réparée le jour de notre passage", se situant au plafond de sa salle de bains.

Par courriel du 5 avril 2018, le syndic a mandaté M. [N], plombier, aux fins de procéder à une recherche de fuite dans l'appartement de Mme [D] et dans l'appartement de Mme [L], propriétaire non occupante de l'appartement du 2ème étage loué à M. [O], situé juste au-dessus de celui de Mme [D].

M. [N] a indiqué au syndic par courriel en date du 7 juin 2018 qu'il n'avait pas pu avoir accès à l'appartement de Mme [D] lors de sa visite sur les lieux, cette dernière l'ayant informé vouloir au préalable aborder la question avec le syndic pour prendre ensuite un rendez-vous avec lui.

Le 2 novembre 2018, Mme [D] a constaté le décollement de la toile de verre au plafond de la salle de bains.

Par lettre en date du 5 décembre 2018 et rappel du 28 décembre 2018, la GMF a demandé au syndic de l'immeuble le rapport de recherche de fuite, la facture de sa réparation et les coordonnées de l'assurance de l'immeuble.

Lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 13 mai 2019, Mme [D] s'est rendue à son appartement et a constaté des coulées noirâtres le long du mur de sa salle de bains en provenance d'une bouche d'aération. Mme [D] a alors remis en mains propres une note relative à son sinistre au représentant du syndic lors de cette assemblée générale. Le compte-rendu de cette assemblée fait état au point d'information n°15 qu'une recherche de fuite est à effectuer chez Mme [D].

Par lettres en date du 14 novembre 2019, Mme [D] et la GMF demandaient à nouveau au syndic les coordonnées de l'assureur de l'immeuble et qu'il soit procédé à une recherche de fuite.

Par courriel en date du 19 novembre, le syndic communiquait au cabinet Elex, expert missionné par la GMF, les coordonnées de l'assureur de l'immeuble, soit la compagnie Allianz, et le numéro de police : MRI/19189.

Par courriel du 19 novembre suivant, le syndic de l'immeuble a missionné l'entreprise de plomberie Foussadier pour une recherche de fuite au 1er étage chez Mme [D] et au 2ème étage chez M. [G], locataire de Mme [L].

La facture de cette entreprise, en date du 26 décembre 2019, fait état de deux interventions de recherche de fuite :

-la première, en date du 27 novembre 2019, concernant les appartements du 1er et second étage, a permis de constater l'effondrement partiel du plafond de la salle de bains de Mme [B] et la présence d'une fuite au niveau des joints d'étanchéité en silicone de la douche de M. [G] et plusieurs points présentant d'importants taux d'humidité dans cet appartement. Ce compte-rendu fait état de la nécessité de continuer les recherches au 3ème étage et sur le toit terrasse ;
- la seconde, en date du 24 décembre 2019, rend compte de la visite de l'appartement du troisième étage appartenant à M. [I] et dont M. [R] était le locataire : aucune trace d'humidité n'a été constatée. Ce compte-rendu fait état de la nécessité d'accéder à la terrasse pour l'inspection des réseaux depuis la toiture-terrasse.

Le 20 février 2020, l'entreprise Foussadier a procédé à une nouvelle recherche de fuite destructive dans l'appartement de Mme [D], au cours de laquelle il a été procédé aux constatations suivantes :

- le piochage de la salle de bains a permis de dégager un conduit de ventilation détérioré et anormalement humide,
- un défaut d'étanchéité des joints en silicone de la douche de M. [G], nécessitant une reprise par un professionnel,
- lors de l'accès au logement occupé par M. [G], il a été constaté une fuite active provenant du logement de M. [R].

Par courrier en date du 28 mai 2020, l'expert désigné par la GMF, le cabinet Elex, a informé Mme [D] de la nécessité d'organiser une réunion contradictoire sur les lieux avec "convocation du/des responsables, comme de leurs assureurs" pour le 26 juin 2020.

Par courriel en date du 28 mai 2020, Mme [D] a convié le syndic de l'immeuble à cette réunion et lui a de nouveau demandé les coordonnées de l'assureur de la copropriété. Le syndic ne s'est pas rendu à la réunion et n'a pas communiqué les coordonnées de l'assureur de la copropriété.

Après ce transport sur les lieux, par courrier en date du 2 juillet 2020, le cabinet Elex, faisant état de ce que les supports "étaient toujours humides près de deux ans après la déclaration de sinistre, attestant que la fuite est toujours active", a demandé au syndic de l'immeuble de "diligenter de toute urgence une recherche de fuite, celle réalisée à l'époque par l'entreprise Foussadier n'ayant pas été concluante".

Par second courrier en date du 2 juillet 2020, le cabinet Elex a demandé au syndic de procéder aux déclarations nécessaires à l'assureur de l'immeuble.

L'entreprise IBRF a alors été mandatée par le syndic pour procéder à une nouvelle recherche de fuite, qui s'est déroulée le 24 juillet 2020. Cette entreprise a rendu son rapport le 27 juillet 2020, elle a conclu que les causes des infiltrations d'eau dans la salle de bain de Mme [D] étaient multiples, pouvant provenir de dégâts des eaux des appartements des deuxième et troisième étage, et d'un mauvais positionnement des chapeaux de couverture des sorties de conduit fumée et de ventilation en toiture terrasse.

Par ordre de service en date du 24 juillet 2020, l'entreprise ITEC a été mandatée par le syndic pour repositionner les chapeaux de couverture des sorties de conduit de fumée en toiture, pour empêcher tout écoulement des eaux pluviales par ces conduits.

Par rapport définitif, de caractère unilatéral, en date du 10 décembre 2020, la GMF a communiqué ses conclusions à son assurée, lui expliquant que sa garantie ne pouvait être mise en œuvre, considérant que la fuite provenant des parties communes était la seule cause du sinistre subi par Mme [D], en raison de l'omniprésence du bistre dans la salle de bain, matériau issu des conduits de cheminée, présentant cet aspect noir et goudronneux.

La GMF a donc invité son assurée, en application de la convention CIDECOP, à se retourner contre l'assureur de la copropriété, débiteur de la prise en charge de l'ensemble des dommages aux parties immobilières privatives, un locataire étant présent lors de la survenance du sinistre.

Le conseil de Mme [D] et celui du syndicat des copropriétaires n'étant pas parvenus à un accord amiable, par exploit du 10 août 2021, Mme [V] [D] a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et son syndic devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de condamnation solidaire à l'indemnisation des travaux de remise en état de son appartement et de son préjudice de jouissance consécutif à sa perte de loyer sur la période où il était inhabitable.

Par ses dernières conclusions en réplique notifiées par voie électronique le 6 février 2023, Mme [D] demande au tribunal de :

"Vu le sinistre dégât des eaux du 25 février 2018 ayant endommagé l'appartement de Madame [D],
Vu le principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage,
Vu les dispositions de l'article 14 de la Loi du 10 juillet 1965,
Vu les dispositions des articles 1240 et suivant du Code Civil,
Juger le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2] responsable du dégât des eaux ayant causé des désordres à l'appartement de Madame [D], nonobstant l'argumentation du Syndicat des Copropriétaires, dont il sera débouté.
Juger que l'absence de diligences, la négligence et les abstentions du syndic, la société NEXITY AGENCE [Localité 6] NATION, constituent des fautes de nature à engager sa responsabilité quant à l'aggravation des préjudices.
Condamner, solidairement, le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 2] et son syndic, la société NEXITY AGENCE [Localité 6] NATION, à réparer les entiers préjudices subis par Madame [D], et, en conséquence, les condamner à payer à cette dernière :
- la somme de 38.000 Euros au titre du préjudice perte de revenus locatifs, pour la période d'avril 2018 à juillet 2021
- la somme de 2.093,70 Euros au titre des travaux de remise en état de la salle de bains et de la cuisine du logement de Madame [D]
- la somme de 350 Euros au titre des frais de constat d'huissier.

Juger que Madame [D], en sa qualité de copropriétaire, ne participera pas au montant des condamnations prononcées à son profit contre le Syndicat des Copropriétaires.
Juger que Madame [D] ne participera pas au coût de la procédure (frais honoraires) occasionné au Syndicat des Copropriétaires par la présente instance, en application de l'avant dernier alinéa de l'article 10-1 de la Loi du 10 juillet 1965.
Condamner, solidairement, le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 2] et son syndic, la société NEXITY AGENCE [Localité 6] NATION à payer à Madame [D] la somme de 4.200 Euros au titre de l'article 700 du CPC, outre aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Emmanuel BRUDER, Avocat aux offres de Droit, dans les termes de l'article 699 du CPC.
Dire que la décision à intervenir sera assortie de l'exécution provisoire".

Au soutien de ses prétentions, Mme [D] fait valoir que :

- le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] est responsable de tout sinistre en provenance des parties communes ou des éléments d'équipement communs, en sa qualité de gardien des parties communes en application de l'article 14 de la loi de 1965 comme en application de la théorie des troubles anormaux du voisinage, car le rapport de la société IBRF a indiqué que les chapeaux de couverture des sorties des conduites canalisent l'eau à l'intérieur de l'un des conduits, ce qui entraîne par temps de pluie une amenée d'eau dans un conduit de ventilation débouchant dans la salle de bain de l'appartement de Mme [D], ce qui explique les coulures noirâtres ;
- le syndic a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil, ayant commis des fautes qui ont concouru à l'aggravation des dommages subis par Mme [D], en faisant preuve d'une particulière négligence quant à la mise en œuvre de la recherche de la fuite, en l'absence de toute diligence pendant 21 mois pour rechercher l'origine de la fuite et en ne déclarant pas le sinistre à son assureur.

Par ses dernières conclusions récapitulatives en défense notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] demande du tribunal de :

"Vu l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l'article 1353 du Code civil,
A TITRE PRINCIPAL
- DEBOUTER Madame [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du Syndicat des copropriétaires sis [Adresse 2] ;
- En conséquence METTRE HORS DE CAUSE le Syndicat des copropriétaires sis [Adresse 2] ;

A TITRE SUBSIDIAIRE
- LIMITER le quantum de toutes condamnations qui seraient prononcées contre le Syndicat des copropriétaires sis [Adresse 2] à 1/3 des condamnations qui seront prononcées au bénéfice de Madame [D], Madame [L] et Monsieur [I] étant chacun responsable à hauteur d'1/3 desdites condamnations compte tenu de l'implication de leurs parties privatives à l'origine des désordres dans l'appartement de Madame [D] ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- CONDAMNER Madame [D] à payer au Syndicat des copropriétaires sis [Adresse 2] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER Madame [D] aux entiers dépens de l'instance".

Au soutien de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] fait valoir que :

- Mme [D] ne démontre pas que le syndicat des copropriétaires soit responsable des désordres constatés dans son appartement dans la mesure où les installations sanitaires privatives fuyardes de l'appartement de Mme [L] au 2ème étage et la fuite active du réseau d'eau chaude provenant de l'appartement de M. [I] au 3ème étage sont la cause exclusive du dégât des eaux ;
- Mme [D] ne démontre pas que le chapeau en toiture est à l'origine du dégât des eaux survenu en 2018, ni que ledit chapeau en toiture soit la cause unique et exclusive de ces désordres,
- A titre subsidiaire, la responsabilité du syndicat des copropriétaires doit être limitée à l'indemnisation du tiers des préjudices allégués par Mme [D] ;
- En interdisant l'accès de l'appartement en 2018 à M. [N], plombier qu'elle n'a jamais recontacté par la suite, elle a fait part d'une négligence qui a retardé le diagnostic sur l'origine du dégât des eaux ;
- Le quantum du préjudice quant à l'absence de relocation de l'appartement n'est pas justifié, car Mme [D] aurait pu procéder à sa remise en état dès le 27 septembre 2020, date à laquelle M. [I] a achevé la réparation de ses installations sanitaires fuyardes à l'origine des désordres.

Compte tenu du défaut de constitution en défense de la société Nexity Agence [Localité 6] Nation, syndic, il sera ainsi statué par jugement réputé contradictoire à son égard.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été close par ordonnance du 22 mai 2023, et fixée à l'audience du 17 janvier 2024, puis mise en délibéré au 26 mars 2024, date à laquelle il a été mis à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la demande principale en indemnisation

Sur l'origine des désordres et les responsabilités engagées

L'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : "La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. Le syndicat peut revêtir la forme d'un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi. Il établit, s'il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété. Il a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires"

L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que "chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble".

L'article 544 du Code civil dispose "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".

Il résulte de l'article 544 du code civil que l'exercice du droit de propriété, même sans faute, est générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage. Le propriétaire est donc responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage provenant de son fonds.
De par leur nature et leur intensité, les nuisances constituées par des dégâts des eaux excèdent les inconvénients normaux du voisinage et engagent la responsabilité des propriétaires des installations sanitaires fuyardes.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".

L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que "I. Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le règlement d'administration publique prévu à l'article 47 ci-dessous :
(...) - d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ;(...)"

L'article 9 du code de procédure civile dispose que "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention"

Sa responsabilité au titre d'un trouble anormal du voisinage suppose que soit établi un lien de causalité entre le désordre causé par la partie commune dont le syndicat est propriétaire et le préjudice subi.

En application des textes sus-visés, le syndic, investi du pouvoir d'administrer et conserver l'immeuble en copropriété, est responsable, à l'égard de chaque copropriétaire, sur le fondement quasi-délictuel, des fautes commises dans l'exercice de sa mission. (Civ. 3ème, 6 mars 1991, n°89-18.758)
Toutefois, cette responsabilité suppose nécessairement qu'une faute causant un préjudice direct et personnel, dont la preuve doit être rapportée par le copropriétaire demandeur, puisse être retenue à l'encontre du syndic.

Sur ce

A titre liminaire, il sera observé qu'il n'est pas contesté que Mme [D] a subi un dégât des eaux dans son appartement dû à un écoulement au niveau du plafond de sa salle de bains.

Il convient par ailleurs de rappeler que Mme [D] a déclaré ce sinistre à son assureur le 25 février 2018 et le syndic, sur demande de la GMF, a mandaté le 5 avril 2018 un plombier pour procéder à une recherche de fuite, qui n'a pu se réaliser car ce dernier n'a pas eu accès à l'appartement.

La recherche de fuite et la visite des lieux par un professionnel n'a pu être effective que le 27 novembre 2019, lors de la première visite de l'entreprise Foussadier.

La constatation des désordres causés par cette fuite entre le 25 février 2018 et le 27 novembre 2019 ne procède donc que des photographies des lieux effectuées par Mme [D] et de ses déclarations unilatérales à son assureur et au syndic.

La première fois où Mme [D] expose avoir pu constater les coulées noirâtres qu'elle attribue au défaut de positionnement des chapeaux en toiture, c'est lors de sa visite dans son appartement lors de l'assemblée générale annuelle des copropriétaires, soit le 13 mai 2019. Elle fournit au soutien de ce constat une photographie prise par ses soins.

L'entreprise de plomberie Foussadier, lors de ses interventions du 27 novembre et du 24 décembre 2019, a procédé à plusieurs constatations :

- l'effondrement partiel du plafond de la salle de bain de Mme [D] ;
- des traces d'infiltrations à 100% d'humidité au plafond et au mur jouxtant la gaine de ventilation ;
- au 2ème étage, au-dessus de la salle de bains de Mme [D], une fuite au niveau des joints d'étanchéité en silicone de la douche utilisée par le locataire de l'appartement, M. [G].

Cette même entreprise, lors de la recherche de fuite destructive le 20 février 2020, s'est de nouveau rendue au logement occupé par M. [G] au deuxième étage et a constaté une nouvelle fois "un défaut d'étanchéité sur les joints en silicone de la douche, déjà réparé par le locataire. Ces joints doivent absolument être refaits par un professionnel afin de garantir leur parfaite réfection". Lors de cette visite, l'entreprise Foussadier a également constaté une fuite active en provenance du logement du 3ème étage.

Le 24 juillet 2020 une troisième entreprise mandatée par le syndic, la société Investigation bâtiment et recherche de fuites (IBRF), est intervenue dans l'appartement de Mme [D].

Elle avait pour mission de :

"a) déterminer si les traces d'humidité qui apparaissent en plafond de la salle d'eau de l'appartement de Mme [D] au 1er étage droite proviennent des appartements de Mme [L] du 2ème étage, de M. [I] du 3ème étage et/ou de la toiture terrasse de la résidence.

b) déterminer si les venues d'eau qui apparaissent en plafond de la salle d'eau de l'appartement de Mme [L] au 2ème étage droite proviennent de l'appartement de M ; [I] au 3ème étage de la résidence"

Aux termes de son rapport communiqué le 27 juillet 2020, les désordres apparents dans l'appartement de Mme [D] et décrits par IBRF, photographies à l'appui de ses constatations sont les suivants : "Salle d'eau : Des traces d'infiltration se manifestent en partie courante du plafond" ; "observation : A l'étage, les traces d'infiltration correspondent à l'implantation de la salle d'eau de l'appartement de Mme [L] au 2ème étage droite de la résidence".

Les désordres décrits dans la salle d'eau de Mme [L] par l'entreprise IBRF sont les suivants : "Salle d'eau : des traces d'infiltration se manifestent en partie courante du plafond" ; "Observation : à l'étage, les traces d'infiltration correspondent à l'implantation de la salle d'eau de l'appartement de M. [I] au 3ème étage droite de la résidence et plus particulièrement du ballon d'eau chaude".

L'entreprise IBRF s'est ensuite rendue sur la toiture terrasse et a constaté que " l'un des chapeaux de couverture des sorties de conduit canalise l'eau à l'intérieur d'un conduit ", et que ce conduit d'évacuation, de type conduit de fumée, débouchait dans la salle d'eau de Mme [D].

Les conclusions du rapport de l'entreprise, en réponse aux questions posées, ont été les suivantes :

- les traces d'humidité qui apparaissent au plafond de la salle d'eau de l'appartement de Mme [D] au 1er étage droit proviennent :
° Du réseau d'alimentation d'eau chaude de l'appartement de M. [I] du 3ème étage via la salle d'eau de l'appartement de Mme [L] du 2ème étage.

° D'un défaut de mise en œuvre des chapeaux de couverture des sorties de conduit de fumée et de ventilation en toiture terrasse.

- les venues d'eau qui apparaissent en plafond de la salle d'eau de l'appartement de Mme [L] au 2ème étage droit de la résidence proviennent d'un défaut d'étanchéité du réseau d'alimentation d'eau chaude sanitaire de l'appartement de M. [I] au 3ème étage droite de la résidence.

L'entreprise IBRF a ainsi conclu à une triple causalité des désordres occasionnés dans la salle de bains de Mme [D] : l'installation fuyarde du ballon d'eau chaude dans l'appartement du troisième étage, s'écoulant par la salle de bains de l'appartement du deuxième étage comportant également des installations sanitaires fuyardes, et l'écoulement des eaux pluviales par le conduit d'aération situé sur le toit terrasse, dont le chapeau était mal positionné.

Cette conclusion est concordante, pour partie, avec les constatations effectuées par l'entreprise Foussadier, intervenue à trois reprises sur les lieux le 27 novembre, le 24 décembre 2019 et le 20 février 2020, aux termes desquelles la douche utilisée par le locataire de l'appartement du 2ème étage, juste au-dessus de la salle de bains de Mme [D], présentait un défaut d'étanchéité en raison des joints de silicone impropres à la garantir.

L'entreprise ITEC a repositionné le chapeau de couverture mal installé du conduit de fumée en toiture le 2 septembre 2020.

Le 29 septembre 2020, M. [I] a adressé au syndic une facture correspondant à la réparation le 27 septembre 2020 de ses installations fuyardes à l'origine des désordres dans l'appartement de Mme [D].
Enfin, l'expert en assurances de la GMF, assureur de Mme [D], a procédé à trois visites de son appartement entre le 16 mars 2018 et le 10 novembre 2020, et a rendu son rapport le 7 décembre 2020.

Ce rapport souligne que la responsabilité de la copropriété est engagée, au soutien d'un raisonnement qui élude la garantie de l'assureur. Néanmoins, les commentaires au soutien de cette conclusion sont moins affirmatifs. En effet, sur les circonstances du sinistre il fait les observations suivantes : "Sinistre dégâts des eaux en date du 25/02/2018 consécutif à de multiples origines de fuite en provenance des parties communes et privatives ayant engendré des dommages aux embellissements au sein de la salle de bain de l'appartement de Mme [D], copropriétaire non occupant d'un logement vacant au 2ème étage de l'immeuble en copropriété, administré par le cabinet Nexity Nation".

L'expert reprend ensuite en les conclusions du rapport de l'entreprise IBRF en les synthétisant comme suit : "Cause 1 : Fuite sur le réseau d'alimentation d'eau chaude sanitaire localisé au sein de l'appartement de M. [I], copropriétaire non-occupant au 3ème étage. Cause 2 : Défaut de mise en œuvre d'un chapeau de cheminée".

Il procède enfin aux conclusions suivantes : "Selon nos constatations, il semblerait que seule l'origine de fuite numéro 2 soit à l'origine des dommages dans la salle de bain de l'appartement de Mme [D], en effet, nous avons pu constater l'omniprésence de bistre au sein de ladite salle de bain. Pour rappel le bistre, se situe dans les conduits de cheminée, et se présente d'aspect noir et goudronneux. CONCLUSIONS : La garantie n'étant pas acquise au titre de votre contrat, aucune indemnité ne peut être débloquée. De plus, conformément à l'application de la convention CIDECOP, un locataire étant présent à la survenance du sinistre il revient à la police d'assurance de la copropriété de prendre en charge l'ensemble du dommage aux parties immobilières privatives. Nous faisons ce jour un courrier en conséquence".

Il s'en évince le caractère hypothétique de ces conclusions, dans la mesure où son exclusion de garantie est fondée sur une impression, exprimée au conditionnel.

S'agissant en premier lieu du syndicat des copropriétaires, au regard des constatations effectuées par les diverses sociétés intervenues, précitées, Mme [D], à qui incombe la charge de la preuve, ne parvient pas à établir avec certitude si le désordre au titre duquel elle sollicite l'engagement de la responsabilité du syndicat et demande réparation, soit la chute partielle du plafond de sa salle de bain rendant l'appartement impropre à la location, est du, ne serait-ce que pour partie, à l'écoulement des eaux pluviales provenant du chapeau mal positionné en toiture, partie commune.

Aucun des rapports amiables versés au débat ne permet au tribunal d'établir avec certitude ce lien de causalité, étant relevé qu'aucune expertise judiciaire n'a été sollicitée.

De plus, il ressort des constatations effectuées que deux autres installations fuyardes, situées au deuxième et au troisième étage dans des parties privatives, juste au-dessus de la salle de bains où s'est produit le sinistre, ont pu être à l'origine d'un écoulement d'eau en sa direction, sachant que les coulures de bistre n'ont pu être constatées unilatéralement par Mme [D] qu'au mois de mai 2019.

Mme [D] ne parvenant pas à établir que le mauvais positionnement des chapeaux en toiture est à l'origine de la chute partielle du plafond de sa salle de bain, la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne saurait être engagée, que ce soit au visa de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ou en application de la théorie des troubles de voisinage ; elle sera en conséquence déboutée de son action en responsabilité contre le syndicat des copropriétaires.

S'agissant en second lieu du syndic, à l'encontre de qui Mme [D] reproche une incurie dans la gestion de son sinistre, il ressort de l'examen des pièces versées au débat qu'entre le mois de février 2018, date de survenance du sinistre, et le 27 juillet 2020, date de communication du rapport de l'entreprise IBRF, le syndic de l'immeuble a mandaté quatre sociétés pour procéder à des recherches de fuite.

Ainsi et d'une part,dès le 5 avril 2018, Nexity a mandaté M. [N] pour une recherche de fuite. Lors de sa demande de retour de l'ordre de service par mail du 6 juin 2018, le syndic a appris par courriel du plombier que "l'intervention n'a pas eu lieu car nous n'avons pas eu l'accès. Mme [D] voulait d'abord voir avec vous et ensuite devait nous rappeler pour prendre un rendez-vous. Aucune nouvelle depuis" (pièce 8 défendeur). Mme [D] allègue que le plombier devait la recontacter, mais elle ne produit aucun document de nature à infirmer l'écrit de M. [N].

D'autre part, par demande d'intervention prioritaire en date du 24 juillet 2020, le syndic a immédiatement mandaté une entreprise de couverture pour repositionner les chapeaux chinois pour que cesse le déversement dans le conduit adjacent, dès qu'elle a eu connaissance de ce désordre, avant même d'avoir communication du rapport de l'entreprise IBRF, daté du 27 juillet 2020.

Enfin, Mme [D] indique que le syndic ne lui a jamais communiqué les coordonnées de l'assureur de la copropriété. Il ressort néanmoins des pièces communiquées par le défendeur que par mail en date du 19 novembre 2019, Nexity a communiqué à l'expert amiable du cabinet Elex, mandaté par la GMF, les coordonnées de l'assureur de l'immeuble et le numéro de sa police d'assurance.(cf pièce 9 défendeur)

Par conséquent Mme [D], à qui incombe la charge de la preuve, ne parvient pas à établir que le cabinet Nexity ait commis une faute dans la gestion du sinistre litigieux, ni de surcroît qu'une telle faute, à la supposer avérée, serait à l'origine des préjudices dont elle réclame l'indemnisation.

Elle sera déboutée de sa demande indemnitaire à l'égard du syndic.

Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [D], partie perdante au procès, sera condamnée au paiement des entiers dépens de l'instance.
Compte tenu du sens de la présente décision, Mme [D] sera déboutée de sa demande de dispense des frais de procédure au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Tenue aux dépens, Mme [D], sera en outre condamnée à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] la somme de 2.000 euros à ce titre.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, la nature des condamnations prononcées et l'ancienneté du litige justifient que l'exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,

DEBOUTE Mme [V] [D] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Mme [V] [D] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [V] [D] de sa demande de dispense des frais de procédure au titre de l'article 10-1 de la loi de 1967 ;

CONDAMNE Mme [V] [D] aux dépens ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 26 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/10670
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;21.10670 ?
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